Texte intégral
Messieurs les Officiers Généraux,
Messieurs les Officiers,
Je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui devant vous. Je sais en m'adressant à vous, m'adresser en même temps à la future élite des états-majors français qui seront les successeurs de mes collaborateurs au quotidien.
Je sais aussi qu'ici, je m'adresse à une école riche de traditions où le général de Gaulle enseigna et réfléchit d'ailleurs à une forme d'armée nouvelle. Je m'adresse aussi à une école dont le but a toujours été de brasser la culture des trois armées et de la gendarmerie, à une école dont le but est également de confronter les cultures, car aujourd'hui et peut-être plus que jamais, le C.I.D. s'est internationalisé. En témoignent d'ailleurs la variété et la multiplicité des uniformes qui sont dans cette salle. Je ne parle même pas de ceux que nous avons vus sur cet écran.
J'apprécie tout particulièrement, et je tiens à vous le dire amiral, que mon intervention se déroule dans le cadre d'un exercice qui associe des officiers français, britanniques, allemands, espagnols et italiens. Je tiens à le saluer tout particulièrement à cette occasion.
Le thème qui a été retenu pour notre entretien est celui de la vision française de la défense européenne. Je dirais que c'est un thème qui s'imposait tout naturellement à ces circonstances particulières. La construction de la défense européenne est à mes yeux une nécessité. Je dirais qu'au delà, la défense européenne est d'ores et déjà une réalité. Votre présence ici en témoigne. Elle est désormais entrée dans une phase dynamique et décisive qui doit nous pousser à aller de l'avant. Ce sont les trois points que je voudrais développer devant vous.
La défense européenne est une nécessité. Elle est une nécessité parce que le monde a changé, mais aussi parce que l'Europe a changé. Le monde a changé. Nous avons connu une période d'euphorie qui a suivi la réunification de l'Europe et, nous semblait-il, la disparition du péril qui pesait sur sa partie occidentale depuis déjà longtemps. Pour autant, cette euphorie a été de courte durée car force est de reconnaître que contrairement à ce que certains espéraient, il n'y a pas eu de dividendes de la paix. Très rapidement, sur notre propre continent, nous avons vu certes, la dislocation des régimes totalitaires, mais nous avons vu aussitôt surgir un certain nombre de soubresauts, et notamment dans la région des Balkans. Sur le reste de la planète de la même façon, nous avons vu et nous voyons régulièrement surgir des crises multiples dont le caractère régional n'empêche de voir qu'il peut y avoir aussi une large extension de leurs conséquences.
La globalisation née de la fin de la guerre froide a rendu aussi plus criantes un certain nombre de disparités régionales. Elle alimente par là même en grande partie les rancurs dont se nourrit un fléau nouvellement apparu qu'est le terrorisme international. Ajoutons à cela que la désorganisation du monde pousse aussi certains Etats, pour l'instant des Etats, à se doter d'armes de destruction massive. Nous assistons à une certaine prolifération des armes de destruction massive. Voilà pour les changements du monde. Mais l'Europe elle-même a changé, l'Europe qui, de plus en plus se confond avec l'Union européenne, n'est pas restée immobile pendant cette période. Il est à noter que les Européens ne se contentent plus d'avoir entre eux des liens économiques. Ils attendent, ils demandent à leurs gouvernants qu'ils travaillent aussi dans le sens de véritables solidarités politiques. C'est indispensable pour que les peuples d'Europe puissent continuer à peser sur la marche du monde, pour qu'ils puissent exprimer leur puissance économique, technologique et financière, et qu'ils puissent aussi peser avec leurs valeurs et leurs convictions.
Si l'Europe de la défense est une nécessité, elle est aussi aujourd'hui largement devenue une réalité. Beaucoup, il y a encore peu, décrivaient, voire même décrivent la construction de la défense européenne comme une utopie. Je crois que les faits démentent ce scepticisme. En fait, l'Europe de la défense progresse plus rapidement que n'a progressé en son temps la monnaie unique dont personne pourtant ne conteste plus le succès. Combien de temps a-t-il fallu pour mettre en place l'euro ? Et combien de discussions ? Je constate aujourd'hui que l'Europe de la défense se manifeste sous des formes diverses, mais qu'elle va de plus en plus vite. Je crois vraiment aujourd'hui que les acquis de la Défense européenne sont des réalités et qu'en même temps, ces acquis confortent la relation transatlantique et ne s'opposent pas à elle, comme certains voudraient le faire croire.
