Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Commissaire,
Mes chers collègues,
Je vous remercie de nous donner aujourd'hui la possibilité, Monsieur le Président, de faire le point sur les négociations commerciales en cours.
La Commission poursuit actuellement l'objectif de parvenir à une relance des négociations de l'OMC d'ici l'été. A cette fin, elle a pris 2 décisions qui peuvent se révéler lourdes de conséquences :
- la Commission accepte tout d'abord à l'OMC une méthode de négociation passant par l'étape intermédiaire d'un accord-cadre, méthode qui, s'agissant de l'agriculture, ne nous permettra de savoir si les intérêts offensifs et défensifs de l'Europe sont bien atteints qu'à la fin du processus, lorsque les chiffres et les détails auront été précisés. Cette approche, qui résulte de l'accord des négociateurs européen et américain d'août 2003, aujourd'hui caduc, impose donc une gestion économe des concessions, puisque la seconde étape risque d'être plus dure que la première ;
- la Commission souhaite désormais conclure l'accord de libre échange avec le Mercosur avant la fin du cycle de l'OMC. De plus, elle met sur la table à l'OMC des concessions nouvelles sur les subventions à l'exportation. Lorsqu'un négociateur se fixe un objectif de calendrier aussi ambitieux à l'OMC, il doit évidemment être prêt à le payer très cher. De ce point de vue, la négociation avec le Mercosur ne peut être appréciée séparément de la stratégie de la Commission à l'OMC, dont elle fait partie intégrante.
Dans ce contexte, Monsieur le Président, et au-delà de la question du mandat de la Commission, que nous devons avoir à l'esprit, je crois que nous devons ici nous poser 2 questions :
- quel message politique l'Europe porte-t-elle vis-à-vis des pays les plus pauvres, notamment en Afrique, dans les Caraïbes et le Pacifique ? L'Europe a été pionnière en 1975 avec les accords de Lomé. Peut-elle aujourd'hui réserver ses concessions commerciales en priorité aux grandes puissances agricoles latino-américaines, ces grandes puissances qui attaquent l'Europe à l'OMC pour les concessions préférentielles qu'elle accorde aux ACP sur le sucre ? Je rappelle que les 4 pays du Mercosur ont un PIB 5 fois plus élevé que l'ensemble des pays d'Afrique subsaharienne. Pour ma part, je souhaite que nous maintenions une priorité en faveur des plus pauvres et que le calendrier initialement prévu pour la négociation Mercosur soit respecté ;
- comment l'Europe pourrait-elle protéger la PAC jusqu'à la fin de cette négociation, si elle donne aujourd'hui le signal d'un désarmement unilatéral des restitutions ? Une fois conclu l'accord cadre qui se dessine à Genève, comment négocierait-elle un rythme supportable pour la diminution des restitutions ? Comment négocierait-elle les chiffres permettant de préserver le marché unique d'une ouverture trop forte, non seulement sur les tarifs, mais aussi sur l'accès minimum, où l'Europe est particulièrement exposée ? Avec quel moyen de pression ferait-elle en sorte que les Etats-Unis soient soumis à des disciplines strictes sur leurs marketing loans, s'ils n'avaient pas été visés en tant que tel dans l'accord cadre ?
Accepter aujourd'hui de mettre sur la table les restitutions européennes en contrepartie d'engagements limités à l'aide alimentaire, aux crédits à l'exportation et aux entreprises commerciales d'Etat serait une grave faute tactique que l'Europe paierait cher dans la suite de la négociation, puisqu'elle devrait alors choisir entre le rythme d'élimination des subventions à l'exportation et le degré d'ouverture de son marché. Mais l'engagement pris à Luxembourg le 26 juin dernier exige précisément de ne pas se placer en position de devoir choisir entre ces deux fondamentaux de la PAC.
Monsieur le Commissaire, vous êtes, au sein du Collège, le garant de l'engagement qui a été pris à Luxembourg le 26 juin dernier. Je sais que les questions que je viens de formuler dépassent largement le seul cadre du volet agricole, mais je crois utile que nous ayons ici un débat sur ces questions, compte tenu des enjeux sur l'avenir de notre agriculture, de notre modèle agricole et de la sécurité de l'Europe en approvisionnements pour des produits sains et de qualité.
La France souhaite une remise à plat de la stratégie d'ensemble poursuivie par la Commission. A un moment où aucun autre membre de l'OMC n'affiche de concessions nouvelles et concrètes pour relancer la négociation, il faut affirmer que le bon calendrier et la bonne méthode de négociation seront ceux permettant de parvenir à un accord équilibré, c'est-à-dire à un accord où chacun fait des concessions, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 12 mai 2004)
Monsieur le Commissaire,
Mes chers collègues,
Je vous remercie de nous donner aujourd'hui la possibilité, Monsieur le Président, de faire le point sur les négociations commerciales en cours.
