Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, dans "Paris Match" du 20 mai 2004, sur le mode de scrutin pour les élections européennes et les compétences de la Commission européenne.

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Média : Paris Match

Texte intégral

Q - La campagne des élections européennes n'a pas l'air de séduire les foules. A votre avis, pourquoi ?
R - L'absence d'enthousiasme s'explique pour deux raisons.
La première : il s'agit d'un scrutin éclaté en huit grandes régions dans lesquelles les Français ne se reconnaissent pas. La Bourgogne est avec la Lorraine, la Corse avec Rhône-Alpes, le Nord avec les deux Normandies. Ça leur paraît bizarre !
Deuxième raison : les parties euro-fédérateurs, c'est-à-dire l'UMP et le PS, font tout pour retarder le moment de la confrontation parce qu'ils savent que les euro-réalistes, c'est-à-dire les souverainistes, sont majoritaires dans le pays.
Q - Justement, vous incarnez ce courant souverainiste qui veut une Europe confédérale où chaque Etat pourrait se gouverner à sa guise. Mais c'est l'inverse, une Europe fédérale qui se met en place, avec un pouvoir central.
R - L'Europe supra-étatique entièrement dirigée par la Commission européenne, ça ne marche pas. On voit ce que ça donne : cette semaine, elle nous impose la libre circulation des OGM que les Anglais ont baptisé la " nourriture Frankenstein ". C'est encore elle, la Commission, qui a obligé Sarkozy à venir toutes les semaine depuis qu'il est à Bercy pour essayer de lui imposer le démantèlement d'Alstom contre son gré. C'est encore elle qui nous empêche de baisser la TVA pour les restaurateurs, ce qui a pourtant été décidé par Chirac, Schröder et Blair à Berlin. Et c'est encore elle qui a proposé que l'Europe comprenne, en plus de ses 25 membres, la Turquie, avec en plus un programme de 800 millions d'euros pour préparer l'entrée future de la Syrie, de la Libye, de la Géorgie et des pays du Caucase dans une grande zone de libre-échange. La Commission en fait trop !
Q - Vous, que prônez-vous avec votre Europe souverainiste ?
R - Je veux une Europe fondée sur la souplesse et le respect des peuples dans les limites géographiques qui sont celles de l'Europe. Je veux une Europe libre à l'extérieur, et protégée à l'intérieur pour lutter contre les délocalisations qui s'amplifient.
Q - Quel est votre pronostic pour les élections européennes du 13 juin ?
R - Je prédis l'effondrement des partis qui défendent l'Europe fédérale et centralisée. Je veux faire de cette campagne un double rendez-vous : sortir la France du déclin et la droite du coma. Il faut oser abolir les 35 heures, oser s'attaquer aux prélèvements excessifs, oser réformer notre sphère publique, oser affronter la " privilégiature " syndicale.
Q - Autrement dit, vous êtes une Thatcher en pantalons ?
R - Je prends ça pour un compliment. Oui à la fermeté de la Dame de fer qui a redressé son pays, oui à son refus de la commission de Bruxelles. Un jour, elle m'avait dit, en 1996 : " on ne s'est pas débarrassé des commissaires à l'Est pour se mettre sous la coupe des commissaires de l'Ouest ". Plus que jamais, elle à raison.
Q - Et votre pronostic sur le référendum ?
R - Je prends le pari que Chirac ne le fera jamais parce qu'il échouera.

(source http://www.villiers2004.com, le 24 mai 2004)