Texte intégral
bulletins d'entreprises N°1831 (01/09/2003)
UN JOUR FERIE POUR LES PATRONS
Face à la catastrophe de cet été, Raffarin et, à sa suite, ses ministres, des journalistes, des spécialistes divers, accusent toute la population de ne pas avoir été solidaire des personnes âgées.
C'est qu'il est plus facile de culpabiliser tout le monde que de dire la vérité sur le fait que ce sont tous les gouvernements, depuis des années, qui sont responsables de l'insuffisance criante des moyens consacrés à l'aide aux personnes âgées, que ce soit dans les maisons de retraite ou à domicile.
Une personne très âgée demande des soins, pas tous médicaux, mais qui ne sont pourtant pas à la portée de tout le monde, en particulier, de ceux qui travaillent toute la journée. Faire lever une personne âgée et invalide de son lit et l'asseoir dans un fauteuil, c'est loin d'être facile pour tout le monde et l'opération inverse ne l'est pas plus. Lui faire sa toilette et tous les soins d'hygiène qui peuvent être nécessaires, ce n'est pas facile non plus.
Et pour le vieillard, c'est souvent plus acceptable par une personne étrangère mais qu'elle connaît bien que par quelqu'un de sa famille.
C'est effectivement la collectivité qui doit assumer cette responsabilité. Et la collectivité, c'est d'abord l'Etat. Nos impôts devraient servir à cela. Mais il est évident que l'Etat ne fait pas plus face à cette responsabilité qu'à bien d'autres.
Et le gouvernement Raffarin, pour sa part, au lieu de revenir sur les insuffisances des gouvernements qui l'ont précédé a, au contraire, amputé les aides aux personnes âgées, comme l'allocation personnalisée d'autonomie ou les subventions prévues pour l'amélioration des maisons de retraite.
Et Raffarin qui n'est rentré de vacances que le 11 août pour un conseil des ministres et qui est reparti aussitôt dans sa station d'altitude, ose affirmer que nous aurions tous pêché par indifférence.
Le comble du cynisme, c'est que la solution qu'il envisage pour l'avenir, c'est de demander à tous les salariés de travailler une journée de plus, et cela gratuitement, par la suppression d'un jour férié dans l'année. On parle soit du lundi de Pâques soit de celui de la Pentecôte, ou encore du 8 mai, date de la victoire sur l'Allemagne en 1945. Il envisage, pour les deux lundis, de consulter les autorités religieuses, qui s'en moquent et ont déjà donné leur avis, et de consulter les associations d'anciens combattants qui, elles, protestent sur le choix du 8 mai.
Mais on ne parle surtout pas de consulter les salariés, pourtant les plus concernés ! Ni non plus de leur donner les moyens de contrôler ce que les patrons feront réellement de l'argent supplémentaire qu'ils auront gagné par cette journée de travail gratuit.
D'ailleurs, Seillière n'a pas caché son contentement et il l'a même proclamé.
Bien sûr, inutile de se poser la question de savoir si cette journée de travail ira à l'aide aux personnes âgées. Une fois dans l'escarcelle du patronat, bien malin qui ira y chercher la somme correspondante.
Le gouvernement parle de faire payer une cotisation supplémentaire spéciale ! Mais au nom de l'égalité, elle serait payée moitié par les salariés et moitié par les employeurs. C'est-à-dire que les travailleurs, si on laisse faire, donneront deux fois : une fois en travaillant gratuitement une journée, et une autre fois en payant une cotisation supplémentaire.
Raffarin spécule sur les sentiments de solidarité des travailleurs et de la population en général, sentiments qui, contrairement à ce qu'il prétend, sont répandus et solides.
Mais qu'il se méfie, si les travailleurs découvrent l'escroquerie et comprennent que la solidarité qu'on leur demande n'est qu'envers leurs patrons et pas envers les vieux, cela, ajouté à tout le reste, risque d'échauffer les esprits à la rentrée, au point que les grèves, qui ne se sont pas étendues au printemps, pourraient bien le faire à l'automne.
Arlette Laguiller
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 02 septembre 2003)
LE CYNISME GOUVERNEMENTAL DÉGUISÉ EN SOLIDARITÉ
Le 8/09/2003
Le projet de supprimer un jour férié en invoquant la solidarité avec les personnes âgées est une nouvelle manifestation du cynisme du gouvernement. C'est un cadeau au patronat qui, depuis des années, réclame l'augmentation des jours de travail. Alors que la canicule de cet été a révélé les défaillances de l'Etat, le gouvernement profite de l'émotion créée pour imposer aux travailleurs une journée de travail non payé au lieu de débloquer sur le budget de quoi remédier à l'insuffisance scandaleuse des moyens consacrés aux personnes âgées.
Rien ne garantit de surcroît que le moindre centime ira aux personnes âgées. Les plus anciens se souviennent encore de la vignette automobile, cet impôt créé en son temps au profit des personnes âgées mais dont celles-ci n'ont jamais vu la couleur !
