Texte intégral
Vos adversaires vous reprochent de ne penser qu'à votre "destin personnel", autrement dit la présidentielle de 2007. Etes-vous d'ores et déjà candidat à cette échéance ?
Quand les choses ne prennent pas le bon chemin et que quelqu'un ose le dire, c'est un grand classique que de l'accuser d'avoir des arrière-pensées, des ambitions cachées ! Mais qui ne voit la gravité des questions qui se posent ? Qui ne voit que quelque chose ne va pas dans le gouvernement et sa politique ? Et quand on en est sûr, doit-on se taire, simplement pour être bon camarade ?
Qu'est-ce qui ne va pas selon vous dans le gouvernement ? Est-ce Jean-Pierre Raffarin ?
Selon moi, depuis le premier jour, c'est le système de gouvernement choisi qui est une erreur. Un parti construit comme parti unique c'est-à-dire prétendant représenter toutes les sensibilités de son camp à lui seul, ne discutant jamais avec personne et détenant tous les pouvoirs en même temps, un cercle de décision restreint sans que nul sache vraiment ni qui décide ni quand, le Parlement réduit à une chambre d'enregistrement : ce système ne peut conduire qu'à de graves erreurs.
Les décisions prises sont sans vraie cohérence, jamais confrontées à la réalité, ou discutées avec les représentants élus des Français. S'il en avait été autrement, ni la vraie-fausse baisse des impôts, ni la hausse du gazole, ni l'allocation spécifique de solidarité (ASS), ni le retour de l'argent privé en politique, ni l'affaire du jour férié, ni demain le référendum aux Antilles n'auraient entraîné les couacs répétés dont souffrent l'image et l'efficacité du pouvoir.
La gauche en dit moins que vous...
Parce qu'elle ne souhaite pas que les choses se redressent. Elle se contente d'attendre que tout se casse pour revenir. Mais les Français le savent bien et n'ont aucune envie de son retour. La gauche, en raison de son échec, et de son absence de choix, ne peut pas porter l'espoir du pays. Raison de plus pour ouvrir de nouvelles perspectives.
Les élections régionales seront-elles un test ?
Oui. Deux choses peuvent changer la donne. Primo : les Français expriment un besoin régional. Ce besoin régional, avec l'élection des présidents au suffrage universel, poussera les électeurs à un intérêt nouveau. Secundo : cette échéance sera la seule occasion où le suffrage universel pourra envoyer un message à nos dirigeants avant 2007. Cela ne peut pas être sans portée.
La publication de la liste des chefs de file de l'UDF aux régionales marque-t-elle un nouveau stade de la tension entre l'UMP et les centristes ?
Dans toutes les régions françaises, l'UDF aura un chef de file. Ces femmes et ces hommes auront mission de préparer un projet et une équipe. Ils porteront le renouvellement. Mais il nous faut aussi aller au bout de cette question de "l'union", que l'on utilise, depuis vingt ans, comme une arme contre le pluralisme au service du parti dominant. Dans une élection à deux tours comme les régionales, l'UDF doit-elle comme depuis vingt-cinq ans se coller au RPR devenu UMP, jusqu'à ne plus exister que comme force d'appoint ? Ou bien, dans les circonstances où se trouve la France, a-t-elle le devoir d'incarner une nouvelle démarche et un nouveau projet ? Où est l'intérêt national ? Et, en particulier, quelle est la meilleure manière d'empêcher l'évasion des électeurs lassés vers les extrêmes ou vers l'abstention ? Je veux maintenant ouvrir ce débat avec nos adhérents et surtout avec les Français.
Tout indique que vous vous préparez à présenter des listes séparées dans toutes les régions.
C'est une logique, et elle a sa cohérence. Elle a aussi ma préférence. Nous sommes les défenseurs du pluralisme, nous y voyons la condition même du juste pouvoir. Mais il y a beaucoup de Français qui croient à "l'union". Ils sont de bonne foi et ils méritent que l'on parle avec eux aussi. Nous allons le faire.
Jean-Claude Gaudin se dit prêt à vous concéder quatre régions. Pourquoi ne pas dire "oui" tout de suite ?
