Texte intégral
INTERVIEW A FRANCE INTER :
Bonjour François Bayrou
Bonjour.
QUESTION.- Merci d'être avec nous. Ma question est simple, évidemment, serez-vous candidat aux régionales en tête d'une liste UDF, donc contre les candidats UMP emmenés par le ministre, votre ami, Xavier Darcos ?
F. BAYROU.- Je vous réponds très simplement : ma décision n'est pas prise et le jour où elle sera prise je le dirai aux Aquitains, je ne le dirai pas par l'intermédiaire de bruits ou de fuites. Deuxièmement, pourquoi avoir besoin d'employer un vocabulaire de guerre civile ? Qu'est-ce qui fait, qu'est-ce qui autorise que le fait de marquer une indépendance à l'égard de l'UMP, parti qui a tous les pouvoirs en France, entraîne le déluge de mots que vous avez utilisé - divorce, offense, attaque.
QUESTION.- Ce n'est pas la guerre civile. Le divorce ?
F. BAYROU.- Franchement, je suis à la tête d'un mouvement politique indépendant. Quand je suis d'accord, je dis que le suis. Quand je suis en désaccord, je le dis aussi. Quand je ne sens pas la politique, je le dis et le moins qu'on puisse faire quand on est un parlementaire qui a la dignité de sa mission, c'est d'essayer de changer les textes par des amendements et, s'il n'obtient pas satisfaction, le moins qu'il puisse faire, c'est s'abstenir. Dans quel pays sommes-nous en train de vivre, où on a 577 députés à l'Assemblée nationale qui sont interdits de déposer des amendements. Et on voudrait aujourd'hui qu'ils soient interdits même de s'abstenir. Cette démocratie-là ne ressemble pas à ce que je crois et à ce que je voudrais. Elle ne ressemble pas à ce qui se passe dans aucun autre pays du monde. Où avez-vous vu que des membres à part entière du Parlement et même de la majorité, soient interdits de déposer des amendements ou interdits de s'abstenir ? Je regrette ! Le jour où le gouvernement fera une politique juste, je la soutiendrai, même si elle est impopulaire. Et quand il fait une politique qui n'est pas juste, je le dis et je trouve que si nous n'étions pas dans cette ligne, nous serions infidèles à nos engagements.
QUESTION.- Deux choses : le langage dur c'est aussi les députés de l'UMP, les responsables de l'UMP qui l'emploient. J'en veux pour preuve Christine Boutin qui dans ce " 13-14 " nous disait que l'UDF était un parti sectaire avec un gourou, qui était vous-même. Ce n'est pas nous, les journalistes, nous sommes observateurs, nous ne sommes que l'écho de cela. C'est la première chose. Concernant maintenant votre intention de vous présenter pour les régionales en tête d'une liste UDF, vous ne démentez pas, vous ne m'avez pas dit non.
F. BAYROU.- Je vous ai dit que le jour où ma décision serait prise, et elle doit l'être personnellement et collectivement, je le dirai aux Aquitains. L'Aquitaine c'est ma région, j'y suis né, j'y habite, j'y ai fait toutes mes études, mes enfants y sont tous nés et je la représente depuis presque quinze ans. L'UDF, c'est ma famille. Quand j'ai le sentiment que ma région et ma famille sont en phase, je suis plutôt heureux. Pour le reste, quand la décision sera prise, les Aquitains le sauront en premiers et pas par les informations journalistiques un peu tirées par les cheveux.
QUESTION.- Et les Aquitains le sauront quand ?
F. BAYROU.- Vous verrez.
QUESTION.- Dites-nous ! Dans un mois, un mois et demi, quelques semaines, une semaine ?
F. BAYROU.- Nous verrons. Vous savez que l'UDF a un calendrier précis. Le 5 novembre elle désignera ses chefs de file dans toutes les régions françaises et à la fin du mois de novembre elle dira quelle est sa stratégie par région. Rien de plus : le respect du calendrier, le respect des autres et le respect de sa mission. Cela fait trois éléments importants.
QUESTION.- François Bayrou, puisque vous nous confinez dans un périmètre de suppositions - c'est votre droit - si vous vous présentez en Aquitaine - je suis dans les " si " - il y aura une liste UDF partout ailleurs en France pour ces régionales ?
F. BAYROU.- Nous verrons.
QUESTION.- Bien. Analyse tout de même François Bayrou.
F. BAYROU.- Vous voyez que c'est déjà pas si mal. Cela vous intéresse. On a déjà marqué des points.
QUESTION.- Ca c'est votre volonté d'exister.
F. BAYROU.- Vous voulez qu'on réfléchisse ensemble à la raison pour laquelle cela vous intéresse, en deux phrases ?
QUESTION.- Oui.
F. BAYROU.- Cela vous intéresse parce qu'il y a dans la politique française une immense attente d'une démarche politique nouvelle. Cette attente est si grande, que si personne ne l'incarne, ce sont les extrêmes qui vont en profiter. Et vous savez bien que dans tous les états-majors politiques aujourd'hui, on dit " cela va être la victoire des extrêmes ", extrême-droite et extrême-gauche. Je refuse cette fatalité. Cette fatalité, je sais d'où elle vient. Elle vient de ce que la politique est décevante parce qu'on a l'impression que les promesses sont splendides quand on vote et puis la réalité, après, est bien loin des promesses et, quelquefois, elle est même un peu contraire aux promesses. Par exemple, vous savez pourquoi je n'ai pas voté le budget ? Parce que dire d'un côté " je baisse les impôts " et de l'autre " augmenter le gazole ", dire " je baisse les impôts des catégories les plus favorisées " et couper les allocations des chômeurs en fin de droits, ce n'est pas pourquoi les Français ont voté. Ils ont voté pour tout autre chose. Une politique qui était à la fois claire et généreuse. Je la défends. Si on accepte cette fatalité de voir les extrêmes l'emporter, alors il n'y a plus qu'à désespérer de la démocratie dans laquelle on vit. Si on n'accepte pas cette fatalité, il faut bien qu'il y en ait qui s'y collent - si vous me permettez cette expression.
QUESTION.- C'est au niveau des idées et du fond. Nous on s'intéresse aussi, et c'est légitime, à l'état des forces politiques en présence, donc à l'UMP. Il y a l'UDF - on a envie de dire " pour quoi faire ? ", " quelle est sa mission ? " et j'ai envie de dire, que cherchez-vous finalement ?
F. BAYROU.- Je cherche à ce que les Français, quand ils seront devant la table de vote aient un bulletin qui leur permette de porter, à la fois le renouvellement dont ils ont besoin et d'envoyer un message clair aux gouvernants qui soit " il faut que vous changiez d'attitude ". Voilà ce que je cherche et si ce message n'est pas offert aux Français, alors il y aura des accidents électoraux que tout le monde attend. Et bien, je ne me résigne aux accidents électoraux.
