Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, dans "Sud-Ouest" du 6 novembre 2003, sur la préparation des élections régionales de 2004 notamment la constitutions de listes électorales distinctes de l'UMP.

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Média : Sud Ouest

Texte intégral

Cette fois, vous êtes officiellement candidat aux élections régionales en Aquitaine ?
Oui, j'ai décidé de l'être parce que la région mérite d'être mieux défendue qu'elle ne l'est.
Pourtant, vous avez manifestement d'autres ambitions au niveau national ?
Je suis aquitain, et la région souffre d'un vrai problème. Depuis des années, le retard accumulé ici est insupportable pour les habitants de l'Aquitaine. Il suffit de prendre la route entre Pau et Bordeaux ou entre Périgueux et Agen. C'est honteux ! Nous souffrons d'un problème de représentation de l'Aquitaine auprès des décideurs successifs.
Par ailleurs, quand j'ai réfléchi à ma candidature, je me suis posé cette question toute simple : en Aquitaine, qu'est-ce que le Conseil régional offre comme services ou comme chances aux Aquitains qu'on n'offre pas dans les autres régions ? Je dois vous avouer que je n'ai pas trouvé ! En réalité, les politiques menées sont à peu de chose près les mêmes que celles pratiquées ordinairement par les autres Conseils régionaux.
Et vous, que proposez-vous ?
Je proposerai des politiques nouvelles, concrètes, pour garantir aux Aquitains des chances dans leur vie qui seront un plus par rapport aux autres. Il faut que l'Aquitaine ait à sa tête une équipe qui la défende et qui soit capable de penser des actions nouvelles, pour que ce soit mieux de vivre en Aquitaine qu'ailleurs.
A quelle équipe pensez-vous ?
Vous le verrez au cours de la campagne. Il y aura du nouveau. Je peux, d'ores et déjà, indiquer qu'on verra sans doute Jean Dionis du Séjour et Daniel Soulage en Lot-et-Garonne, Jean-Jacques Lasserre dans les Pyrénées-Atlantiques.
Et vous vous présenterez en Gironde ?
Tout le monde m'en parle. Pourquoi pas ? Mais je suis aussi un Pyrénéen.
Vous parliez de Bordeaux-Pau. Que ferez-vous de plus ?
La décision de construire une autoroute a été prise en 1996 par le gouvernement. La région a changé de mains en 1998, et il y a eu une négociation interminable entre le PC, le PS et les Verts pour refuser l'idée d'une autoroute, et cela dure encore. Ils ont repoussé la décision, le gouvernement étant très content de ne pas avoir d'argent à dépenser. Ceci est une faute contre les Aquitains. Je veux, sur ce sujet, qu'on abandonne les tergiversations.
La publication du nom des chefs de file UDF pour les élections régionales signifie-t-elle la rupture avec l'UMP ou une ouverture pour d'éventuelles négociations ?
Ni l'un ni l'autre. Les problèmes de la France sont si lourds, aujourd'hui, que les politiques doivent prendre leurs responsabilités s'ils en ont le courage. Les Français voient s'éloigner les promesses du printemps 2002. Ils croyaient qu'on avait tourné la page de l'impuissance politique. Ils sont profondément troublés de voir des décisions contradictoires prises tous les jours. Ils doivent pouvoir manifester leur volonté de recadrage et ne pourront le faire qu'à la seule élection au suffrage universel que sont les régionales de 2004.
Les négociations ne sont que des accords entre appareils. Ce n'est pas du tout adapté à la situation d'aujourd'hui. J'ai voulu que l'UDF pose la question : quel est le meilleur moyen de faire entendre le message des Français ? Est-ce l'union, comme depuis vingt-cinq ans, ou le pluralisme ? Ma conviction est faite, mais je veux en débattre avec les Français et les Aquitains.
Il y a des régions, comme PACA, où votre stratégie risque de faire le jeu du Front national...
C'est évidemment un élément à prendre en compte, mais on ne s'est pas demandé pourquoi cette région, où l'on pratique l'union depuis vingt ans, est celle où le Front national est le plus fort.
L'UMP fait pourtant une ouverture avec son " code de bonne conduite " ?
J'ai connu ça entre Balladur et Chirac. C'est ce qu'on fait quand on veut repeindre la façade. Je ne suis pas dans cette démarche, je suis pour la clarté sans maquillage.
Xavier Darcos est toujours prêt à vous laisser la tête d'une liste d'union ?
Tout cela, ce sont des arrangements de partis. Je ne me reconnais pas bien dans la politique du gouvernement, et il serait malhonnête de ma part d'en revendiquer l'étiquette. Ce n'est pas Xavier Darcos qui est en cause. Je ne lui retirerai rien de mon amitié. Au second tour, c'est différent, les électeurs auront exprimé leur préférence et leur choix.
Si vous êtes élu, vous devrez aussi maintenir des liens avec le maire de Bordeaux... ?
Alain Juppé est un homme de valeur. En dépit de nos différences et, parfois, de nos affrontements, j'ai toujours voulu maintenir avec lui des liens de confiance. Il n'y a pas d'Aquitaine en bonne santé si Bordeaux ne va pas bien. Alain Juppé fait à Bordeaux des choses très utiles, et j'ai tout à fait l'intention de l'aider.
Propos recueillis par Jean-Pierre Deroudille

(Source http://www.udf.org, le 10 novembre 2003)