Conférence de presse de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur les relations franco-tchadiennes, la préparation de la Commission mixte, l'aide française au développement, la démocratisation et la coopération militaire, N'Djamena le 10 septembre 1998.

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Circonstance : Voyage de M. Josselin, au Tchad du 9 au 11 septembre 1998

Texte intégral

Messieurs je viens de passer quelques heures seulement au Tchad. Je suis arrivé hier soir dans la tempête, j'en repars avec le soleil et un ciel apaisé. J'espère qu'il sera également calme à l'arrivée sur Niamey tout à l'heure.
C'était ma première visite au Tchad. J'avais eu l'occasion précédemment de rencontrer quelques uns de ses responsables. J'avais notamment rencontré le président de la République lors de son voyage à Paris au mois de juillet. J'avais vu M. le Ministre des Affaires étrangères dans différentes circonstances, parce que les ministres des Affaires étrangères ou de la Coopération ont des occasions nombreuses de se rencontrer. Je suis venu pour m'informer, pour témoigner aussi de la volonté de la France de demeurer un partenaire actif au côté du Tchad. J'aurai eu l'occasion pendant ce séjour d'évoquer à peu près tous les sujets de coopération. Nous avons parlé de la coopération militaire, nous avons parlé de la coopération civile. Nous avons évoqué les échéances importantes qui sont devant nous, comme la Conférence de Genève, qui va être l'occasion sous l'égide du PNUD d'évoquer la situation au Tchad et les concours financiers qu'il faudrait que les bailleurs de fonds examinent, et où la France a l'intention de jouer un rôle actif. Mais nous avons surtout travaillé à la préparation d'une commission mixte. La dernière s'est tenue il y a 10 ans. C'est dire si la commission qui se prépare va être très importante car cela va être une remise à plat de tous les dossiers de coopération entre la France et le Tchad, et en dix ans beaucoup de choses ont changé. Nous allons donc dès le mois prochain envoyer un certain nombre d'experts pour pouvoir, en collaboration avec leurs homologues tchadiens, faire une évaluation de la coopération française au Tchad, analyser les souhaits des autorités tchadiennes, et voir comment, et dans quelle mesure, nous pouvons y répondre. Ce sera l'occasion aussi de boucler quelques gros dossiers qui entre temps auront progressé : le dossier pétrole, un des dossiers, je le sais, qui a beaucoup d'importance pour nos amis tchadiens, nous y reparlerons de la filière coton, cet autre grand dossier pour l'économie tchadienne. Un dossier dont nous aurons souvent l'occasion de nous entretenir avec la Banque mondiale parce que nous essayons aussi de faire prévaloir les préoccupations sociales, territoriales, comme dans bon nombre de pays qui produisent du coton, et le Tchad est aussi un grand pays producteur de coton.
Nous aurons également, je pense, l'occasion de vérifier que les grands indicateurs économiques (inflation, croissance) sont bons. Mais ceci est évidemment à porter au crédit des Tchadiens. Bref, je le répète, nous allons, au début de l'année prochaine signer un nouveau bail, un nouveau contrat, qui consolidera la relation entre le Tchad et la France.
Il était utile que mon voyage même bref puisse intervenir maintenant car nous lisons, nous entendons ici ou là que la relation avec le Tchad se serait dégradée. Nous entendons, nous lisons ici ou là que le fait que la Libye ait des relations avec le Tchad serait contraire aux intérêts de la France. Moi, je voudrais démentir, et je voudrais surtout regretter cette manière d'analyser la situation. Cette relation de voisinage est normale et nous pensons qu'elle n'est pas, bien au contraire, contradictoire avec la relation entre la France et le Tchad.
Voilà quelques observations que je voulais vous livrer. Quelques chiffres tout de même : l'aide publique française civile au Tchad s'élevait en 1997 à 235 millions de francs, c'est-à-dire presque 24 milliards de francs CFA. Cela fait évidemment de la France le premier partenaire au Tchad. La coopération militaire ensuite. Je ne la confonds pas avec Epervier, ce sont deux choses totalement différentes : il y a les forces prépositionnées avec Epervier et il y a la coopération militaire, comme nous en entretenons avec beaucoup d'autres pays, même en l'absence de forces prépositionnées. L'appui que nous apportons au Tchad en matière de coopération militaire représentent 25 % de l'ensemble de nos crédits d'aide directe. Nous intervenons, nous sommes davantage présents aux côtés des Tchadiens en matière de formation, de personnel car nous pensons qu'un Etat qui se construit a aussi besoin d'une armée construite.
