Texte intégral
- R. Elkrief : A. Juppé, président de l'UMP, vous êtes aussi député-maire de Bordeaux. Ma question va être directe et peut-être un peu brutale : comment faire pour que juin 2003 ne ressemble pas à décembre 1995 ?
- "Le temps a passé et donc les circonstances ne sont pas les mêmes. Les esprits ont évolué, l'échéance se rapproche. Nous savons très bien que, d'ici quatre ou cinq ans, le système des retraites par répartition, si la réforme n'est pas faite, risque d'imploser. Et donc, tous ces éléments font que la réforme doit être menée à son terme. Vous connaissez le calendrier que nous avons suivi. Cela a été d'abord, la concertation, elle a été longue, approfondie. Ensuite, la négociation, qui a permis d'améliorer sur bien des points le projet initial du Gouvernement, par exemple, sur les petites retraites, puisque, désormais, les travailleurs qui auront été payés au Smic pendant toute leur carrière, auront une retraite égale à 85 % du Smic, au lieu de 60 aujourd'hui, et ceci garanti par la loi. Donc, cette négociation a abouti à un accord avec un certain nombre de syndicats. Et aujourd'hui, comme en démocratie, c'est normal, le débat vient au Parlement."
Je reviens un instant à décembre 1995, parce que, au fond, vous aviez à l'époque, laissé geler la réforme des régimes spéciaux, mais vous aviez fait passer l'assurance-maladie, qui est encore aujourd'hui en vigueur, la réforme de l'assurance-maladie. Est-ce que c'est ce que fait le Gouvernement aujourd'hui, en reportant la loi sur la décentralisation des personnels de l'Education nationale et en faisant passer les retraites ?
- "Laissons aux historiens les parallèles historiques, c'est le cas de le dire, entre 1995 et 2003. Le Gouvernement, pour les raisons que je viens de dire, pense qu'aujourd'hui nous n'avons plus de temps pour mener à son terme la réforme sur les retraites. Il faut la faire. Et d'ailleurs, je pense que la prise de conscience est faite. Ecoutez certaines voix du PS, comme celle de M. Rocard, qui s'élèvent pour dire qu'en réalité c'est ce qu'il faut faire. Je suis atterré de voir que, à quelques jours du débat parlementaire, le PS est encore en train de s'interroger sur les propositions qu'il doit pouvoir faire. Donc, là, je pense vraiment que les choses sont mûres. En ce qui concerne la décentralisation, le Gouvernement n'a pas décidé de l'abandonner. Nous avons simplement constaté..."
Il dit "reportée"...
- "... nous avons simplement constaté qu'il y avait un malentendu pyramidal ou abyssal, je ne sais pas comment il faut dire. On entend dire des choses invraisemblables ! Quand on entend parler, par exemple, de la privatisation des personnels de l'Education nationale ! C'est une gigantesque contre-vérité. D'abord, les personnels enseignants ne sont en rien concernés, l'Education est nationale et restera nationale, comme l'a dit le Premier ministre. Cela veut dire que les programmes, les diplômes, le statut des enseignants, etc., tout cela reste national. Il s'agit simplement de transférer aux régions ou aux départements, les techniciens, les personnels ouvriers qui assurent l'entretien des collèges et des lycées. Il ne s'agit pas de les privatiser, il s'agit d'en faire, soit des fonctionnaires d'Etat, s'ils veulent continuer à être fonctionnaires d'Etat, soit des fonctionnaires territoriaux, comme dans les écoles maternelles ou les écoles primaires..."
Qui existent déjà !
- "...que le maire de Bordeaux connaît bien comme tous les maires de France. Voilà. Il est donc abusif de parler de "privatisations". Je n'arrive pas à penser que si l'on se met autour de la table entre gens de bonne volonté, comme N. Sarkozy et L. Ferry ont commencé à le faire hier, on ne dissipe pas ce malentendu pour aller, à l'automne, le moment venu, lorsque tous les malentendus auront été dissipés, vers une réforme qui me paraît une bonne réforme."
Il faudra la faire passer de toute façon ?
- "J'ai cité récemment sur une antenne, un texte de P. Mauroy, président de la commission de décentralisation, qui prenait position avec une force et une clarté vraiment très grandes, pour la décentralisation de ces personnels, en expliquant que "la décentralisation des lycées, dans les régions, des collèges, dans les départements, avait été une réussite". Nous avons aujourd'hui de bien meilleurs lycées et de bien meilleurs collèges, à cause de la décentralisation. Tout simplement, parce que les élus régionaux ou départementaux, y sont plus proches de leurs concitoyens. Et donc, ils sont plus sensibles à leurs exigences. Ce qui se passera inévitablement pour les TOSS. Je pense donc qu'on va faire idem."0
On dit, et vous dites : la réforme doit passer, elle est en marche et les esprits ont évolué. Néanmoins, lorsque vous voyez les régimes spéciaux - SNCF, RATP - par exemple, ils ne sont pas concernés théoriquement par la réforme et pourtant ils sont en grève. Cela veut dire qu'ils ont compris que le principe de l'équité était implacable ?