Tout en invoquant la solidarité avec les anciens pour gruger les salariés, Raffarin n'a pas l'intention de revenir en arrière sur ses décisions réactionnaires, comme la réduction de l'allocation personnelle d'autonomie pour les personnes âgées ou la diminution des retraites. Et, à plus forte raison, il n'est pas question de revenir sur la politique qui consiste à faire des économies sur tout ce qui est service public, afin de pouvoir augmenter la part du budget qui est consacrée au grand patronat.
Les médecins urgentistes, qui ont tiré la sonnette d'alarme pour la canicule, multiplient déjà les mises en garde contre les conséquences possibles d'un hiver rigoureux.
Même en temps normal, les hôpitaux publics, les services d'urgence en particulier, travaillent à la limite de leurs possibilités. Si cet hiver les hôpitaux sont de nouveau débordés, le gouvernement nous dira qu'il n'est pas plus responsable du froid qu'il ne l'a été, cet été, de la chaleur.
Et, pendant que les hôpitaux, comme les écoles des quartiers populaires, manquent de personnel et de places par manque de crédits, Chirac annonce sa détermination à procéder à une réduction de l'impôt sur le revenu qui profitera surtout aux plus riches.
On nous serine avec le déficit "record" de la Sécurité sociale pour préparer l'augmentation des cotisations des salariés et la diminution des remboursements. Mais le gouvernement multiplie les allégements de charges sociales pour les patrons, c'est-à-dire pour leurs actionnaires. C'est ainsi aussi qu'on rend de plus en plus difficile pour la population l'accès à des soins convenables.
Les gouvernements ont beau changer, ils nous ressortent le mensonge qui prétend que baisser les charges des patrons, réduire l'impôt sur les bénéfices et sur les revenus, favorise la création d'emplois. Mais le nombre de chômeurs ne cesse d'augmenter.
On est en train de revenir à la situation d'avant-guerre où l'embauche se faisait à la journée. Trouver un emploi, pour ceux qui n'en ont pas, c'est ne trouver qu'un emploi précaire. L'insécurité de l'emploi devient le mode de fonctionnement de l'économie. Mais la succession des plans de licenciements montre à quel point les emplois dits stables eux-mêmes se précarisent. Tout cela pèse sur le salaire et les conditions de vie de tous. Le patronat, avec l'aide ouverte du gouvernement, procède à un gigantesque hold-up sur les revenus du monde du travail.
Cela ne pourra pas continuer indéfiniment. Les élections, législatives ou présidentielle, susceptibles de changer la couleur politique du gouvernement, sont trop loin pour que faire miroiter un changement par les élections soit convaincant. Et le souvenir de la politique anti-ouvrière du gouvernement socialiste est trop proche pour que l'on puisse croire qu'un retour des socialistes au pouvoir atténuera les attaques contre les travailleurs.
Défendre son emploi et son droit à un salaire qui permette de vivre est une revendication commune au monde du travail. Seules des luttes collectives, des grèves, des manifestations, mettant en mouvement la majorité des travailleurs, pourront stopper les coups venant du patronat et du gouvernement.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 9 septembre 2003)
"L'IDENTITÉ COMMUNISTE" VERSION BUFFET
le 15/09/2003
La fête de l'Humanité a été, une fois de plus, un succès. Malgré ses reculs électoraux, le PCF reste capable de réunir plusieurs centaines de milliers de participants à sa fête, qui reste la plus importante des fêtes populaires organisées par un parti politique. Il reste capable de susciter cet énorme dévouement bénévole, même s'il est secondé par des professionnels, sans lequel l'énorme machine de la fête de l'Humanité ne pourrait fonctionner. La "fête de l'Huma" démontre que l'influence électorale et le rayonnement politique dans les classes populaires ne sont pas la même chose.
Le Parti socialiste, qui se pose en plus grand parti de la gauche et comme seule alternative électorale face à la droite, ne serait pas capable d'organiser un tel rassemblement, et d'ailleurs, il ne s'y risque pas.
Si la fête de Lutte ouvrière attire chaque année des dizaines de milliers de participants des milieux populaires, si sa composition sociale est identique, elle ne peut rivaliser avec le nombre de participants de celle de l'Humanité. Signe, parmi bien d'autres, que le courant révolutionnaire communiste doit encore conquérir une audience populaire bien plus large, que les élections, à elles seules, ne peuvent exprimer.
Ce n'est cependant pas sur la base de sa politique actuelle que le PCF a conquis une telle audience qui, pendant longtemps, a fait sa force. La politique de sa direction dilapide, au contraire, le crédit que le PCF a hérité du passé, décourage ses militants et accélère sa perte d'influence politique.
Malgré les conséquences catastrophiques de sa participation au gouvernement Jospin, dont il ne finit pas de subir le discrédit, la direction du PCF n'a pas d'autre choix à offrir à ses militants, à ses sympathisants et aux travailleurs en général, que de recommencer la même politique.
Dans son discours, Marie-George Buffet, la présidente du Parti communiste, pour répondre à ceux qui lui demandaient si le PC se tournerait vers le PS ou vers l'extrême gauche en mettant Bové dans cette dernière, a proclamé : "Nous ne sommes ni PS, ni extrême gauche, nous sommes communistes". Mais que propose-t-elle donc ? Rien de précis, uniquement pour gagner du temps, mais ce sera inéluctablement l'alignement derrière le Parti socialiste, qui recueille certes ses voix en partie parmi les travailleurs mais beaucoup plus dans la petite bourgeoisie. Et surtout qui, chaque fois qu'il est au pouvoir, gouverne au service de la bourgeoisie.
