Entretien de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, dans "Le Berry républicain" du 8 mai 2004, sur l'aide de l'Etat, la restructuration de l'activité et les perspectives de développement de GIAT Industries.

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Média : Le Berry républicain

Texte intégral

Le Berry Républicain :
Vous venez dans le Cher en visite sur la base aérienne 702 d'Avord. S'agit-il d'une visite ministérielle afin de prendre le pouls des troupes sur le terrain ou bien allez-vous rassurer les militaires de la base, et plus largement l'ensemble des militaires du département, quelque peu inquiets à la suite de votre passe d'armes budgétaire avec le ministre de l'économie ?
Michèle Alliot-Marie :
Pour commencer, il n'est pas question de " passe d'armes " entre le ministère de l'Industrie, de l'Economie et des Finances et le ministère de la Défense. Il s'agit du processus classique de préparation budgétaire, comme chaque année à la même période. Ma priorité est de veiller à l'exécution de la loi de programmation militaire telle qu'elle a été votée.
Cette visite à la B.A. 702 est l'occasion de rencontrer les hommes et les femmes qui servent notre pays au sein de la défense. Depuis ma prise de fonction il y a deux ans, je me rends donc aussi souvent que possible sur le terrain pour soutenir nos militaires, saluer leur professionnalisme et les encourager à poursuivre leurs efforts.
Cela me permet aussi de me rendre compte de la pertinence des choix faits en matière de sécurité du territoire. Il est en effet de la responsabilité de l'Etat d'assurer la protection de tous les Français. La multiplication des risques liés notamment au terrorisme nous impose une vigilance accrue et bien évidemment des moyens adaptés. A ce titre, la B.A. 702 est un exemple concret du rôle des militaires dans la sécurité du territoire, notamment avec le 36ème escadron de détection et de contrôle aéroporté et l'escadron 2/4 Lafayette.
Alors que le contrat d'entreprise entre l'Etat et Giat Industries vient d'être finalisé, comment comptez-vous rassurer les sceptiques qui, par voix syndicale, dénoncent un manque de moyens financiers permettant d'installer le plan de restructuration du groupe dans la durée ?
Lors de la présentation du plan Giat Industries 2006 aux organes sociaux, il y a un an, l'Etat avait annoncé qu'il mettrait sur pied un contrat d'entreprise pour en accompagner la mise en oeuvre. Ce contrat d'entreprise permet de clarifier et d'expliciter les responsabilités de chacun, et de garantir l'exécution des engagements pris. Il rompt ainsi avec les pratiques passées. L'État assumera toutes ses responsabilités de client et d'actionnaire et notamment la dotation en capital permettant de mettre en uvre le plan et de parvenir à une situation financière saine en 2006. A l'issue des négociations, l'ordre de grandeur de la recapitalisation reste conforme aux prévisions d'avril 2003, de l'ordre de 1 Milliard d'. Le contrat d'entreprise explicite les intentions de commande de l'État sur la période 2003-2008 grâce à la loi de programmation militaire.
Celle-ci prévoit l'achèvement du programme Leclerc et sa maintenance ainsi que la construction du VBCI. Par ailleurs, l'État s'engage sur des commandes supplémentaires portant sur l'acquisition de 72 canons Caesar, la rénovation des véhicules blindés AMX10P et la valorisation des engins blindés du génie. Enfin, l'entreprise assurera la fourniture des munitions dans le cadre de contrats pluriannuels dont le chiffre d'affaires, de 458M en moyenne par an, devrait rassurer les plus sceptiques.
Si le département du Cher est certes moins touché par la restructuration de Giat Industries, que répondre à ceux qui prétendent que vous démantelez les outils de production qui ont le plus de chance d'assurer la viabilité du groupe, comme la division des armes et munitions ?
Sur les dix dernières années, Giat Industries a subi une réduction des deux-tiers du volume de ses commandes d'armement terrestre (matériels blindés, artillerie et armes de moyen et petit calibre). La fin du programme de la construction du Leclerc entraînait automatiquement une baisse d'activité majeure. L'État a procédé plusieurs fois à la recapitalisation de l'entreprise pour faire face aux déficits sans une action résolue d'adaptation des capacités industrielles de l'entreprise et donc sans offrir de perspectives d'avenir à ses personnels.
L'objectif est de mettre Giat Industries en phase avec l'évolution du marché des armements terrestres liée aux transformations stratégiques à l'instar des entreprises, notamment britanniques et allemandes. L'entreprise doit être structurée pour lui permettre de se recentrer sur ses pôles d'excellence et de faciliter les rapprochements européens. Cela impliquait nécessairement une rationalisation et une optimisation de ses installations industrielles. Celles-ci ont fait l'objet tout au long de l'année dernière de négociations approfondies entre les partenaires sociaux et la direction de l'entreprise, pleinement responsable dans la gestion du dialogue social.
En 2006, Giat Industries s'appuiera sur des sites industriels spécialisés destinés à produire des armements à haute valeur ajoutée : Roanne pour les blindés, Bourges pour l'artillerie, La Chapelle-Saint-Ursin pour les munitions et Tarbes pour les activités pyrotechniques. Le domaine des munitions est appelé à évoluer pour répondre à la demande croissante des armées en munitions à fort contenu technologique. Le savoir-faire de Giat Industries en ce domaine ne peut être qu'un atout supplémentaire pour la rendre compétitive.
Quel est votre vision de Giat Industries sur le long terme ? Sera-t-il encore capable de se positionner dans le succès très concurrentiel de l'armement européen à l'issue du plan de restructuration, fin 2006 ?
Giat Industries a des atouts évidents lui permettant d'être non seulement un élément stratégique de notre industrie nationale mais aussi un élément clé de l'industrie européenne d'armement terrestre. C'est bien pour cela que j'ai exclu le démantèlement de l'entreprise que certains préconisaient au profit d'une restructuration ambitieuse, pour laquelle nous nous donnons les moyens, comme client et actionnaire. Le plan actuel a, ainsi pour objectif unique de donner à Giat-Industries, dans la durée, une base et des perspectives solides de développement.
Il est clair que Giat Industries doit atteindre un équilibre financier pour être à même de conclure des partenariats ou des alliances, notamment européens. Des coopérations existent déjà : avec le programme d'obus antichar à détection de cible Bonus, Giat Industries est associé à l'entreprise suédoise Bofors Defense. United Defense s'associe également à Giat Industries pour la promotion à l'export du canon Caesar, ce qui est une reconnaissance de la qualité de ce produit.
Les premières appréciations sur le système d'artillerie Caesar portées par les prospects de l'entreprise aux Etats-Unis me paraissent à cet égard tout à fait encourageantes et révélatrices de la capacité de Giat Industries à devenir un acteur majeur de l'armement terrestre dans le monde.
Les partenariats peuvent et doivent donc se développer et s'inscrire dans la consolidation de l'industrie de défense européenne.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 18 mai 2004)