- "Est-ce qu'on peut se battre contre le principe d'équité ? C'est une bonne question que vous posez. Mais nous sommes vraiment dans une société qui, parfois, peut surprendre. Effectivement, vous avez raison de le dire, aujourd'hui, la SNCF et la RATP bloquent les transports en France, au détriment de ceux qui veulent continuer à travailler. J'écoutais encore ce matin une dame qui expliquait qu'elle se levait à 4 heures du matin pour aller bosser, alors qu'ils ne sont pas concernés !"
Mais pas aujourd'hui, ils disent "demain", c'est normal...
- "Monsieur Gallois, président de la SNCF, a expliqué que cette réforme ne serait pas à l'ordre du jour dans plusieurs années. En France, on fait grève par procuration et maintenant par anticipation. Je me demande s'il y a des moments où il ne faut pas savoir sortir d'une grève. C'est une formule qui a déjà servi par le passé. Aujourd'hui, je n'en vois plus véritablement les raisons d'être, ni dans l'Education nationale, compte tenu du nouveau calendrier que le Gouvernement a adopté, ni pour ce qui concerne les retraites où les corps d'agents publics qui font grève, ne sont pas concernés par ce qui va se passer."
Et vous dites : ils ne seront pas concernés. Ils seront un jour concernés.
- "Ils ne sont pas concernés dans la réforme qui va être soumise au Parlement au mois de juin, c'est-à-dire dans dix jours."
J. Barrot disait hier que la majorité silencieuse allait s'exprimer. L'UMP veut représenter la majorité silencieuse. Que dites-vous : allez manifester, allez contre-manifester, ceux qui ne sont pas d'accord ?
- "Vous savez... avant de descendre dans la rue, il faut y réfléchir à deux fois. Ce n'est pas tout à fait dans notre culture et je ne pense pas qu'il soit bon de dresser les Français les uns contre les autres. En revanche, permettre à ceux qui ne sont pas toujours aussi silencieux qu'on veut bien le dire de s'exprimer, je crois aussi que c'est un devoir de démocratie. Donc, nous sommes très présents sur les marchés, dans les réunions, dans les circonscriptions. Nous avons lancé sur notre site Internet une pétition, il y a moins de dix jours, pour exiger que les examens se tiennent à la date prévue. Elle a recueilli plus de 200 000 signatures. On est dans les ordres de grandeur assez proches de ce que l'on a vu dans les rues de Paris il n'y a pas longtemps. Vous voyez donc qu'il faut tenir compte de l'avis des uns et des autres."
Et cela, le Gouvernement le fait en donnant cette impression qu'il recule. Je reviens sur la décentralisation. Certains vous diront que c'est un recul.
- "Non, non, ce n'est pas un recul, c'est une proposition de dialogue et une façon de présenter les choses. Quand on refuse le dialogue, on se bute, quand on l'accepte, on recule. Non. On donne du temps, avec un nouveau calendrier, qui est l'automne. Et je pense que c'est une bonne chose parce que, je le répète, il faut discuter des vrais problèmes et non pas des fantasmes qui circulent ici ou là. J'ai vu un jour dans un tract, qu'en 2003-2004, on ne ferait plus le ménage dans les écoles parce que les personnels de service ayant été décentralisés, sont appelés à d'autres tâches à la préfecture. Comment peut-on répandre de tels bobards ! Redevenons sérieux, remettons-nous autour de la table, je le répète, et essayons de voir comment on peut avancer dans une réforme qui, finalement, apportera beaucoup d'éléments positifs aux parents d'élèves et aux enfants."
Dernière question, brève : le 14 Juillet, la discussion au Parlement sera terminée, quoi qu'il arrive, sur les retraites ?
- "Je ne suis pas Madame Soleil. On va voir comment le débat se déroule. Je souhaite simplement que le Parlement - c'est un de ses petits travers parfois -, ne donne pas un spectacle un peu ridicule. 13 000 amendements, j'ai entendu articuler ce chiffre ! Ce n'est pas du débat démocratique ça ! Il suffit d'ailleurs pour s'en convaincre, de lire à ce moment-là les amendements qui sont déposés. Qu'il y ait un vrai débat, un débat qui dure, un débat de fond, qui permette à chacun de s'exprimer. Mais il faut ..."
14 juillet ?