Les acquis de la défense européenne, qu'est-ce que c'est ? C'est d'abord le fait de constater qu'au cours de ces dernières années, il y a eu un certain nombre de rendez-vous essentiels qui ont marqué l'élaboration de cette défense européenne. Un des moments principaux me paraît être la réunion de Saint Malo, où le ralliement si je peux dire de la Grande-Bretagne à la PESC a joué une sorte de rôle d'accélérateur. Car sans la Grande-Bretagne, il est évident qu'il est difficile de concevoir une réelle Europe de la défense.
La coopération franco-allemande, réaffirmée lors du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée, a également été un facteur important d'affirmation de la volonté de construire une Europe de la défense. Ce sont aussi toutes les réunions à travers lesquelles nous tissons des coopérations multiples avec les autres pays de l'Union. Mais au delà de ces rendez-vous politiques, ce sont aussi des faits concrets qui prouvent que l'Europe de la défense a désormais quitté le domaine des utopies. Ne l'oublions pas, les Européens fournissent d'ores et déjà l'essentiel des effectifs déployés dans les Balkans. L'année passée, au Kosovo, le corps européen a prouvé sa capacité à encadrer une opération majeure réunissant d'importants effectifs. En Bosnie-Herzégovine, depuis le début de l'année, ce sont les forces de police européenne qui contribuent à la stabilisation du pays et également à la formation de ses cadres. En Macédoine, depuis le début de ce mois, l'Union européenne a pris la relève de l'OTAN. C'est une opération nécessitant des effectifs peu nombreux mais ô combien symboliques. C'est aussi l'Union européenne qui est en train de se préparer à prendre de la même façon l'an prochain, là aussi la relève de l'OTAN, en Bosnie.
En dehors même de ces théâtres d'opérations, n'oublions pas que les pays européens fournissent l'essentiel des contingents qui participent en Afghanistan à la pacification du pays dans le cadre de la FIAS.
Je crois que, de plus en plus, l'exercice auquel vous venez de participez, auquel vous participez le prouve amplement. La plupart des opérations majeures se situent dans un cadre multinational où l'Europe est au cur. De ce point de vue, je pense que les formations entrecroisées de nos officiers, l'habitude répétée du travail en commun, que ce soit sur les théâtres d'opérations ou lors des exercices, crée progressivement aussi une véritable culture militaire européenne.
Mais, il ne faut pas oublier que la politique européenne de sécurité et de défense, ce n'est pas simplement une réalité opérationnelle. Elle a aussi une dimension économique et industrielle, et là aussi, nous constatons un certain nombre de progrès.
C'est la construction de l'Europe de l'Armement qui accompagne la construction de la défense européenne. Existe déjà un organisme, l'OCCAR, dont on a beaucoup entendu parler ces derniers temps. Vous le savez, nous appelons de nos vux et je crois que l'accord est très large en la matière, entre les différents pays européens, à la création d'une agence de développement et d'acquisition des capacités militaires. Celle-ci devrait être inscrite dans le cadre des travaux résultant de la convention européenne. De plus, au-delà même de ces projets, on doit constater que des réalisations concrètes existent déjà. Aux anciens programmes bilatéraux, qui existaient entre un certain nombre de pays, se substituent maintenant des projets qui sont véritablement des projets européens. Je suis tout particulièrement heureuse aujourd'hui de rappeler l'existence d'un projet qui s'est encore plus concrétisé hier, un projet qui est à la fois le plus récent et le plus ambitieux qui est celui de l'A400M. Dès mon arrivée au ministère, j'ai entendu parler du projet de l'A400M. Combien de fois ai-je lu dans la presse que c'était un de ces projets utopiques qui ne se réaliserait jamais. Depuis hier, avec le vote à l'unanimité par le Bundestag qui confirme la participation allemande, le programme A400M est finalisé. Et je pense d'ailleurs qu'au-delà des pays partenaires au départ, de nouveaux pays européens vont nous rejoindre dans les prochains mois ou dans les prochaines années autour de ce programme. D'autant que nous le savons maintenant, son moteur sera aussi européen. Je crois que c'est un geste de forte valeur symbolique, mais aussi bien entendu industrielle. Notre coopération s'étend, et s'étendra de plus en plus également dans le domaine du spatial avec en particulier le satellite Helios.