La politique du PCF se ramène uniquement à sa stratégie électorale. Le PCF sait que, sans alliance avec le PS, il n'aura presque aucun élu. Mais l'angoisse de ses dirigeants est que, s'il ne fait pas la preuve de son influence électorale, le Parti socialiste ne lui fera aucune place. Mais, pour faire cette preuve, il faut se présenter séparément, ce qui peut conduire alors à une déconfiture totale. Mais quel crédit les travailleurs peuvent-ils accorder à une "identité communiste" qui ne résistera pas à l'appât de quelques sièges régionaux ou européens ?
Les attaques brutales du gouvernement contre les classes laborieuses exigent une réaction de défense du monde du travail. Or, le PCF refuse une telle politique. Car il est évident que, si un jour le PS revenait au pouvoir et s'il prenait, de nouveau, des ministres communistes, ce serait pour leur faire cautionner une politique de trahison des intérêts ouvriers qui ferait perdre au PCF encore plus de crédit politique parmi les travailleurs.
L'évolution du PCF concerne l'ensemble de la classe ouvrière. Les travailleurs ont besoin d'un parti politique qui défende leurs intérêts politiques et sociaux et qui ne soit pas prêt à les trahir pour une participation ministérielle.
Ce parti ne pourra donc pas se faire avec la direction du PCF et la politique qu'elle incarne. Il aura cependant besoin de ceux de ses militants pour qui l'éman-cipation des travailleurs du joug du grand capital et le communisme ne sont pas des mots creux.
(Source http://www.lutte ouvrière.org, le 17 septembre 2003)
CHIRAC ET RAFFARIN : LE CYNISME AU POUVOIR
Lutte ouvrière
Le 22 septembre 2003
Il ne se passe pas un jour sans que l'on apprenne que le gouvernement Chirac Raffarin prépare un nouveau mauvais coup contre les travailleurs.
Les derniers projets en date envisagent de taxer les maigres intérêts versés sur les livrets A et les livrets d'Epargne populaire (sans toucher davantage, bien sûr, aux revenus des capitalistes), et d'augmenter le taux de la CSG frappant les indemnités maladie journalières, les pensions de retraite et d'invalidité, les allocations de chômage, toutes mesures frappant les plus nécessiteux.
La semaine dernière, le gouvernement a, de la même manière, annoncé sa décision de réduire à deux ans maximum le versement de l'Allocation de Solidarité Spécifique (ASS) destinée aux chômeurs en fin de droits, et cela alors que le nombre de ceux qui sont dans ce cas (420 000 aujourd'hui, soit presque un quart des chômeurs) va faire un bond en avant puisque l'Unedic avait déjà décidé de son côté de raccourcir la période d'indemnisation des chômeurs. Bien sûr, il restera toujours aux dizaines de milliers de chômeurs victimes de ces mesures la possibilité de demander à bénéficier du RMI. Mais outre que, même s'ils l'obtiennent, cela se traduira par une nouvelle baisse de leurs maigres revenus, c'est aussi leur future retraite qui risque d'être sérieusement amputée parce que la période pendant laquelle ils auront été au RMI n'entrera pas dans le calcul du nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein.
Evidemment, cette mesure permettra à l'Etat de faire quelques économies, puisque, contrairement à l'ASS, le RMI est à la charge des Conseils Généraux des départements (ce qui se traduira forcément, à terme, par une augmentation des impôts locaux). Mais ces économies ne représentent que le dixième de ce que la baisse de 3% des impôts sur le revenu, qui bénéficiera surtout aux gros et très gros revenus, coûtera à l'Etat.
Les hommes politiques de la bourgeoisie, ses intellectuels, ses journalistes, ne cessent de répéter que nous ne sommes plus au XIXème siècle, que la notion de lutte de classe est complètement dépassée.
Mais si nous sommes bien au XXIème siècle, la bourgeoisie et son Etat la mènent tous les jours, la lutte des classes, comme aux premiers temps du capitalisme, pour tenter de réduire le plus possible la part des travailleurs dans la répartition des richesses qu'ils produisent.
Cependant, dans les calculs de Raffarin et de Chirac, il n'y a pas que la volonté de pressurer davantage le monde du travail au profit des privilégiés. Il y a aussi la volonté de plaire à ces millions de bourgeois, petits et grands, qui méprisent les travailleurs, et cela parce qu'ils constituent la clientèle électorale de la droite et que la campagne pour les élections régionales et européennes de 2004 est déjà commencée.
Si depuis des mois le chômage ne cesse d'augmenter, ce n'est pas la faute des travailleurs, mais celle de ceux qui dans leurs conseils d'administration planifient les "plans sociaux", autrement dit les plans de suppressions d'emplois, dans le but de faire toujours plus de profits. Mais s'en prendre aux chômeurs, en affirmant qu'il faut les "inciter" à rechercher un emploi, qu'on ne peut pas "les payer indéfiniment", que "le problème c'est que les gens n'ont plus envie de travailler", comme il se dit, d'après la presse, dans l'entourage du premier ministre, c'est flatter les sentiments haineux de ces gens pour qui les travailleurs sont toujours trop bien payés pour ce qu'ils font... mais qui ne se font pas faute, eux, de réclamer à chaque occasion l'aide de l'Etat.