La Commission poursuit actuellement l'objectif de parvenir à une relance des négociations de l'OMC d'ici l'été. A cette fin, elle a pris 2 décisions qui peuvent se révéler lourdes de conséquences :
- la Commission accepte tout d'abord à l'OMC une méthode de négociation passant par l'étape intermédiaire d'un accord-cadre, méthode qui, s'agissant de l'agriculture, ne nous permettra de savoir si les intérêts offensifs et défensifs de l'Europe sont bien atteints qu'à la fin du processus, lorsque les chiffres et les détails auront été précisés. Cette approche, qui résulte de l'accord des négociateurs européen et américain d'août 2003, aujourd'hui caduc, impose donc une gestion économe des concessions, puisque la seconde étape risque d'être plus dure que la première ;
- la Commission souhaite désormais conclure l'accord de libre échange avec le Mercosur avant la fin du cycle de l'OMC. De plus, elle met sur la table à l'OMC des concessions nouvelles sur les subventions à l'exportation. Lorsqu'un négociateur se fixe un objectif de calendrier aussi ambitieux à l'OMC, il doit évidemment être prêt à le payer très cher. De ce point de vue, la négociation avec le Mercosur ne peut être appréciée séparément de la stratégie de la Commission à l'OMC, dont elle fait partie intégrante.
Dans ce contexte, Monsieur le Président, et au-delà de la question du mandat de la Commission, que nous devons avoir à l'esprit, je crois que nous devons ici nous poser 2 questions :
- quel message politique l'Europe porte-t-elle vis-à-vis des pays les plus pauvres, notamment en Afrique, dans les Caraïbes et le Pacifique ? L'Europe a été pionnière en 1975 avec les accords de Lomé. Peut-elle aujourd'hui réserver ses concessions commerciales en priorité aux grandes puissances agricoles latino-américaines, ces grandes puissances qui attaquent l'Europe à l'OMC pour les concessions préférentielles qu'elle accorde aux ACP sur le sucre ? Je rappelle que les 4 pays du Mercosur ont un PIB 5 fois plus élevé que l'ensemble des pays d'Afrique subsaharienne. Pour ma part, je souhaite que nous maintenions une priorité en faveur des plus pauvres et que le calendrier initialement prévu pour la négociation Mercosur soit respecté ;
- comment l'Europe pourrait-elle protéger la PAC jusqu'à la fin de cette négociation, si elle donne aujourd'hui le signal d'un désarmement unilatéral des restitutions ? Une fois conclu l'accord cadre qui se dessine à Genève, comment négocierait-elle un rythme supportable pour la diminution des restitutions ? Comment négocierait-elle les chiffres permettant de préserver le marché unique d'une ouverture trop forte, non seulement sur les tarifs, mais aussi sur l'accès minimum, où l'Europe est particulièrement exposée ? Avec quel moyen de pression ferait-elle en sorte que les Etats-Unis soient soumis à des disciplines strictes sur leurs marketing loans, s'ils n'avaient pas été visés en tant que tel dans l'accord cadre ?
Accepter aujourd'hui de mettre sur la table les restitutions européennes en contrepartie d'engagements limités à l'aide alimentaire, aux crédits à l'exportation et aux entreprises commerciales d'Etat serait une grave faute tactique que l'Europe paierait cher dans la suite de la négociation, puisqu'elle devrait alors choisir entre le rythme d'élimination des subventions à l'exportation et le degré d'ouverture de son marché. Mais l'engagement pris à Luxembourg le 26 juin dernier exige précisément de ne pas se placer en position de devoir choisir entre ces deux fondamentaux de la PAC.
Monsieur le Commissaire, vous êtes, au sein du Collège, le garant de l'engagement qui a été pris à Luxembourg le 26 juin dernier. Je sais que les questions que je viens de formuler dépassent largement le seul cadre du volet agricole, mais je crois utile que nous ayons ici un débat sur ces questions, compte tenu des enjeux sur l'avenir de notre agriculture, de notre modèle agricole et de la sécurité de l'Europe en approvisionnements pour des produits sains et de qualité.
La France souhaite une remise à plat de la stratégie d'ensemble poursuivie par la Commission. A un moment où aucun autre membre de l'OMC n'affiche de concessions nouvelles et concrètes pour relancer la négociation, il faut affirmer que le bon calendrier et la bonne méthode de négociation seront ceux permettant de parvenir à un accord équilibré, c'est-à-dire à un accord où chacun fait des concessions, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 12 mai 2004)