Discours de Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, sur la responsabilité des socialistes pour un projet européen, sur les caractéristiques de l'ère Chirac, sur la stratégie à venir du PS "après l'opposition défensive, l'opposition alternative", à Limoges les 25 et 26 septembre 2003.

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Circonstance : Journées parlementaires du parti socialiste à Limoges les 25 et 26 septembre 2003

Texte intégral

Mes chers amis, cher Alain Rodet
Tenir nos journées parlementaires à Limoges est une reconnaissance pour le travail remarquable que vous accomplissez dans cette ville. Vous avez réussi à marier développement économique (dont la réussite de la technopole est le symbole), intégration sociale, et ambition culturelle. Vous êtes l'une des plus belles vitrines de ce que les socialistes peuvent réaliser quand ils sont audacieux.
Je veux aussi saluer Jean-Claude Peyronnet et Robert Savy qui laisseront en mars prochain un riche héritage à la tête du département et de la région. En matière d'éducation, de transports, d'équipements, de culture, ils ont réussi le désenclavement qui a permis au Limousin de combler son retard . Grâce à vous tous, la grande tradition socialiste de votre ville, de votre département, de votre région a su rencontrer la modernité de son temps sans renier ses racines. Voilà pourquoi les Limousins vous restent invariablement fidèles, même dans les grands reflux de la gauche. Et je ne doute pas qu'ils vous garderont cette confiance au prochain renouvellement cantonal et régional.
La mémoire d'Oradour
Ce soir, nous nous rendrons ensemble à Oradour sur Glane pour rendre hommage à l'héroïsme et à la souffrance de votre région. Comment oublier que c'est ici, dès 1940, que sont apparus et que se sont développés les plus importants maquis de résistance. Comment oublier le martyr des hommes, des femmes, des enfants d'Oradour, victimes de la barbarie nazie.
Le devoir de mémoire n'est pas la culpabilisation permanente d'un peuple ou d'une nation. Il rappelle au contraire que la plus grande victoire de l'Europe est d'avoir mis fin à des siècles de guerres fratricides, d'avoir bâti un espace de paix et de coopération fondé sur les valeurs humanistes. A ceux qui doutent de son avenir, à ceux qui s'inquiètent de son élargissement, il faut sans cesse opposer ce qu'elle produit de meilleur: la réconciliation franco-allemande hier, le dépassement du rideau de fer aujourd'hui, l'entente des républiques de l'ancienne Yougoslavie demain. Le ciment de cette Union, c'est la mémoire des villes martyrs, Oradour, Guernica, Vukovar, Srebrenica
Ce message reste toujours d'actualité au moment où se développe la nouvelle théorie de la guerre préventive.
Tout ce qui se déroule actuellement en Irak conforte les mises en garde contre cette doctrine, mises en garde que nous avions été les premiers à formuler à nos journées parlementaires l'an passé. La guerre a substitué l'anarchie et le terrorisme à la dictature. Le fondamentalisme prospère et l'Iran des ayatollahs profite du vide politique à Bagdad pour étendre son influence régionale. Quant aux armes de destruction massive, elles n'étaient qu'une manipulation des opinions dont M.Bush devra bien un jour rendre compte.
Alors oui ! la France a raison de refuser sa caution au nouveau projet de résolution anglo-américain à l'ONU. L'appel à l'aide internationale lancé par la Maison blanche n'est qu'une manière élégante de faire porter le fardeau de l'occupation à la communauté internationale en gardant les commandes de l'Irak. Nous ne sommes pas les sherpas de M.Bush. C'est à l'ONU et aux Irakiens de piloter la reconstruction.
Mais la France aurait plus de crédit à le dire si elle ne s'était pas elle-même isolée, si elle avait su fédérer autour d'un projet de rénovation des relations internationales comme vient de le proposer le secrétaire général de l'ONU. Le multilatéralisme ne sortira pas des schémas d'il y a cinquante ans. Force est de constater que la posture néo-gaullienne, parfois brillante, du ministre des Affaires étrangères masque les contradictions de notre diplomatie.
