Extraits d'une interview de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, dans "Le Parisien-Aujourd'hui" du 18 mai 2004, sur les menaces terroristes, l'expulsion de ressortissants étrangers tenant des propos contraires aux valeurs de la République et entretenant des relations avec la mouvance terroriste, le rôle du Conseil français du culte musulman, la laïcité la lutte contre l'antisémitisme.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Question : Confirmez-vous que les menaces terroristes pesant sur la France ont augmenté ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Aujourd'hui, la menace se fait plus précise en Europe. Aucun pays ne peut se considérer à l'abri. La France subit, comme les autres Etats européens, les répercussions des tensions extérieures, en particulier en Irak et au Proche-Orient. Le calendrier international particulièrement chargé accroît les risques : soixantième anniversaire du débarquement en Normandie, sommet de l'OTAN à Istanbul, Jeux Olympiques d'Athènes ou encore, le 30 juin, le retour à la souveraineté irakienne.
Question : Comment analysez-vous la menace ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Les groupes terroristes sont d'autant plus dangereux qu'ils ont changé de méthode. Ils s'appuient désormais sur des individus aguerris, parfois bien intégrés, capables d'agir de manière autonome, dans des délais très courts. Nous avons démantelé des cellules de ce type sur notre territoire. La mobilisation des services de renseignements et de sécurité est totale.
Question : Comment expliquez-vous que certains juges annulent les arrêtés d'expulsion d'imams ultra que vous présentez comme complaisants envers le terrorisme et manipulateurs ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Entre le discours intégriste et l'action terroriste, il existe une continuité réelle : prédicateurs extrémistes, organisateurs d'attentats et poseurs de bombes partagent les mêmes objectifs. Les auteurs des actes terroristes à Madrid, Casablanca ou Bagdad se réclament d'ailleurs tous d'une même idéologie : l'islamisme radical. Leur langage de haine représente un dévoiement de la religion islamique. Nous devons refuser cet amalgame entre islam et islamisme, tout en conduisant une politique de fermeté.
Question : Et quand le tribunal administratif de Lyon annule l'expulsion de l'imam de Vénissieux ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : J'ai décidé de procéder à l'expulsion des ressortissants étrangers tenant des propos contraires aux valeurs les plus essentielles de notre République et entretenant des relations avec la mouvance terroriste. Je le fais sur la base d'informations solides et détaillées, que je transmets aux tribunaux avec le souci de protéger l'efficacité des enquêtes. Dans le cas de M. Bouziane, le juge administratif a autorisé son retour, dans l'attente des jugements à venir.
Question : Comment réagissez-vous ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Ma mission, c'est la sécurité des Français. Mon objectif, c'est de la conduire en préservant l'équilibre entre l'Etat de droit et l'efficacité. De ce point de vue, la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Une réforme est donc nécessaire : faire du Conseil d'Etat le juge en première et dernière instance des affaires d'expulsion ministérielle pourrait être une solution.
Question : Peut-on espérer à l'avenir un CFCM (Conseil français du culte musulman) qui représente mieux la diversité de l'islam de France ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : l'immense majorité des musulmans vit en paix dans notre pays. Leur aspiration légitime exige des garanties. La première, c'est le respect des règles et des principes républicains. Ils doivent s'appliquer à tous, sans distinction. Sans quoi nous risquons de faire le jeu du communautarisme, qui est contraire à l'esprit même de notre nation. Nous devons aussi lutter contre toute forme de discrimination. Les violences contre les musulmans ont augmenté au cours des derniers mois : c'est inacceptable. Chacun de ces actes est une atteinte directe à la cohésion de notre pacte national, à nos valeurs, à nos convictions. Il est d'autant plus urgent de nous mobiliser en faveur d'une politique d'intégration plus active et plus volontaire, notamment en direction des plus jeunes et des quartiers défavorisés. Enfin, le principe de laïcité doit être appliqué : lui seul permet d'assurer à la fois la liberté des cultes et la neutralité de l'Etat.
Question : J'insiste. Etes-vous satisfait de l'évolution du CFCM ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Le CFCM a clairement marqué sa volonté d'organiser un islam de France : c'est un choix courageux et nécessaire. J'ai eu l'occasion de le dire à leurs représentants à plusieurs reprises : l'Etat soutiendra tous leurs efforts. Maintenant, il faut avancer sur la formation des imams, la construction de nouveaux lieux de prière ou encore l'augmentation du nombre d'aumôniers musulmans dans les prisons. Face à ces défis difficiles, le CFCM doit apporter des réponses concrètes.
Question : Préconisez-vous de la souplesse à la rentrée de septembre lorsqu'il s'agira d'appliquer la loi sur la laïcité à l'école ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : En matière de laïcité, il faut être clair sur les principes : c'est tout le mérite de la loi. Il faut être clair sur l'application : c'est tout l'intérêt de la circulaire. Sur l'ensemble des points qui soulevaient des inquiétudes, des solutions ont été apportées. Faisons donc en sorte que la prochaine rentrée soit une chance pour tous.
Question : Comment comptez-vous combattre la montée de l'antisémitisme ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Cela nous concerne tous : les actes antisémites sont en augmentation dans notre pays depuis le début de l'année 2004. La résurgence d'un courant néonazi et la dégradation de la situation au Proche-Orient sont les deux explications couramment avancées : elles n'excusent rien. Je ne veux retenir que la réalité scandaleuse des faits, qui appelle une condamnation sans réserve et une action constante et résolue.
Question : Cela veut dire quoi concrètement ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : En tant que ministre de l'Intérieur, je m'engage sur trois fronts. Tout d'abord, l'accélération des enquêtes afin que les coupables soient traduits devant la justice dans les meilleurs délais. Ensuite, la sécurisation des écoles et des lieux de culte. Enfin, l'information de tous nos concitoyens afin qu'aucun acte antisémite ne reste sans suite.
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(Source http: //www.diplomatie.gouv.fr, le 25 mai 2004)