L'année 2003 sera une année cruciale en ce qui concerne les capacités. Le catalogue des forces mises à la disposition de l'Union européenne recèle des ressources importantes. C'est le réservoir de la future force de réaction rapide. Celle-ci, dédiée aux missions de Petersberg, devra être, et je tiens à être très ferme sur ce point, complémentaire et non concurrente de la force de réaction rapide de l'OTAN, parce que, et c'est le deuxième point que je voulais souligner, en la matière, la défense européenne est également un élément de renforcement de la relation transatlantique.
Certes, je sais qu'un certain nombre de faits récents et largement sur-interprétés ont pu faire croire à une remise en cause du lien transatlantique et de sa place centrale dans notre sécurité. Je dirais que c'est non seulement faux, mais que c'est aussi tout simplement impossible, parce que l'Europe et les Etats-Unis partagent les mêmes valeurs qui sont fondées sur la démocratie, sur le respect du droit, sur le respect de l'homme et de sa liberté. Nous sommes également confrontés, et aujourd'hui tout particulièrement, aux mêmes menaces. C'est cette interdépendance de nos valeurs, mais également des risques que nous encourrons qui engendrent notre solidarité. Et la France l'a prouvé, et le prouve chaque jour dans la lutte contre Al Qaida.
Le président de la République l'a répété ici même devant l'I.H.E.D.N. il y a un peu moins de deux ans, en juin 2001. L'OTAN reste au cur du système de défense de l'Europe. Mais comme le monde a changé, je vous le disais tout à l'heure, l'Alliance doit elle aussi évoluer. Tous les partenaires doivent y être traités avec respect, tolérance et sur un pied d'égalité. Dans ce domaine et pour obtenir ce résultat, la politique européenne de sécurité et de défense joue un rôle capital. Il lui revient de montrer à nos amis et alliés américains que les Européens ont la volonté de se défendre et qu'ils s'en donnent les moyens. S'en donner les moyens, cela implique d'aller de l'avant. Et c'est le troisième point sur lequel je souhaite insister. Oui, il est possible d'aller de l'avant. Il est possible d'aller de l'avant à condition d'en avoir la volonté politique et de s'en donner les moyens financiers. La France, pour sa part, est décidée à assumer ses responsabilités en faisant de la sécurité une priorité absolue. La loi de programmation militaire est venue souligner notre détermination à assumer notre défense et en faire un élément fondamental de la politique de l'Etat. Mais cet effort bien entendu que nous faisons à titre national, nous le mettons, c'est naturel, au service de la sécurité de tous les Européens. Ce que nous espérons, c'est que nous serons suivis et imités dans cette voie. A terme en effet, l'Europe pour pouvoir être crédible devra être capable de mettre sur pied des opérations de maintien de la paix. L'Europe l'avait déjà fait, par exemple en Albanie en 1997. Elle sera de nouveau confrontée à ce genre de problème dans l'avenir. Il faudra qu'elle améliore son processus de planification et de décision pour être capable de faire face à ce type de mission. Alors bien entendu, quand on parle d'une Europe à 25, certains sont un peu dubitatifs quant à notre possibilité d'agir de concert dans cette voie. Il faut être pragmatique, et je sais que les militaires sont pragmatiques. Au début, il faudra sûrement se reposer sur un petit groupe de pays volontaires, parce qu'ils en auront les moyens et la volonté. Mais il est important que nul ne se sente à aucun moment exclu, et que chacun puisse être appelé à participer en fonction de sa volonté et dans la mesure de ses capacités. Nous devons équiper nos armées en fonction des besoins réels de l'ensemble de l'Union. C'est d'ailleurs ce que nous cherchons dans le processus ECAP, le plan d'action européen sur les capacités.
En conclusion, je vous dirais que depuis plus d'un demi-siècle, les pays d'Europe occidentale ont vécu dans un espace de paix et de liberté. Depuis peu, nous sommes rejoints par la quasi-totalité du continent européen. Ne l'oublions jamais, la paix est un trésor. Et ce trésor doit être défendu. Nous ne sommes pas seuls bien entendu mais l'idéal européen exige de nous que nous puissions démontrer notre maturité politique et militaire. Votre présence ici à tous va dans ce sens. Le sens d'une volonté qui nous réunit, le sens d'une organisation qui nous permet d'additionner nos forces. Oui, je le pense sincèrement en m'adressant à vous et à tous ceux qui nous écoutent, votre présence à tous ce soir est un véritable gage d'espoir.
