Texte intégral
J.-M. Aphatie - Le conflit des chercheurs est terminé. Vous avez notamment accepté hier de transformer les 550 postes contractuels de chercheurs initialement prévus, en 550 postes statutaires. "Nous avons obtenu tout ce que nous avions demandé comme mesures d'urgence", a déclaré hier le porte-parole des chercheurs, A. Trautmann. "C'est tout à fait inespéré", a-t-il conclu. Le Gouvernement a donc totalement capitulé ?
R - "Dans cette affaire, il y a d'abord une priorité nationale, qui est la Recherche. Mais il y a en même temps un besoin de réforme de notre système de recherche qui, sur bien des aspects, est en train de décliner. Le gouvernement précédent a voulu amorcer cette réforme. Les chercheurs ne l'ont pas compris, parce qu'ils ont eu le sentiment qu'il n'y avait pas de perspectives générales, mais qu'il y avait des mesures qui étaient des mesures à caractère budgétaire. Ce que le Gouvernement voulait faire, au fond, c'est donner un peu de souplesse dans un système qui est trop rigide, en recrutant un peu moins d'emplois statutaires et un peu plus d'emplois contractuels, comme d'ailleurs cela se fait partout dans le monde, et notamment aux Etats-Unis, qui est toujours le pays montré en exemple. Les chercheurs ne l'ont pas compris parce qu'ils n'ont pas suffisamment sans doute été associés à la réflexion, parce qu'ils n'ont pas vu la perspective que le Gouvernement présentait, et du coup, ils se sont bloqués. Et on ne peut pas, dans aucun domaine, mais encore moins dans celui-là, réformer la Recherche en ayant contre soi tous les chercheurs. Donc le Gouvernement a voulu d'abord mettre un terme à ce conflit, ce que j'ai fait hier, mais en obtenant de la communauté scientifique qu'elle s'engage de manière résolue dans un effort de réflexion, qui va déboucher à la fin de l'année sur une loi d'orientation qui permettra de réformer notre système de recherche, pour le rendre plus performant."
J.-M. Aphatie - Est-ce qu'il n'y a pas, dans la procédure - proposer une réforme, se heurter à un refus, puis abandonner la réforme -, l'encouragement à des manifestations ?
R - "Oui. Il y a toujours ce risque-là, naturellement, mais en même temps, on ne peut pas réformer quand on a tout le monde contre soi. Or, là, en l'occurrence, s'agissant de ce conflit, il n'y avait pas telle ou telle catégorie de chercheurs défendant son statut. Il y avait une sorte d'unanimité du monde de la Recherche qui, encore une fois, n'avait pas été sans doute suffisamment associé à la réflexion. D'ailleurs la réaction des chercheurs, que j'ai trouvée extrêmement responsable, ne peut pas servir de mauvais modèle à d'autres crises."
J.-M. Aphatie - On ne peut pas réformer quand on a tout le monde contre soi". Hier soir, des agents d'EDF ont coupé l'électricité dans l'agglomération lilloise, parce qu'ils sont opposés radicalement à la transformation de statut de l'entreprise que le Gouvernement veut opérer. Qu'est-ce que vous pensez de cet acte des agents de l'EDF, hier soir ?
R - "Je pense qu'EDF devra être réformée, notamment parce qu'il y a un changement profond dans l'organisation du marché de l'électricité, qui est l'ouverture à la concurrence, qui a été décidée il y a déjà plusieurs années. Alors, là encore, il va falloir discuter. Le dialogue, honnêtement, avait été bien engagé, et je suis convaincu que N. Sarkozy aura le talent nécessaire pour le poursuivre."
J.-M. Aphatie - B. Thibault demande ce matin, dans La Tribune, le retrait du projet de loi gouvernemental...
R - "Je pense que ce n'est pas raisonnable, et que B. Thibault, au fond de lui-même, sait bien qu'EDF ne pourra pas résister à l'ouverture à la concurrence sans des modifications de son statut."
