Texte intégral
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Procureur de la République,
Mesdames, Messieurs les élus
Mesdames, Messieurs les représentants de la police et de la Gendarmerie,
Mesdames, Messieurs les Directeurs départementaux,
Mesdames, Messieurs les Présidents et responsables d'associations,
Mesdames, Messieurs,
Merci, Monsieur le Préfet, de m'avoir conviée à participer à cette réunion plénière de la Commission départementale de lutte contre les violences faites aux femmes des Hautes-Alpes, et de m'offrir cette occasion de rencontrer celles et ceux qui, à un titre ou à un autre, interviennent, au quotidien, sur cette réalité douloureuse, qui exige la conjugaison de tous les efforts.
Merci de m'accueillir au sein de cette instance de réflexion, de propositions et d'évaluation d'un phénomène qui revêt une acuité particulière au moment où sera bientôt discuté au Parlement un projet de loi sur le divorce comportant notamment un dispositif d'éloignement du conjoint violent.
Je sais combien une réponse appropriée est nécessaire en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Les commissions départementales d'action contre les violences faites aux femmes ont permis de faire progresser considérablement la connaissance des faits de violences, du vécu des femmes qui les subissent et de bâtir des initiatives adaptées aux priorités constatées.
Je sais aussi la grande compétence de celles et de ceux qui consacrent leur énergie à prévenir ces violences et à en adoucir les conséquences. Je salue enfin tous les engagements et tous les dévouements dans ce domaine.
L'enquête nationale sur les violences envers les femmes et les familles, qui est publiée depuis peu à la Documentation Française, a permis pour la première fois d'établir qu'environ une femme sur six subit des violences et qu'une femme sur dix est victime de violences conjugales. Mais il y a pire encore : tous les cinq jours en moyenne en France, une femme meure des suites des violences conjugales qu'elle a subies, et un meurtre de femme sur deux est commis par le conjoint ou l'ancien conjoint de la victime.
Les violences conjugales.
Nous savons tous que ces violences peuvent être physiques, sexuelles, verbales ou psychologiques, voire même économiques ou juridiques. Elles sont présentes dans tous les milieux sociaux, y compris les milieux favorisés socialement et financièrement, et elles sont en forte hausse dans le département des Hautes-Alpes. Qu'elles existent encore, aujourd'hui, si près de nous, est indigne d'une société comme la nôtre. Par leur coût humain et social, direct et indirect, elles représentent une lourde perte de talents et de forces pour la société toute entière. Enfin, la plus épouvantable des violences exercées dans un cadre familial est celle dont les victimes sont des enfants.
Dans ce domaine, outre le retentissement sur l'état de santé et le psychisme et la difficulté à vivre une vie affective et sexuelle normale une fois adulte, le risque de répétition des faits est considérable. Parmi les conjoints violents, la proportion de ceux qui ont subi ou assisté à des violences physiques ou sexuelles durant leur enfance est quatre fois plus élevée. C'est une des conclusions du rapport de l'Académie de Médecine sur le rôle des professionnels de santé en matière de violences conjugales et familiales, rédigé sous la direction du Professeur Henrion.
Notre premier devoir est donc de refuser la banalisation de ces violences. Et pour cela, il faut en appeler à la conscience individuelle et collective de tous et de toutes, des femmes comme des hommes.
C'est ce qu'a fait le Premier ministre, lorsqu'il a, le 21 janvier dernier, visité un centre d'écoute parisien. Il a interpellé nos concitoyens en renversant l'ordre des facteurs. Au lieu de dire qu'une femme sur dix déclare avoir été victime de violences, il a déclaré qu'un conjoint sur dix est un conjoint violent.
Notre second devoir est de redonner leur dignité à toutes ces femmes victimes de violences, en les déculpabilisant, en facilitant leurs démarches pour faire valoir leurs droits et obtenir réparation et en les aidant à se reconstruire et à se réinsérer. Il faut éviter d'inférioriser les femmes, comme on l'a trop souvent fait, en voulant sans cesse les assister et les protéger.