Dans chacune des mesures de Chirac et Raffarin dirigée contre le monde du travail, il y a aussi la volonté de plaire à cet électorat, non seulement en défendant ses intérêts, mais aussi en flattant la mentalité réactionnaire et obtuse de ces gens-là. Mais une fois que la coupe est pleine, elle finit par déborder, et Chirac et Raffarin pourraient bien, du même coup, susciter une riposte des travailleurs qui leur fera regretter leur démagogie anti-ouvrière, car les travailleurs ne se laisseront pas toujours mépriser et opprimer.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 24 septembre 2003)
UN GOUVERNEMENT ÉBRANLÉ,
UNE OPPOSITION QUI NE S'ENGAGE PAS
Lutte ouvrière
le 29/09/2003
Si l'on en croit les derniers sondages, Raffarin rivalise donc avec Juppé pour battre les records d'impopularité d'un chef de gouvernement après à peine plus d'un an d'exercice du pouvoir. Les résultats de ces sondages ne sont pas étonnants. Cette impopularité est la conséquence de sa politique. Le gouvernement a été déstabilisé par les mouvements sociaux du printemps et de l'été, la grève des enseignants, la lutte contre les atteintes aux retraites, les manifestations des intermittents du spectacle, qui n'ont certes pas réussi à faire vraiment reculer Raffarin, mais qui ont rencontré la sympathie de larges secteurs de la population, comme par la situation tragique des hôpitaux qu'a révélée la canicule. Au point que l'on peut se demander si ce gouvernement arrivera à tenir jusqu'aux élections régionales et européennes du printemps prochain, ou si Chirac ne préférera pas opérer d'ici là un remaniement ministériel, voire un changement de premier ministre.
Il préférerait certes ne pas devoir en arriver là, mais le prolongement de la situation actuelle peut l'amener à ce choix, à cause en particulier des remous qu'elle suscite au sein de sa propre majorité dont les députés voudraient bien ne pas traîner ce discrédit devant les électeurs.
Raffarin est tellement conscient du fait qu'il ne peut pas compter sur le soutien des couches populaires, que non content d'aller dans tous les domaines au devant des voeux du MEDEF, il multiplie les gestes et les déclarations pour flatter la fraction la plus réactionnaire, la plus viscéralement anti-ouvrière, de l'électorat bourgeois et petit-bourgeois.
Les dernières mesures annoncées concernant la limitation à deux ans du versement de l'Allocation Spécifique de Solidarité, destinée aux chômeurs en fin de droit, vont dans ce sens. Elles ne représenteront en effet qu'une économie dérisoire au niveau du budget de l'Etat, mais elles contribuent à présenter les travailleurs privés d'emplois comme des fainéants. Il en est de même des déclarations de Raffarin du genre : "l'avenir de la France, ce n'est pas un immense parc de loisirs", ou de celles affirmant qu'il faut baisser l'impôt sur le revenu pour "encourager ceux qui travaillent". Comme si ceux qui ne paient pas d'impôts sur le revenu, parce que leurs salaires sont trop misérables, étaient des paresseux, alors que les riches, même lorsqu'ils se contentent de vivre de leurs rentes, étaient des gens courageux, dignes de tous les éloges... et de tous les avantages fiscaux.
Ce faisant, Raffarin ne prend pas un gros risque par rapport à l'électorat populaire, parce que, si le Parti Socialiste espère bien que l'impopularité du gouvernement Raffarin lui permettra de revenir un jour prochain aux affaires, il se garde bien d'apparaître en adversaire résolu des mesures que prend la droite. Jamais on n'a entendu Hollande, Fabius, ou les autres, s'engager, si la gauche gagnait de futures élections, à annuler toutes les mesures prises depuis un an et demi par la droite. Et pour cause : depuis 1981, malgré les multiples alternances gauche-droite au gouvernement, c'est fondamentalement la même politique économique, chaque gouvernement s'inscrivant dans la continuité du précédent. Le Parti Socialiste ne se propose plus depuis longtemps de changer la société, pour sortir d'un système économique qui accumule d'immenses richesses d'un côté, et fabrique de plus en plus de pauvres et d'exclus de l'autre. Et aucun des dirigeants du Parti Socialiste, même parmi ceux qui se prétendent les plus à sa gauche, ne propose de rompre avec cette politique.
Mais cela ne signifie pas que le monde du travail n'ait aucun moyen de mettre un terme à la politique de régression sociale qui est menée depuis des années. Ce ne sont pas les discours de l'opposition parlementaire, mais les mouvements sociaux du printemps dernier, bien qu'ils aient été limités, qui ont ébranlé le gouvernement Raffarin. Cela montre la voie à suivre pour faire ravaler à la bourgeoisie et à son gouvernement ses prétentions à traiter les travailleurs comme des esclaves et à les croire stupides.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 1e octobre 2003)
UN JOUR FERIE POUR LES PATRONS
Face à la catastrophe de cet été, Raffarin et, à sa suite, ses ministres, des journalistes, des spécialistes divers, accusent toute la population de ne pas avoir été solidaire des personnes âgées.