QUESTION.- François Bayrou, vous ne nous empêcherez pas de penser non plus qu'il y a peut-être aussi pour vous certainement un horizon présidentiel.
F. BAYROU.- Je lis ça. Toutes les déclarations de mes amis de l'UMP ou du PS sont sur ce thème. Vous voulez que je vous fasse une confidence ? L'élection présidentielle, j'y suis déjà allé. Je me suis présenté à l'élection présidentielle en 2002. Donc, pour moi, cela n'a pas ce caractère complètement fascinant, terrifiant que cela a pour les autres. C'est une expérience très intéressante et même probablement unique que celle de la rencontre entre un homme et un peuple. Mais ce n'est pas le moment. L'élection présidentielle, c'est en 2007. Je ne parle pas de 2007, je parle de 2003 et du budget de 2004. Je déconnecte complètement ces sujets. L'élection présidentielle ne se prépare pas, elle se vit. Oubliez tout ce que les gens racontent sur ce sujet. Naturellement j'y pense, j'ai déjà été candidat ! Je pense à la fonction présidentielle
QUESTION.- Justement, vous y pensez, nous y pensons, il n'y a pas que nous. Je vous signale qu'à ce propos c'est Nicolas Sarkozy qui tient la vedette et sur ce point, le sondage IPSOS pour le journal le Point est éloquent.
F. BAYROU.- J'ai une différence avec ce sondage. Ce sondage coupe éternellement la France entre droite et gauche et je ne me reconnais pas dans cette coupure. Je pense que la question principale pour un président le jour venu, et Dieu sait que ce jour est loin, c'est la capacité de rassemblement des Français parce que vous voyez bien à quel point ce clivage est complètement désespérant. Avez-vous déjà assisté aux questions d'actualité en appuyant sur le bouton de France 3 le mardi ou le mercredi après-midi ? Je suis dans l'hémicycle, à ma place. Quelquefois cela me désespère, même moi ! Parce que vous avez un immense bloc de droite et un bloc de gauche et il n'y a qu'un seul message dans les questions des uns et des autres : la droite dit " c'est la faute à la gauche ", la gauche dit " c'est la faute à la droite ". Et si un jour on cherchait une démarche un peu plus rassembleuse et fédératrice ? Il se trouve, je le crois, qu'il y a des gens de droite et des gens de gauche, qui devront un jour travailler ensemble pour sortir ce pays de l'enlisement dans lequel il se trouve et pour moi, l'idéal de la fonction présidentielle, c'est cette capacité de rassembler ou de fédérer les Français.
QUESTION.- Une toute dernière chose François Bayrou. Vous êtes dans l'opposition ou dans la majorité ?
F. BAYROU.- Je suis dans la majorité. Pourquoi je suis dans la majorité ? Parce qu'être dans l'opposition, c'est vouloir que le Gouvernement échoue et je ne veux pas qu'il échoue, je veux qu'il change et, en cela, j'en suis, je crois, l'expression de millions de Français qui voudraient bien que cela marche parce que c'est de leur peau, de leur vie qu'il s'agit et ils trouvent qu'aujourd'hui ce n'est pas clair dans les options qu'on leur présente et ils ont bien raison de le croire ; je voudrais contribuer à ce que cela le devienne.
QUESTION.- Merci François Bayrou
(Source http://www.udf.org, le 27 octobre 2003)
INTERVIEW A FRANCE INFO :
QUESTION.- François Bayrou, bonjour.
F. BAYROU.- Bonjour.
QUESTION.- Est-ce que l'UDF fait encore partie de la majorité ?
F. BAYROU.- L'UDF fait partie de la majorité parce qu'elle traduit les sentiments du plus grand nombre des Français qui ont voté pour le Président de la République et pour la majorité nouvelle en 2002. Il y a des millions de Français aujourd'hui qui pensent qu'ils ont voté pour un choix clair et qui ne s'y retrouvent pas. Alors, ils ont des inquiétudes, et il est bien normal que quelqu'un les traduise.
QUESTION.- Votre groupe s'est abstenu sur la partie recettes du budget. Or, le vote du budget, dans la Vème République, fait partie du pacte majoritaire, c'est ce qui scelle l'appartenance à une majorité. Est-ce que vous êtes toujours dans la majorité ?
Je vous ai déjà répondu. Bien entendu oui ! Et j'ai l'intention de continuer à porter une parole de liberté dans la majorité parce que vous savez bien ce qui s'est passé : le groupe UMP compte 365 députés, autant que de jours dans l'année. On leur a interdit de déposer des amendements ; alors, nous les avons déposés. Trois amendements simples qui portaient sur 0,2% du budget et comme on n'en a retenu aucun, comme on n'a pas accordé la moindre importance aux inquiétudes ou aux questions que nous posions, nous nous sommes abstenus. Et à cause d'une abstention, c'est le tremblement de terre !
F. BAYROU.- Mais alors, si au Parlement, il y a 577 députés qui n'ont pas le droit de déposer un amendement et qui n'ont pas le droit de s'abstenir, alors à quoi sert un Parlement ? Autrement dit, si je comprends bien, ce que voudrait l'UMP, c'est avoir en face de lui une chambre d'enregistrement où le Gouvernement décide de tout, dont il n'a à tenir compte d'aucune des remarques et pour lequel il soit assuré d'un vote pour, quelles que soient les circonstances.
QUESTION.- Sur l'ASS, l'allocation des chômeurs en fin de droits, le gouvernement a fait une contre-proposition.
F. BAYROU.- Aucune. Il a fait semblant d'en faire une. La vérité est que 150 000 personnes parmi ceux qui nous écoutent, qui sont aujourd'hui des chômeurs en fin de droits, n'auront plus d'allocation au 1er juillet et ce chiffre va monter jusqu'à 300 000. Si vraiment en France, la catégorie qu'il faut cibler aujourd'hui c'est les chômeurs en fin de droits qui touchent un peu plus - écoutez bien - de 13 par jour - c'est cela ce pactole, 13 par jour pour vivre , alors je ne reconnais pas mon pays et je ne reconnais pas mes idées parce que je suis de ceux qui ont cru à la lutte contre la fracture sociale
QUESTION.- Que le Chef de l'État évoquait hier à Valenciennes.
F. BAYROU.- Évoquer dans les mots, c'est bien, évoquer dans les faits, c'est mieux ! Je plaide pour que la politique que nous avons à conduire, qui est courageuse et qui demande des réformes, n'oublie pas la solidarité nécessaire. Sans cela, vous voyez bien quel symbole désastreux elle représente.
