Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, dans "Le Figaro" du 23 avril 2004, sur la position de l'UMP sur la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

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Villiers : "L'UMP prend les électeurs pour des demeurés sur la question turque"
Pour le président du Mouvement pour la France, Philippe de Villiers, candidat aux élections européennes dans la région Ouest, l'adoption du projet de Constitution européenne signifierait "la fin de la France en tant que nation souveraine".
LE FIGARO. - La construction européenne constitue-t-elle, à vos yeux, une menace pour la France ?
Philippe de VILLIERS. - La France est malade de cette Europe. Les deux grandes promesses de Maastricht n'ont pas été tenues. On nous avait promis l'"Europe puissance", et c'est une addition d'impuissances. On nous avait promis l'"Europe bouclier", et c'est une écumoire. La Commission de Bruxelles, ayant reçu les pouvoirs des Etats souverains, développe un projet destructeur pour l'emploi, pour la sécurité et pour notre identité. Contre l'Europe des commissaires de Bruxelles, lointaine, antidémocratique, disciplinaire, centralisée, je souhaite une Europe décentralisée, respectueuse des identités et des singularités, fondée sur l'intergouvernemental et l'interétatique.
En menant campagne contre le projet de Constitution européenne, n'anticipez-vous pas sur un prochain débat ?
Deux débats d'une importance capitale, l'entrée de la Turquie et le projet de Constitution européenne, ont été repoussés à l'été et à l'automne, pour enjamber les élections européennes et les soustraire au regard des Français. Le projet de Constitution européenne introduirait un bouleversement d'une ampleur considérable dans la vie des Français. Ce serait la fin de la France en tant que nation souveraine.
Vous souhaitez que ce texte soit soumis aux Français par référendum ?
J'ai entendu Alain Juppé, président de l'UMP, exprimer le souhait d'une coratification germano-française ! Il est incroyable que le président d'un grand parti se mette à la remorque de l'Allemagne, dont la Constitution interdit le recours au référendum, pour éviter d'avoir à affronter le peuple français. Si le président de la République refuse au peuple français le droit de se prononcer, les élections européennes serviront de consultation référendaire. Le silence de Jacques Chirac aujourd'hui me fait pencher vers cette option.
Vous refusez l'entrée de la Turquie en Europe. Mais le processus n'est-il pas déjà engagé ?
Il n'est jamais trop tard quand il s'agit de rattraper une erreur. La Turquie n'est européenne ni par son territoire ni par son univers culturel. Elle est la plate-forme eurasiatique des mafias, du crime et de la drogue. Elle est en contact physique avec la zone conflictuelle irakienne. Enfin, le système de Nice, et demain de l'éventuelle Constitution, indexe le pouvoir des Etats sur leur poids démographique. La Turquie serait le pays prépondérant de l'Union européenne !
Quelle alternative proposer à ce pays ?
Le "processus de Barcelone" est une formule de partenariat et d'association pour le pourtour méditerranéen. Ce serait l'honneur de la France de revitaliser ce processus.
Que pensez-vous de la campagne de l'UMP contre l'adhésion de la Turquie ?
Je serais très heureux que la volte-face d'Alain Juppé en inspire d'autres, et en particulier Jacques Chirac. Mais j'ai l'impression que la position de l'UMP est "non à la Turquie" avant les élections et "oui" après. L'UMP prend les électeurs pour des demeurés.
Souhaiteriez-vous que Charles Pasqua vous rejoigne dans votre campagne ?
Je me tourne plutôt vers l'avenir.
Qu'en est-il du député souverainiste UMP Nicolas Dupont-Aignan ?
Nicolas Dupont-Aignan fait un travail de pédagogie décapante au sein de l'UMP.
Les sondages vous créditent de 4% (Ipsos), de 5% (CSA) ou de 7% (BVA). C'est moins que votre résultat en 1999. Comment l'expliquez-vous ?
La cristallisation aux élections européennes ne se fait que dans les quinze derniers jours. Le vote du 13 juin sera un double vote d'humeur nationale et européenne. Nos gouvernants, dont le programme aujourd'hui n'est plus l'action mais la congélation, ne proposent pas de dessein pour la France. La seule ligne directrice est la fuite en avant européenne.
Quel bilan faites-vous de l'action des eurodéputés souverainistes, qui n'ont pas réussi à infléchir la construction européenne ?
Grâce aux députés souverainistes des nouveaux pays, je compte constituer un groupe charnière "Souveraineté populaire et nationale", ce qui n'avait pas été possible jusqu'à maintenant.
Si vous êtes élu, vous abandonnerez donc votre mandat de député ?
Oui, la loi est très claire.
N.B.
(Source http://www.mpf-villiers.org, le 27 avril 2004)