Il faut, au contraire, développer une pédagogie de la responsabilité destinée à permettre aux femmes de se prendre elles-mêmes en charge et de choisir leur destinée. Il faut les mettre en situations d'oser, de dire non, de refuser l'inacceptable. C'est la voie pour laquelle j'ai délibérément opté dès ma prise de fonction.
Pour cela, le rôle des pouvoirs publics et le rôle des associations sont fondamentaux. En effet, pour que les femmes victimes de violences n'acceptent pas l'inacceptable et sortent du silence, il faut qu'elles trouvent une réponse adaptée à leurs besoins et à la gravité des faits. Cela passe, en particulier, par l'amélioration des conditions de la prise en charge des victimes dans les commissariats, les brigades de Gendarmerie et les services médicaux spécialisés.
Il ne faut plus en effet qu'une femme victime de violences graves ou de viol, après s'être heurtée au scepticisme de ses proches ou de son entourage, puisse en plus avoir l'impression d'être en situation d'accusée lorsqu'elle veut porter plainte.
Cela passe par un certain nombre de mesures sur lesquelles je travaille en liaison avec la Chancellerie et le ministère de l'intérieur. De son côté, le Ministre de l'intérieur a dégagé des crédits pour équiper les commissariats d'espaces confidentiels plus propices à l'expression sans appréhension des victimes. De la même manière, la formation des personnels de police et de gendarmerie sera améliorée pour les sensibiliser à l'accueil des victimes, en recourant le cas échéant au témoignage d'anciennes victimes de violences graves.
J'insiste d'ailleurs sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une question de sexe. Si les femmes victimes peuvent souhaiter légitimement s'adresser à des personnels de sexe féminin, rien n'empêche les hommes d'effectuer convenablement leur travail d'écoute et de reformulation de manière discrète, attentive et persévérante.
Par ailleurs, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le principe de l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal sera bientôt inscrit dans la loi et dans le code civil.
Si le projet de loi portant réforme du divorce, que j'ai présenté avec le Garde des Sceaux le 9 juillet dernier en conseil des ministres, est adopté en l'état sur ce point, ce ne sera plus le conjoint victime qui sera obligé de se reloger, mais bien l'auteur des faits. Or, les femmes représentent 95% des victimes de violences conjugales.
Cela donnera certainement aux auteurs de violences l'occasion de réfléchir sur ses actes, sur leur gravité et sur leurs conséquences civiles et pénales. Mais cela jouera certainement aussi un rôle important auprès des conjoints potentiellement violents afin de les dissuader de passer à l'acte. Il s'agira donc là d'un grand progrès, d'autant plus qu'il reposera sur une procédure contradictoire et néanmoins rapide : le référé civil.
Cependant cette disposition ne pourra s'appliquer ni aux concubins, ni aux personnes liées par un acte civil de solidarité. Nous recherchons donc avec la Chancellerie les moyens d'aboutir à des dispositions équivalentes par le biais d'une directive de politique pénale. Je note d'ailleurs avec satisfaction que certains procureurs, comme celui de Douai dans le Nord, n'ont pas attendu l'annonce de ces réformes pour agir. Ils ont utilisé l'arme du contrôle judiciaire pour interdire au conjoint violent de résider au domicile et de chercher à rentrer en contact avec la victime de quelque manière que ce soit.
En tout état de cause, les Parquets seront invités très prochainement à faire preuve d'une grande vigilance et d'une grande sensibilité à des situations qui sont tout aussi inacceptables, et à accélérer le plus possible les poursuites.
Il est un autre dispositif sur lequel je fonde de grands espoirs. C'est celui de l'abandon de la qualification des violences, sous forme d'incapacité temporaire de travail. En l'état actuel des textes, la qualification des violences dépend de la durée de l'incapacité temporaire de travail qu'elles ont provoquée. Cette méthode aboutit à minimiser la gravité de certaines violences, car des blessures, même susceptibles de rentrer dans la catégorie des crimes ou des délits les plus graves, n'entraînent pas toujours une incapacité de travail. Outre le déni pour la victime que cela représente, cela complique la recherche des preuves qui sont nécessaires pour aboutir à une condamnation.