QUESTION.- Si le gouvernement avait retiré cette mesure, vous auriez voté la partie recettes du budget ?
F. BAYROU.- Oui. J'ai proposé trois amendements, vous le savez : un sur les impôts, un sur le gazole, un sur l'ASS et j'avais dit que si le gouvernement acceptait l'un de ces trois, pour une somme finalement faible, 150 millions d'euros, j'aurais voté le budget. Mais vous voyez bien qu'en France, la culture vers laquelle on va, c'est plus le droit d'amender et plus le droit de s'abstenir.
QUESTION.- Mais on a le sentiment, tout de même à vous écouter, vous parlez de l'illisibilité de la politique du gouvernement, vous avez une divergence aujourd'hui de fond avec l'ensemble de la politique de Jean-Pierre Raffarin où est-ce que c'est seulement sa politique économique et sociale, son budget, sa politique budgétaire ?
F. BAYROU.- Il y a des choses bien qui se font dans le gouvernement et il ne faut pas dire le contraire. Par exemple, la politique de sécurité qui est une politique active et que je trouve louable ; François Fillon a lancé récemment un travail sur le dialogue social, sur notamment la possibilité d'avoir des accords majoritaires dans le dialogue social, je trouve que c'est bien. Chaque fois que c'est bien, je le dis.
QUESTION.- Mais on a le sentiment aussi à vous écouter François Bayrou, que vous voulez faire payer à l'UMP et vous le disiez à l'instant, son arrogance et son mépris à votre égard ?
F. BAYROU.- Non. Je n'emploie pas des mots comme cela.
QUESTION.- C'est moi qui les emploie.
F. BAYROU.- Je suis élu, député, par les électeurs des Pyrénées. Ces électeurs attendent quoi de moi ? Que j'aille à l'Assemblée pour me taire ou que j'aille à l'Assemblée pour faire entendre leur voix ? Et les Français attendent quoi de leurs élus ? D'un parti politique comme le nôtre ? Qu'on se taise ou qu'on fasse entendre leur voix ? Ma conviction est qu'ils attendent des élus qui s'expriment, qui n'aient pas peur, qui ne laissent pas la politique s'enfermer dans une tour d'ivoire sourde et aveugle et je joue ce rôle, même si c'est difficile, inconfortable et si cela suscite des tempêtes, des intimidations et des pressions.
QUESTION.- Au point de présenter des listes partout, face à l'UMP aux régionales ?
F. BAYROU.- Nous le verrons dans le mois de novembre. C'est une décision que nous avons à prendre. Pour moi, je suis sûr qu'aujourd'hui les Français attendent une offre politique nouvelle. Je pense qu'ils ont vécu la gauche, qu'ils en ont été terriblement déçus, qu'ils n'ont pas envie qu'elle revienne et ils ont bien raison parce qu'il y a une responsabilité que la gauche porte. Ils voient le gouvernement et ils se disent " où cela va ? ", " pourquoi prend-on des mesures aussi désordonnées, contradictoires : le gazole, le tabac, les 35 heures on les change un jour, on ne les change pas l'autre ". Une offre politique nouvelle, je le crois, est nécessaire. Ce jour viendra. La question est de savoir pour nous si ce jour viendra aux régionales ou s'il viendra plus tard. Il me semble que la situation est assez grave pour qu'on y réfléchisse sérieusement.
QUESTION.- Vous confirmez qu'en Île-de-France, André Santini sera candidat contre Jean-François Copé ?
F. BAYROU.- Je vais vous confirmer quelque chose : André Santini, à mon avis, a les plus grandes chances, s'il se présente, d'être élu Président de la région Île-de-France, parce que c'est quelqu'un qui a, à la fois, la proximité, l'humour et en même temps une vision - ce qu'il a fait à Issy-les-Moulineaux est formidable - et il aime bien les gens. Deuxièmement, il ferait un formidable Président de la région, mais je ne changerai pas mon calendrier simplement parce qu'il y a une petite éruption volcanique à l'Assemblée nationale
QUESTION.- Pourquoi Maurice Leroy l'a annoncé cet après-midi ?
F. BAYROU.- Maurice Leroy a dit sa conviction que André Santini sera candidat et j'ai dit à vos confrères que " sera " c'est le futur. Donc, on va attendre que le moment vienne avant de dire la décision.
QUESTION.- Donc, on ne saura pas ce soir si vous êtes candidat en Aquitaine ?
F. BAYROU.- Non plus. Le jour où j'aurais à parler de ce sujet, figurez-vous que je le ferai en Aquitaine et m'adressant aux Aquitains, si ma décision va dans ce sens.
QUESTION.- Vous êtes l'auteur d'une circulaire que vous aviez prise en tant que Ministre de l'Éducation sur le foulard. Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui il faut aller plus loin que cette circulaire et est-ce qu'il faut une loi comme l'a envisagé, hier, le Chef de l'État ?
F. BAYROU.- Je pense que la circulaire est la bonne réponse à cette affaire. Il faut peut-être l'améliorer, mais elle permet de distinguer entre le prosélytisme et des attitudes qui sont plus individuelles. Je suis pour la laïcité fermement défendue à l'école de la République. J'ajoute que je ne vois pas comment l'on peut écrire une loi sur ce sujet. Mais on verra puisque le Président de la République l'a évoqué.
QUESTION.- Merci François Bayrou.
(Source http://www.udf.org, le 27 octobre 2003)
INTERVIEW A RMC :
J.-J. Bourdin-. Notre invité, ce matin, F. Bayrou : bonjour Président !
F. BAYROU.- "Bonjour."
QUESTION.- Non, mais je vous dis "président", parce que vous êtes président de l'UDF !
F. BAYROU.- "Ca, je le savais, oui ! J'ai même été pendant longtemps président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques !"
QUESTION.- Vous serez candidat à la présidentielle en 2007 ?
F. BAYROU.- "C'est une affirmation ?"
QUESTION.- Non, non, je vous pose la question !
F. BAYROU.- "Vous êtes absolument libre de ce genre d'affirmation..."
QUESTION.- Je vous dis cela, parce qu'en ce moment, tout le monde dit "il prépare la présidentielle de 2007"...
F. BAYROU.- "Pardon de vous le dire, pour être sérieux, candidat à la présidentielle, je l'ai déjà été, avec 2 millions de voix. Je n'ai donc pas besoin d'être obsédé par cette échéance, parce que je l'ai déjà vécu et que je sais ce que c'est. C'est d'ailleurs formidablement enrichissant, parce que c'est la rencontre directe entre un homme et un peuple qui, tout d'un coup, se met à mettre une partie de ses espérances, quelquefois ses craintes, en lui..."
