Texte intégral
Point n'est besoin d'être devin pour parier qu'à coup sûr, après le vote intervenu à l'Assemblée nationale le 26 novembre et en attendant celui du Sénat, nos dix nouveaux partenaires rejoindront effectivement l'Union européenne le 1er mai 2004. L'arrivée dans la famille européenne de la Bulgarie et de la Roumanie est quant à elle fixée en 2007. Ces deux pays ont en effet pris du retard car ils ont rencontré davantage de difficultés que leurs voisins d'Europe centrale et orientale dans leur transition vers la démocratie et l'économie de marché. Mais gardons-nous de les oublier.
Certains se demandent ce qui a pu empêcher ces deux Etats de se glisser dans le groupe des dix nouveaux arrivants de 2004. C'est bien simple : la Roumanie et la Bulgarie appartiennent à cette région des Balkans qui n'a pas la chance de pouvoir se référer à une réelle tradition démocratique si bien que l'un et l'autre pays ont subi des régimes d'oppression pendant bien plus longtemps que leurs voisins de l'ex-bloc soviétique. Rappelons-nous que la Bulgarie vécut, à partir de 1396, cinq siècles de domination ottomane, auxquels se sont ajoutés, après une période d'indépendance acquise en 1878, cinquante ans d'un régime communiste particulièrement dur et fermé.
Quant à la Roumanie, les populations de ses territoires ont également été dominées par les Ottomans jusqu'à la fin du 18ème siècle, puis placées sous la férule russo-turque, et c'est seulement en 1920 que ses territoires ont été réunis au sein d'un même pays indépendant ; une indépendance chèrement payée au prix de l'installation après la dernière guerre mondiale d'un régime communiste parmi les plus violents et extrêmes. Chacun sait à présent quelle dictature sanglante fut imposée par Ceaucescu à son peuple et comment en 1989 il a pu laisser, du fait d'une répression sans pitié et d'initiatives économiques hasardeuses, un pays au bord de la ruine et du chaos.
La Bulgarie n'a pas été sensiblement mieux traitée. L'attitude héroïque de ses dirigeants - les ancêtres de l'actuel Premier ministre - qui pendant la guerre ont protégé les juifs du nazisme les a conduits à l'exil avant que la Bulgarie ne subisse le joug d'un régime communiste aussitôt attaché à l'élimination totale de ses opposants. De sorte qu'aucun mouvement du type de celui de 1956 à Budapest ou de 1968 à Prague n'a eu la possibilité d'émerger à Sofia. Il n'est donc nullement étonnant qu'après 1989 la Bulgarie et la Roumanie aient eu plus de mal que d'autres pays candidats à mettre en uvre les réformes indispensables à leur intégration en Europe.
Aujourd'hui, la France et la Roumanie se retrouvent ; la France et la Bulgarie se redécouvrent. Nous partageons tous un objectif commun : vivre ensemble au sein d'une Union européenne garante de nos valeurs de paix, de démocratie, de liberté, de tolérance et de justice sociale. Les visites à Paris du président Iliescu et du président Parvanov après celles de leurs Premiers ministres, Adrian Nastase et Siméon II, ont permis de réaffirmer la volonté de nos pays de resserrer nos liens dans tous les domaines. Nos échanges commerciaux avec la Bulgarie ont doublé en 3 ans et, avec la Roumanie, ils ont augmenté de près de 30 % en un an ; la France est au premier rang des investisseurs étrangers en Roumanie et le volume des investissements français ne cesse de progresser en Bulgarie. Il faut aller plus loin, car des gisements de dynamisme économique existent de part et d'autre.
Encore plus importants sont les échanges entre les hommes et les femmes de nos pays : plusieurs milliers de jeunes Bulgares et de jeunes Roumains étudient en France et des centaines de jumelages lient les villages, les villes et les départements et régions roumains et français.
C'est pourquoi nous, Français, devons renforcer encore davantage notre coopération avec les deux pays. Où en sont-ils ? La Bulgarie et la Roumanie ont accompli des progrès considérables : à la récession de la fin des années 1990, a succédé une croissance soutenue - environ 5% aujourd'hui - et les réformes exigées par l'intégration de l'acquis communautaire sont en cours.
Comme l'a montré la Commission européenne dans ses récents rapports d'évaluation, tout n'est pas parfait. De très importants efforts restent à faire dans les deux pays pour assurer leur mise à niveau des standards européens, notamment dans les domaines de l'agriculture, de l'environnement et de la justice. La corruption y demeure un problème et il faut encourager les autorités de ces pays à lutter encore plus efficacement contre ce fléau qui est un vrai défi pour l'Europe tout entière.
Le Conseil européen des chefs d'Etat ou de gouvernement a fait sien l'objectif d'accueillir en 2007 la Roumanie et la Bulgarie en tant que nouveaux membres de l'Union européenne, ce qui suppose que chacun d'eux puisse terminer ses négociations d'adhésion avant 2005. La France est attachée au respect de ce calendrier. Elle continuera d'être aux cotés de la Bulgarie et de la Roumanie en leur proposant son expertise technique, juridique et administrative partout où des efforts particuliers sont requis. Démontrer cette compréhension est le meilleur gage de l'assimilation par ces pays de l'esprit de compromis et de fair play qui fait le sel de la solidarité européenne. Les Bulgares et les Roumains méritent plus qu'une bouée de sauvetage, il faut les faire monter à bord. Et sans tarder !
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er décembre 2003)