Mais le mieux est peut-être d'abord que je me tourne vers mon collègue, mon ami le ministre des Affaires étrangères tchadien pour qu'il complète cette brève présentation de la visite et je répondrai ensuite à vos questions.
Q - La coopération entre le Tchad et la France a fait l'objet de beaucoup de critiques de la part des autorités tchadiennes ces derniers temps. Quels sont exactement, Monsieur le Ministre, les points sur lesquels vous n'avez pas pu accorder vos violons avec vos partenaires tchadiens ? Qu'est-ce que les autorités tchadiennes vous ont reproché concrètement ?
R - Je crois qu'il faut employer l'imparfait ou le passé dans la conjugaison car le voyage du président Déby il y a quelques semaines, la visite du chef d'Etat-major français, le général Kelche ici il y a quelques jours, ma propre visite, avaient précisément pour ambition de dissiper les malentendus et de répondre à certaines impatiences. Je crois que c'est plus des impatiences qui avaient été exprimées que des récriminations ou des critiques. Parmi les thèmes qui à mon avis expliquaient cette tension, il y avait la lenteur avec laquelle le projet pétrolier se met en place et je regrette que certains aient pu croire que la France pouvait avoir sa part dans la lenteur avec laquelle le dossier avançait. Nous avons au contraire, en direction de la Banque mondiale, fait ce que nous pouvions faire pour que ce dossier puisse aboutir à une décision favorable. Je crois que nous sommes à la veille d'une décision favorable de la part de la Banque, et donc à la veille d'un début de travaux qui devraient conduire à l'exploitation du pétrole tchadien. Il est vrai que la France continue d'être attentive aux précautions qu'il convient de prendre pour que cette exploitation ait des retombées équitables pour le développement du Tchad et l'ensemble de son territoire. C'est vrai, nous avions dit que nous étions attentifs, mais je vois que les choses ont bien avancé de ce point de vue, des précautions ont été prises de façon à ce que faune, flore et population bien sûr puissent aussi voir leurs intérêts préservés. Ceci a fait l'objet d'études longues, ce qui explique d'ailleurs la lenteur avec laquelle le projet a été conduit. Le tracé du pipe par exemple au Cameroun a fait l'objet d'études très attentives, le dossier des études est maintenant bouclé et les décisions sont imminentes.
Le deuxième dossier concernait la question du déminage. J'en parle puisque vous n'avez pas posé vous-même la question. La France a participé à la formation de quelques centaines de Tchadiens à ces techniques de déminage et nous savons que le gouvernement tchadien souhaitait aussi qu'un effort soit entrepris pour nettoyer un certain nombre de territoires ou de zones qui ont été malheureusement minés au cours des derniers conflits. La question qui se pose souvent est le choix des territoires. Un choix qui doit évidemment tenir compte à la fois des courants commerciaux, des besoins de développement, de prospection, agricoles parfois. Et il faut, je pense, mener cette action dans le cadre d'un programme du PNUD dont on avait craint qu'il soit un peu compromis par les hésitations américaines, j'emploie cette expression, je crois qu'elle est assez conforme. Je crois que maintenant on a des chances de voir ce programme reprendre. La France sera partenaire. Nous pensons qu'il serait intéressant de voir si ces démineurs formés ne pourraient pas être employés sur un programme défini par les autorités tchadiennes, auquel nous pourrions apporter notre participation. J'était la semaine dernière en Bosnie à Bihac où j'ai assisté à la passation de responsabilités entre une ONG, Handicap international, et une ONG bosniaque qui va désormais prendre en charge le déminage de ces territoires bosniaques. C'est peut-être dans cette direction qu'il serait intéressant de s'orienter au Tchad, c'est une suggestion.
