Texte intégral
Depuis plus de trente ans, les intermittents du spectacle bénéficient d'un régime d'assurance-chômage qui tient compte des spécificités de leurs métiers. Un dispositif dont l'existence ne va pas de soi, et dont la survie chaque jour est un peu plus menacée.
Au niveau interprofessionnel, qui est, faut-il le rappeler, le cadre dans lequel s'inscrit aujourd'hui le régime d'assurance chômage des intermittents, les voix ne manquent pas du côté patronal pour plaider un alignement sur les règles applicables aux intérimaires, arguant que les aléas de la précarité touchent tout aussi injustement d'autres professions . Plus radicalement encore, certains dans le camp patronal préconisent la création d'un régime totalement autonome renvoyant dos à dos profiteurs et victimes, aujourd'hui unis dans la dénonciation et le mécontentement demain contraints de trouver en leurs rangs une improbable solidarité.
Il n'est pas besoin d'être grand stratège pour deviner que le quadruplement du déficit (plus 800 millions d'euros) et le doublement des bénéficiaires en dix ans, sont largement venus alimenter ces thèses...
La CFDT s'est toujours opposée à de tels scénarios auxquels la fuite en avant, le statu quo et le laisser-faire conduisaient inexorablement.
L'accord du 26 juin attaqué de toutes parts sans que l'on prenne le temps d'en apprécier le contexte et la portée, ne prend sens que dans le cadre de la gestion paritaire des comptes de l'Unedic. Cet organisme n'est ni le promoteur ni le fossoyeur de la politique culturelle : son problème n° 1 est celui de la gestion des comptes et, en l'occurrence, du déficit actuel.
Ces chiffres nécessitent tout de même une attention responsable de la part des partenaires sociaux car, s'ils ne sont pas l'unique problème, ils constituent néanmoins une sérieuse difficulté à court et moyen terme. En effet, dans un régime où l'on compte environ une cotisation pour huit prestations servies, il faut dire clairement que ce sont les salariés du privé qui règlent au final l'addition. Le syndicalisme confédéré ne peut ni ne doit y rester insensible, sauf à considérer que les ouvriers, les employés et les chômeurs qu'il représente aussi auraient vocation à boucher les trous indéfiniment. Au fond, le chiffre, en dépit de sa froideur, traduit un problème de justice sociale qu'il serait fâcheux d'ignorer. C'est aussi la raison pour laquelle il s'est agi d'une négociation interprofessionnelle. A cet égard, l'argument des " syndicats minoritaires dans les professions du spectacle ", martelé sans cesse depuis deux semaines, n'a guère de sens : ce n'est tout simplement pas que le problème des professions du spectacle.
Chacun doit aussi garder à l'esprit que l'absence de renégociation et d'accord faisait tomber d' elle-même l'existence de ce régime. Alors il serait temps, loyal ou tout simplement normal d'interpeller les éternels non-signataires toujours opposés, jamais engagés, sur leur responsabilité à nourrir la critique sur les garanties obtenues.
C'est ce risque imminent de disparition pure et simple que la CFDT a réussi à écarter en signant l'accord du 26 juin qui assure la pérennité du système, un système des plus protecteurs au monde, et une amélioration de la situation des artistes et des techniciens les plus précaires.
Le niveau d'indemnisation minimum obtenu est supérieur à celui du régime général et enfin les intermittents eux aussi bénéficieront de la suppression de la dégressivité des allocations, obtenue en 2000 dans le cadre du régime général.
En terme de professionnalisation, les partenaires sociaux du secteur négocieront eux-mêmes la liste des métiers éligibles à l'intermittence et devront décliner les garanties d'une formation tout au long de la vie.
Mais surtout, l'accord s'attache à la moralisation indispensable à l'avenir de ces professions
pour réduire les effets pervers du système : une flexibilité maximale à un coût minimum pour l'entreprise et maximum pour l'Unedic. Sur ce point, l'Etat doit jouer son rôle régulateur et en particulier au sein du service public de l'audiovisuel.
Certes, tout n'est pas réglé. Mais, il faut souligner que la décision d'augmenter les cotisations chômage pour les intermittents, prise l'an dernier, a déjà permis, en renchérissant le coût de la précarité, de réintégrer certains intermittents en contrats à durée indéterminée.