QUESTION.- Tout le monde dit que vous êtes en train de préparer la présidentielle de 2007. Je lis ce qu'a déclaré le porte-parole de l'UMP, F. Baroin : "Entre l'UDF et l'UMP, c'est un début de séparation". Où en êtes-vous ?
F. BAYROU.- "C'est extraordinaire qu'en France, on s'étonne que le Parlement fasse son travail ! Songez qu'il y a 577 députés - et tout cela coûte naturellement très cher - et que le parti majoritaire, l'UMP, en a 365, autant que de jours dans l'année. Or ces 365 députés sont interdits d'amendements ! Pour ma part, j'ai voulu, au contraire, en proposer trois. Un sur la baisse des impôts, un sur le gazole - en disant qu'il ne faut pas l'augmenter -, un sur l'ASS en disant qu'il n'est pas normal et qu'il n'est pas juste de cibler les chômeurs en fin de droits pour baisser les tranches supérieures de l'impôt. Nous avons déposé ces amendements. Le Gouvernement n'a même pas voulu en entendre parler. Et il fallait qu'on vote pour ?! Mais alors, si un parlement n'a plus le droit de déposer des amendements et n'a plus le droit même de s'abstenir, dans quelle République allons-nous ? Qu'est-ce que c'est que cette démocratie où on voudrait que tout le monde soit interdit de parole ? Eh bien, pour ma part, je ne changerai pas de ligne. Si les électeurs nous font confiance, c'est en pensant que nous pourrons parler en leur nom. Et si nous ne pouvons pas parler en leur nom, alors ils ne nous feront plus confiance."
QUESTION.- Pourquoi ne pas avoir voté contre ?
F. BAYROU.- "Parce que je ne veux pas être dans l'opposition, avec la gauche, qui souhaite elle que tout échoue. Ce n'est pas ma position. Franchement, le retour de la gauche serait une chose mauvaise pour la France. Et d'ailleurs, c'est frappant : ce matin, sort chez un de vos confrères, un sondage qui montre que la gauche a perdu 12 points en un mois. Ils étaient à 40 et quelques de confiance, ils sont à 29 de confiance. Si on en est là, alors il faut offrir une attitude nouvelle et une voie nouvelle au pays. Et c'est le choix que j'essaie de porter."
QUESTION.- Est-ce le moment de proposer un autre choix à la France ?
F. BAYROU.- "Les élections régionales et européennes, qui viennent en 2004 et dont tout le monde parle, c'est la dernière occasion, pour le suffrage universel, de s'exprimer avant la grande échéance, qui est très loin, de 2007. Alors, nous allons décider, réfléchir pour savoir si c'est le moment ou pas de proposer cette alternative. Mais, en tout cas, c'est la seule échéance électorale disponible pendant les cinq ans."
QUESTION.- Mais vous proposez cette alternative, à travers vos critiques et vos propositions... Vous avez engagé les régionales...
F. BAYROU.- "Je pense que c'est nécessaire. Je suis frappé de voir qu'il y a, parmi les Français, une très grande attente d'une démarche politique différente. Et ma crainte est que si cette démarche politique n'est pas présente, alors, ce soient les extrêmes qui en profitent."
QUESTION.- Mais vous avez : "Ce qui se passe en France est grave". Vous continuez à la dire ?
F. BAYROU.- "Oui, je le pense..."
QUESTION.- C'est grave pourquoi ? Vous dites aussi que "les choix du Gouvernement sont illisibles" ?
F. BAYROU.- "C'est grave, parce que plus de 80 % des Français avaient voté pour J. Chirac au mois de mai. Ils votaient non pas sur un programme, mais sur un mouvement de conscience. Ils disaient qu'il y a des choses qu'on ne peut pas laisser faire. Puis après, une grande majorité d'entre eux a voté pour la majorité présidentielle, en pensant qu'enfin, on allait sortir de la cohabitation et y voir clair. Et 18 mois après, parlez avec les Français ! Ce qu'ils disent tous c'est : "Mais où on va ?". Vous comprenez bien qu'annoncer un jour qu'on baisse les impôts et, le lendemain, qu'on augmente le gazole, les Français comprennent que tout cela sort de la même poche. De la même manière, dire qu'on va baisser l'impôt des plus avantagés et prendre comme cible les 150 000 Français sans doute les plus en difficulté, ceux qui touchent - écoutez bien cette somme - cette ASS dont on parle : c'est 13,56 euros par jour ! Et c'est cela que l'on va enlever à des gens ?! Mais je dis que c'est illogique et que je n'y reconnais pas mon projet. Il y a d'autres réformes à produire et à conduire en France que celle-là."
QUESTION.- Le Gouvernement a promis aux personnes privées de l'ASS de bénéficier du fameux RMA...
F. BAYROU.- "Le Gouvernement fait, dans cette affaire, de l'habillage, et ce n'est pas bien. Parce qu'est-ce que c'est que le RMA ? D'abord, cela n'existe pas encore..."
QUESTION.- C'est à partir de janvier...
F. BAYROU.- "Non, ce n'est pas encore adopté. La loi n'a pas été examinée à l'Assemblée nationale..."
QUESTION.- Mais ce sera adopté, avec 365 députés...
F. BAYROU.- "Et je voterai pour et soutiendrai cette réforme. Mais qu'est-ce que c'est que le RMA ? C'est un contrat de travail. Cela suppose que vous avez trouvé une entreprise pour vous embaucher et une collectivité locale - un département, un conseil général - pour payer à l'entreprise le montant du RMI, de manière à diminuer ses coûts. Très bien ! Mais le Gouvernement a inscrit 50.000 contrats de cet ordre pour toute la France, cela fait 500 par département moyen. Or, en France, il y a un million de RMIstes et presque autant d'ASS. Alors, pour ces 1,5 ou 2 millions de personnes, 50.000 contrats, cela fait moins de 5 %. Les 95 % autres, que vont-ils devenir ? Les deux tiers d'entre eux n'auront même pas droit au RMI. Par exemple, si leur conjoint gagne un peu moins que le Smic et s'ils ont deux enfants, cela dépasse les plafonds et vous n'avez plus droit au RMI. Vous croyez que c'est normal et que c'est juste ? Et vous croyez qu'il faut se taire en face de tout cela, simplement parce que les responsables du parti gouvernemental vous en intiment l'ordre et qu'il faut voter pour quand vous êtes en désaccord ? Je peux me tromper. Il y a des Français de droite, il y a des Français de gauche, il y a des Français du centre. Mais je puis vous assurer que tous sont d'accord sur un point : on veut des parlementaires qui parlent et qui nous défendent, qui montrent ce qui ne va pas, et pas des parlementaires qui se couchent et qui n'ont comme seul geste que de lever la main, pour approuver ce que le Gouvernement leur impose."