Quels étaient les autres dossiers qui expliquaient cette tension ? Il y avait la participation de la France à ce que l'on appelle l'aide budgétaire. Des crédits d'aide structurelle ont été débloqués, le décaissement total s'élève à 4 milliards CFA. Une moitié est déjà débloquée, l'autre devrait l'être dans quelques semaines. Cela faisait partie, sinon du contentieux, du moins des facteurs de tensions que vous évoquiez à l'instant. J'en mets un autre sur la table : les véhicules et les moyens de communication attendus par la Garde nomade n'avaient pas été encore livrés parce qu'il y avait eu débat sur l'utilisation de la Garde nomade qui a pour nous une vocation de maintien de la sécurité notamment dans le Nord. Le débat a eu lieu entre nous, les choses ont été éclaircies, nous allons pouvoir procéder aux livraisons des matériels en question.
Q - Il y avait également une question qui était posée avec insistance : celle concernant la volonté de pays occidentaux de vouloir imposer aux pays africains une "démocratie clef en main".
R - On peut débattre d'une démocratie clef en main. Moi, je ne sais pas ce que c'est que la démocratie clef en main. Entre deux démocraties occidentales, les différences peuvent être très importantes. Même en Occident il n'y a pas de démocratie clef en main. Il est vrai que la question démocratique est importante non seulement dans le cadre du dialogue bilatéral France-Tchad, mais dans le cadre du dialogue Europe/pays ACP. Je fais référence aux Accords de Lomé. Vous savez que les Accords de Lomé sont en renégociation, qu'un nouveau contrat va être décidé à partir de l'an 2000. L'année 1999 va être consacrée aux dernières négociations entre les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique, dont le Tchad fait évidemment partie, et les pays européens, pour déterminer quelle relation nouvelle nous allons introduire entre nous, en sachant qu'il y a deux novations essentielles : l'Organisation mondiale du commerce d'abord, qui n'existait pas la dernière fois ; l'Europe politique, qui n'existait pas non plus, d'où notre volonté d'un vrai dialogue politique entre l'Europe et les pays ACP.
Dialogue politique ne veut pas dire démocratie clef en main. Mais c'est vrai que nous nous autorisons comme partenaires dans le développement à pouvoir librement parler, et je l'ai fait avec mes interlocuteurs, des problèmes des Droits de l'Homme. Nous devons pouvoir en parler, nous devons pouvoir évoquer les difficultés que nos interlocuteurs rencontrent à faire fonctionner une démocratie quand on commence, ce qui n'est jamais facile. Nos pays en ont fait l'expérience, il nous a fallu du temps pour arriver à une démocratie achevée. Il faut que nous puissions en parler parce que nous pensons que notre partenariat peut aussi intégrer l'enracinement de la démocratie. C'est aussi un des partenariats possibles en tenant compte des difficultés que rencontre tel pays, en tenant compte des spécificités, qu'elles soient ethniques, qu'elles soient territoriales.
Je crois que le président Mitterrand à La Baule avait dit à chacun de démocratiser à son rythme et selon ses propres modalités. On est loin de la démocratie clef en main. Ce n'est pas de cette manière que nous voudrions aider l'ensemble des pays à s'intégrer dans la communauté internationale, en s'affichant comme pays démocratique et respectueux des Droits de l'Homme.
Q - La réglementation de l'appareil judiciaire est retenue parmi les priorités de l'intervention de la coopération française au Tchad. Le Parlement européen dans sa résolution du 18 juin 1998, à propos de l'affaire Observateur/Yorongar adressé au gouvernement et au parlement tchadien s'est fortement inquiété du sort du député qui, comme vous le savez, croupit à la maison d'arrêt depuis le mois de juin. Avez-vous évoqué cette question avec les autorités tchadiennes ?
Par ailleurs, nulle part dans le programme exhaustif que l'on a eu à consulter de la coopération française, il n'a été question d'une attention à la presse ou aux médias en général. Ce qui nous amène à cette interrogation : est-il réel et sérieux d'appliquer un quelconque plan de développement sans démocratie ?
