Texte intégral
Monsieur le Président,
Il nous reste une semaine de travail avant Salonique. Certains pourraient s'accommoder d'un compromis minimal. Nous ne l'accepterons pas. Mieux vaut pas de Constitution qu'un mauvais compromis.
Or, les défis à relever sont immenses :
- le monde a changé : il est dangereux, désorganisé, déshumanisé ; il y a, partout, des peuples qui attendent que l'Europe prenne ses responsabilités ;
- l'Europe a changé : le passage de quinze à vingt-cinq représente un bouleversement dont il faut prendre la véritable mesure ;
- les Européens ont changé : ils veulent davantage d'Europe, ils attendent d'elle sécurité, prospérité, solidarité. L'idéal européen mobilise nos peuples. Si nous ne répondons pas, ils nous le rappelleront.
Notre Convention doit être à la hauteur de ces enjeux. C'est notre responsabilité.
Ne cherchons pas les solutions dans le passé, refusons le statu quo.
Rejetons la frilosité et le repli sur des intérêts nationaux. Echappons aux compromis boutiquiers ou au mirage des options.
Ne nous résignons pas à une Europe impuissante et spectatrice du monde.
Sachons surmonter nos divergences et utiliser la dynamique de la Convention pour faire preuve d'inventivité et parvenir à un accord. Car nous savons que la conférence intergouvernementale ne saura réussir là où la Convention aura échoué. Attendons-nous alors à une Conférence intergouvernementale très longue, car elle ne pourrait pas s'achever sans un résultat ambitieux marquant un réel progrès pour l'Europe.
Le Praesidium a le courage de défendre une vision et une ambition :
- un président stable du Conseil européen,
- une Commission plus politique et plus collégiale,
- un ministre des Affaires étrangères européen, pour une voix européenne unique sur la scène internationale, dont tous les événements récents nous ont montré qu'elle faisait cruellement défaut,
- davantage de majorité qualifiée pour des décisions plus efficaces.
Ces propositions permettront de sortir de l'impasse institutionnelle :
- Prenons l'exemple du Conseil Affaires générales : il ne marche pas. Nous nous retrouvons chaque mois, mais avec quel résultat ? Pour décider quoi ?
- Quant à la Commission : qui peut sérieusement croire qu'il y a un risque de conflit avec le Conseil ? Qui veut remettre en cause l'intérêt général européen qu'elle incarne ?
Mais ne limitons pas nos débats aux seules institutions. N'oublions pas ce qui fait la force du projet européen : ses politiques et ses actions. Avançons sur la recherche, l'éducation, les services publics, l'emploi, la politique économique, la politique étrangère et la défense... Voilà ce qu'attendent les citoyens, il y a urgence.
Aujourd'hui, il y a des pays qui ne se résignent pas à l'impuissance, résolus à être à la hauteur de ces défis, convaincus que l'Europe doit réussir sa métamorphose. Et je tiens à saluer tout particulièrement le président de la Convention pour sa détermination et son exigence, lui qui le premier a mesuré l'importance historique de notre rendez-vous.
Comment pourrions-nous nous satisfaire d'une Europe au rabais ? Nous avons à défendre une vision, des valeurs, des intérêts communs... et nous les défendrons.
La véritable question est plutôt : le ferons-nous tous ensemble dans un espace commun, ou quelques-uns doivent-ils, dans cet espace, prendre l'initiative et la responsabilité d'ouvrir le chemin ? D'une manière ou d'une autre, je veux vous dire ma conviction, l'Europe avancera.
Aujourd'hui, nous le voyons bien, nous sommes menacés par une crise. Il faut que notre Convention se retrouve et se rassemble. Il lui reste quelques jours pour le faire et la France, à travers ses représentants, veut y contribuer. N'oublions jamais que nous ne faisons pas l'Europe pour dix ans, mais pour nos enfants, nos petits enfants, et pour plusieurs générations.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 juin 2003)