Passons sur ce qu'il y a de condescendant dans de telles déclarations. C'est la logique à laquelle elles correspondent qui est intéressante... A savoir : "C'est nous qui décidons, c'est nous la majorité. On veut bien vous tolérer comme minoritaires." Or ce que je crois, c'est que le pays, les citoyens, ont quelque chose à dire aux gouvernants et à l'UMP. Les Français ne retrouvent pas dans leur gouvernement les promesses de 2002, la cohérence, le courage qu'on leur annonçait. Ils ne discernent pas clairement la cause de cette déception, mais ils chercheront à l'exprimer. Et ils voudraient pour leur pays et pour leurs régions une force nouvelle qui leur donne à espérer. Si c'est vrai, s'il y a ce besoin de changer le paysage politique, cela ne se résout pas par un dosage entre appareils.
Quitte à vous exposer à des représailles ?
Quand on défend quelque chose d'essentiel, on doit à son combat d'être insensible au chantage.
L'UDF s'est abstenue lors du vote sur le volet recettes du budget, allez-vous renouveler votre geste lors du vote général ?
Je ne vois pour l'instant aucune raison pour que nous nous déjugions. Si le gouvernement ne fait aucune concession sur les amendements que nous avons proposés, par exemple sur les chômeurs en fin de droits, nous maintiendrons notre position.
La politique de Nicolas Sarkozy en Corse marque un tournant. Y êtes-vous favorable ?
L'UDF en Corse n'avait pas approuvé le projet soumis à référendum, au nom de l'idée, exigeante et précise, que nous nous faisons des institutions régionales dont la France a besoin. Aujourd'hui, il s'agit de paix civile. J'imagine que le ministre de l'intérieur doit avoir des informations incontestables sur ce qui se passe. Je lui fais confiance, et je fais confiance à nos institutions républicaines, pour faire respecter la loi et la justice. Rien ne pourra se faire de bon et de juste sans que, sur ce point, la situation soit assainie.
Jacques Chirac semble réservé sur l'opportunité d'un référendum sur les institutions européennes. Partagez-vous ses craintes ?
Pourquoi aurait-on peur d'une consultation populaire ? Elle présente des risques ? Sans doute. Mais le risque le plus grave c'est de laisser croire que l'Europe est une affaire trop importante pour que les Français aient leur mot à dire. Les Européens les plus illustres et les plus engagés, à commencer par Valéry Giscard d'Estaing, l'affirment. Pour ma part, j'estime qu'on ne doit pas redouter le peuple. On doit l'éclairer, l'entraîner et lui faire confiance.
(Source http://www.udf.org, le 4 novembre 2003)
Quand les choses ne prennent pas le bon chemin et que quelqu'un ose le dire, c'est un grand classique que de l'accuser d'avoir des arrière-pensées, des ambitions cachées ! Mais qui ne voit la gravité des questions qui se posent ? Qui ne voit que quelque chose ne va pas dans le gouvernement et sa politique ? Et quand on en est sûr, doit-on se taire, simplement pour être bon camarade ?
Qu'est-ce qui ne va pas selon vous dans le gouvernement ? Est-ce Jean-Pierre Raffarin ?
Selon moi, depuis le premier jour, c'est le système de gouvernement choisi qui est une erreur. Un parti construit comme parti unique c'est-à-dire prétendant représenter toutes les sensibilités de son camp à lui seul, ne discutant jamais avec personne et détenant tous les pouvoirs en même temps, un cercle de décision restreint sans que nul sache vraiment ni qui décide ni quand, le Parlement réduit à une chambre d'enregistrement : ce système ne peut conduire qu'à de graves erreurs.
Les décisions prises sont sans vraie cohérence, jamais confrontées à la réalité, ou discutées avec les représentants élus des Français. S'il en avait été autrement, ni la vraie-fausse baisse des impôts, ni la hausse du gazole, ni l'allocation spécifique de solidarité (ASS), ni le retour de l'argent privé en politique, ni l'affaire du jour férié, ni demain le référendum aux Antilles n'auraient entraîné les couacs répétés dont souffrent l'image et l'efficacité du pouvoir.
La gauche en dit moins que vous...
Parce qu'elle ne souhaite pas que les choses se redressent. Elle se contente d'attendre que tout se casse pour revenir. Mais les Français le savent bien et n'ont aucune envie de son retour. La gauche, en raison de son échec, et de son absence de choix, ne peut pas porter l'espoir du pays. Raison de plus pour ouvrir de nouvelles perspectives.
Les élections régionales seront-elles un test ?
Oui. Deux choses peuvent changer la donne. Primo : les Français expriment un besoin régional. Ce besoin régional, avec l'élection des présidents au suffrage universel, poussera les électeurs à un intérêt nouveau. Secundo : cette échéance sera la seule occasion où le suffrage universel pourra envoyer un message à nos dirigeants avant 2007. Cela ne peut pas être sans portée.