(Source://www.udf.org, le 27 octobre 2003)
Bonjour François Bayrou
Bonjour.
QUESTION.- Merci d'être avec nous. Ma question est simple, évidemment, serez-vous candidat aux régionales en tête d'une liste UDF, donc contre les candidats UMP emmenés par le ministre, votre ami, Xavier Darcos ?
F. BAYROU.- Je vous réponds très simplement : ma décision n'est pas prise et le jour où elle sera prise je le dirai aux Aquitains, je ne le dirai pas par l'intermédiaire de bruits ou de fuites. Deuxièmement, pourquoi avoir besoin d'employer un vocabulaire de guerre civile ? Qu'est-ce qui fait, qu'est-ce qui autorise que le fait de marquer une indépendance à l'égard de l'UMP, parti qui a tous les pouvoirs en France, entraîne le déluge de mots que vous avez utilisé - divorce, offense, attaque.
QUESTION.- Ce n'est pas la guerre civile. Le divorce ?
F. BAYROU.- Franchement, je suis à la tête d'un mouvement politique indépendant. Quand je suis d'accord, je dis que le suis. Quand je suis en désaccord, je le dis aussi. Quand je ne sens pas la politique, je le dis et le moins qu'on puisse faire quand on est un parlementaire qui a la dignité de sa mission, c'est d'essayer de changer les textes par des amendements et, s'il n'obtient pas satisfaction, le moins qu'il puisse faire, c'est s'abstenir. Dans quel pays sommes-nous en train de vivre, où on a 577 députés à l'Assemblée nationale qui sont interdits de déposer des amendements. Et on voudrait aujourd'hui qu'ils soient interdits même de s'abstenir. Cette démocratie-là ne ressemble pas à ce que je crois et à ce que je voudrais. Elle ne ressemble pas à ce qui se passe dans aucun autre pays du monde. Où avez-vous vu que des membres à part entière du Parlement et même de la majorité, soient interdits de déposer des amendements ou interdits de s'abstenir ? Je regrette ! Le jour où le gouvernement fera une politique juste, je la soutiendrai, même si elle est impopulaire. Et quand il fait une politique qui n'est pas juste, je le dis et je trouve que si nous n'étions pas dans cette ligne, nous serions infidèles à nos engagements.
QUESTION.- Deux choses : le langage dur c'est aussi les députés de l'UMP, les responsables de l'UMP qui l'emploient. J'en veux pour preuve Christine Boutin qui dans ce " 13-14 " nous disait que l'UDF était un parti sectaire avec un gourou, qui était vous-même. Ce n'est pas nous, les journalistes, nous sommes observateurs, nous ne sommes que l'écho de cela. C'est la première chose. Concernant maintenant votre intention de vous présenter pour les régionales en tête d'une liste UDF, vous ne démentez pas, vous ne m'avez pas dit non.
F. BAYROU.- Je vous ai dit que le jour où ma décision serait prise, et elle doit l'être personnellement et collectivement, je le dirai aux Aquitains. L'Aquitaine c'est ma région, j'y suis né, j'y habite, j'y ai fait toutes mes études, mes enfants y sont tous nés et je la représente depuis presque quinze ans. L'UDF, c'est ma famille. Quand j'ai le sentiment que ma région et ma famille sont en phase, je suis plutôt heureux. Pour le reste, quand la décision sera prise, les Aquitains le sauront en premiers et pas par les informations journalistiques un peu tirées par les cheveux.
QUESTION.- Et les Aquitains le sauront quand ?
F. BAYROU.- Vous verrez.
QUESTION.- Dites-nous ! Dans un mois, un mois et demi, quelques semaines, une semaine ?
F. BAYROU.- Nous verrons. Vous savez que l'UDF a un calendrier précis. Le 5 novembre elle désignera ses chefs de file dans toutes les régions françaises et à la fin du mois de novembre elle dira quelle est sa stratégie par région. Rien de plus : le respect du calendrier, le respect des autres et le respect de sa mission. Cela fait trois éléments importants.
QUESTION.- François Bayrou, puisque vous nous confinez dans un périmètre de suppositions - c'est votre droit - si vous vous présentez en Aquitaine - je suis dans les " si " - il y aura une liste UDF partout ailleurs en France pour ces régionales ?
F. BAYROU.- Nous verrons.
QUESTION.- Bien. Analyse tout de même François Bayrou.
F. BAYROU.- Vous voyez que c'est déjà pas si mal. Cela vous intéresse. On a déjà marqué des points.
QUESTION.- Ca c'est votre volonté d'exister.
F. BAYROU.- Vous voulez qu'on réfléchisse ensemble à la raison pour laquelle cela vous intéresse, en deux phrases ?
QUESTION.- Oui.
F. BAYROU.- Cela vous intéresse parce qu'il y a dans la politique française une immense attente d'une démarche politique nouvelle. Cette attente est si grande, que si personne ne l'incarne, ce sont les extrêmes qui vont en profiter. Et vous savez bien que dans tous les états-majors politiques aujourd'hui, on dit " cela va être la victoire des extrêmes ", extrême-droite et extrême-gauche. Je refuse cette fatalité. Cette fatalité, je sais d'où elle vient. Elle vient de ce que la politique est décevante parce qu'on a l'impression que les promesses sont splendides quand on vote et puis la réalité, après, est bien loin des promesses et, quelquefois, elle est même un peu contraire aux promesses. Par exemple, vous savez pourquoi je n'ai pas voté le budget ? Parce que dire d'un côté " je baisse les impôts " et de l'autre " augmenter le gazole ", dire " je baisse les impôts des catégories les plus favorisées " et couper les allocations des chômeurs en fin de droits, ce n'est pas pourquoi les Français ont voté. Ils ont voté pour tout autre chose. Une politique qui était à la fois claire et généreuse. Je la défends. Si on accepte cette fatalité de voir les extrêmes l'emporter, alors il n'y a plus qu'à désespérer de la démocratie dans laquelle on vit. Si on n'accepte pas cette fatalité, il faut bien qu'il y en ait qui s'y collent - si vous me permettez cette expression.
QUESTION.- C'est au niveau des idées et du fond. Nous on s'intéresse aussi, et c'est légitime, à l'état des forces politiques en présence, donc à l'UMP. Il y a l'UDF - on a envie de dire " pour quoi faire ? ", " quelle est sa mission ? " et j'ai envie de dire, que cherchez-vous finalement ?
F. BAYROU.- Je cherche à ce que les Français, quand ils seront devant la table de vote aient un bulletin qui leur permette de porter, à la fois le renouvellement dont ils ont besoin et d'envoyer un message clair aux gouvernants qui soit " il faut que vous changiez d'attitude ". Voilà ce que je cherche et si ce message n'est pas offert aux Français, alors il y aura des accidents électoraux que tout le monde attend. Et bien, je ne me résigne aux accidents électoraux.
