Conférence de presse de MM. François Hollande, premier secrétaire du PS, et Eric Besson, secrétaire national à l'économie du PS, sur les mauvais choix des gouvernements Raffarin en matière économique et fiscale et les propositions du parti de soutien à la consommation, de rénovation des prélèvements, de politique active de l'emploi, Paris le 6 mai 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Deux ans après : l'impasse
Il y a maintenant deux ans presque jour pour jour que le gouvernement Raffarin est installé, disposant de tous les leviers du pouvoir. Il nous est apparu nécessaire de revenir sur sa propre responsabilité. Longtemps il s'est défaussé sur le passé, l'héritage, soit sur l'environnement, la conjoncture internationale. En fait, il est pleinement responsable des choix faits comme des résultats constatés.
L'audit de la maison France, celui qu'on nous a refusé démontre que le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN a perdu ses trois paris :
Celui de la croissance, la plus faible de tous les pays européens
Celui de l'emploi, puisque le chômage reprend sa progression depuis 18 mois
Celui des finances publiques, qui échappent à toute maîtrise.
A l'aune de ces trois objectifs, la France fait figure de mauvais élève européen et même de cancre de la classe au sein de l'OCDE. Cet échec économique et social n'est dû ni à la malchance, ni à la mauvaise humeur des Français. Il est d'abord le produit d'une grave erreur dans la conduite économique, de choix idéologiques défavorables à l'emploi et d'un cynisme mensonger dans la conduite des finances publiques.
1/- Erreur dans la conduite économique
C'est le choix des baisses d'impôt qui est en cause. Elle devaient faire repartir la croissance, alors qu'elle n'était que de 0,5% en 2003. Quant au pouvoir d'achat, il n'a pas dépassé 0,3 %. Les baisses d'impôt n'ont donc eu aucun effet sur l'activité économique et la consommation. Elles ont été négatives pour les recettes fiscales (10 milliards d'euros perdus) et pour les choix budgétaires correspondants, car des économies ont été faite sur les dépenses d'avenir.
Pire encore cette politique a été nuisible pour la justice sociale, puisque 70 % de ces baisses d'impôt sont allés à 10 % des contribuables les plus favorisés.
Nous sommes devant une première impasse celle de la croissance et celles de l'activité.
2/- Abandon d'une politique volontariste de création d'emplois
Là encore, l'approche libérale a été privilégiée. Fondée sur l'assouplissement des règles de droit du travail, l'allègement des charges sans contre-partie et la suppression des emplois aidés, cette stratégie s'est traduite par 170 000 chômeurs supplémentaires, des destructions nettes d'emploi (70 000 en 2003) et un taux de chômage des jeunes aux alentours de 22 % alors qu'il avait été réduit de 7 points sous le gouvernement JOSPIN.
Le nombre d'heures travaillées qui avaient connu un record en 2001 avec 27 milliards d'heures, n'a cessé de baisser depuis 2002. Derrière le thème de la valorisation du travail, nous constatons avec le gouvernement RAFFARIN que la France travaille moins. Nous sommes devant la seconde impasse : l'impasse sociale et la perte de confiance qui lui est liée.
3/- Cynisme dans la conduite des finances publiques.
L'audit de juin 2002,fait après l'avènement du gouvernement RAFFARIN, indiquait un déficit de l'ensemble des administrations publiques de 2,6%. Il aura finalement atteint 3,2 % en 2002, 4,2 % en 2003 et plus de 4 % en 2004. Ces déficits ont été provoqués et dissimulés. Provoqués à travers la politique de baisses d'impôts, provoqués à travers la perte de toute maîtrise des dépenses sociales, provoqués par l'augmentation du chômage qui déséquilibre les comptes de l'UNEDIC.
Dissimulés dans les comptes de l'État, malgré la succession des gels et des annulations de crédits,dissimulés dans les comptes de la Sécurité sociale, où pendant très longtemps malgré nos avertissements, le gouvernement niait l'ampleur de la dégradation des comptes de la sécurité sociale pour enfin avouer qu'il y a non seulement 35 à 40 milliards de déficits cumulés depuis 2002, mais plus de 14 milliards de déficit de l'assurance maladie pour la seule année2004. Enfin, dissimulés dans les comptes de l'UNEDIC encore aujourd'hui où pour intégrer à juste raison (et au bout de quel combat et de combien de temps) les recalculés, une manipulation financière laisse penser que les comptes de l'UNEDIC pourraient absorber cette charge, alors qu'il n'est rien.
C'est l'impasse financière.
Nous voulions démontrer ce matin, qu'au-delà des artifices, des plans de communication et des lucidités inopinées ou circonstancielles, la logique idéologique qui a fondé l'action du gouvernement RAFFARIN a abouti à une triple impasse, économique, sociale et financière. Le gouvernement est dans une communication surabondante qui ne doit pas dissimuler sa propre responsabilité.