Je vous remercie.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 12 juin 2003)
Messieurs les Officiers,
Je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui devant vous. Je sais en m'adressant à vous, m'adresser en même temps à la future élite des états-majors français qui seront les successeurs de mes collaborateurs au quotidien.
Je sais aussi qu'ici, je m'adresse à une école riche de traditions où le général de Gaulle enseigna et réfléchit d'ailleurs à une forme d'armée nouvelle. Je m'adresse aussi à une école dont le but a toujours été de brasser la culture des trois armées et de la gendarmerie, à une école dont le but est également de confronter les cultures, car aujourd'hui et peut-être plus que jamais, le C.I.D. s'est internationalisé. En témoignent d'ailleurs la variété et la multiplicité des uniformes qui sont dans cette salle. Je ne parle même pas de ceux que nous avons vus sur cet écran.
J'apprécie tout particulièrement, et je tiens à vous le dire amiral, que mon intervention se déroule dans le cadre d'un exercice qui associe des officiers français, britanniques, allemands, espagnols et italiens. Je tiens à le saluer tout particulièrement à cette occasion.
Le thème qui a été retenu pour notre entretien est celui de la vision française de la défense européenne. Je dirais que c'est un thème qui s'imposait tout naturellement à ces circonstances particulières. La construction de la défense européenne est à mes yeux une nécessité. Je dirais qu'au delà, la défense européenne est d'ores et déjà une réalité. Votre présence ici en témoigne. Elle est désormais entrée dans une phase dynamique et décisive qui doit nous pousser à aller de l'avant. Ce sont les trois points que je voudrais développer devant vous.
La défense européenne est une nécessité. Elle est une nécessité parce que le monde a changé, mais aussi parce que l'Europe a changé. Le monde a changé. Nous avons connu une période d'euphorie qui a suivi la réunification de l'Europe et, nous semblait-il, la disparition du péril qui pesait sur sa partie occidentale depuis déjà longtemps. Pour autant, cette euphorie a été de courte durée car force est de reconnaître que contrairement à ce que certains espéraient, il n'y a pas eu de dividendes de la paix. Très rapidement, sur notre propre continent, nous avons vu certes, la dislocation des régimes totalitaires, mais nous avons vu aussitôt surgir un certain nombre de soubresauts, et notamment dans la région des Balkans. Sur le reste de la planète de la même façon, nous avons vu et nous voyons régulièrement surgir des crises multiples dont le caractère régional n'empêche de voir qu'il peut y avoir aussi une large extension de leurs conséquences.
La globalisation née de la fin de la guerre froide a rendu aussi plus criantes un certain nombre de disparités régionales. Elle alimente par là même en grande partie les rancurs dont se nourrit un fléau nouvellement apparu qu'est le terrorisme international. Ajoutons à cela que la désorganisation du monde pousse aussi certains Etats, pour l'instant des Etats, à se doter d'armes de destruction massive. Nous assistons à une certaine prolifération des armes de destruction massive. Voilà pour les changements du monde. Mais l'Europe elle-même a changé, l'Europe qui, de plus en plus se confond avec l'Union européenne, n'est pas restée immobile pendant cette période. Il est à noter que les Européens ne se contentent plus d'avoir entre eux des liens économiques. Ils attendent, ils demandent à leurs gouvernants qu'ils travaillent aussi dans le sens de véritables solidarités politiques. C'est indispensable pour que les peuples d'Europe puissent continuer à peser sur la marche du monde, pour qu'ils puissent exprimer leur puissance économique, technologique et financière, et qu'ils puissent aussi peser avec leurs valeurs et leurs convictions.
Si l'Europe de la défense est une nécessité, elle est aussi aujourd'hui largement devenue une réalité. Beaucoup, il y a encore peu, décrivaient, voire même décrivent la construction de la défense européenne comme une utopie. Je crois que les faits démentent ce scepticisme. En fait, l'Europe de la défense progresse plus rapidement que n'a progressé en son temps la monnaie unique dont personne pourtant ne conteste plus le succès. Combien de temps a-t-il fallu pour mettre en place l'euro ? Et combien de discussions ? Je constate aujourd'hui que l'Europe de la défense se manifeste sous des formes diverses, mais qu'elle va de plus en plus vite. Je crois vraiment aujourd'hui que les acquis de la Défense européenne sont des réalités et qu'en même temps, ces acquis confortent la relation transatlantique et ne s'opposent pas à elle, comme certains voudraient le faire croire.