QUESTION.- François Bayrou, vous ne nous empêcherez pas de penser non plus qu'il y a peut-être aussi pour vous certainement un horizon présidentiel.
F. BAYROU.- Je lis ça. Toutes les déclarations de mes amis de l'UMP ou du PS sont sur ce thème. Vous voulez que je vous fasse une confidence ? L'élection présidentielle, j'y suis déjà allé. Je me suis présenté à l'élection présidentielle en 2002. Donc, pour moi, cela n'a pas ce caractère complètement fascinant, terrifiant que cela a pour les autres. C'est une expérience très intéressante et même probablement unique que celle de la rencontre entre un homme et un peuple. Mais ce n'est pas le moment. L'élection présidentielle, c'est en 2007. Je ne parle pas de 2007, je parle de 2003 et du budget de 2004. Je déconnecte complètement ces sujets. L'élection présidentielle ne se prépare pas, elle se vit. Oubliez tout ce que les gens racontent sur ce sujet. Naturellement j'y pense, j'ai déjà été candidat ! Je pense à la fonction présidentielle
QUESTION.- Justement, vous y pensez, nous y pensons, il n'y a pas que nous. Je vous signale qu'à ce propos c'est Nicolas Sarkozy qui tient la vedette et sur ce point, le sondage IPSOS pour le journal le Point est éloquent.
F. BAYROU.- J'ai une différence avec ce sondage. Ce sondage coupe éternellement la France entre droite et gauche et je ne me reconnais pas dans cette coupure. Je pense que la question principale pour un président le jour venu, et Dieu sait que ce jour est loin, c'est la capacité de rassemblement des Français parce que vous voyez bien à quel point ce clivage est complètement désespérant. Avez-vous déjà assisté aux questions d'actualité en appuyant sur le bouton de France 3 le mardi ou le mercredi après-midi ? Je suis dans l'hémicycle, à ma place. Quelquefois cela me désespère, même moi ! Parce que vous avez un immense bloc de droite et un bloc de gauche et il n'y a qu'un seul message dans les questions des uns et des autres : la droite dit " c'est la faute à la gauche ", la gauche dit " c'est la faute à la droite ". Et si un jour on cherchait une démarche un peu plus rassembleuse et fédératrice ? Il se trouve, je le crois, qu'il y a des gens de droite et des gens de gauche, qui devront un jour travailler ensemble pour sortir ce pays de l'enlisement dans lequel il se trouve et pour moi, l'idéal de la fonction présidentielle, c'est cette capacité de rassembler ou de fédérer les Français.
QUESTION.- Une toute dernière chose François Bayrou. Vous êtes dans l'opposition ou dans la majorité ?
F. BAYROU.- Je suis dans la majorité. Pourquoi je suis dans la majorité ? Parce qu'être dans l'opposition, c'est vouloir que le Gouvernement échoue et je ne veux pas qu'il échoue, je veux qu'il change et, en cela, j'en suis, je crois, l'expression de millions de Français qui voudraient bien que cela marche parce que c'est de leur peau, de leur vie qu'il s'agit et ils trouvent qu'aujourd'hui ce n'est pas clair dans les options qu'on leur présente et ils ont bien raison de le croire ; je voudrais contribuer à ce que cela le devienne.
QUESTION.- Merci François Bayrou
(Source http://www.udf.org, le 27 octobre 2003)
INTERVIEW A FRANCE INFO :
QUESTION.- François Bayrou, bonjour.
F. BAYROU.- Bonjour.
QUESTION.- Est-ce que l'UDF fait encore partie de la majorité ?
F. BAYROU.- L'UDF fait partie de la majorité parce qu'elle traduit les sentiments du plus grand nombre des Français qui ont voté pour le Président de la République et pour la majorité nouvelle en 2002. Il y a des millions de Français aujourd'hui qui pensent qu'ils ont voté pour un choix clair et qui ne s'y retrouvent pas. Alors, ils ont des inquiétudes, et il est bien normal que quelqu'un les traduise.
QUESTION.- Votre groupe s'est abstenu sur la partie recettes du budget. Or, le vote du budget, dans la Vème République, fait partie du pacte majoritaire, c'est ce qui scelle l'appartenance à une majorité. Est-ce que vous êtes toujours dans la majorité ?
Je vous ai déjà répondu. Bien entendu oui ! Et j'ai l'intention de continuer à porter une parole de liberté dans la majorité parce que vous savez bien ce qui s'est passé : le groupe UMP compte 365 députés, autant que de jours dans l'année. On leur a interdit de déposer des amendements ; alors, nous les avons déposés. Trois amendements simples qui portaient sur 0,2% du budget et comme on n'en a retenu aucun, comme on n'a pas accordé la moindre importance aux inquiétudes ou aux questions que nous posions, nous nous sommes abstenus. Et à cause d'une abstention, c'est le tremblement de terre !
F. BAYROU.- Mais alors, si au Parlement, il y a 577 députés qui n'ont pas le droit de déposer un amendement et qui n'ont pas le droit de s'abstenir, alors à quoi sert un Parlement ? Autrement dit, si je comprends bien, ce que voudrait l'UMP, c'est avoir en face de lui une chambre d'enregistrement où le Gouvernement décide de tout, dont il n'a à tenir compte d'aucune des remarques et pour lequel il soit assuré d'un vote pour, quelles que soient les circonstances.
QUESTION.- Sur l'ASS, l'allocation des chômeurs en fin de droits, le gouvernement a fait une contre-proposition.
F. BAYROU.- Aucune. Il a fait semblant d'en faire une. La vérité est que 150 000 personnes parmi ceux qui nous écoutent, qui sont aujourd'hui des chômeurs en fin de droits, n'auront plus d'allocation au 1er juillet et ce chiffre va monter jusqu'à 300 000. Si vraiment en France, la catégorie qu'il faut cibler aujourd'hui c'est les chômeurs en fin de droits qui touchent un peu plus - écoutez bien - de 13 par jour - c'est cela ce pactole, 13 par jour pour vivre , alors je ne reconnais pas mon pays et je ne reconnais pas mes idées parce que je suis de ceux qui ont cru à la lutte contre la fracture sociale
QUESTION.- Que le Chef de l'État évoquait hier à Valenciennes.
F. BAYROU.- Évoquer dans les mots, c'est bien, évoquer dans les faits, c'est mieux ! Je plaide pour que la politique que nous avons à conduire, qui est courageuse et qui demande des réformes, n'oublie pas la solidarité nécessaire. Sans cela, vous voyez bien quel symbole désastreux elle représente.
QUESTION.- Si le gouvernement avait retiré cette mesure, vous auriez voté la partie recettes du budget ?