L'Europe en suspension
C'est particulièrement criant en Europe. Certes, il y a eu la relance de notre relation avec l'Allemagne, mais rarement la France est apparue aussi frileuse depuis cinquante ans. L'élargissement de l'Union, la rénovation de ses institutions ont été plus subies que voulues. Au manque d'impulsion du chef de l'Etat, à ses philippiques maladroites contre les Républiques de l'est, se sont ajoutés les contentieux avec nos partenaires sur la PAC, la chasse, la TVA et maintenant le pacte de stabilité. A force de violer tous les engagements que la droite avait elle-même négociés, à vouloir enfourcher le discours populiste sur la bureaucratie bruxelloise, le gouvernement ruine l'influence française et grippe l'intégration. Son absence de sérieux n'est pas pour rien dans le désarroi des salariés d'Alstom victimes du contentieux avec la commission européenne.
C'est à nous socialistes de casser cette spirale de l'isolement et du renoncement. L'Europe est notre horizon, notre ambition parce qu'elle est le prolongement de la République, non sa négation. Si nous cédons à notre tour à la tiédeur, au scepticisme, alors la dérive de l'Europe sera irrémédiable. C'est vrai, le pacte de stabilité a montré ses limites. C'est vrai, l'absence de coordination de l'Europe en faveur de la croissance et l'emploi mène dans une impasse. Mais il faut aller plus loin qu'un plan nécessaire mais ponctuel. C'est tout le budget de l'Union qu'il faut réorienter vers la croissance, l'emploi, l'industrie, la recherche, comme vient de le proposer un groupe d'experts mis en place par Romano Prodi. Tout n'est pas à prendre mais beaucoup est à débattre.
Il est vrai aussi que le projet de constitution européenne ne va pas assez loin. C'est un compromis qui doit être complété en matière d'espace social, de services publics, de défense et de politique étrangère communes . La conférence intergouvernementale peut encore l'améliorer. Il appartient à J.Chirac de s'engager plutôt que de subir.
Cette constitution est surtout une étape qui doit permettre aux Etats qui le veulent d'avancer résolument vers une intégration fédérale. Voilà pourquoi il faut la soumettre au verdict des peuples, le même jour dans chaque Etat de l'Union. L'Europe de l'après guerre a rempli sa mission. Elle a dépassé Yalta. Elle a besoin maintenant d'un nouvel élan, d'une nouvelle légitimité populaire. Et quand nous aurons à choisir, quel que soit le cas de figure, nous n'oublierons pas notre engagement européen qui fonde notre identité socialiste.
Que propose-t-on comme alternative ? Une crise, un éclatement ? M.Bush sera le premier à nous féliciter lui qui s'emploie à empêcher la naissance d'une puissance concurrente. Quant à la France, je ne suis pas sûr qu'elle ait les moyens d'une telle crise.
Nous ne sommes plus, hélas, à l'époque de François Mitterrand où notre pays inspirait toutes les grandes initiatives européennes. Nous ne sommes plus au temps de Lionel Jospin où nos performances économiques surpassaient celles de nos partenaires.
Crise et délitement : la continuité chiraquienne
Nous sommes à l'ère Chirac où le chef de l'Etat se contente d'épouser les sentiments de l'opinion. Où le pouvoir n'a ni vision, ni stratégie. Le monde traverse une mutation historique ; notre pays est à nouveau bloqué, morcelé, en crise de confiance ; tout ce qui fait son ciment social semble s'effriter, l'école, l'emploi, la solidarité. Et que propose l'exécutif ? " Une gestion de bon père de famille "
C'est tout sauf un hasard si l'on voit refleurir le thème du déclin de la France que le président de la République avait imprudemment instrumentalisé contre nous et qui se retourne aujourd'hui contre lui. Après un septennat d'impuissance, son quinquennat de " mission " a , en dix-huit mois, provoqué une crise sociale majeure, conduit à la récession et débouché sur la traditionnelle volte-face : passer du libéralisme triomphant à une politique au fil de l'eau . C'est la grande continuité chiraquienne. Après la crise, on replie les voiles. Eternelle inconstance d'un président sans boussole. L'agenda 2006 de son Premier ministre n'est qu'une tentative désespérée de mettre de l'ordre dans le désordre. Une sorte de calendes grecques.
Comment faire confiance à un pouvoir qui ne cesse de dissimuler la gravité de la détérioration de la situation interne et externe du pays, due à sa politique. Un pouvoir qui prône la rigueur et creuse les déficits. Qui privatise les bénéfices (Air France, EDF, GDF) et nationalise les pertes (Alstom).