La conférence de presse de Nicolas SARKOZY
Devant ce constat grave pour notre pays (qui ne nous réjouit d'aucune manière, l'opposition n'a rien à espérer du malheur des Français). La conclusion devrait s'imposer : il faut changer de politique, or Nicolas SARKOZY a décidé de la prolonger. Certes, il le dit avec ses mots, recouvre le tout d'un vernis médiatique, reprend une méthode éprouvée au ministère de l'Intérieur, éprouvante pour ses collègues du gouvernement. Il n'empêche que tout cela relève du trompe-l'il : la politique de Nicolas SARKOZY,c'est celle de Jean-Pierre RAFFARIN en couleur. Il confond comme souvent velléité et volontarisme. C'est une fausse relance, mais une véritable austérité et de nouvelles injustices.
1/- La relance est factice
Que nous propose-t-il de diminuer le coût de crédit à la consommation par une déduction des intérêts pour les redevables à l'impôt sur le revenu. Ce n'est rien d'autre qu'une nouvelle niche fiscale pour les mêmes contribuables, ceux qui bénéficient déjà de ces baisses depuis 2 ans.
L'effet sera donc identique aux plans précédents, limité quant aux bénéficiaires, ceux qui paient l'impôt sur le revenu et parmi eux, seulement ceux qui pourront aller souscrire un crédit à la consommation de l'ordre de 15 000 euros. Nombre de bénéficiaires limités, incitations elles-même limitées. Pour ces contribuables-là ce ne sera pas un motif pour consommer davantage. En revanche pour toutes les catégories populaires, qui souffrent de taux usuriers en matière de crédit à la consommation, rien n'est prévu. Pour tous les consommateurs qui attendent une augmentation du d'achat, qu'est-il prévu, rien si ce n'est d'ouvrir les magasins et les grandes surfaces le dimanche ? Encore faut-il pouvoir acheter les produits qui seront proposés.
La deuxième mesure de ce plan de relance est un cadeau fiscal, -un de plus-, pour permettre les donations de parents à enfants ou de grands-parents à petits-enfants. Il s'agit pas d'un transfert d'épargne comme il nous est dit, mais d'une transmission de patrimoine en franchise d'impôt pour les plus favorisés. Quand on ajoute 20 000 euros aux franchises qui existent déjà (46 000 euros pour les transmissions entre enfants tous les 10 ans), on s'aperçoit que ce n'est pas une manière de faire consommer davantage, mais de permettre aux plus riches d'organiser différemment leur succession. Non seulement, cela n'aura aucun effet sur la consommation, non seulement ce ne sera pas un transfert d'épargne, mais ce sera une constitution de patrimoine pour les générations suivantes.
Enfin, on nous annonce le déblocage d'une réserve de participation pour être mise plus tôt en consommation. Pourquoi pas ? Pour ceux qui s'en souviennent, cette mesure avait déjà été proposée par Alain JUPPÉ en 1996 pour relancer la consommation. Mais, pour mettre en uvre une telle mesure il faut un accord d'entreprise, dont les effets seront là encore très lents à se faire sentir.
La seule manière de relancer la consommation, c'est de libérer du pouvoir d'achat.
2/ - Une véritable austérité
Si Nicolas SARKOZY dit vrai, s'il s'agit de faire en sorte de réduire les déficits à moins de 3 % de déficits publics au lieu de 4,1 actuellement, cela signifie qu'il y aura à la fois un plan de réduction de la dépense publique considérable et une augmentation des prélèvements. Les Français doivent interpréter qu'il y a des cadeaux fiscaux pour les uns et des augmentations de prélèvements pour les autres : les premiers sont connus, les autres sont à venir.
Il y aura aussi les privatisations de services publics qui porteront sur des participations de l'État dans telle ou telle entreprise, mais surtout sur EDF-GDF, ce qui privera l'État et la Nation d'un outil essentiel pour la maîtrise de notre énergie et qui constituera une facilité financière car ce qui intéresse le pouvoir au-delà de l'aspect idéologique de l'ouverture du capital, c'est de capter la soulte d'EDF pour les reverser dans les caisses de retraite complémentaires et obtenir une amélioration de 0,5 point de PIB des comptes publics, ce qui un artifice, mais en rien un redressement des finances publiques.
3/- De nouvelles injustices
La principale menace pèse sur le pouvoir d'achat et le fait que le gouvernement n'ait rien décidé en matière d'Assurance maladie est un signe inquiétant.
