Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, sur la sécurité au travail et la prévention des maladies professionnelles, Paris le 23 avril 2004.

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Circonstance : Réunion du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels à Paris le 13 avril 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
En dépit d'une très récente nomination, j'ai décidé de maintenir cette réunion du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels à la date initialement prévue. Il me semble, en effet, important que nous puissions échanger, sans perdre de temps, sur l'ensemble des sujets relatifs à la Santé/Sécurité des travailleurs.
1)Vous avez déjà eu connaissance de la stratégie annuelle en matière de santé/sécurité lors de la réunion de la dernière commission permanente, sous la présidence de Raphaël Hadas-Lebel, Président de la section sociale du Conseil d'Etat dont je salue ici la présence.
Je rappelle que le document portant sur les actions à mener en 2004, qui vous a été distribué à cette occasion, s'inscrit dans le cadre de la stratégie pluriannuelle arrêtée l'an passé en séance plénière du conseil supérieur. Celle-ci est, elle-même, la transposition du programme d'action santé et sécurité au travail 2004-2006 adopté par l'Union européenne.
Les priorités de ce document portent sur la connaissance des risques professionnels, sur les textes réglementaires en cours qu'ils soient communautaires ou nationaux (et notamment le projet de règlement Reach sur les produits chimiques) et sur les moyens de développer une véritable culture de la prévention.
Nous nous appuyons sur le bilan des conditions de travail de l'année 2003 qui montre qu'il ne faut aucunement baisser la garde en la matière puisque la baisse sensible des accidents mortels ne doit pas faire oublier l'augmentation anormale de 10 % des accidents graves.
Quant aux maladies professionnelles, si l'interprétation des chiffres est beaucoup plus difficile, ceux-ci demeurent très préoccupants tant pour ce qui concerne les cancers professionnels que pour les troubles musculo-squelettiques. Faut-il le rappeler, ceux-ci demeurent la première cause de maladie professionnelle.
Nous avons pris note des observations qu'ont appelé de votre part tant le bilan de l'année 2003 que le programme d'actions de 2004. Je reste à votre écoute sur les points qui vous paraîtraient appeler des observations au cours de cette séance plénière.
2)J'ajoute que la raison principale du maintien de la réunion n'est pas le respect d'un calendrier formel. C'est le fond même du dossier de la santé et de la sécurité au travail qui appelle, je crois, une démarche de réformes.
Les enjeux relèvent, en effet, de l'évidence. Notre société a des exigences croissantes et légitimes en matière de sécurité et de santé publiques. Il serait vain et dangereux de croire que ces exigences s'arrêtent aux portes de l'entreprise. Il faut ici réaffirmer que le premier droit du salarié est celui à la santé.
Le juge rappelle, d'ailleurs de plus en plus régulièrement, que tant l'employeur que l'Etat ont des responsabilités particulières en matière de Santé/Sécurité.
Il faudra, comme l'avait, à cet égard, indiqué publiquement François FILLON, tirer toutes les conséquences des arrêts qui viennent d'être rendus par l'assemblée du Conseil d'Etat dans le contentieux de l'amiante, en termes de veille sanitaire et de contrôle.
L'Etat assumera donc sa part de responsabilité.
Mais l'Etat n'est pas seul en cause.
L'intérêt des salariés et des entreprises est évidemment commun tant le coût de l'insécurité est élevé et porte atteinte à la compétitivité des entreprises.
La santé au travail ne se borne pas à une logique de santé publique. Elle implique certes l'Etat mais aussi les partenaires sociaux et les entreprises.
Tel est bien d'ailleurs le sens de l'accord santé-travail de l'automne 2001. Pour l'avenir, et dans le même esprit, les négociations interprofessionnelles qui s'annoncent sur la pénibilité revêtent, à cet égard, une particulière importance.
3)Beaucoup de chemin a été parcouru et il n'est bien évidemment pas question d'ignorer les avancées substantielles qui ont été faites ces dernières années.
Je ne ferai pas ici le catalogue des mesures déjà prises. Je me contenterai d'en donner les grands axes qui s'organisent tous autour de la recherche d'un standard élevé de protection prenant en compte tant les prescriptions communautaires que les dernières connaissances scientifiques. Les décrets récents sur la protection des salariés contre les rayonnements ionisants ou contre les risques chimiques témoignent de ce souci.
- Premier axe de ces avancées : la volonté de donner toute leur place aux partenaires sociaux et de respecter l'accord interprofessionnel santé-travail de 2001. L'Etat a transposé, pour ce qui le concernait, les termes de cet accord. Et nous suivons avec une particulière attention sa mise en uvre, notamment pour ce qui concerne les observatoires institués au niveau régional.
Les textes sur les risques technologiques ou sur la formation des salariés en matière de risque amiante, de même que le projet de décret portant réforme de la médecine du travail, qui prévoient de larges renvois à la négociation de branche ou d'entreprise, consacrent cette évolution en faveur d'une place plus grande donnée aux partenaires sociaux, mais non exclusive du rôle et des responsabilités de l'Etat. Au contraire !