J.-M. Aphatie - On se dit, quand on regarde tout ça que de votre point de vue, pour vos intérêts, il aurait été plus intelligent de donner aux chercheurs ce qu'ils demandaient avant les élections, plutôt qu'après. On a tort ?
R - "C'est toujours ce qu'on pense à l'issue d'un conflit. Il faut aussi considérer que ce conflit s'est ouvert dans une période qui était particulière, qui était une période électorale, avec sans doute des tensions exacerbées de part et d'autre. Moi, ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est de construire la réforme de la Recherche, ce n'est pas de pleurer sur le lait renversé."
J.-M. Aphatie - Est-ce que ce revirement gouvernemental n'incarne pas la perte d'autorité du Premier ministre ?
R - "Non, je ne crois pas. Je crois qu'au contraire, ce qui pourrait incarner la perte d'autorité du Gouvernement, ce serait qu'il soit complètement sourd aux événements politiques qui viennent de se passer. Ou alors qu'il abandonne toute volonté de réformes. Or, nous ne sommes ni sourds aux messages politiques, ni décidés à abandonner le cap des réformes."
J.-M. Aphatie - Jeudi dernier, dans son intervention, le président de la République a demandé, outre un geste en faveur des chercheurs, le retrait de la réforme de l'Allocation spécifique de solidarité, que vous aviez initiée et pour laquelle vous vous étiez beaucoup engagé quand vous étiez au ministère du travail - ce n'est pas vieux, il y a quinze jours encore, vous étiez ministre du Travail. C'est dur d'être ainsi désavoué par le président de la République ?
R - "Le président de la République a demandé sa suspension, tant que la loi sur l'emploi, que j'avais commencé à préparer et que J.-L. Borloo va poursuivre, n'est pas discutée. Ma conviction reste la même : il faut privilégier l'aide à la réinsertion des chômeurs, l'aide à l'emploi, plutôt que des allocations à vie. Je crois qu'aucun pays ne peut se satisfaire d'un système où l'on offre des allocations à vie, au lieu de s'occuper réellement de remettre les chômeurs sur la voie du travail. C'est ma conviction personnelle."
J.-M. Aphatie - Et jeudi soir, quand vous avez entendu le président de la République, cela vous a un peu fait mal au ventre d'entendre ça ?
R - "Non, parce que le président de la République est dans son rôle. Il prend acte d'un résultat électoral qui a été très mauvais pour la majorité, qui est un séisme électoral. Il en prend acte. Il prend les mesures nécessaires pour apaiser la société française, pour reprendre le dialogue et reprendre le travail de construction des réformes. Donc le président de la République a eu les mots qu'il fallait."
J.-M. Aphatie - On se souvient de vous F. Fillon le soir du second tour, sur un plateau de télévision : "c'est un 21 avril à l'envers", avez-vous dit. Qu'est-ce que vous voulez dire par cette formule ?
R - "Je veux dire par là que quand un pays, en dix-huit mois, inflige une défaite électorale historique à la gauche, et ensuite donne vingt régions sur vingt-deux à l'opposition, c'est que ce pays a un problème avec la politique ! C'est qu'il y a une crise de société, c'est qu'il y a une crise politique, et qu'il serait fou pour les socialistes de croire qu'ils ont gagné la partie, mais qu'il serait fou aussi pour la majorité de croire que c'est telle ou telle réforme qu'il suffit de retirer pour qu'une réponse positive soit apportée. Nous sommes devant une crise profonde de la politique, devant un pays qui refuse les évolutions nécessaires, sans doute parce qu'il considère que les équipes en place ne les lui ont pas suffisamment expliquées, ou que les structures politiques ne fonctionnent pas. Il faut que nous prenions conscience de la gravité et de la profondeur de cette crise, à gauche comme à droite."
J.-M. Aphatie - En deux mots, au ministère de l'Education, vous êtes là pour opérer des réformes ou pour faire en sorte que tout se passe bien pendant trois ans, qu'il n'y ait plus de vagues ?