* * *
Depuis plusieurs jours, nous sommes l'objet d'une communication gouvernementale surabondante et plus la parole gouvernementale se démultiplie , plus la politique du gouvernement devient illisible. Certes, il y a des reculs qui sont le fruit de la combativité sociale et aussi du vote intervenu aux régionales, mais le gouvernement est obligé de régler les problèmes qu'il a lui-même crées, car c'est lui qui a réduit l'ASS, c'est lui qui a autorisé l'UNEDIC à exclure les recalculés, c'est lui aussi qui agrée l'accord sur la convention spectacle pour les intermittents. Le gouvernement est donc aujourd'hui de colmater les brèches qu'il a lui-même creusées. Ces reculs se font malheureusement sans moyens financiers, comme une sorte de fuite en avant.
A cette gestion à la petite semaine s'ajoutent des incohérences multiples avec, d'un côté une priorité accordée au social par les Président de la République et de l'autre un libéralisme assumé par le Ministre d'État.
Au moment où un ministère de la cohésion sociale est créé, ses crédits lui sont amputés.
Des cadeaux fiscaux sont accordés pour les uns et des taxes supplémentaires sont prévues pour les autres,
Enfin, le discours sur le redressement des comptes publics se conjugue avec l'accumulation de dettes. Si la créance sur l'UNEDIC est abandonnée, qui la financera dès lors que le gouvernement refuse d'augmenter les cotisations pour complaire au patronat., si sur la dette de la Sécurité sociale l'idée est de prolonger jusqu'à l'éternité la CRDS, cela équivaut à faire assumer aux générations futures les déficits d'hier pendant 20 ou 30 ans. Il y a une incohérence majeure entre le discours de rigueur pour le présent et l'irresponsabilité dans l'imputation des dettes sur les générations futures.
L'illisibilité de la politique gouvernementale ne la rend pas moins dangereuse.
Dangereuse car elle vise à gagner du temps par rapport aux élections européennes,
Dangereuse, car elle fait des choix contraires à l'intérêt économique de notre pays. Dangereuse car elle exacerbe les compétitions et les concurrences des différentes catégories sociales.
Nous avons un gouvernement agité, - il n'y a pas seulement un ministre d'État dans cette situation -, et une France en panne. Pour nous l'agitation du gouvernement ne relève que du vide créé au sommet de l'Etat ; en revanche, l'image de notre pays ne peut pas être acceptée par l'opposition.
Nos propositions
I) Soutenir la consommation :
Deux mesures devraient être engagées :
1°) revaloriser les prestations sociales qui peuvent avoir le plus d'effet sur la consommation des ménages, c'est-à-dire :
- l'allocation logement,
- l'allocation de rentrée scolaire.
Nous savons que ces prestations sont immédiatement dépensées et qu'elles touchent un très grand nombre de familles.
2°) procéder à une refonte de la Prime Pour l'Emploi pour en amplifier l'impact et pour en faire un 13ème mois de rémunération,
Enfin, organiser une conférence salariale avec les partenaires sociaux pour prévoir et anticiper les mutations en matière d'emploi et les politiques salariales.
II) Rénover les prélèvements :
1°) Fondre la CSG avec l'impôt sur le revenu, de manière à avoir un impôt proportionnel, pour les couches moyennes et populaires et progressif pour les ménages les plus favorisés.
2°) Généraliser la CSG pour les ménages et créer une nouvelle assiette de prélèvement pour les entreprises, à travers l'ensemble de la richesse produite, la valeur ajoutée.
Cela aura un double avantage : un gain de pouvoir d'achat pour une majorité des ménages et une incitation à l'emploi pour les entreprises.
III) Une politique active de l'emploi :
1°) Proposer un pacte national pour l'Emploi, fondé sur trois volets :
Une négociation avec les partenaires sociaux sur les mutations, reclassements, négociation aujourd'hui immobilisée suite à la suspension de la Loi de Modernisation Sociale et qu'il faut absolument réorienter autour de cette idée de la mutation, des reclassements et de la Sécurité sociale professionnelle.
Évaluer les exonérations de cotisations sociales pour de nouveau les conditionner à la création de véritables emplois ou à des emplois durables,
Suppression de toutes les formes de contrats dits " aidés ", notamment le RMA pour créer un véritable contrat d'insertion sur trois ans.
2°) Faire un plan de soutien à l'investissement privé et public. Il faut sanctuariser l'investissement public dans le budget de l'État, contractualiser l'effort de l'Etat avec les régions en redonnant vie aux contrats de Plan (aujourd'hui suspendus). Il faut dynamiser l'investissement privé en finançant l'innovation et la Recherche par des crédits budgétaires et une réforme de l'impôt sur les sociétés.
3°) Au plan européen, renégocier le pacte de stabilité avec des critères de convergence sociale et politiques, harmoniser la fiscalité des entreprises et de l'épargne et lancer un grand emprunt à l'échelle de l'Europe pour financer la Recherche, l'Éducation et l'Innovation.
(Source http://www.parti-socialiste.org,le 7 mai 2004)