Les acquis de la défense européenne, qu'est-ce que c'est ? C'est d'abord le fait de constater qu'au cours de ces dernières années, il y a eu un certain nombre de rendez-vous essentiels qui ont marqué l'élaboration de cette défense européenne. Un des moments principaux me paraît être la réunion de Saint Malo, où le ralliement si je peux dire de la Grande-Bretagne à la PESC a joué une sorte de rôle d'accélérateur. Car sans la Grande-Bretagne, il est évident qu'il est difficile de concevoir une réelle Europe de la défense.
La coopération franco-allemande, réaffirmée lors du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée, a également été un facteur important d'affirmation de la volonté de construire une Europe de la défense. Ce sont aussi toutes les réunions à travers lesquelles nous tissons des coopérations multiples avec les autres pays de l'Union. Mais au delà de ces rendez-vous politiques, ce sont aussi des faits concrets qui prouvent que l'Europe de la défense a désormais quitté le domaine des utopies. Ne l'oublions pas, les Européens fournissent d'ores et déjà l'essentiel des effectifs déployés dans les Balkans. L'année passée, au Kosovo, le corps européen a prouvé sa capacité à encadrer une opération majeure réunissant d'importants effectifs. En Bosnie-Herzégovine, depuis le début de l'année, ce sont les forces de police européenne qui contribuent à la stabilisation du pays et également à la formation de ses cadres. En Macédoine, depuis le début de ce mois, l'Union européenne a pris la relève de l'OTAN. C'est une opération nécessitant des effectifs peu nombreux mais ô combien symboliques. C'est aussi l'Union européenne qui est en train de se préparer à prendre de la même façon l'an prochain, là aussi la relève de l'OTAN, en Bosnie.
En dehors même de ces théâtres d'opérations, n'oublions pas que les pays européens fournissent l'essentiel des contingents qui participent en Afghanistan à la pacification du pays dans le cadre de la FIAS.
Je crois que, de plus en plus, l'exercice auquel vous venez de participez, auquel vous participez le prouve amplement. La plupart des opérations majeures se situent dans un cadre multinational où l'Europe est au cur. De ce point de vue, je pense que les formations entrecroisées de nos officiers, l'habitude répétée du travail en commun, que ce soit sur les théâtres d'opérations ou lors des exercices, crée progressivement aussi une véritable culture militaire européenne.
Mais, il ne faut pas oublier que la politique européenne de sécurité et de défense, ce n'est pas simplement une réalité opérationnelle. Elle a aussi une dimension économique et industrielle, et là aussi, nous constatons un certain nombre de progrès.
C'est la construction de l'Europe de l'Armement qui accompagne la construction de la défense européenne. Existe déjà un organisme, l'OCCAR, dont on a beaucoup entendu parler ces derniers temps. Vous le savez, nous appelons de nos vux et je crois que l'accord est très large en la matière, entre les différents pays européens, à la création d'une agence de développement et d'acquisition des capacités militaires. Celle-ci devrait être inscrite dans le cadre des travaux résultant de la convention européenne. De plus, au-delà même de ces projets, on doit constater que des réalisations concrètes existent déjà. Aux anciens programmes bilatéraux, qui existaient entre un certain nombre de pays, se substituent maintenant des projets qui sont véritablement des projets européens. Je suis tout particulièrement heureuse aujourd'hui de rappeler l'existence d'un projet qui s'est encore plus concrétisé hier, un projet qui est à la fois le plus récent et le plus ambitieux qui est celui de l'A400M. Dès mon arrivée au ministère, j'ai entendu parler du projet de l'A400M. Combien de fois ai-je lu dans la presse que c'était un de ces projets utopiques qui ne se réaliserait jamais. Depuis hier, avec le vote à l'unanimité par le Bundestag qui confirme la participation allemande, le programme A400M est finalisé. Et je pense d'ailleurs qu'au-delà des pays partenaires au départ, de nouveaux pays européens vont nous rejoindre dans les prochains mois ou dans les prochaines années autour de ce programme. D'autant que nous le savons maintenant, son moteur sera aussi européen. Je crois que c'est un geste de forte valeur symbolique, mais aussi bien entendu industrielle. Notre coopération s'étend, et s'étendra de plus en plus également dans le domaine du spatial avec en particulier le satellite Helios.