R - "Je suis d'abord là pour rétablir un climat de confiance à l'intérieur de la communauté éducative. Ce qui me frappe beaucoup, c'est que les professeurs, en particulier, sont dans une situation de découragement et de désespoir. Et on ne peut pas faire fonctionner un pays dont le système éducatif est frappé par une crise de confiance aussi grave. Donc ma priorité est de rétablir ce climat de confiance."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 avril 2004)
R - "Dans cette affaire, il y a d'abord une priorité nationale, qui est la Recherche. Mais il y a en même temps un besoin de réforme de notre système de recherche qui, sur bien des aspects, est en train de décliner. Le gouvernement précédent a voulu amorcer cette réforme. Les chercheurs ne l'ont pas compris, parce qu'ils ont eu le sentiment qu'il n'y avait pas de perspectives générales, mais qu'il y avait des mesures qui étaient des mesures à caractère budgétaire. Ce que le Gouvernement voulait faire, au fond, c'est donner un peu de souplesse dans un système qui est trop rigide, en recrutant un peu moins d'emplois statutaires et un peu plus d'emplois contractuels, comme d'ailleurs cela se fait partout dans le monde, et notamment aux Etats-Unis, qui est toujours le pays montré en exemple. Les chercheurs ne l'ont pas compris parce qu'ils n'ont pas suffisamment sans doute été associés à la réflexion, parce qu'ils n'ont pas vu la perspective que le Gouvernement présentait, et du coup, ils se sont bloqués. Et on ne peut pas, dans aucun domaine, mais encore moins dans celui-là, réformer la Recherche en ayant contre soi tous les chercheurs. Donc le Gouvernement a voulu d'abord mettre un terme à ce conflit, ce que j'ai fait hier, mais en obtenant de la communauté scientifique qu'elle s'engage de manière résolue dans un effort de réflexion, qui va déboucher à la fin de l'année sur une loi d'orientation qui permettra de réformer notre système de recherche, pour le rendre plus performant."
J.-M. Aphatie - Est-ce qu'il n'y a pas, dans la procédure - proposer une réforme, se heurter à un refus, puis abandonner la réforme -, l'encouragement à des manifestations ?
R - "Oui. Il y a toujours ce risque-là, naturellement, mais en même temps, on ne peut pas réformer quand on a tout le monde contre soi. Or, là, en l'occurrence, s'agissant de ce conflit, il n'y avait pas telle ou telle catégorie de chercheurs défendant son statut. Il y avait une sorte d'unanimité du monde de la Recherche qui, encore une fois, n'avait pas été sans doute suffisamment associé à la réflexion. D'ailleurs la réaction des chercheurs, que j'ai trouvée extrêmement responsable, ne peut pas servir de mauvais modèle à d'autres crises."
J.-M. Aphatie - On ne peut pas réformer quand on a tout le monde contre soi". Hier soir, des agents d'EDF ont coupé l'électricité dans l'agglomération lilloise, parce qu'ils sont opposés radicalement à la transformation de statut de l'entreprise que le Gouvernement veut opérer. Qu'est-ce que vous pensez de cet acte des agents de l'EDF, hier soir ?
R - "Je pense qu'EDF devra être réformée, notamment parce qu'il y a un changement profond dans l'organisation du marché de l'électricité, qui est l'ouverture à la concurrence, qui a été décidée il y a déjà plusieurs années. Alors, là encore, il va falloir discuter. Le dialogue, honnêtement, avait été bien engagé, et je suis convaincu que N. Sarkozy aura le talent nécessaire pour le poursuivre."
J.-M. Aphatie - B. Thibault demande ce matin, dans La Tribune, le retrait du projet de loi gouvernemental...
R - "Je pense que ce n'est pas raisonnable, et que B. Thibault, au fond de lui-même, sait bien qu'EDF ne pourra pas résister à l'ouverture à la concurrence sans des modifications de son statut."
J.-M. Aphatie - On se dit, quand on regarde tout ça que de votre point de vue, pour vos intérêts, il aurait été plus intelligent de donner aux chercheurs ce qu'ils demandaient avant les élections, plutôt qu'après. On a tort ?