Ce sont ces avancées que la CGT du Spectacle s'ingénie à dénigrer, en prétendant - rien de moins - qu'il va conduire à l'exclusion de 35 % des intermittents du système. Il faut à cet instant avoir un peu de mémoire : il est faux de dire que la Cgt n'a jamais signé aucun accord sur le régime des intermittents. Elle l'a fait, une fois, en 1969 dans un accord au terme duquel pour être indemnisé durant une année, il fallait qu'un intermittent puisse justifier de 1000 heures de travail au cours des 12 derniers mois La vérité historique est donc " cruelle " : les améliorations du système depuis trente ans, c'est la signature Cfdt qui les a obtenues. Et depuis tout ce temps, la Cgt vient " défendre " le régime des intermittents trois ans après la signature des accords qu'elle a chaque fois combattus ! A chaque fois avec le même argument : il y aura 30 % d'intermittents en moins. Résultat de ces " accords scélérats " successifs ? Le nombre des intermittents indemnisés ne cesse de croître chaque année.
C'est le résultat des innombrables abus que se sont autorisés les sociétés de production qui travaillent pour le secteur audiovisuel et l'audiovisuel public lui-même. La liste est longue des métiers qui, au fil des années, ont bénéficié du statut des intermittents alors qu'ils n'ont rien à voir avec la précarité du spectacle ! De ce point de vue, l'accord signé le 26 juin dernier est également positif car il a permis de faire pression sur ces employeurs dont certains déclarent déjà, tel France 2, qu'ils vont moraliser leurs embauches.
Cela ne suffira pas. La responsabilité de l'Etat est bien sûr engagée pour " faire le ménage " partout où c'est nécessaire. Mais elle l'est bien plus encore sur la politique culturelle qui, parce qu'elle ne doit pas être financée par les seuls salariés du privé, ne relève pas de l'assurance chômage mais bien de l'action de l'Etat. Or, celui-ci préfère, depuis des années, jouer le rôle de metteur en scène de la politique culturelle plutôt que de producteur. Cela ne peut pas durer.
Nous prenons acte des nouveaux engagements de Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture, sur un plan en faveur de l'emploi et de l'activité dans le secteur du spectacle vivant. C'est un premier pas qui devra être suivi d'autres actes, dans le cadre du débat national proposé dès septembre par le gouvernement sur l'avenir du spectacle vivant. L'Etat assumant ainsi davantage ses responsabilités, les partenaires sociaux peuvent continuer de prendre les leurs : c'est tout le sens des propositions que nous avons faites au gouvernement quant aux modalités d'application de l'accord du 26 juin. La CFDT est prête à une mise en oeuvre progressive du nouveau dispositif pour donner à l'Etat le temps de trouver les moyens d'assumer tout son rôle dans la politique culturelle qu'il entend mener.n
Source : Libération du 8 juillet 2003 (rubrique Rebonds) ; entretien mis en ligne le 8 juillet 2003 et reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien Libération. Reprodution interdite.
(Source http://www.cfdt.fr, le 08 juillet 2003)
Au niveau interprofessionnel, qui est, faut-il le rappeler, le cadre dans lequel s'inscrit aujourd'hui le régime d'assurance chômage des intermittents, les voix ne manquent pas du côté patronal pour plaider un alignement sur les règles applicables aux intérimaires, arguant que les aléas de la précarité touchent tout aussi injustement d'autres professions . Plus radicalement encore, certains dans le camp patronal préconisent la création d'un régime totalement autonome renvoyant dos à dos profiteurs et victimes, aujourd'hui unis dans la dénonciation et le mécontentement demain contraints de trouver en leurs rangs une improbable solidarité.
Il n'est pas besoin d'être grand stratège pour deviner que le quadruplement du déficit (plus 800 millions d'euros) et le doublement des bénéficiaires en dix ans, sont largement venus alimenter ces thèses...
La CFDT s'est toujours opposée à de tels scénarios auxquels la fuite en avant, le statu quo et le laisser-faire conduisaient inexorablement.
L'accord du 26 juin attaqué de toutes parts sans que l'on prenne le temps d'en apprécier le contexte et la portée, ne prend sens que dans le cadre de la gestion paritaire des comptes de l'Unedic. Cet organisme n'est ni le promoteur ni le fossoyeur de la politique culturelle : son problème n° 1 est celui de la gestion des comptes et, en l'occurrence, du déficit actuel.
Ces chiffres nécessitent tout de même une attention responsable de la part des partenaires sociaux car, s'ils ne sont pas l'unique problème, ils constituent néanmoins une sérieuse difficulté à court et moyen terme. En effet, dans un régime où l'on compte environ une cotisation pour huit prestations servies, il faut dire clairement que ce sont les salariés du privé qui règlent au final l'addition. Le syndicalisme confédéré ne peut ni ne doit y rester insensible, sauf à considérer que les ouvriers, les employés et les chômeurs qu'il représente aussi auraient vocation à boucher les trous indéfiniment. Au fond, le chiffre, en dépit de sa froideur, traduit un problème de justice sociale qu'il serait fâcheux d'ignorer. C'est aussi la raison pour laquelle il s'est agi d'une négociation interprofessionnelle. A cet égard, l'argument des " syndicats minoritaires dans les professions du spectacle ", martelé sans cesse depuis deux semaines, n'a guère de sens : ce n'est tout simplement pas que le problème des professions du spectacle.