C'est qu'il est plus facile de culpabiliser tout le monde que de dire la vérité sur le fait que ce sont tous les gouvernements, depuis des années, qui sont responsables de l'insuffisance criante des moyens consacrés à l'aide aux personnes âgées, que ce soit dans les maisons de retraite ou à domicile.
Une personne très âgée demande des soins, pas tous médicaux, mais qui ne sont pourtant pas à la portée de tout le monde, en particulier, de ceux qui travaillent toute la journée. Faire lever une personne âgée et invalide de son lit et l'asseoir dans un fauteuil, c'est loin d'être facile pour tout le monde et l'opération inverse ne l'est pas plus. Lui faire sa toilette et tous les soins d'hygiène qui peuvent être nécessaires, ce n'est pas facile non plus.
Et pour le vieillard, c'est souvent plus acceptable par une personne étrangère mais qu'elle connaît bien que par quelqu'un de sa famille.
C'est effectivement la collectivité qui doit assumer cette responsabilité. Et la collectivité, c'est d'abord l'Etat. Nos impôts devraient servir à cela. Mais il est évident que l'Etat ne fait pas plus face à cette responsabilité qu'à bien d'autres.
Et le gouvernement Raffarin, pour sa part, au lieu de revenir sur les insuffisances des gouvernements qui l'ont précédé a, au contraire, amputé les aides aux personnes âgées, comme l'allocation personnalisée d'autonomie ou les subventions prévues pour l'amélioration des maisons de retraite.
Et Raffarin qui n'est rentré de vacances que le 11 août pour un conseil des ministres et qui est reparti aussitôt dans sa station d'altitude, ose affirmer que nous aurions tous pêché par indifférence.
Le comble du cynisme, c'est que la solution qu'il envisage pour l'avenir, c'est de demander à tous les salariés de travailler une journée de plus, et cela gratuitement, par la suppression d'un jour férié dans l'année. On parle soit du lundi de Pâques soit de celui de la Pentecôte, ou encore du 8 mai, date de la victoire sur l'Allemagne en 1945. Il envisage, pour les deux lundis, de consulter les autorités religieuses, qui s'en moquent et ont déjà donné leur avis, et de consulter les associations d'anciens combattants qui, elles, protestent sur le choix du 8 mai.
Mais on ne parle surtout pas de consulter les salariés, pourtant les plus concernés ! Ni non plus de leur donner les moyens de contrôler ce que les patrons feront réellement de l'argent supplémentaire qu'ils auront gagné par cette journée de travail gratuit.
D'ailleurs, Seillière n'a pas caché son contentement et il l'a même proclamé.
Bien sûr, inutile de se poser la question de savoir si cette journée de travail ira à l'aide aux personnes âgées. Une fois dans l'escarcelle du patronat, bien malin qui ira y chercher la somme correspondante.
Le gouvernement parle de faire payer une cotisation supplémentaire spéciale ! Mais au nom de l'égalité, elle serait payée moitié par les salariés et moitié par les employeurs. C'est-à-dire que les travailleurs, si on laisse faire, donneront deux fois : une fois en travaillant gratuitement une journée, et une autre fois en payant une cotisation supplémentaire.
Raffarin spécule sur les sentiments de solidarité des travailleurs et de la population en général, sentiments qui, contrairement à ce qu'il prétend, sont répandus et solides.
Mais qu'il se méfie, si les travailleurs découvrent l'escroquerie et comprennent que la solidarité qu'on leur demande n'est qu'envers leurs patrons et pas envers les vieux, cela, ajouté à tout le reste, risque d'échauffer les esprits à la rentrée, au point que les grèves, qui ne se sont pas étendues au printemps, pourraient bien le faire à l'automne.
Arlette Laguiller
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 02 septembre 2003)
LE CYNISME GOUVERNEMENTAL DÉGUISÉ EN SOLIDARITÉ
Le 8/09/2003
Le projet de supprimer un jour férié en invoquant la solidarité avec les personnes âgées est une nouvelle manifestation du cynisme du gouvernement. C'est un cadeau au patronat qui, depuis des années, réclame l'augmentation des jours de travail. Alors que la canicule de cet été a révélé les défaillances de l'Etat, le gouvernement profite de l'émotion créée pour imposer aux travailleurs une journée de travail non payé au lieu de débloquer sur le budget de quoi remédier à l'insuffisance scandaleuse des moyens consacrés aux personnes âgées.
Rien ne garantit de surcroît que le moindre centime ira aux personnes âgées. Les plus anciens se souviennent encore de la vignette automobile, cet impôt créé en son temps au profit des personnes âgées mais dont celles-ci n'ont jamais vu la couleur !