R - "C'est toujours ce qu'on pense à l'issue d'un conflit. Il faut aussi considérer que ce conflit s'est ouvert dans une période qui était particulière, qui était une période électorale, avec sans doute des tensions exacerbées de part et d'autre. Moi, ce qui m'intéresse aujourd'hui, c'est de construire la réforme de la Recherche, ce n'est pas de pleurer sur le lait renversé."
J.-M. Aphatie - Est-ce que ce revirement gouvernemental n'incarne pas la perte d'autorité du Premier ministre ?
R - "Non, je ne crois pas. Je crois qu'au contraire, ce qui pourrait incarner la perte d'autorité du Gouvernement, ce serait qu'il soit complètement sourd aux événements politiques qui viennent de se passer. Ou alors qu'il abandonne toute volonté de réformes. Or, nous ne sommes ni sourds aux messages politiques, ni décidés à abandonner le cap des réformes."
J.-M. Aphatie - Jeudi dernier, dans son intervention, le président de la République a demandé, outre un geste en faveur des chercheurs, le retrait de la réforme de l'Allocation spécifique de solidarité, que vous aviez initiée et pour laquelle vous vous étiez beaucoup engagé quand vous étiez au ministère du travail - ce n'est pas vieux, il y a quinze jours encore, vous étiez ministre du Travail. C'est dur d'être ainsi désavoué par le président de la République ?
R - "Le président de la République a demandé sa suspension, tant que la loi sur l'emploi, que j'avais commencé à préparer et que J.-L. Borloo va poursuivre, n'est pas discutée. Ma conviction reste la même : il faut privilégier l'aide à la réinsertion des chômeurs, l'aide à l'emploi, plutôt que des allocations à vie. Je crois qu'aucun pays ne peut se satisfaire d'un système où l'on offre des allocations à vie, au lieu de s'occuper réellement de remettre les chômeurs sur la voie du travail. C'est ma conviction personnelle."
J.-M. Aphatie - Et jeudi soir, quand vous avez entendu le président de la République, cela vous a un peu fait mal au ventre d'entendre ça ?
R - "Non, parce que le président de la République est dans son rôle. Il prend acte d'un résultat électoral qui a été très mauvais pour la majorité, qui est un séisme électoral. Il en prend acte. Il prend les mesures nécessaires pour apaiser la société française, pour reprendre le dialogue et reprendre le travail de construction des réformes. Donc le président de la République a eu les mots qu'il fallait."
J.-M. Aphatie - On se souvient de vous F. Fillon le soir du second tour, sur un plateau de télévision : "c'est un 21 avril à l'envers", avez-vous dit. Qu'est-ce que vous voulez dire par cette formule ?
R - "Je veux dire par là que quand un pays, en dix-huit mois, inflige une défaite électorale historique à la gauche, et ensuite donne vingt régions sur vingt-deux à l'opposition, c'est que ce pays a un problème avec la politique ! C'est qu'il y a une crise de société, c'est qu'il y a une crise politique, et qu'il serait fou pour les socialistes de croire qu'ils ont gagné la partie, mais qu'il serait fou aussi pour la majorité de croire que c'est telle ou telle réforme qu'il suffit de retirer pour qu'une réponse positive soit apportée. Nous sommes devant une crise profonde de la politique, devant un pays qui refuse les évolutions nécessaires, sans doute parce qu'il considère que les équipes en place ne les lui ont pas suffisamment expliquées, ou que les structures politiques ne fonctionnent pas. Il faut que nous prenions conscience de la gravité et de la profondeur de cette crise, à gauche comme à droite."
J.-M. Aphatie - En deux mots, au ministère de l'Education, vous êtes là pour opérer des réformes ou pour faire en sorte que tout se passe bien pendant trois ans, qu'il n'y ait plus de vagues ?
R - "Je suis d'abord là pour rétablir un climat de confiance à l'intérieur de la communauté éducative. Ce qui me frappe beaucoup, c'est que les professeurs, en particulier, sont dans une situation de découragement et de désespoir. Et on ne peut pas faire fonctionner un pays dont le système éducatif est frappé par une crise de confiance aussi grave. Donc ma priorité est de rétablir ce climat de confiance."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 avril 2004)