Il serait donc préférable de les remplacer par une qualification directe d'après un certificat médical type, permettant de lier le quantum de la peine encourue à la gravité des blessures subies par la victime. Ce système intelligent et efficace est déjà pratiqué sur le ressort du Tribunal de Grande Instance de Mulhouse, et le Garde des Sceaux serait favorable à son extension rapide à l'ensemble de la France.
Enfin, la prise en charge thérapeutique du conjoint violent, qui est souvent lui-même un être en souffrance, pourra progressivement être organisée sous forme de groupes de parole ou de consultations spécialisées. Si cette prise en charge ne permettra pas en général d'éviter la sanction compte tenu de la gravité des faits, cela pourra cependant éviter la récidive ou le harcèlement de la victime par son ancien conjoint dans un grand nombre de situations.
En tous cas, des exemples à l'étranger ont prouvé qu'il est nécessaire de pouvoir adresser les auteurs à des intervenants spécialisés pour rompre la spirale de la violence conjugale ou de la volonté de contrôle, et pour faire émerger ou développer la capacité de sollicitude envers les autres.
Les discriminations sexistes et sexuelles.
Dans l'exercice de mon ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle, je suis très sensibilisée aux conditions d'une égalité réelle entre les garçons et les filles. L'orientation est à cet égard déterminante. Actuellement, les femmes sont très majoritaires dans 6 secteurs d'activité sur 31, qui représentent environ 30% seulement de l'emploi total. On y trouve naturellement les services aux personnes, les services sociaux l'éducation, le commerce, l'hôtellerie-restauration et certaines branches industrielles comme le textile.
Il faut donc inciter davantage les jeunes filles à s'orienter vers des filières porteuses en matière d'emplois, et tout particulièrement vers les sections scientifiques. Alors seulement, elles seront reconnues comme des égales par leurs camarades masculins.
Il y a en effet un lien direct entre ce sentiment avoué d'infériorité et l'acceptation, au moins tacite, de certaines formes de violences. Cette conception sexuée et inégalitaire des rôles, acceptée par les femmes dans un souci d'apaisement, peut donc au contraire se retourner contre elles.
L'égalité professionnelle et l'égalité dans l'enseignement ou la formation professionnelle relèvent donc à l'évidence de la pédagogie de la responsabilité qui m'est chère, non plus pour survictimiser les femmes ni pour en faire d'éternelles assistées, mais bien au contraire pour leur fournir les moyens de se concourir à égalité de chances avec les hommes pour l'accès à des emplois de plus en plus variés et à des postes de plus en plus élevés. J'ai ainsi présenté avec le Ministre de la Fonction Publique en février dernier 23 mesures destinées à favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes dans la haute fonction publique.
Je note avec satisfaction que, dans le département des Hautes-Alpes, la sensibilisation des jeunes sur ces questions s'effectue dès le collège, soit avant que soient exercés les choix d'orientation qui peuvent se révéler déterminants par la suite. De plus, cela pourra contribuer à inverser la tendance à la surfréquence des violences chez les jeunes de 20 à 24 ans dans le département.
De la même façon, il faut redoubler de vigilance pour prévenir les discriminations sexistes et l'incitation aux discriminations à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle. J'ai engagé depuis plusieurs mois une réflexion et une concertation avec les représentants des médias et de la publicité, afin de les convaincre de la nécessité d'améliorer l'autodiscipline et l'autocontrôle, et d'éviter de voir nos rues et nos journaux envahis par des publicités dégradantes pour les femmes ou incitant directement ou indirectement à la violence.