F. BAYROU.- Oui. J'ai proposé trois amendements, vous le savez : un sur les impôts, un sur le gazole, un sur l'ASS et j'avais dit que si le gouvernement acceptait l'un de ces trois, pour une somme finalement faible, 150 millions d'euros, j'aurais voté le budget. Mais vous voyez bien qu'en France, la culture vers laquelle on va, c'est plus le droit d'amender et plus le droit de s'abstenir.
QUESTION.- Mais on a le sentiment, tout de même à vous écouter, vous parlez de l'illisibilité de la politique du gouvernement, vous avez une divergence aujourd'hui de fond avec l'ensemble de la politique de Jean-Pierre Raffarin où est-ce que c'est seulement sa politique économique et sociale, son budget, sa politique budgétaire ?
F. BAYROU.- Il y a des choses bien qui se font dans le gouvernement et il ne faut pas dire le contraire. Par exemple, la politique de sécurité qui est une politique active et que je trouve louable ; François Fillon a lancé récemment un travail sur le dialogue social, sur notamment la possibilité d'avoir des accords majoritaires dans le dialogue social, je trouve que c'est bien. Chaque fois que c'est bien, je le dis.
QUESTION.- Mais on a le sentiment aussi à vous écouter François Bayrou, que vous voulez faire payer à l'UMP et vous le disiez à l'instant, son arrogance et son mépris à votre égard ?
F. BAYROU.- Non. Je n'emploie pas des mots comme cela.
QUESTION.- C'est moi qui les emploie.
F. BAYROU.- Je suis élu, député, par les électeurs des Pyrénées. Ces électeurs attendent quoi de moi ? Que j'aille à l'Assemblée pour me taire ou que j'aille à l'Assemblée pour faire entendre leur voix ? Et les Français attendent quoi de leurs élus ? D'un parti politique comme le nôtre ? Qu'on se taise ou qu'on fasse entendre leur voix ? Ma conviction est qu'ils attendent des élus qui s'expriment, qui n'aient pas peur, qui ne laissent pas la politique s'enfermer dans une tour d'ivoire sourde et aveugle et je joue ce rôle, même si c'est difficile, inconfortable et si cela suscite des tempêtes, des intimidations et des pressions.
QUESTION.- Au point de présenter des listes partout, face à l'UMP aux régionales ?
F. BAYROU.- Nous le verrons dans le mois de novembre. C'est une décision que nous avons à prendre. Pour moi, je suis sûr qu'aujourd'hui les Français attendent une offre politique nouvelle. Je pense qu'ils ont vécu la gauche, qu'ils en ont été terriblement déçus, qu'ils n'ont pas envie qu'elle revienne et ils ont bien raison parce qu'il y a une responsabilité que la gauche porte. Ils voient le gouvernement et ils se disent " où cela va ? ", " pourquoi prend-on des mesures aussi désordonnées, contradictoires : le gazole, le tabac, les 35 heures on les change un jour, on ne les change pas l'autre ". Une offre politique nouvelle, je le crois, est nécessaire. Ce jour viendra. La question est de savoir pour nous si ce jour viendra aux régionales ou s'il viendra plus tard. Il me semble que la situation est assez grave pour qu'on y réfléchisse sérieusement.
QUESTION.- Vous confirmez qu'en Île-de-France, André Santini sera candidat contre Jean-François Copé ?
F. BAYROU.- Je vais vous confirmer quelque chose : André Santini, à mon avis, a les plus grandes chances, s'il se présente, d'être élu Président de la région Île-de-France, parce que c'est quelqu'un qui a, à la fois, la proximité, l'humour et en même temps une vision - ce qu'il a fait à Issy-les-Moulineaux est formidable - et il aime bien les gens. Deuxièmement, il ferait un formidable Président de la région, mais je ne changerai pas mon calendrier simplement parce qu'il y a une petite éruption volcanique à l'Assemblée nationale
QUESTION.- Pourquoi Maurice Leroy l'a annoncé cet après-midi ?
F. BAYROU.- Maurice Leroy a dit sa conviction que André Santini sera candidat et j'ai dit à vos confrères que " sera " c'est le futur. Donc, on va attendre que le moment vienne avant de dire la décision.
QUESTION.- Donc, on ne saura pas ce soir si vous êtes candidat en Aquitaine ?
F. BAYROU.- Non plus. Le jour où j'aurais à parler de ce sujet, figurez-vous que je le ferai en Aquitaine et m'adressant aux Aquitains, si ma décision va dans ce sens.
QUESTION.- Vous êtes l'auteur d'une circulaire que vous aviez prise en tant que Ministre de l'Éducation sur le foulard. Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui il faut aller plus loin que cette circulaire et est-ce qu'il faut une loi comme l'a envisagé, hier, le Chef de l'État ?
F. BAYROU.- Je pense que la circulaire est la bonne réponse à cette affaire. Il faut peut-être l'améliorer, mais elle permet de distinguer entre le prosélytisme et des attitudes qui sont plus individuelles. Je suis pour la laïcité fermement défendue à l'école de la République. J'ajoute que je ne vois pas comment l'on peut écrire une loi sur ce sujet. Mais on verra puisque le Président de la République l'a évoqué.
QUESTION.- Merci François Bayrou.
(Source http://www.udf.org, le 27 octobre 2003)
INTERVIEW A RMC :
J.-J. Bourdin-. Notre invité, ce matin, F. Bayrou : bonjour Président !
F. BAYROU.- "Bonjour."
QUESTION.- Non, mais je vous dis "président", parce que vous êtes président de l'UDF !
F. BAYROU.- "Ca, je le savais, oui ! J'ai même été pendant longtemps président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques !"
QUESTION.- Vous serez candidat à la présidentielle en 2007 ?
F. BAYROU.- "C'est une affirmation ?"
QUESTION.- Non, non, je vous pose la question !
F. BAYROU.- "Vous êtes absolument libre de ce genre d'affirmation..."
QUESTION.- Je vous dis cela, parce qu'en ce moment, tout le monde dit "il prépare la présidentielle de 2007"...
F. BAYROU.- "Pardon de vous le dire, pour être sérieux, candidat à la présidentielle, je l'ai déjà été, avec 2 millions de voix. Je n'ai donc pas besoin d'être obsédé par cette échéance, parce que je l'ai déjà vécu et que je sais ce que c'est. C'est d'ailleurs formidablement enrichissant, parce que c'est la rencontre directe entre un homme et un peuple qui, tout d'un coup, se met à mettre une partie de ses espérances, quelquefois ses craintes, en lui..."