- "... mais il faut arriver à une décision dans ces parages-là, effectivement."
(Source http://www.u-m.p.org, le 4 juin 2003)
- "Le temps a passé et donc les circonstances ne sont pas les mêmes. Les esprits ont évolué, l'échéance se rapproche. Nous savons très bien que, d'ici quatre ou cinq ans, le système des retraites par répartition, si la réforme n'est pas faite, risque d'imploser. Et donc, tous ces éléments font que la réforme doit être menée à son terme. Vous connaissez le calendrier que nous avons suivi. Cela a été d'abord, la concertation, elle a été longue, approfondie. Ensuite, la négociation, qui a permis d'améliorer sur bien des points le projet initial du Gouvernement, par exemple, sur les petites retraites, puisque, désormais, les travailleurs qui auront été payés au Smic pendant toute leur carrière, auront une retraite égale à 85 % du Smic, au lieu de 60 aujourd'hui, et ceci garanti par la loi. Donc, cette négociation a abouti à un accord avec un certain nombre de syndicats. Et aujourd'hui, comme en démocratie, c'est normal, le débat vient au Parlement."
Je reviens un instant à décembre 1995, parce que, au fond, vous aviez à l'époque, laissé geler la réforme des régimes spéciaux, mais vous aviez fait passer l'assurance-maladie, qui est encore aujourd'hui en vigueur, la réforme de l'assurance-maladie. Est-ce que c'est ce que fait le Gouvernement aujourd'hui, en reportant la loi sur la décentralisation des personnels de l'Education nationale et en faisant passer les retraites ?
- "Laissons aux historiens les parallèles historiques, c'est le cas de le dire, entre 1995 et 2003. Le Gouvernement, pour les raisons que je viens de dire, pense qu'aujourd'hui nous n'avons plus de temps pour mener à son terme la réforme sur les retraites. Il faut la faire. Et d'ailleurs, je pense que la prise de conscience est faite. Ecoutez certaines voix du PS, comme celle de M. Rocard, qui s'élèvent pour dire qu'en réalité c'est ce qu'il faut faire. Je suis atterré de voir que, à quelques jours du débat parlementaire, le PS est encore en train de s'interroger sur les propositions qu'il doit pouvoir faire. Donc, là, je pense vraiment que les choses sont mûres. En ce qui concerne la décentralisation, le Gouvernement n'a pas décidé de l'abandonner. Nous avons simplement constaté..."
Il dit "reportée"...
- "... nous avons simplement constaté qu'il y avait un malentendu pyramidal ou abyssal, je ne sais pas comment il faut dire. On entend dire des choses invraisemblables ! Quand on entend parler, par exemple, de la privatisation des personnels de l'Education nationale ! C'est une gigantesque contre-vérité. D'abord, les personnels enseignants ne sont en rien concernés, l'Education est nationale et restera nationale, comme l'a dit le Premier ministre. Cela veut dire que les programmes, les diplômes, le statut des enseignants, etc., tout cela reste national. Il s'agit simplement de transférer aux régions ou aux départements, les techniciens, les personnels ouvriers qui assurent l'entretien des collèges et des lycées. Il ne s'agit pas de les privatiser, il s'agit d'en faire, soit des fonctionnaires d'Etat, s'ils veulent continuer à être fonctionnaires d'Etat, soit des fonctionnaires territoriaux, comme dans les écoles maternelles ou les écoles primaires..."
Qui existent déjà !
- "...que le maire de Bordeaux connaît bien comme tous les maires de France. Voilà. Il est donc abusif de parler de "privatisations". Je n'arrive pas à penser que si l'on se met autour de la table entre gens de bonne volonté, comme N. Sarkozy et L. Ferry ont commencé à le faire hier, on ne dissipe pas ce malentendu pour aller, à l'automne, le moment venu, lorsque tous les malentendus auront été dissipés, vers une réforme qui me paraît une bonne réforme."
Il faudra la faire passer de toute façon ?
- "J'ai cité récemment sur une antenne, un texte de P. Mauroy, président de la commission de décentralisation, qui prenait position avec une force et une clarté vraiment très grandes, pour la décentralisation de ces personnels, en expliquant que "la décentralisation des lycées, dans les régions, des collèges, dans les départements, avait été une réussite". Nous avons aujourd'hui de bien meilleurs lycées et de bien meilleurs collèges, à cause de la décentralisation. Tout simplement, parce que les élus régionaux ou départementaux, y sont plus proches de leurs concitoyens. Et donc, ils sont plus sensibles à leurs exigences. Ce qui se passera inévitablement pour les TOSS. Je pense donc qu'on va faire idem."0
On dit, et vous dites : la réforme doit passer, elle est en marche et les esprits ont évolué. Néanmoins, lorsque vous voyez les régimes spéciaux - SNCF, RATP - par exemple, ils ne sont pas concernés théoriquement par la réforme et pourtant ils sont en grève. Cela veut dire qu'ils ont compris que le principe de l'équité était implacable ?