Le volumineux courrier que je reçois à ce sujet montre à quel point certaines femmes se sentent agressées par des images qui témoignent d'une conception encore très inégalitaire des rôles au sein du foyer, dans l'entreprise et dans la vie. Cela favorise à l'évidence les comportements transgressifs envers les femmes, les propos sexistes sur la voie publique ou les attitudes injurieuses et irrespectueuses envers les femmes.
L'amélioration du respect d'autrui et la lutte contre les incivilités, les agressions physiques ou sexuelles et les violences verbales suppose à l'évidence une accélération des délais de jugement. Dans ce domaine, le fait d'être jugé plusieurs années après les faits et parfois, pour un mineur, d'être devenu majeur entre temps ôte tout effet dissuasif à la sanction et entretient un dangereux sentiment d'impunité chez les auteurs ou les auteurs potentiels des faits répréhensibles.
Il faut enfin prévenir et punir le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sur les lieux de travail. Là encore, la très grande majorité des victimes sont des femmes. Si plusieurs plaintes ont pu aboutir à une condamnation, à l'éloignement ou à la rétrogradation du fautif, je déplore néanmoins que le taux de classement sans suite ou d'acquittement faute de preuves soit encore trop élevé et que trop souvent, ce soit la victime et non pas l'auteur qui subisse les conséquences professionnelles négatives du harcèlement au travail.
A la suite de ma communication sur les violences faite aux femmes, en Conseil des Ministres, le 21 janvier dernier, le Président de la République, le Premier Ministre et le Gouvernement ont adressé un signal fort, aux femmes d'abord, mais également aux hommes, à l'ensemble de la société. Oui, il faut briser la loi du silence, refuser l'indifférence et faire qu'au pays des droits de l'homme et du citoyen, les droits des femmes soient reconnus et respectés. Ce combat est celui de toute une société qui doit mettre au premier rang de ses exigences l'égalité et le respect de la personne, partout et en toutes circonstances.
C'est le combat pour la liberté et pour la dignité.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 18 septembre 2003)
Monsieur le Procureur de la République,
Mesdames, Messieurs les élus
Mesdames, Messieurs les représentants de la police et de la Gendarmerie,
Mesdames, Messieurs les Directeurs départementaux,
Mesdames, Messieurs les Présidents et responsables d'associations,
Mesdames, Messieurs,
Merci, Monsieur le Préfet, de m'avoir conviée à participer à cette réunion plénière de la Commission départementale de lutte contre les violences faites aux femmes des Hautes-Alpes, et de m'offrir cette occasion de rencontrer celles et ceux qui, à un titre ou à un autre, interviennent, au quotidien, sur cette réalité douloureuse, qui exige la conjugaison de tous les efforts.
Merci de m'accueillir au sein de cette instance de réflexion, de propositions et d'évaluation d'un phénomène qui revêt une acuité particulière au moment où sera bientôt discuté au Parlement un projet de loi sur le divorce comportant notamment un dispositif d'éloignement du conjoint violent.
Je sais combien une réponse appropriée est nécessaire en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Les commissions départementales d'action contre les violences faites aux femmes ont permis de faire progresser considérablement la connaissance des faits de violences, du vécu des femmes qui les subissent et de bâtir des initiatives adaptées aux priorités constatées.
Je sais aussi la grande compétence de celles et de ceux qui consacrent leur énergie à prévenir ces violences et à en adoucir les conséquences. Je salue enfin tous les engagements et tous les dévouements dans ce domaine.
L'enquête nationale sur les violences envers les femmes et les familles, qui est publiée depuis peu à la Documentation Française, a permis pour la première fois d'établir qu'environ une femme sur six subit des violences et qu'une femme sur dix est victime de violences conjugales. Mais il y a pire encore : tous les cinq jours en moyenne en France, une femme meure des suites des violences conjugales qu'elle a subies, et un meurtre de femme sur deux est commis par le conjoint ou l'ancien conjoint de la victime.
Les violences conjugales.