Comment prêter foi à un pouvoir qui parle de sécurité mais laisse, sans réagir, revenir la première des insécurités : le chômage de masse. Avec bientôt 10% de la population active sans emploi, et une cascade de faillites et de licenciements " la valeur travail " chère à M.Raffarin a rarement été aussi dévalorisée que sous son gouvernement. Le Premier ministre ne peut plus constamment se défausser sur la conjoncture internationale ou lancer des SOS à l'Europe. C'est lui qui a saccagé la politique de soutien à l'emploi. C'est lui supprime des milliers de postes dans la fonction publique et qui allonge la durée du travail. C'est lui qui attend passivement la reprise. C'est lui qui dilapide l'argent publique qui serait nécessaire pour stimuler l'investissement et l'emploi. La seule réponse qu'il ait trouvée est de diminuer les allocations chômage et de " flexibiliser " le code du travail. Ce gouvernement fabrique l'insécurité sociale.
Entendre M.Raffarin promettre aujourd'hui une loi pour le reclassement des salariés relève de la volte-face opportuniste. L'un de ses premiers actes est d'avoir abrogé la loi de modernisation sociale qui avait instauré ce type de dispositif.
Comment croire aux engagements de solidarité et d'équité quand la baisse des impôts est en réalité une augmentation . La ristourne de 3% sur l'IR et les cinq euros mensuels octroyés à la prime pour l'emploi ont été avalés par la flambée des tarifs publics, la hausse des taxes et l'envolée des impôts locaux. Les seuls qui s'en sortent sont les hauts revenus. Eux ont eu droit à une multitude de dégrèvements : impôt sur la fortune, droits de succession, emplois à domicile, investissements dans les DOM. C'est complètement injuste mais c'est en plus, de l'aveu de M.Mer, sans effet sur la croissance et la consommation.
Comment accorder le moindre crédit au discours de l'autorité de l'Etat quand les administrations n'ont plus les moyens de payer leurs fournisseurs ; quand les agents publics sont dénoncés comme un charge parasitaire ; quand les contrats de plan signés par l'Etat ne sont plus respectés ; quand des personnes âgées succombent à la canicule parce que l'Etat n'est pas là. Et je pourrais parler de la floraison d'attentats perpétrés contre l'Etat de droit en Corse ou de l'asservissement de l'institution judiciaire. Quelle faillite pour cette équipe de donneurs de leçons. L'an dernier, on était aux cents jours, cette année on finit à Waterloo !
De l'opposition défensive à l'opposition alternative
Mes chers amis, l'impuissance de la droite clôt pour nous le temps de la convalescence. Nous passons de l'opposition défensive à l'opposition alternative.
Contrairement à ce que j'entends parfois, nous n'avons pas quatre ans pour la construire. Les jeunes qui ont déferlé au Larzac, les chômeurs qui voient diminuer leurs indemnisations, les intermittents en colère, les salariés dont le pouvoir d'achat est bloqué ont des attentes beaucoup plus urgentes que notre calendrier électoral. Eux sont pressés que le politique sorte des ni/ni, des ou/ou, des oui mais en même temps. Ils veulent savoir ce que notre réformisme a dans le ventre, en quoi il se différencie du libéralisme en guenilles de M.Raffarin
Réhabiliter l'action publique
Dès cette rentrée parlementaire doit se dessiner l'alternative. Et je veux en prendre trois exemples d'actualité : la fiscalité d'abord.
Le problème n'est pas pour nous de " réhabiliter l'impôt ". S'il est un devoir civique, il n'est ni une gloire, ni un péché. Il nous est arrivé de le diminuer. La différence c'est que nous l'avons fait avec beaucoup plus d'efficacité et de justice sociale que ce gouvernement.
Mais ce qui est pour moi essentiel, c'est d'abord de réhabiliter l'action publique, de redonner à nos concitoyens la conviction, je dirais même la certitude, que l'Etat est utile, juste et indispensable. La modernisation de l'Etat est une obligation pour nous. Non pour le désengager, l'amoindrir comme le fait la droite mais pour le déployer sur les missions que nous jugeons essentielles. Quand l'impôt va à l'emploi, à la recherche, à la rénovation des quartiers, aux services publics, personne ne nous le reproche. Quand il sert à payer les ardoises des mille milliards de dettes, les réticences deviennent légitimes.