Chacun doit aussi garder à l'esprit que l'absence de renégociation et d'accord faisait tomber d' elle-même l'existence de ce régime. Alors il serait temps, loyal ou tout simplement normal d'interpeller les éternels non-signataires toujours opposés, jamais engagés, sur leur responsabilité à nourrir la critique sur les garanties obtenues.
C'est ce risque imminent de disparition pure et simple que la CFDT a réussi à écarter en signant l'accord du 26 juin qui assure la pérennité du système, un système des plus protecteurs au monde, et une amélioration de la situation des artistes et des techniciens les plus précaires.
Le niveau d'indemnisation minimum obtenu est supérieur à celui du régime général et enfin les intermittents eux aussi bénéficieront de la suppression de la dégressivité des allocations, obtenue en 2000 dans le cadre du régime général.
En terme de professionnalisation, les partenaires sociaux du secteur négocieront eux-mêmes la liste des métiers éligibles à l'intermittence et devront décliner les garanties d'une formation tout au long de la vie.
Mais surtout, l'accord s'attache à la moralisation indispensable à l'avenir de ces professions
pour réduire les effets pervers du système : une flexibilité maximale à un coût minimum pour l'entreprise et maximum pour l'Unedic. Sur ce point, l'Etat doit jouer son rôle régulateur et en particulier au sein du service public de l'audiovisuel.
Certes, tout n'est pas réglé. Mais, il faut souligner que la décision d'augmenter les cotisations chômage pour les intermittents, prise l'an dernier, a déjà permis, en renchérissant le coût de la précarité, de réintégrer certains intermittents en contrats à durée indéterminée.
Ce sont ces avancées que la CGT du Spectacle s'ingénie à dénigrer, en prétendant - rien de moins - qu'il va conduire à l'exclusion de 35 % des intermittents du système. Il faut à cet instant avoir un peu de mémoire : il est faux de dire que la Cgt n'a jamais signé aucun accord sur le régime des intermittents. Elle l'a fait, une fois, en 1969 dans un accord au terme duquel pour être indemnisé durant une année, il fallait qu'un intermittent puisse justifier de 1000 heures de travail au cours des 12 derniers mois La vérité historique est donc " cruelle " : les améliorations du système depuis trente ans, c'est la signature Cfdt qui les a obtenues. Et depuis tout ce temps, la Cgt vient " défendre " le régime des intermittents trois ans après la signature des accords qu'elle a chaque fois combattus ! A chaque fois avec le même argument : il y aura 30 % d'intermittents en moins. Résultat de ces " accords scélérats " successifs ? Le nombre des intermittents indemnisés ne cesse de croître chaque année.
C'est le résultat des innombrables abus que se sont autorisés les sociétés de production qui travaillent pour le secteur audiovisuel et l'audiovisuel public lui-même. La liste est longue des métiers qui, au fil des années, ont bénéficié du statut des intermittents alors qu'ils n'ont rien à voir avec la précarité du spectacle ! De ce point de vue, l'accord signé le 26 juin dernier est également positif car il a permis de faire pression sur ces employeurs dont certains déclarent déjà, tel France 2, qu'ils vont moraliser leurs embauches.
Cela ne suffira pas. La responsabilité de l'Etat est bien sûr engagée pour " faire le ménage " partout où c'est nécessaire. Mais elle l'est bien plus encore sur la politique culturelle qui, parce qu'elle ne doit pas être financée par les seuls salariés du privé, ne relève pas de l'assurance chômage mais bien de l'action de l'Etat. Or, celui-ci préfère, depuis des années, jouer le rôle de metteur en scène de la politique culturelle plutôt que de producteur. Cela ne peut pas durer.
Nous prenons acte des nouveaux engagements de Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture, sur un plan en faveur de l'emploi et de l'activité dans le secteur du spectacle vivant. C'est un premier pas qui devra être suivi d'autres actes, dans le cadre du débat national proposé dès septembre par le gouvernement sur l'avenir du spectacle vivant. L'Etat assumant ainsi davantage ses responsabilités, les partenaires sociaux peuvent continuer de prendre les leurs : c'est tout le sens des propositions que nous avons faites au gouvernement quant aux modalités d'application de l'accord du 26 juin. La CFDT est prête à une mise en oeuvre progressive du nouveau dispositif pour donner à l'Etat le temps de trouver les moyens d'assumer tout son rôle dans la politique culturelle qu'il entend mener.n
Source : Libération du 8 juillet 2003 (rubrique Rebonds) ; entretien mis en ligne le 8 juillet 2003 et reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien Libération. Reprodution interdite.
(Source http://www.cfdt.fr, le 08 juillet 2003)