Nous savons tous que ces violences peuvent être physiques, sexuelles, verbales ou psychologiques, voire même économiques ou juridiques. Elles sont présentes dans tous les milieux sociaux, y compris les milieux favorisés socialement et financièrement, et elles sont en forte hausse dans le département des Hautes-Alpes. Qu'elles existent encore, aujourd'hui, si près de nous, est indigne d'une société comme la nôtre. Par leur coût humain et social, direct et indirect, elles représentent une lourde perte de talents et de forces pour la société toute entière. Enfin, la plus épouvantable des violences exercées dans un cadre familial est celle dont les victimes sont des enfants.
Dans ce domaine, outre le retentissement sur l'état de santé et le psychisme et la difficulté à vivre une vie affective et sexuelle normale une fois adulte, le risque de répétition des faits est considérable. Parmi les conjoints violents, la proportion de ceux qui ont subi ou assisté à des violences physiques ou sexuelles durant leur enfance est quatre fois plus élevée. C'est une des conclusions du rapport de l'Académie de Médecine sur le rôle des professionnels de santé en matière de violences conjugales et familiales, rédigé sous la direction du Professeur Henrion.
Notre premier devoir est donc de refuser la banalisation de ces violences. Et pour cela, il faut en appeler à la conscience individuelle et collective de tous et de toutes, des femmes comme des hommes.
C'est ce qu'a fait le Premier ministre, lorsqu'il a, le 21 janvier dernier, visité un centre d'écoute parisien. Il a interpellé nos concitoyens en renversant l'ordre des facteurs. Au lieu de dire qu'une femme sur dix déclare avoir été victime de violences, il a déclaré qu'un conjoint sur dix est un conjoint violent.
Notre second devoir est de redonner leur dignité à toutes ces femmes victimes de violences, en les déculpabilisant, en facilitant leurs démarches pour faire valoir leurs droits et obtenir réparation et en les aidant à se reconstruire et à se réinsérer. Il faut éviter d'inférioriser les femmes, comme on l'a trop souvent fait, en voulant sans cesse les assister et les protéger.
Il faut, au contraire, développer une pédagogie de la responsabilité destinée à permettre aux femmes de se prendre elles-mêmes en charge et de choisir leur destinée. Il faut les mettre en situations d'oser, de dire non, de refuser l'inacceptable. C'est la voie pour laquelle j'ai délibérément opté dès ma prise de fonction.
Pour cela, le rôle des pouvoirs publics et le rôle des associations sont fondamentaux. En effet, pour que les femmes victimes de violences n'acceptent pas l'inacceptable et sortent du silence, il faut qu'elles trouvent une réponse adaptée à leurs besoins et à la gravité des faits. Cela passe, en particulier, par l'amélioration des conditions de la prise en charge des victimes dans les commissariats, les brigades de Gendarmerie et les services médicaux spécialisés.
Il ne faut plus en effet qu'une femme victime de violences graves ou de viol, après s'être heurtée au scepticisme de ses proches ou de son entourage, puisse en plus avoir l'impression d'être en situation d'accusée lorsqu'elle veut porter plainte.
Cela passe par un certain nombre de mesures sur lesquelles je travaille en liaison avec la Chancellerie et le ministère de l'intérieur. De son côté, le Ministre de l'intérieur a dégagé des crédits pour équiper les commissariats d'espaces confidentiels plus propices à l'expression sans appréhension des victimes. De la même manière, la formation des personnels de police et de gendarmerie sera améliorée pour les sensibiliser à l'accueil des victimes, en recourant le cas échéant au témoignage d'anciennes victimes de violences graves.
J'insiste d'ailleurs sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une question de sexe. Si les femmes victimes peuvent souhaiter légitimement s'adresser à des personnels de sexe féminin, rien n'empêche les hommes d'effectuer convenablement leur travail d'écoute et de reformulation de manière discrète, attentive et persévérante.
Par ailleurs, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le principe de l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal sera bientôt inscrit dans la loi et dans le code civil.