La publication de la liste des chefs de file de l'UDF aux régionales marque-t-elle un nouveau stade de la tension entre l'UMP et les centristes ?
Dans toutes les régions françaises, l'UDF aura un chef de file. Ces femmes et ces hommes auront mission de préparer un projet et une équipe. Ils porteront le renouvellement. Mais il nous faut aussi aller au bout de cette question de "l'union", que l'on utilise, depuis vingt ans, comme une arme contre le pluralisme au service du parti dominant. Dans une élection à deux tours comme les régionales, l'UDF doit-elle comme depuis vingt-cinq ans se coller au RPR devenu UMP, jusqu'à ne plus exister que comme force d'appoint ? Ou bien, dans les circonstances où se trouve la France, a-t-elle le devoir d'incarner une nouvelle démarche et un nouveau projet ? Où est l'intérêt national ? Et, en particulier, quelle est la meilleure manière d'empêcher l'évasion des électeurs lassés vers les extrêmes ou vers l'abstention ? Je veux maintenant ouvrir ce débat avec nos adhérents et surtout avec les Français.
Tout indique que vous vous préparez à présenter des listes séparées dans toutes les régions.
C'est une logique, et elle a sa cohérence. Elle a aussi ma préférence. Nous sommes les défenseurs du pluralisme, nous y voyons la condition même du juste pouvoir. Mais il y a beaucoup de Français qui croient à "l'union". Ils sont de bonne foi et ils méritent que l'on parle avec eux aussi. Nous allons le faire.
Jean-Claude Gaudin se dit prêt à vous concéder quatre régions. Pourquoi ne pas dire "oui" tout de suite ?
Passons sur ce qu'il y a de condescendant dans de telles déclarations. C'est la logique à laquelle elles correspondent qui est intéressante... A savoir : "C'est nous qui décidons, c'est nous la majorité. On veut bien vous tolérer comme minoritaires." Or ce que je crois, c'est que le pays, les citoyens, ont quelque chose à dire aux gouvernants et à l'UMP. Les Français ne retrouvent pas dans leur gouvernement les promesses de 2002, la cohérence, le courage qu'on leur annonçait. Ils ne discernent pas clairement la cause de cette déception, mais ils chercheront à l'exprimer. Et ils voudraient pour leur pays et pour leurs régions une force nouvelle qui leur donne à espérer. Si c'est vrai, s'il y a ce besoin de changer le paysage politique, cela ne se résout pas par un dosage entre appareils.
Quitte à vous exposer à des représailles ?
Quand on défend quelque chose d'essentiel, on doit à son combat d'être insensible au chantage.
L'UDF s'est abstenue lors du vote sur le volet recettes du budget, allez-vous renouveler votre geste lors du vote général ?
Je ne vois pour l'instant aucune raison pour que nous nous déjugions. Si le gouvernement ne fait aucune concession sur les amendements que nous avons proposés, par exemple sur les chômeurs en fin de droits, nous maintiendrons notre position.
La politique de Nicolas Sarkozy en Corse marque un tournant. Y êtes-vous favorable ?
L'UDF en Corse n'avait pas approuvé le projet soumis à référendum, au nom de l'idée, exigeante et précise, que nous nous faisons des institutions régionales dont la France a besoin. Aujourd'hui, il s'agit de paix civile. J'imagine que le ministre de l'intérieur doit avoir des informations incontestables sur ce qui se passe. Je lui fais confiance, et je fais confiance à nos institutions républicaines, pour faire respecter la loi et la justice. Rien ne pourra se faire de bon et de juste sans que, sur ce point, la situation soit assainie.
Jacques Chirac semble réservé sur l'opportunité d'un référendum sur les institutions européennes. Partagez-vous ses craintes ?
Pourquoi aurait-on peur d'une consultation populaire ? Elle présente des risques ? Sans doute. Mais le risque le plus grave c'est de laisser croire que l'Europe est une affaire trop importante pour que les Français aient leur mot à dire. Les Européens les plus illustres et les plus engagés, à commencer par Valéry Giscard d'Estaing, l'affirment. Pour ma part, j'estime qu'on ne doit pas redouter le peuple. On doit l'éclairer, l'entraîner et lui faire confiance.
(Source http://www.udf.org, le 4 novembre 2003)