Déclaration de M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche, sur le rôle central de la recherche dans la lutte contre le cancer, Paris le 29 avril 2004.

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Circonstance : 2èmes rencontres parlementaires sur le cancer à Paris le 29 avril 2004

Texte intégral

Madame la Déléguée interministérielle,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous cet après-midi et de pouvoir ainsi contribuer au travail de bilan et de réflexion qui est conduit pendant ces deuxièmes rencontres parlementaires sur le cancer. Les quatre tables rondes qui structurent cette journée abordent les questions qui sont au coeur de la lutte contre le cancer, prise en compte dans sa globalité par le Plan cancer lancé il y a un peu plus d'un an :
- l'investissement sur la prévention, notoirement insuffisant dans notre pays ;
- la place des malades, usagers, consommateurs ou bien partenaires à part entière, dans le système de soins ;
- les déterminants de l'égalité d'accès aux soins, dans le contexte critique que connaît l'assurance maladie ;
- enfin la place de la recherche, ses moyens et les structures qui lui donneront les meilleurs conditions de performance, en termes de retour vers les patients.
Toutes ces questions, souvent difficiles, ont été ou vont être abordées par des experts, des représentants d'institutions ou d'associations de patients, que je remercie pour leur mobilisation. En tant que Ministre délégué à la recherche, c'est naturellement sur la question de la recherche que je voudrais apporter une contribution, avec peut-être l'optimisme et l'ambition que me permettent tout juste plus de trois semaine d'exercice de cette nouvelle fonction, et surtout une sérénité retrouvée au sortir d'une période de grands remous dans le monde de la recherche.
Je voudrais donc affirmer d'entrée ma conviction de la place essentielle de la recherche, et de l'ensemble des laboratoires dont mon ministère assume la tutelle, dans la lutte contre le cancer. Au cours des deux dernières décennies, des avancées majeures dans le diagnostic, le pronostic et le traitement du cancer, ont directement résulté des avancées de la recherche la plus cognitive. La recherche, dans ses différents aspects - fondamentale, " translationnelle " ou clinique - est porteuse des plus grands espoirs et doit être confortée. Le ministère chargé de la recherche en est convaincu et l'a démontré en s'investissant dès la première heure dans la Plan cancer voulu par le Président de la République.
Ce rôle central de la recherche peut se justifier par une équation simple, en termes de réduction de la mortalité liée au cancer. En effet un consensus, établi parmi les médecins et les scientifiques, estime que cette mortalité pourrait être réduite environ
- d'un quart en diminuant l'exposition de la population à des facteurs de risque connus, tels le tabac, le soleil, certaines infections, ou certaines habitudes alimentaires ;
- et d'un second quart en améliorant le dépistage avec les moyens actuels, par exemple pour le cancer du sein, et en optimisant l'accès aux soins.
Il reste donc une moitié de la marge d'amélioration de la mortalité qui est strictement dépendante de la recherche et de l'innovation, que ce soit par l'identification d'autres facteurs de risque, par la mise au point de nouveaux outils de dépistage et de diagnostic, ou par le développement de traitements innovants.
La complexité du cancer et la multiplicité des voies possibles de progrès imposent une approche pluridisciplinaire de la recherche sur le cancer. Ceci suppose une multiplicité d'acteurs, ce qui a peut-être contribué, par le passé, à un manque de visibilité de l'ensemble des actions menées et des résultats globaux obtenus. Dans le seul domaine de la biologie, sont en effet directement impliqués les médecins cliniciens des CHU, des centres anti-cancéreux et du secteur privé, les chercheurs des universités, du CNRS, de l'INSERM et du CEA et un ensemble important de forces issues du secteur industriel. Les fondations, comme l'Institut Curie, et associations caritives, comme l'ARC et la Ligue contre le Cancer, jouent également un rôle essentiel, non seulement par le soutien des recherches initiées dans les laboratoires ou les services hospitaliers, mais aussi par la capacité d'impulsion et de structuration, en soutenant de grands projets thématiques comme le programme de " Carte d'identité des tumeurs ".
Les réflexions, notamment au sein de la Commission d'orientation sur le cancer, qui ont conduit à l'élaboration du Plan cancer ont parfaitement identifié la nécessité d'avoir une vision intégrée et plus lisible de la recherche sur le cancer. Cette vision doit conduire les différents acteurs à dialoguer et à élaborer en commun des programmes de recherche d'envergure, dont les résultats pourront être rapidement utilisés pour améliorer les pratiques médicales en matière de prévention, de dépistage, de diagnostic et de soins.
Ces ambitions scientifiques et médicales seront bientôt portées par l'Institut national du cancer et déjà, dès le lancement du Plan cancer, une nouvelle impulsion à la recherche a été donnée par les cancéropôles. Les cancéropôles se définissent comme des structures opérationnelles, associant laboratoires et services cliniques de cancérologie. Ils sont organisés autour de projets qui couvrent les trois grandes priorités d'action identifiées dans le Plan cancer : la recherche en épidémiologie et en sciences sociales, la recherche en biologie et en génomique fonctionnelle des tumeurs et la recherche clinique.