Tout en invoquant la solidarité avec les anciens pour gruger les salariés, Raffarin n'a pas l'intention de revenir en arrière sur ses décisions réactionnaires, comme la réduction de l'allocation personnelle d'autonomie pour les personnes âgées ou la diminution des retraites. Et, à plus forte raison, il n'est pas question de revenir sur la politique qui consiste à faire des économies sur tout ce qui est service public, afin de pouvoir augmenter la part du budget qui est consacrée au grand patronat.
Les médecins urgentistes, qui ont tiré la sonnette d'alarme pour la canicule, multiplient déjà les mises en garde contre les conséquences possibles d'un hiver rigoureux.
Même en temps normal, les hôpitaux publics, les services d'urgence en particulier, travaillent à la limite de leurs possibilités. Si cet hiver les hôpitaux sont de nouveau débordés, le gouvernement nous dira qu'il n'est pas plus responsable du froid qu'il ne l'a été, cet été, de la chaleur.
Et, pendant que les hôpitaux, comme les écoles des quartiers populaires, manquent de personnel et de places par manque de crédits, Chirac annonce sa détermination à procéder à une réduction de l'impôt sur le revenu qui profitera surtout aux plus riches.
On nous serine avec le déficit "record" de la Sécurité sociale pour préparer l'augmentation des cotisations des salariés et la diminution des remboursements. Mais le gouvernement multiplie les allégements de charges sociales pour les patrons, c'est-à-dire pour leurs actionnaires. C'est ainsi aussi qu'on rend de plus en plus difficile pour la population l'accès à des soins convenables.
Les gouvernements ont beau changer, ils nous ressortent le mensonge qui prétend que baisser les charges des patrons, réduire l'impôt sur les bénéfices et sur les revenus, favorise la création d'emplois. Mais le nombre de chômeurs ne cesse d'augmenter.
On est en train de revenir à la situation d'avant-guerre où l'embauche se faisait à la journée. Trouver un emploi, pour ceux qui n'en ont pas, c'est ne trouver qu'un emploi précaire. L'insécurité de l'emploi devient le mode de fonctionnement de l'économie. Mais la succession des plans de licenciements montre à quel point les emplois dits stables eux-mêmes se précarisent. Tout cela pèse sur le salaire et les conditions de vie de tous. Le patronat, avec l'aide ouverte du gouvernement, procède à un gigantesque hold-up sur les revenus du monde du travail.
Cela ne pourra pas continuer indéfiniment. Les élections, législatives ou présidentielle, susceptibles de changer la couleur politique du gouvernement, sont trop loin pour que faire miroiter un changement par les élections soit convaincant. Et le souvenir de la politique anti-ouvrière du gouvernement socialiste est trop proche pour que l'on puisse croire qu'un retour des socialistes au pouvoir atténuera les attaques contre les travailleurs.
Défendre son emploi et son droit à un salaire qui permette de vivre est une revendication commune au monde du travail. Seules des luttes collectives, des grèves, des manifestations, mettant en mouvement la majorité des travailleurs, pourront stopper les coups venant du patronat et du gouvernement.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 9 septembre 2003)
"L'IDENTITÉ COMMUNISTE" VERSION BUFFET
le 15/09/2003
La fête de l'Humanité a été, une fois de plus, un succès. Malgré ses reculs électoraux, le PCF reste capable de réunir plusieurs centaines de milliers de participants à sa fête, qui reste la plus importante des fêtes populaires organisées par un parti politique. Il reste capable de susciter cet énorme dévouement bénévole, même s'il est secondé par des professionnels, sans lequel l'énorme machine de la fête de l'Humanité ne pourrait fonctionner. La "fête de l'Huma" démontre que l'influence électorale et le rayonnement politique dans les classes populaires ne sont pas la même chose.
Le Parti socialiste, qui se pose en plus grand parti de la gauche et comme seule alternative électorale face à la droite, ne serait pas capable d'organiser un tel rassemblement, et d'ailleurs, il ne s'y risque pas.
Si la fête de Lutte ouvrière attire chaque année des dizaines de milliers de participants des milieux populaires, si sa composition sociale est identique, elle ne peut rivaliser avec le nombre de participants de celle de l'Humanité. Signe, parmi bien d'autres, que le courant révolutionnaire communiste doit encore conquérir une audience populaire bien plus large, que les élections, à elles seules, ne peuvent exprimer.
Ce n'est cependant pas sur la base de sa politique actuelle que le PCF a conquis une telle audience qui, pendant longtemps, a fait sa force. La politique de sa direction dilapide, au contraire, le crédit que le PCF a hérité du passé, décourage ses militants et accélère sa perte d'influence politique.
Malgré les conséquences catastrophiques de sa participation au gouvernement Jospin, dont il ne finit pas de subir le discrédit, la direction du PCF n'a pas d'autre choix à offrir à ses militants, à ses sympathisants et aux travailleurs en général, que de recommencer la même politique.
Dans son discours, Marie-George Buffet, la présidente du Parti communiste, pour répondre à ceux qui lui demandaient si le PC se tournerait vers le PS ou vers l'extrême gauche en mettant Bové dans cette dernière, a proclamé : "Nous ne sommes ni PS, ni extrême gauche, nous sommes communistes". Mais que propose-t-elle donc ? Rien de précis, uniquement pour gagner du temps, mais ce sera inéluctablement l'alignement derrière le Parti socialiste, qui recueille certes ses voix en partie parmi les travailleurs mais beaucoup plus dans la petite bourgeoisie. Et surtout qui, chaque fois qu'il est au pouvoir, gouverne au service de la bourgeoisie.