Dès lors, on ne peut plus se contenter de simples aménagements des impôts à la hausse ou à la baisse. Notre obligation est de remettre à plat notre système fiscal, de lui redonner égalité et efficacité. On sait que nos prélèvements pèsent trop sur le travail et pas assez sur le capital ; on sait que la taxe d'habitation est profondément injuste ; on sait que l'impôt sur le revenu est devenu un gruyère de niches en tout genre; on connaît la confusion entre la CSG, le CRDS et les cotisations sociales; on est instruit des avantages du prélèvement à la source. La seule chose qui reste à faire est d'avoir le courage de passer à l'acte et de faire cette grande réforme fiscale.
La solidarité et la responsabilité
Il en va de même pour la sécurité sociale dont l' avenir n'a jamais été aussi menacé. La responsabilité du gouvernement est écrasante. Il avait trouvé un déficit zéro. L'an prochain nous serons à 30 milliards de déficits cumulés. A l'inconséquence de M.Mattei qui a abandonné la politique de maîtrise des dépenses sans anticiper l'effondrement des recettes, il ajoute maintenant l'inaction en renvoyant la réforme sine die. Son seul remède est de faire payer l'assuré en l'accablant de déremboursements et de taxes diverses.
On peut toujours se consoler en se disant que la médication libérale que préparait M.Mattei a été remisée au placard. La sécurité sociale doit continuer de s'appuyer sur la solidarité collective. Toute idée de paniers de soins, toute entrée des assurances privées conduirait à la mise à sac de ses principes fondateurs d'égalité et d'universalité .
Mais renoncer ou retarder une véritable réforme d'ensemble de notre système de santé est proprement suicidaire. D'abord parce qu'il a montré des faiblesses durant les récentes crises sanitaires, ensuite parce que l'ampleur du déficit le menace purement et simplement d'asphyxie, enfin parce qu'une trentaine de plans de sauvetage depuis la guerre ne l'ont pas sorti de ses difficultés structurelles.
Croire qu'on pourra sauver la sécurité sociale par l'augmentation continue des cotisations est tout sauf raisonnable. Osons donc rappeler qu'un système de solidarité collective et universelle a pour corollaire le responsabilisation de chacun de ses acteurs, médecins comme assurés sociaux. C'est la seule manière de restaurer un système viable de maîtrise des dépenses. Il nous faut inventer une chaîne de soins plus cohérente. Il nous faut repenser la politique hospitalière, mettre de l'ordre dans celle du médicament.
Il nous faut enfin assumer les conséquences de l'allongement de la vie. Nous l'avions commencé avec l'APA. La catastrophe sanitaire de cet été a montré combien il restait à faire. La commission d'enquête parlementaire que nous avons obtenue permettra de mettre en lumière les dysfonctionnements et les responsabilités. Sans esprit d'inquisition ni d'absolution.
Il n'est cependant pas digne d'entendre les ministres s'exonérer de toute responsabilité et d'incriminer l'indifférence de la société. On veut bien croire que le système de garde de la médecine de ville n'ait pas bien fonctionné. On peut reconnaître la défaillance de certaines familles ou de certaines maisons de retraites. Mais on sait aussi très bien que ce sont les plus pauvres qui ont été les principales victimes. Or qui a réduit l'APA ? Qui a diminué le plan de modernisation des maisons de retraites ? Il est des imprévoyances qui font mal. Et c'est pourquoi il nous faut une réponse d'ensemble à la dépendance.
Le nouveau contrat éducatif
La troisième urgence, c'est l'éducation. J'entendais M.Chirac proclamer qu'il fallait que " la Nation montre sa confiance aux enseignants ". Mais qui se défie d'eux ? Qui les traite de soixante-huitards attardés ? Qui les astreint aux restrictions de crédits, aux suppressions de postes, aux gel des revenus et leur annonce maintenant la rémunération au mérite ? M.Ferry et le gouvernement. La question n'est plus de philosopher gravement pour savoir si c'est l'élève, le prof ou le savoir qui doivent être au centre de l'éducation. Elle est de remettre l'éducation au centre du projet national.
Alors coupons avec ce faux débat sur les moyens alloués à l'école. Oui ! elle doit demeurer la priorité budgétaire. Oui ! les professeurs ont besoin de retrouver considération et autorité. Mais nous avons payé pour savoir que cette logique de moyens ne suffit pas sans être accompagnée d'un contrat clair sur les priorités à remplir et les réformes à opérer : la lutte contre l'échec scolaire; les améliorations du collège pour tous ; l'obligation que tout élève sorte avec une qualification ou un diplôme ; l'évaluation des établissements ; l'élévation du niveau de nos universités. Il est urgent de sortir l'école des conflits et d'inventer un nouveau partenariat .