R - Pour répondre à la première question, j'ai évoqué l'affaire Yorongar avec à peu près tous mes interlocuteurs, très directement avec le Premier ministre ce matin et tout à l'heure avec le président. C'est dire si nous savions bien que cette question là était souvent fortement évoquée par la société civile française au sens large, mais aussi par la société internationale. Nous nous devions d'évoquer cette situation, il y a eu explication entre nous sur l'affaire Yorongar. Cette affaire est du ressort de la justice, c'est à celle-ci qu'il appartient de se prononcer, et je ne doute pas qu'elle aura le souci de le faire avec équité. Et puisque nous sommes dans un monde global sur le plan de la communication, rien n'interdit à une cour de justice de voir un peu autour d'elle comment les choses se passent, de façon à essayer de proportionner la sanction à l'importance du délit. C'est une question dont j'ai directement parlé avec mes interlocuteurs, c'est cela qui choque parfois l'opinion française. Ce n'est pas le principe qu'il y ait sanction, il n'y a pas de liberté sans sanction. La question est : comment proportionner la sanction au délit, et s'agissant de la liberté de la presse c'est d'autant plus important.
S'agissant de presse, vous aurez remarqué que j'étais accompagné par Hervé Bourges qui est toujours là. Hervé Bourges est le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel français. Il est un peu le grand arbitre en matière de liberté de presse et il est probablement un des grands spécialistes des liens entre information et démocratie. Il aura aujourd'hui eu l'occasion de rencontrer un certain nombre de responsables pour parler directement de ces questions. Et je ne serai pas du tout opposé à l'idée que, dans la commission mixte que nous allons préparer, la question de la formation à l'information puisse faire l'objet d'un FAC, projet destiné à être financé par le Fonds d'aide et de coopération. Il y a un FAC média dès à présent prévu, prenant en compte à la fois la télévision, la radio et la presse. Ce qui montre bien l'importance que nous attachons au développement de la presse et de l'information.
Q - Monsieur le Ministre, dans le cadre de la Francophonie, le Tchad a signé des accords de jumelage avec certaines villes françaises. Aujourd'hui, certaines villes du pays sont menacées par les inondations. Que peut attendre par exemple la mairie de Ndjamena de certaines villes de la France avec lesquelles elle a signé des accords de coopération, de jumelage ?
R - Je ne sais pas ce que Toulouse, qui est jumelée avec Ndjamena, peut faire, je le verrai à mon retour. Je tiens à informer que le gouvernement français a décidé d'apporter un concours d'un million de francs français, sous forme d'approvisionnement en médicaments, d'aide alimentaire mais aussi de matériel destiné au curage des caniveaux, bref pour aider la ville de Ndjamena à panser ses plaies après ces inondations.
Q - Monsieur le Ministre, à travers la Mission de coopération et d'Action culturelle, la France a dit avoir dépensé en 1997 environ 137 millions de francs dans divers domaines socioculturels. Est-ce que vous ne pensez pas que cette aide est minime par rapport aux rapports historiques entre les deux pays ?
R - Si nous pouvions faire plus, nous aimerions certainement le faire, mais le budget français n'est pas élastique. Nous avons quelques contraintes et je crois qu'il faut accepter l'idée que l'objectif est d'utiliser mieux nos moyens plutôt que de les augmenter beaucoup. Je ne vais pas vous faire des promesses inconsidérées dans ce domaine. La commission mixte va être l'occasion de faire un bilan aussi des actions de coopération culturelle et j'espère bien que l'on saura trouver des moyens, des projets, de nouvelles actions capables de dynamiser la relation culturelle aussi. S'il est vrai que cela concerne la relation bilatérale Tchad-France, cela concerne aussi la famille francophone dans son ensemble, et aux moyens propres de la France peuvent s'ajouter les moyens que la Francophonie est susceptible d'apporter. Nous allons en parler. D'ailleurs nous nous retrouverons à Bucarest dans quelques semaines pour une Conférence ministérielle francophone, en espérant que nous allons conjuguer nos efforts pour qu'il en soit ainsi. Une prochaine conférence ministérielle se tiendra précisément à Ndjamena et j'espère que ce sera l'occasion d'afficher de nouvelles ambitions et surtout de mettre en avant de nouveaux moyens.