La politique du PCF se ramène uniquement à sa stratégie électorale. Le PCF sait que, sans alliance avec le PS, il n'aura presque aucun élu. Mais l'angoisse de ses dirigeants est que, s'il ne fait pas la preuve de son influence électorale, le Parti socialiste ne lui fera aucune place. Mais, pour faire cette preuve, il faut se présenter séparément, ce qui peut conduire alors à une déconfiture totale. Mais quel crédit les travailleurs peuvent-ils accorder à une "identité communiste" qui ne résistera pas à l'appât de quelques sièges régionaux ou européens ?
Les attaques brutales du gouvernement contre les classes laborieuses exigent une réaction de défense du monde du travail. Or, le PCF refuse une telle politique. Car il est évident que, si un jour le PS revenait au pouvoir et s'il prenait, de nouveau, des ministres communistes, ce serait pour leur faire cautionner une politique de trahison des intérêts ouvriers qui ferait perdre au PCF encore plus de crédit politique parmi les travailleurs.
L'évolution du PCF concerne l'ensemble de la classe ouvrière. Les travailleurs ont besoin d'un parti politique qui défende leurs intérêts politiques et sociaux et qui ne soit pas prêt à les trahir pour une participation ministérielle.
Ce parti ne pourra donc pas se faire avec la direction du PCF et la politique qu'elle incarne. Il aura cependant besoin de ceux de ses militants pour qui l'éman-cipation des travailleurs du joug du grand capital et le communisme ne sont pas des mots creux.
(Source http://www.lutte ouvrière.org, le 17 septembre 2003)
CHIRAC ET RAFFARIN : LE CYNISME AU POUVOIR
Lutte ouvrière
Le 22 septembre 2003
Il ne se passe pas un jour sans que l'on apprenne que le gouvernement Chirac Raffarin prépare un nouveau mauvais coup contre les travailleurs.
Les derniers projets en date envisagent de taxer les maigres intérêts versés sur les livrets A et les livrets d'Epargne populaire (sans toucher davantage, bien sûr, aux revenus des capitalistes), et d'augmenter le taux de la CSG frappant les indemnités maladie journalières, les pensions de retraite et d'invalidité, les allocations de chômage, toutes mesures frappant les plus nécessiteux.
La semaine dernière, le gouvernement a, de la même manière, annoncé sa décision de réduire à deux ans maximum le versement de l'Allocation de Solidarité Spécifique (ASS) destinée aux chômeurs en fin de droits, et cela alors que le nombre de ceux qui sont dans ce cas (420 000 aujourd'hui, soit presque un quart des chômeurs) va faire un bond en avant puisque l'Unedic avait déjà décidé de son côté de raccourcir la période d'indemnisation des chômeurs. Bien sûr, il restera toujours aux dizaines de milliers de chômeurs victimes de ces mesures la possibilité de demander à bénéficier du RMI. Mais outre que, même s'ils l'obtiennent, cela se traduira par une nouvelle baisse de leurs maigres revenus, c'est aussi leur future retraite qui risque d'être sérieusement amputée parce que la période pendant laquelle ils auront été au RMI n'entrera pas dans le calcul du nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein.
Evidemment, cette mesure permettra à l'Etat de faire quelques économies, puisque, contrairement à l'ASS, le RMI est à la charge des Conseils Généraux des départements (ce qui se traduira forcément, à terme, par une augmentation des impôts locaux). Mais ces économies ne représentent que le dixième de ce que la baisse de 3% des impôts sur le revenu, qui bénéficiera surtout aux gros et très gros revenus, coûtera à l'Etat.
Les hommes politiques de la bourgeoisie, ses intellectuels, ses journalistes, ne cessent de répéter que nous ne sommes plus au XIXème siècle, que la notion de lutte de classe est complètement dépassée.
Mais si nous sommes bien au XXIème siècle, la bourgeoisie et son Etat la mènent tous les jours, la lutte des classes, comme aux premiers temps du capitalisme, pour tenter de réduire le plus possible la part des travailleurs dans la répartition des richesses qu'ils produisent.
Cependant, dans les calculs de Raffarin et de Chirac, il n'y a pas que la volonté de pressurer davantage le monde du travail au profit des privilégiés. Il y a aussi la volonté de plaire à ces millions de bourgeois, petits et grands, qui méprisent les travailleurs, et cela parce qu'ils constituent la clientèle électorale de la droite et que la campagne pour les élections régionales et européennes de 2004 est déjà commencée.
Si depuis des mois le chômage ne cesse d'augmenter, ce n'est pas la faute des travailleurs, mais celle de ceux qui dans leurs conseils d'administration planifient les "plans sociaux", autrement dit les plans de suppressions d'emplois, dans le but de faire toujours plus de profits. Mais s'en prendre aux chômeurs, en affirmant qu'il faut les "inciter" à rechercher un emploi, qu'on ne peut pas "les payer indéfiniment", que "le problème c'est que les gens n'ont plus envie de travailler", comme il se dit, d'après la presse, dans l'entourage du premier ministre, c'est flatter les sentiments haineux de ces gens pour qui les travailleurs sont toujours trop bien payés pour ce qu'ils font... mais qui ne se font pas faute, eux, de réclamer à chaque occasion l'aide de l'Etat.