Car il y a devant nous une seconde révolution éducative à accomplir, aussi importante que l'école gratuite et obligatoire: la formation tout au long de la vie. Offrir à chaque travailleur, à chaque chômeur le droit et les moyens d'accéder à l'évolution des techniques et des sciences, c'est le vieux rêve des Républicains. C'est l'utopie la plus réaliste pour combattre le chômage. C'est la voie la plus sûre de relancer l'ascenseur social et de relever le défi de la compétition mondiale. L'accord qui est intervenu entre les partenaires sociaux est une avancée. Mais l'ambition que nous devons porter est celle que nourrissaient les hussards noirs de la République pour les enfants: la généralisation d'un nouveau parcours éducatif à tous les adultes en âge de travailler.
Michelet l'a dit avant moi. " Combien l'éducation durera-t-elle ?Juste autant que la vie. Quelle est la première partie de la politique ? l'éducation ; la deuxième ? L'éducation ; la troisième ? L'éducation ".
Le socialisme de la responsabilité
Voilà la matrice de notre réformisme. Un projet de solidarité nationale, d'intégration européenne et de régulation internationale qui mobilise la responsabilité des citoyens. L'Etat ne pourvoira jamais seul au développement durable sans un changement des habitudes de production et de consommation. La République ne résistera pas longtemps à la montée des communautarismes et des corporatismes si elle ne sait plus transmettre ses valeurs et les devoirs qui s'y rattachent. La charte de la laïcité que vient de proposer François Hollande s'inscrit dans cette reconquête.
Je crois pour ma part que la transmission de nos valeurs républicaines s'enracinera également dans une relance de la politique d'intégration contre les discriminations sociales, urbaines, ethniques ou religieuses qui la défigurent. Elle est une de nos trois priorités majeures.
Mais l'intégration ne peut réussir sans un engagement personnel, sans une volonté de chacun de participer à un projet collectif par delà ses origines. Cette dimension nous l'avons parfois sous estimée. C'est pourquoi je souhaite que le groupe dépose une proposition de loi visant à l'instauration d'un service civique obligatoire. Demander aux nouvelles générations de donner quelques mois de leur existence à des organisations humanitaires ou à l'aide aux personnes âgées ou handicapées redonnera un vrai sens à la solidarité, notamment entre les jeunes et les anciens. C'est tout sauf une nostalgie, un passéisme. C'est l'expression d'une appartenance à une communauté nationale qui continue de croire au mot trop oublié de fraternité.
Toutes ces questions vont bien au delà de l'organisation de la gauche ou du face à face sans issue avec l'extrême - gauche. Nous n'avons pas besoin d'elle pour promouvoir une véritable confrontation d'idées avec le mouvement altermondialiste. C'est dans la nature même de notre réformisme de se parler, de chercher les voies et les moyens de rendre la globalisation plus juste. Et j'invite nos groupes à cet échange.
Mais il ne faut pas se tromper de sens. L'objectif ne peut être la mort de l'OMC ou des institutions internationales. Je crois au contraire qu'elles sont un progrès pour domestiquer le marché. Ce qui doit changer, ce sont les règles du jeu. Tant que l'ouverture commerciale sera déséquilibrée entre le nord et la sud, tant qu'elle ne s'accompagnera pas d'un volet social, alors l'échec de Cancun se répètera. L'organisation des pays en développement offre un rapport de force favorable à des règles du jeu plus équitables. A nous d'utiliser ce levier pour préparer l'indispensable réforme des objectifs et des institutions de régulation internationales.
Mes chers amis,
Notre pays a consenti de gros efforts depuis trente ans pour s'adapter au monde tel qu'il va sans perdre ses références. Ses plus grands ennemis aujourd'hui sont le doute, la peur, le sentiment que les changements que la majorité lui propose sont au mieux cosmétiques au pire un retour en arrière. Il lui manque une voix qui donne un sens, une direction. Une voix qui fédère les énergies dans un partage équitable des efforts et des bénéfices. Une voix qui redonne le goût du risque et de la solidarité. Cette voix, c'est la nôtre, c'est celle du socialisme et de la social-démocratie .A nous maintenant de la faire entendre. Au parlement comme dans la société.

(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 9 octobre 2003)