Q - A vous entendre parler dans votre introduction, la France semble intensifier sa coopération avec le Tchad dans le domaine militaire alors que les besoins se font beaucoup plus sentir dans le domaine de la coopération rurale.
R - Je ne pense pas que l'on puisse parler d'intensification de la coopération militaire. Elle est ancienne, elle se poursuit. Il y avait quelques dysfonctionnements et c'est de cela dont le général Kelche est venu parler très directement avec ses homologues et avec le président Deby. J'espère bien qu'à la suite de cette mission, à la suite de mon voyage, on arrivera à modifier certaines pratiques qui sont difficiles à accepter. Mais il n'y a pas augmentation de la coopération, nous voudrions simplement qu'elle soit plus efficace. C'est avec nos amis tchadiens qu'il faut en parler, pour qu'elle atteigne mieux ses objectifs de sécurité, de pacification mais aussi de formation.
Parmi les projets dont je suis venu m'entretenir avec mes homologues, il y a par exemple celui d'un atelier de réparation des véhicules. Cela n'est pas tout d'avoir des véhicules, si on ne sait pas les réparer ; si on ne sait qu'en acheter de nouveaux, cela risque de coûter très cher. Ce n'est pas une bonne manière de gérer d'où la proposition que nous faisons de réaliser un atelier de réparation et de maintenance. Cela va se traduire par la formation de Tchadiens à la mécanique, comme nous l'avons fait à Bamako. Cela fait partie des actions très concrètes, qui ne représentent pas forcément beaucoup plus de moyens mais c'est une autre manière de coopérer.
Q - La France a été parmi les premiers pays qui ont poussé les Etats africains à démocratiser leur système. Dix ans après, on constate que les chefs d'Etat ont fait main basse sur toutes les actions sensées réguler le processus démocratique. Apparemment, toute tentative démocratique est impossible. Quelle leçon pouvez-vous tirer de ce constat ? Et qu'est-ce qu'on peut concrètement engager pour que l'alternance puisse effectivement s'instaurer dans ce cadre là ?
R - D'abord s'autoriser à en parler avec les intéressés. C'est ce que j'essaie de faire, au risque parfois de nous fâcher un peu, mais cela ne dure pas longtemps. La question de l'alternance est évidemment directement liée à la démocratie. Lorsqu'on est au pouvoir et que l'on souhaite y rester, ce n'est pas complètement anormal. J'ai moi-même été dans l'opposition, dans la majorité, puis dans l'opposition et dans la majorité. C'est vrai que la France a la chance de traverser les alternances sans trop de difficultés, la France a la chance de voir arriver les élections sans les craindre, c'est-à-dire sans s'attendre, comme dans certains pays, à ce que ce soit synonyme de violence. L'alternance, c'est plus facile à vivre quand la majorité sait que, revenue dans l'opposition, elle aura tout de même la capacité d'exister tant sur le plan politique qu'économique. Cet aspect là est important et il n'a pas encore été pris en considération.
Un autre aspect auquel je suis attentif, c'est la question de la décentralisation. C'est difficile mais je crois que l'Afrique a raison de s'engager dans la voie de la décentralisation. J'ai été à Abidjan il y a deux mois et je crois que la décentralisation peut aider à faire émerger des responsables locaux, donc à enraciner aussi la démocratie. Je crois qu'il y a une relation forte entre démocratie locale et démocratie. Et je pense que si la France peut s'enorgueillir d'avoir une démocratie solide, c'est aussi parce qu'elle s'enracine dans toutes ses communes qui ont une vie propre depuis longtemps. Si nous voulons développer la coopération entre villes françaises et villes tchadiennes par exemple, je crois que c'est en poussant la décentralisation que l'on peut le plus sûrement y arriver. C'est aussi ce que j'ai dit à mes interlocuteurs. Nous aurons l'occasion dans le cadre de la préparation de la commission mixte d'impliquer les communes. Cette commission mixte va également associer le secteur privé. Il faut que les entreprises soient associées à cette préparation, cela paraît tout à fait important quand on parle de développement. Il faut que les collectivités locales y soit associées et nous aurons l'occasion de voir les collectivités françaises qui sont prêtes à jouer le jeu du développement du Tchad. Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)