Si le projet de loi portant réforme du divorce, que j'ai présenté avec le Garde des Sceaux le 9 juillet dernier en conseil des ministres, est adopté en l'état sur ce point, ce ne sera plus le conjoint victime qui sera obligé de se reloger, mais bien l'auteur des faits. Or, les femmes représentent 95% des victimes de violences conjugales.
Cela donnera certainement aux auteurs de violences l'occasion de réfléchir sur ses actes, sur leur gravité et sur leurs conséquences civiles et pénales. Mais cela jouera certainement aussi un rôle important auprès des conjoints potentiellement violents afin de les dissuader de passer à l'acte. Il s'agira donc là d'un grand progrès, d'autant plus qu'il reposera sur une procédure contradictoire et néanmoins rapide : le référé civil.
Cependant cette disposition ne pourra s'appliquer ni aux concubins, ni aux personnes liées par un acte civil de solidarité. Nous recherchons donc avec la Chancellerie les moyens d'aboutir à des dispositions équivalentes par le biais d'une directive de politique pénale. Je note d'ailleurs avec satisfaction que certains procureurs, comme celui de Douai dans le Nord, n'ont pas attendu l'annonce de ces réformes pour agir. Ils ont utilisé l'arme du contrôle judiciaire pour interdire au conjoint violent de résider au domicile et de chercher à rentrer en contact avec la victime de quelque manière que ce soit.
En tout état de cause, les Parquets seront invités très prochainement à faire preuve d'une grande vigilance et d'une grande sensibilité à des situations qui sont tout aussi inacceptables, et à accélérer le plus possible les poursuites.
Il est un autre dispositif sur lequel je fonde de grands espoirs. C'est celui de l'abandon de la qualification des violences, sous forme d'incapacité temporaire de travail. En l'état actuel des textes, la qualification des violences dépend de la durée de l'incapacité temporaire de travail qu'elles ont provoquée. Cette méthode aboutit à minimiser la gravité de certaines violences, car des blessures, même susceptibles de rentrer dans la catégorie des crimes ou des délits les plus graves, n'entraînent pas toujours une incapacité de travail. Outre le déni pour la victime que cela représente, cela complique la recherche des preuves qui sont nécessaires pour aboutir à une condamnation.
Il serait donc préférable de les remplacer par une qualification directe d'après un certificat médical type, permettant de lier le quantum de la peine encourue à la gravité des blessures subies par la victime. Ce système intelligent et efficace est déjà pratiqué sur le ressort du Tribunal de Grande Instance de Mulhouse, et le Garde des Sceaux serait favorable à son extension rapide à l'ensemble de la France.
Enfin, la prise en charge thérapeutique du conjoint violent, qui est souvent lui-même un être en souffrance, pourra progressivement être organisée sous forme de groupes de parole ou de consultations spécialisées. Si cette prise en charge ne permettra pas en général d'éviter la sanction compte tenu de la gravité des faits, cela pourra cependant éviter la récidive ou le harcèlement de la victime par son ancien conjoint dans un grand nombre de situations.
En tous cas, des exemples à l'étranger ont prouvé qu'il est nécessaire de pouvoir adresser les auteurs à des intervenants spécialisés pour rompre la spirale de la violence conjugale ou de la volonté de contrôle, et pour faire émerger ou développer la capacité de sollicitude envers les autres.
Les discriminations sexistes et sexuelles.
Dans l'exercice de mon ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle, je suis très sensibilisée aux conditions d'une égalité réelle entre les garçons et les filles. L'orientation est à cet égard déterminante. Actuellement, les femmes sont très majoritaires dans 6 secteurs d'activité sur 31, qui représentent environ 30% seulement de l'emploi total. On y trouve naturellement les services aux personnes, les services sociaux l'éducation, le commerce, l'hôtellerie-restauration et certaines branches industrielles comme le textile.