L'année 2003 sera une année cruciale en ce qui concerne les capacités. Le catalogue des forces mises à la disposition de l'Union européenne recèle des ressources importantes. C'est le réservoir de la future force de réaction rapide. Celle-ci, dédiée aux missions de Petersberg, devra être, et je tiens à être très ferme sur ce point, complémentaire et non concurrente de la force de réaction rapide de l'OTAN, parce que, et c'est le deuxième point que je voulais souligner, en la matière, la défense européenne est également un élément de renforcement de la relation transatlantique.
Certes, je sais qu'un certain nombre de faits récents et largement sur-interprétés ont pu faire croire à une remise en cause du lien transatlantique et de sa place centrale dans notre sécurité. Je dirais que c'est non seulement faux, mais que c'est aussi tout simplement impossible, parce que l'Europe et les Etats-Unis partagent les mêmes valeurs qui sont fondées sur la démocratie, sur le respect du droit, sur le respect de l'homme et de sa liberté. Nous sommes également confrontés, et aujourd'hui tout particulièrement, aux mêmes menaces. C'est cette interdépendance de nos valeurs, mais également des risques que nous encourrons qui engendrent notre solidarité. Et la France l'a prouvé, et le prouve chaque jour dans la lutte contre Al Qaida.
Le président de la République l'a répété ici même devant l'I.H.E.D.N. il y a un peu moins de deux ans, en juin 2001. L'OTAN reste au cur du système de défense de l'Europe. Mais comme le monde a changé, je vous le disais tout à l'heure, l'Alliance doit elle aussi évoluer. Tous les partenaires doivent y être traités avec respect, tolérance et sur un pied d'égalité. Dans ce domaine et pour obtenir ce résultat, la politique européenne de sécurité et de défense joue un rôle capital. Il lui revient de montrer à nos amis et alliés américains que les Européens ont la volonté de se défendre et qu'ils s'en donnent les moyens. S'en donner les moyens, cela implique d'aller de l'avant. Et c'est le troisième point sur lequel je souhaite insister. Oui, il est possible d'aller de l'avant. Il est possible d'aller de l'avant à condition d'en avoir la volonté politique et de s'en donner les moyens financiers. La France, pour sa part, est décidée à assumer ses responsabilités en faisant de la sécurité une priorité absolue. La loi de programmation militaire est venue souligner notre détermination à assumer notre défense et en faire un élément fondamental de la politique de l'Etat. Mais cet effort bien entendu que nous faisons à titre national, nous le mettons, c'est naturel, au service de la sécurité de tous les Européens. Ce que nous espérons, c'est que nous serons suivis et imités dans cette voie. A terme en effet, l'Europe pour pouvoir être crédible devra être capable de mettre sur pied des opérations de maintien de la paix. L'Europe l'avait déjà fait, par exemple en Albanie en 1997. Elle sera de nouveau confrontée à ce genre de problème dans l'avenir. Il faudra qu'elle améliore son processus de planification et de décision pour être capable de faire face à ce type de mission. Alors bien entendu, quand on parle d'une Europe à 25, certains sont un peu dubitatifs quant à notre possibilité d'agir de concert dans cette voie. Il faut être pragmatique, et je sais que les militaires sont pragmatiques. Au début, il faudra sûrement se reposer sur un petit groupe de pays volontaires, parce qu'ils en auront les moyens et la volonté. Mais il est important que nul ne se sente à aucun moment exclu, et que chacun puisse être appelé à participer en fonction de sa volonté et dans la mesure de ses capacités. Nous devons équiper nos armées en fonction des besoins réels de l'ensemble de l'Union. C'est d'ailleurs ce que nous cherchons dans le processus ECAP, le plan d'action européen sur les capacités.
En conclusion, je vous dirais que depuis plus d'un demi-siècle, les pays d'Europe occidentale ont vécu dans un espace de paix et de liberté. Depuis peu, nous sommes rejoints par la quasi-totalité du continent européen. Ne l'oublions jamais, la paix est un trésor. Et ce trésor doit être défendu. Nous ne sommes pas seuls bien entendu mais l'idéal européen exige de nous que nous puissions démontrer notre maturité politique et militaire. Votre présence ici à tous va dans ce sens. Le sens d'une volonté qui nous réunit, le sens d'une organisation qui nous permet d'additionner nos forces. Oui, je le pense sincèrement en m'adressant à vous et à tous ceux qui nous écoutent, votre présence à tous ce soir est un véritable gage d'espoir.
Je vous remercie.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 12 juin 2003)