QUESTION.- Tout le monde dit que vous êtes en train de préparer la présidentielle de 2007. Je lis ce qu'a déclaré le porte-parole de l'UMP, F. Baroin : "Entre l'UDF et l'UMP, c'est un début de séparation". Où en êtes-vous ?
F. BAYROU.- "C'est extraordinaire qu'en France, on s'étonne que le Parlement fasse son travail ! Songez qu'il y a 577 députés - et tout cela coûte naturellement très cher - et que le parti majoritaire, l'UMP, en a 365, autant que de jours dans l'année. Or ces 365 députés sont interdits d'amendements ! Pour ma part, j'ai voulu, au contraire, en proposer trois. Un sur la baisse des impôts, un sur le gazole - en disant qu'il ne faut pas l'augmenter -, un sur l'ASS en disant qu'il n'est pas normal et qu'il n'est pas juste de cibler les chômeurs en fin de droits pour baisser les tranches supérieures de l'impôt. Nous avons déposé ces amendements. Le Gouvernement n'a même pas voulu en entendre parler. Et il fallait qu'on vote pour ?! Mais alors, si un parlement n'a plus le droit de déposer des amendements et n'a plus le droit même de s'abstenir, dans quelle République allons-nous ? Qu'est-ce que c'est que cette démocratie où on voudrait que tout le monde soit interdit de parole ? Eh bien, pour ma part, je ne changerai pas de ligne. Si les électeurs nous font confiance, c'est en pensant que nous pourrons parler en leur nom. Et si nous ne pouvons pas parler en leur nom, alors ils ne nous feront plus confiance."
QUESTION.- Pourquoi ne pas avoir voté contre ?
F. BAYROU.- "Parce que je ne veux pas être dans l'opposition, avec la gauche, qui souhaite elle que tout échoue. Ce n'est pas ma position. Franchement, le retour de la gauche serait une chose mauvaise pour la France. Et d'ailleurs, c'est frappant : ce matin, sort chez un de vos confrères, un sondage qui montre que la gauche a perdu 12 points en un mois. Ils étaient à 40 et quelques de confiance, ils sont à 29 de confiance. Si on en est là, alors il faut offrir une attitude nouvelle et une voie nouvelle au pays. Et c'est le choix que j'essaie de porter."
QUESTION.- Est-ce le moment de proposer un autre choix à la France ?
F. BAYROU.- "Les élections régionales et européennes, qui viennent en 2004 et dont tout le monde parle, c'est la dernière occasion, pour le suffrage universel, de s'exprimer avant la grande échéance, qui est très loin, de 2007. Alors, nous allons décider, réfléchir pour savoir si c'est le moment ou pas de proposer cette alternative. Mais, en tout cas, c'est la seule échéance électorale disponible pendant les cinq ans."
QUESTION.- Mais vous proposez cette alternative, à travers vos critiques et vos propositions... Vous avez engagé les régionales...
F. BAYROU.- "Je pense que c'est nécessaire. Je suis frappé de voir qu'il y a, parmi les Français, une très grande attente d'une démarche politique différente. Et ma crainte est que si cette démarche politique n'est pas présente, alors, ce soient les extrêmes qui en profitent."
QUESTION.- Mais vous avez : "Ce qui se passe en France est grave". Vous continuez à la dire ?
F. BAYROU.- "Oui, je le pense..."
QUESTION.- C'est grave pourquoi ? Vous dites aussi que "les choix du Gouvernement sont illisibles" ?
F. BAYROU.- "C'est grave, parce que plus de 80 % des Français avaient voté pour J. Chirac au mois de mai. Ils votaient non pas sur un programme, mais sur un mouvement de conscience. Ils disaient qu'il y a des choses qu'on ne peut pas laisser faire. Puis après, une grande majorité d'entre eux a voté pour la majorité présidentielle, en pensant qu'enfin, on allait sortir de la cohabitation et y voir clair. Et 18 mois après, parlez avec les Français ! Ce qu'ils disent tous c'est : "Mais où on va ?". Vous comprenez bien qu'annoncer un jour qu'on baisse les impôts et, le lendemain, qu'on augmente le gazole, les Français comprennent que tout cela sort de la même poche. De la même manière, dire qu'on va baisser l'impôt des plus avantagés et prendre comme cible les 150 000 Français sans doute les plus en difficulté, ceux qui touchent - écoutez bien cette somme - cette ASS dont on parle : c'est 13,56 euros par jour ! Et c'est cela que l'on va enlever à des gens ?! Mais je dis que c'est illogique et que je n'y reconnais pas mon projet. Il y a d'autres réformes à produire et à conduire en France que celle-là."
QUESTION.- Le Gouvernement a promis aux personnes privées de l'ASS de bénéficier du fameux RMA...
F. BAYROU.- "Le Gouvernement fait, dans cette affaire, de l'habillage, et ce n'est pas bien. Parce qu'est-ce que c'est que le RMA ? D'abord, cela n'existe pas encore..."
QUESTION.- C'est à partir de janvier...
F. BAYROU.- "Non, ce n'est pas encore adopté. La loi n'a pas été examinée à l'Assemblée nationale..."
QUESTION.- Mais ce sera adopté, avec 365 députés...
F. BAYROU.- "Et je voterai pour et soutiendrai cette réforme. Mais qu'est-ce que c'est que le RMA ? C'est un contrat de travail. Cela suppose que vous avez trouvé une entreprise pour vous embaucher et une collectivité locale - un département, un conseil général - pour payer à l'entreprise le montant du RMI, de manière à diminuer ses coûts. Très bien ! Mais le Gouvernement a inscrit 50.000 contrats de cet ordre pour toute la France, cela fait 500 par département moyen. Or, en France, il y a un million de RMIstes et presque autant d'ASS. Alors, pour ces 1,5 ou 2 millions de personnes, 50.000 contrats, cela fait moins de 5 %. Les 95 % autres, que vont-ils devenir ? Les deux tiers d'entre eux n'auront même pas droit au RMI. Par exemple, si leur conjoint gagne un peu moins que le Smic et s'ils ont deux enfants, cela dépasse les plafonds et vous n'avez plus droit au RMI. Vous croyez que c'est normal et que c'est juste ? Et vous croyez qu'il faut se taire en face de tout cela, simplement parce que les responsables du parti gouvernemental vous en intiment l'ordre et qu'il faut voter pour quand vous êtes en désaccord ? Je peux me tromper. Il y a des Français de droite, il y a des Français de gauche, il y a des Français du centre. Mais je puis vous assurer que tous sont d'accord sur un point : on veut des parlementaires qui parlent et qui nous défendent, qui montrent ce qui ne va pas, et pas des parlementaires qui se couchent et qui n'ont comme seul geste que de lever la main, pour approuver ce que le Gouvernement leur impose."
(Source://www.udf.org, le 27 octobre 2003)