A la suite d'un premier appel à propositions, lancé au printemps 2003, sept cancéropôles, construits à l'échelle d'une région ou d'une association de régions, ont été identifiés et financés dès 2003 à hauteur de 16 millions d'euros. Ces premiers financement avaient pour but de favoriser la structuration et l'équipement des cancéropôles.
Un second appel à propositions a été lancé au début de l'année 2004 : il vise à recueillir, sur un mode de mise en concurrence, les projets de recherche les plus mûrs issus des cancéropôles identifiés précédemment. Dans cette première vague, plus de 70 projets ont été soumis. Ils sont en cours d'évaluation et les meilleurs seront financés dès 2004.
Dans cette évaluation, nous attachons la plus grande importance au transfert rapide des connaissances vers les malades. L'image d'une recherche qui part du malade - par l'analyse spécifique de la biologie tumorale, voire des caractères individuels génétiquement déterminés de chaque patient - recherche qui part donc du malade pour revenir vers le malade - sous forme d'un outil diagnostic ou d'un traitement innovant - cette image d'un cercle vertueux, qui dynamise le progrès médical en cancérologie, est au coeur de l'ambition scientifique que nous voulons porter. Cette ambition doit naturellement s'appuyer aussi sur les partenariats industriels, notamment dans le domaine des biotechnologies, et l'existence de telles synergies sera également un critère très favorable dans l'évaluation en cours des projets de recherche.
Mon ambition est d'augmenter rapidement, l'ampleur du soutien financier aux projets élaborés au sein des cancéropôles. C'est en effet dans les cancéropôles, qui seront à terme labellisés, coordonnés et financés par l'Institut national du cancer, que sera conduite la majeure partie de l'activité de recherche, en s'appuyant notamment sur les équipes des universités, de l'INSERM et du CNRS et sur les services cliniques les plus investis dans l'innovation.
L'Institut national du cancer doit donc, dès sa mise en place, jouer un rôle pivot dans la politique de recherche sur le cancer. Au-delà de son articulation avec les cancéropôles, l'Institut national du cancer devra élaborer des actions de coordination et d'incitation, au niveau national, ouvertes à l'ensemble des laboratoires ou services cliniques.
Ces actions concerneront par exemple des problématiques nécessitant un fort interface entre la physique, la chimie et la biologie, comme l'imagerie moléculaire, ou bien des domaines transversaux à renforcer, comme la recherche clinique.
Pour assurer ses missions de pilotage stratégique de la recherche et d'évaluation scientifique des projets, l'Institut national du cancer devra bien sûr s'appuyer fortement sur la communauté scientifique, à la fois française et internationale. Déjà des médecins et des scientifiques de haut niveau, tels les Professeurs François Amalric, David Khayat, Gilbert Lenoir, Daniel Louvard, Dominique Maraninchi, Jacques Pouyssegur ou François Sigaux, ont contribué à ces missions, en tant que membres de la Commission d'orientation sur le cancer, puis au sein des comités scientifiques mis en place dans les premières étapes du Plan cancer.
Je souhaite vivement que cette implication de la communauté scientifique se prolonge au sein de l'Institut national du cancer, au travers d'instances dédiées à la stratégie et à l'évaluation, en mobilisant les meilleurs scientifiques français et étrangers, afin de proposer et permettre le suivi d'une politique ambitieuse et clairvoyante.
Comme je l'ai souligné en mentionnant les multiples acteurs de la recherche sur le cancer, l'Institut national du cancer n'aura pas vocation à substituer à eux. Ils seront présents dans les instances constitutives de l'Institut, qui répond pour moi à un besoin d'efficacité pour le succès rapide d'un plan ambitieux.
Il ne faut cependant pas perdre de vue que, comme nous l'avons montré par notre engagement à reprendre très vite un dialogue constructif avec les chercheurs, François Fillon et moi-même nous plaçons résolument au coeur d'une réflexion active sur l'avenir de la recherche dans notre pays. Cette réflexion doit aboutir, d'ici la fin de l'année, à l'élaboration d'un projet de loi d'orientation et de programmation pour la recherche.
Nos structures de recherches et nos modes de gestion, figés depuis de trop nombreuses années, devront nécessairement évoluer pour nous adapter à une compétition internationale de plus en plus féroce. Dans ce contexte, la mise en place prochaine de l'Institut national du cancer doit être regardée comme une expérimentation dont le déroulement doit enrichir notre réflexion. La dynamique de modernisation qui sera inscrite dans la future loi devra tenir compte du retour d'expérience de l'Institut national du cancer et l'Institut devra également savoir s'inscrire dans la dynamique qui sera dessinée par la loi.
Mesdames et Messieurs, la recherche est reconnue aujourd'hui comme un investissement d'avenir que le Gouvernement auquel j'appartiens entend privilégier. Cet investissement concerne d'abord les malades qui sont touchés par cette terrible maladie et concerne leur entourage. Mais c'est aussi l'ensemble de notre société, par les retombées de la recherche en termes de croissance économique, en terme d'amélioration de l'emploi, qui bénéficie de l'investissement sur la recherche.
Je suis confiant dans la capacité des scientifiques, qui sont les forces vives de notre pays dans cette compétition, à rester mobilisés pour permettre à la recherche d'atteindre les objectifs ambitieux que nos concitoyens sont en droit d'exiger de nous.

(source http://www.recherche.gouv.fr, le 24 mai 2004)