- "Est-ce qu'on peut se battre contre le principe d'équité ? C'est une bonne question que vous posez. Mais nous sommes vraiment dans une société qui, parfois, peut surprendre. Effectivement, vous avez raison de le dire, aujourd'hui, la SNCF et la RATP bloquent les transports en France, au détriment de ceux qui veulent continuer à travailler. J'écoutais encore ce matin une dame qui expliquait qu'elle se levait à 4 heures du matin pour aller bosser, alors qu'ils ne sont pas concernés !"
Mais pas aujourd'hui, ils disent "demain", c'est normal...
- "Monsieur Gallois, président de la SNCF, a expliqué que cette réforme ne serait pas à l'ordre du jour dans plusieurs années. En France, on fait grève par procuration et maintenant par anticipation. Je me demande s'il y a des moments où il ne faut pas savoir sortir d'une grève. C'est une formule qui a déjà servi par le passé. Aujourd'hui, je n'en vois plus véritablement les raisons d'être, ni dans l'Education nationale, compte tenu du nouveau calendrier que le Gouvernement a adopté, ni pour ce qui concerne les retraites où les corps d'agents publics qui font grève, ne sont pas concernés par ce qui va se passer."
Et vous dites : ils ne seront pas concernés. Ils seront un jour concernés.
- "Ils ne sont pas concernés dans la réforme qui va être soumise au Parlement au mois de juin, c'est-à-dire dans dix jours."
J. Barrot disait hier que la majorité silencieuse allait s'exprimer. L'UMP veut représenter la majorité silencieuse. Que dites-vous : allez manifester, allez contre-manifester, ceux qui ne sont pas d'accord ?
- "Vous savez... avant de descendre dans la rue, il faut y réfléchir à deux fois. Ce n'est pas tout à fait dans notre culture et je ne pense pas qu'il soit bon de dresser les Français les uns contre les autres. En revanche, permettre à ceux qui ne sont pas toujours aussi silencieux qu'on veut bien le dire de s'exprimer, je crois aussi que c'est un devoir de démocratie. Donc, nous sommes très présents sur les marchés, dans les réunions, dans les circonscriptions. Nous avons lancé sur notre site Internet une pétition, il y a moins de dix jours, pour exiger que les examens se tiennent à la date prévue. Elle a recueilli plus de 200 000 signatures. On est dans les ordres de grandeur assez proches de ce que l'on a vu dans les rues de Paris il n'y a pas longtemps. Vous voyez donc qu'il faut tenir compte de l'avis des uns et des autres."
Et cela, le Gouvernement le fait en donnant cette impression qu'il recule. Je reviens sur la décentralisation. Certains vous diront que c'est un recul.
- "Non, non, ce n'est pas un recul, c'est une proposition de dialogue et une façon de présenter les choses. Quand on refuse le dialogue, on se bute, quand on l'accepte, on recule. Non. On donne du temps, avec un nouveau calendrier, qui est l'automne. Et je pense que c'est une bonne chose parce que, je le répète, il faut discuter des vrais problèmes et non pas des fantasmes qui circulent ici ou là. J'ai vu un jour dans un tract, qu'en 2003-2004, on ne ferait plus le ménage dans les écoles parce que les personnels de service ayant été décentralisés, sont appelés à d'autres tâches à la préfecture. Comment peut-on répandre de tels bobards ! Redevenons sérieux, remettons-nous autour de la table, je le répète, et essayons de voir comment on peut avancer dans une réforme qui, finalement, apportera beaucoup d'éléments positifs aux parents d'élèves et aux enfants."
Dernière question, brève : le 14 Juillet, la discussion au Parlement sera terminée, quoi qu'il arrive, sur les retraites ?
- "Je ne suis pas Madame Soleil. On va voir comment le débat se déroule. Je souhaite simplement que le Parlement - c'est un de ses petits travers parfois -, ne donne pas un spectacle un peu ridicule. 13 000 amendements, j'ai entendu articuler ce chiffre ! Ce n'est pas du débat démocratique ça ! Il suffit d'ailleurs pour s'en convaincre, de lire à ce moment-là les amendements qui sont déposés. Qu'il y ait un vrai débat, un débat qui dure, un débat de fond, qui permette à chacun de s'exprimer. Mais il faut ..."
14 juillet ?
- "... mais il faut arriver à une décision dans ces parages-là, effectivement."
(Source http://www.u-m.p.org, le 4 juin 2003)