Dans chacune des mesures de Chirac et Raffarin dirigée contre le monde du travail, il y a aussi la volonté de plaire à cet électorat, non seulement en défendant ses intérêts, mais aussi en flattant la mentalité réactionnaire et obtuse de ces gens-là. Mais une fois que la coupe est pleine, elle finit par déborder, et Chirac et Raffarin pourraient bien, du même coup, susciter une riposte des travailleurs qui leur fera regretter leur démagogie anti-ouvrière, car les travailleurs ne se laisseront pas toujours mépriser et opprimer.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 24 septembre 2003)
UN GOUVERNEMENT ÉBRANLÉ,
UNE OPPOSITION QUI NE S'ENGAGE PAS
Lutte ouvrière
le 29/09/2003
Si l'on en croit les derniers sondages, Raffarin rivalise donc avec Juppé pour battre les records d'impopularité d'un chef de gouvernement après à peine plus d'un an d'exercice du pouvoir. Les résultats de ces sondages ne sont pas étonnants. Cette impopularité est la conséquence de sa politique. Le gouvernement a été déstabilisé par les mouvements sociaux du printemps et de l'été, la grève des enseignants, la lutte contre les atteintes aux retraites, les manifestations des intermittents du spectacle, qui n'ont certes pas réussi à faire vraiment reculer Raffarin, mais qui ont rencontré la sympathie de larges secteurs de la population, comme par la situation tragique des hôpitaux qu'a révélée la canicule. Au point que l'on peut se demander si ce gouvernement arrivera à tenir jusqu'aux élections régionales et européennes du printemps prochain, ou si Chirac ne préférera pas opérer d'ici là un remaniement ministériel, voire un changement de premier ministre.
Il préférerait certes ne pas devoir en arriver là, mais le prolongement de la situation actuelle peut l'amener à ce choix, à cause en particulier des remous qu'elle suscite au sein de sa propre majorité dont les députés voudraient bien ne pas traîner ce discrédit devant les électeurs.
Raffarin est tellement conscient du fait qu'il ne peut pas compter sur le soutien des couches populaires, que non content d'aller dans tous les domaines au devant des voeux du MEDEF, il multiplie les gestes et les déclarations pour flatter la fraction la plus réactionnaire, la plus viscéralement anti-ouvrière, de l'électorat bourgeois et petit-bourgeois.
Les dernières mesures annoncées concernant la limitation à deux ans du versement de l'Allocation Spécifique de Solidarité, destinée aux chômeurs en fin de droit, vont dans ce sens. Elles ne représenteront en effet qu'une économie dérisoire au niveau du budget de l'Etat, mais elles contribuent à présenter les travailleurs privés d'emplois comme des fainéants. Il en est de même des déclarations de Raffarin du genre : "l'avenir de la France, ce n'est pas un immense parc de loisirs", ou de celles affirmant qu'il faut baisser l'impôt sur le revenu pour "encourager ceux qui travaillent". Comme si ceux qui ne paient pas d'impôts sur le revenu, parce que leurs salaires sont trop misérables, étaient des paresseux, alors que les riches, même lorsqu'ils se contentent de vivre de leurs rentes, étaient des gens courageux, dignes de tous les éloges... et de tous les avantages fiscaux.
Ce faisant, Raffarin ne prend pas un gros risque par rapport à l'électorat populaire, parce que, si le Parti Socialiste espère bien que l'impopularité du gouvernement Raffarin lui permettra de revenir un jour prochain aux affaires, il se garde bien d'apparaître en adversaire résolu des mesures que prend la droite. Jamais on n'a entendu Hollande, Fabius, ou les autres, s'engager, si la gauche gagnait de futures élections, à annuler toutes les mesures prises depuis un an et demi par la droite. Et pour cause : depuis 1981, malgré les multiples alternances gauche-droite au gouvernement, c'est fondamentalement la même politique économique, chaque gouvernement s'inscrivant dans la continuité du précédent. Le Parti Socialiste ne se propose plus depuis longtemps de changer la société, pour sortir d'un système économique qui accumule d'immenses richesses d'un côté, et fabrique de plus en plus de pauvres et d'exclus de l'autre. Et aucun des dirigeants du Parti Socialiste, même parmi ceux qui se prétendent les plus à sa gauche, ne propose de rompre avec cette politique.
Mais cela ne signifie pas que le monde du travail n'ait aucun moyen de mettre un terme à la politique de régression sociale qui est menée depuis des années. Ce ne sont pas les discours de l'opposition parlementaire, mais les mouvements sociaux du printemps dernier, bien qu'ils aient été limités, qui ont ébranlé le gouvernement Raffarin. Cela montre la voie à suivre pour faire ravaler à la bourgeoisie et à son gouvernement ses prétentions à traiter les travailleurs comme des esclaves et à les croire stupides.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 1e octobre 2003)