Il faut donc inciter davantage les jeunes filles à s'orienter vers des filières porteuses en matière d'emplois, et tout particulièrement vers les sections scientifiques. Alors seulement, elles seront reconnues comme des égales par leurs camarades masculins.
Il y a en effet un lien direct entre ce sentiment avoué d'infériorité et l'acceptation, au moins tacite, de certaines formes de violences. Cette conception sexuée et inégalitaire des rôles, acceptée par les femmes dans un souci d'apaisement, peut donc au contraire se retourner contre elles.
L'égalité professionnelle et l'égalité dans l'enseignement ou la formation professionnelle relèvent donc à l'évidence de la pédagogie de la responsabilité qui m'est chère, non plus pour survictimiser les femmes ni pour en faire d'éternelles assistées, mais bien au contraire pour leur fournir les moyens de se concourir à égalité de chances avec les hommes pour l'accès à des emplois de plus en plus variés et à des postes de plus en plus élevés. J'ai ainsi présenté avec le Ministre de la Fonction Publique en février dernier 23 mesures destinées à favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes dans la haute fonction publique.
Je note avec satisfaction que, dans le département des Hautes-Alpes, la sensibilisation des jeunes sur ces questions s'effectue dès le collège, soit avant que soient exercés les choix d'orientation qui peuvent se révéler déterminants par la suite. De plus, cela pourra contribuer à inverser la tendance à la surfréquence des violences chez les jeunes de 20 à 24 ans dans le département.
De la même façon, il faut redoubler de vigilance pour prévenir les discriminations sexistes et l'incitation aux discriminations à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle. J'ai engagé depuis plusieurs mois une réflexion et une concertation avec les représentants des médias et de la publicité, afin de les convaincre de la nécessité d'améliorer l'autodiscipline et l'autocontrôle, et d'éviter de voir nos rues et nos journaux envahis par des publicités dégradantes pour les femmes ou incitant directement ou indirectement à la violence.
Le volumineux courrier que je reçois à ce sujet montre à quel point certaines femmes se sentent agressées par des images qui témoignent d'une conception encore très inégalitaire des rôles au sein du foyer, dans l'entreprise et dans la vie. Cela favorise à l'évidence les comportements transgressifs envers les femmes, les propos sexistes sur la voie publique ou les attitudes injurieuses et irrespectueuses envers les femmes.
L'amélioration du respect d'autrui et la lutte contre les incivilités, les agressions physiques ou sexuelles et les violences verbales suppose à l'évidence une accélération des délais de jugement. Dans ce domaine, le fait d'être jugé plusieurs années après les faits et parfois, pour un mineur, d'être devenu majeur entre temps ôte tout effet dissuasif à la sanction et entretient un dangereux sentiment d'impunité chez les auteurs ou les auteurs potentiels des faits répréhensibles.
Il faut enfin prévenir et punir le harcèlement moral et le harcèlement sexuel sur les lieux de travail. Là encore, la très grande majorité des victimes sont des femmes. Si plusieurs plaintes ont pu aboutir à une condamnation, à l'éloignement ou à la rétrogradation du fautif, je déplore néanmoins que le taux de classement sans suite ou d'acquittement faute de preuves soit encore trop élevé et que trop souvent, ce soit la victime et non pas l'auteur qui subisse les conséquences professionnelles négatives du harcèlement au travail.
A la suite de ma communication sur les violences faite aux femmes, en Conseil des Ministres, le 21 janvier dernier, le Président de la République, le Premier Ministre et le Gouvernement ont adressé un signal fort, aux femmes d'abord, mais également aux hommes, à l'ensemble de la société. Oui, il faut briser la loi du silence, refuser l'indifférence et faire qu'au pays des droits de l'homme et du citoyen, les droits des femmes soient reconnus et respectés. Ce combat est celui de toute une société qui doit mettre au premier rang de ses exigences l'égalité et le respect de la personne, partout et en toutes circonstances.
C'est le combat pour la liberté et pour la dignité.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 18 septembre 2003)