- Deuxième axe : la place essentielle de l'entreprise : c'est dans l'entreprise voire dans l'atelier ou le bureau que se jouent concrètement les questions de santé au travail. C'est la raison pour laquelle l'entreprise a l'obligation de transcrire dans un document unique l'évaluation des risques encourus par ces salariés. Cette obligation, dont l'origine est communautaire, n'a de sens que si elle s'inscrit dans une véritable démarche de prévention.
Dans les relations entre l'entreprise et l'Etat, il appartient à ce dernier d'assurer le contrôle des réglementations applicables mais aussi de donner des moyens d'appui.
Le contrat de progrès qui a été signé au début de l'année entre l'Etat et l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) et qui a fait l'objet d'un vote unanime de l'ensemble des partenaires sociaux, montre que des priorités comme la gestion des âges ou l'évaluation des risques impliquent l'ensemble des acteurs.
- Troisième orientation : le décloisonnement de l'Etat et de ses administrations et l'ouverture de la santé au travail à des problématiques environnementales et de santé publique.
Ceci résulte des plans d'actions impliquant l'ensemble des administrations concernées et notamment la santé, l'environnement et le travail ainsi que les agences et organismes experts. Le plan national santé-environnement, dont le rapport contenant le constat initial a été présenté au conseil supérieur, le plan cancer et le plan sur la sécurité routière, tous initiés par le Président de la République, témoignent de la nécessaire cohérence des différentes actions à mener.
- Quatrième orientation : la fixation d'objectifs chiffrés compréhensibles par tous. A l'instar de ce que font nos voisins européens, il faut donner davantage de lisibilité aux objectifs et aux moyens mis en uvre pour les atteindre.
Ce n'est que sur cette base simple que l'on parviendra à mobiliser l'ensemble des acteurs. C'est précisément ce que fait le projet de loi sur la santé publique en cours de discussion au Parlement.
Cette logique sera aussi celle de la réforme budgétaire en cours. Un programme incluant la santé et la sécurité au travail sera spécialement dédié aux relations du travail.
- enfin dernier axe : une réforme réaliste des instances en charge de la santé au travail. Je pense notamment à la médecine du travail, et à la mise en oeuvre de la " pluridisciplinarité " qui vise à une approche large des questions de santé et de sécurité, sous l'autorité du médecin du travail.
4) La question qui nous est aujourd'hui posée est de savoir comment poursuivre et développer ces réformes.
A ce stade, qu'il me soit permis de jouer le rôle de Candide sur quelques questions qui me paraissent essentielles pour le devenir de notre système de Santé/Sécurité :
- la première touche la connaissance des risques professionnels : disposons-nous des meilleurs outils et de la meilleure organisation en matière toxicologique et épidémiologique pour connaître et évaluer les risques professionnels ?
L'état des lieux qui vient d'être remis au Premier ministre dans le cadre du Plan national santé-environnement pointe un immense besoin de connaissances qui n'est certes pas propre au milieu professionnel mais qui le concerne au premier chef, notamment dans le domaine des risques chimiques. Nous attendons les conclusions de la mission d'évaluation des agences existantes compétentes en matière de risques sanitaires conduite par les inspections générales.
- La seconde question concerne le pilotage des politiques de prévention : qui définit et qui est responsable de la prévention des risques professionnels ?
L'IGAS a posé cette question dans un rapport récent tant sont nombreux les centres de décisions et différentes les approches. Se pose ainsi la question de l'organisation et de la composition de ce conseil et de son articulation avec d'autres instances compétentes en matière sanitaire.
- la troisième question est celle des outils de mise en oeuvre des politiques : avons-nous les moyens concrets d'appliquer ces politiques une fois qu'elles ont été définies ?
- Enfin, une dernière question : l'articulation entre le niveau communautaire et la coopération avec d'autres pays.
Utilise-t-on suffisamment les connaissances et informations disponibles dans d'autres pays qui, à l'évidence, sont confrontés à des problématiques identiques. Par ailleurs, l'articulation avec les programmes et agences communautaires est-elle suffisante ?
C'est en réponse à ces différentes questions qu'un plan de santé au travail pourrait être établi. C'est dans ce cadre que nous pourrons nous donner les moyens de consolider une culture de prévention dans les entreprises. Nous pourrons définir les moyens nécessaires à une veille sanitaire efficace par la prise en compte de la problématique Santé/Sécurité au travail au sein d'une agence spécialisée. Nous pourrons enfin mobiliser l'inspection du travail sur des actions d'anticipation et de prévention des risques.
Ce plan suppose une concertation étroite avec vous et je vous propose de nous fixer comme objectif de vous le soumettre à une séance exceptionnelle de votre conseil supérieur, à l'automne prochain.
Ainsi l'objet de la réunion d'aujourd'hui n'est pas de vous proposer une réforme clés en main mais de lancer une démarche qui s'étendra sur plusieurs mois.
Régulièrement l'avancement des travaux vous sera présenté par le DRT dans le cadre d'un groupe ad hoc dont la composition sera proche de celui de la commission permanente.
Tels sont les objectifs et la méthode que nous vous proposons avec Jean-Louis BORLOO et sur lesquels je souhaite à l'occasion de la présente réunion recueillir vos observations et propositions.

(Source http://www.travail.gouv.fr, le 15 avril 2004)