Texte intégral
La Présidence française a jugé utile de mettre à profit ce Conseil JAI informel de Marseille pour engager au niveau des ministres de l'Intérieur une réflexion à long terme sur le problème de l'immigration qui nous préoccupe tous de plus en plus.
Il est important de recadrer les mesures que nous prenons à court terme en les mettant en perspective.
I - Les données existantes ne laissent aucun doute sur l'importance croissante des pressions migratoires à venir.
1. Les données de base sont connues.
Le nombre de migrants dans le monde est estimé à 119 millions de personnes en 1990, contre 75 millions en 1965.
Sur la planète la population "théorique" de clandestins serait, selon l'OIT, nettement supérieure à 20 millions de personnes, ces derniers représentant entre un huitième et un quart des migrants.
Toutefois, on ne manquera pas d'être surpris par la relative modicité de ces grandeurs et de ces flux par rapport à la taille actuelle de la population mondiale (6 milliards, 9 milliards en 2050) : actuellement l'impact politique et social des discours sur les mouvements migratoires est bien plus fort que son impact réel sur les économies des pays sources et des pays d'accueil.
"L'humanité est une", nous devons maintenir cette affirmation, tout en repoussant deux démagogies opposées : le mythe de l'"immigration zéro" source de toutes les xénophobies ; l'angélisme sans-frontiériste, accélérateur de tous les déséquilibres.
Pour le reste il suffit d'anticiper, avec l'O.I.T., que la mondialisation, loin de réduire les flux va les intensifier, car les mouvements de capitaux vers les pays pauvres n'y créent pas assez d'emplois.
Avec des déséquilibres démographiques initiaux importants, à une époque où les écarts de niveaux de vie ne cessent de se creuser, où les zones sans droit et les régimes politiques sans libertés s'étendent, et où les déplacements sont devenus faciles, les pressions vont donc s'intensifier.
2. Or, l'Europe est et sera un continent de plus en plus attractif pour les migrants.
Le "rêve d'Europe" ne date pas d'aujourd'hui . entre 1950 et 1990, le nombre des résidents étrangers en Europe est passé de 5,1 millions (soit 1,3 % de la population) à presque 17 millions (4,5 %).
Trois pays de l'U.E. (Allemagne, France, Royaume-Uni) accueillent 65 % des populations étrangères recensées sur ce continent, et il suffit d'en rajouter trois autres (Belgique, Pays-Bas et Italie) pour atteindre les 80 %.
Certains pays européens comptent déjà parmi les premières destinations des émigrants : il y a des tropismes qui ne disparaîtront pas rapidement, chaque pays d'accueil enregistrant des flux spécifiques et cumulatifs : Turcs en Allemagne, Maghrébins en France, ressortissants du Commonwealth en Grande-Bretagne, etc.
Compte tenu de ces données de base souvent perturbantes, parfois inquiétantes, la question de l'immigration en Europe doit être posée en des termes politiques.
II - Une immigration massive ne pallierait ni le déclin ni le vieillissement des populations européennes.
"L'immigration, une solution au déclin et au vieillissement des populations ?" titrait en mars un rapport de la Division Population l'O.N.U. en s'appuyant sur une batterie de scénarios perturbants.
Dans un scénario extrême, sous l'hypothèse d'une utopique "immigration zéro", la population de l'Union européenne chuterait de 372 millions en 1995 à 311 en 2050, tandis que celle de la France plafonnerait à 59 millions.
Dans un scénario diamétralement opposé, l'arrivée de 700 millions de migrants dont 94 en France stabiliserait le ratio population jeune sur population âgée et déboucherait sur 1,2 milliard d'européens en 2050, dont 187 millions de Français!
Deux autres hypothèses sont plus proches sans doute des réalités prévisibles : le maintien de la population globale conduirait à l'arrivée en Europe de 47 millions de migrants d'ici 2050 ; le maintien de la population âgée de 15 à 64 ans à un chiffre de 79 millions d'arrivants nouveaux. Il ne s'agit que d'extrapolations prospectives fort discutables, mais il reste que cette publication a nourri le débat dans les pays occidentaux.
1. L'étude s'appuie sur des hypothèses démographiques fragiles.
On sait qu'en prospective les estimations de soldes comptent parmi les plus fragiles : elles sont extrêmement sensibles à la moindre variation amont de chacune des variables permettant de les calculer.
Par exemple, dans les scénarios de l'O.N.U. la durée de vie est supposée augmenter régulièrement tandis que la fécondité se stabiliserait définitivement -dans tous les pays concernés- en dessous de 2 enfants par femme. Une telle prédiction est-elle évidente à l'horizon 2050 ?
A des horizons aussi lointains l'inéluctabilité d'un besoin durable de "migrations de remplacement" n'est en réalité pas démontrable. Le malthusianisme actuel (taux de fertilité de 1,44 par femme) n'est pas une fatalité.
2. Le recours massif à une "immigration de remplacement" ne serait ni économiquement ni socialement raisonnable.
Comme Maurice Allais, prix Nobel français d'économie, le rappelle, pour assurer le bon fonctionnement de son économie un pays a besoin d'infrastructures : écoles, universités, hôpitaux, logements, usines, bureaux
Or dans les pays industrialisés, le montant global du capital national reproductible est égal à environ quatre fois le montant du revenu national. Il en résulte que, pour bien intégrer un travailleur immigré, un pays devra mobiliser une épargne égale à quatre fois son salaire annuel afin de construire les équipements nécessaires à son accueil. Et, si ce travailleur arrive avec sa femme et ses trois enfants, l'épargne supplémentaire représentera suivant les cas, dix à vingt fois son salaire annuel.
Les pays occidentaux n'ont jamais été prêts à financer ex ante ce type d'effort, sinon à la marge. Seules les perspectives d'accès à des salaires modérés intéressent finalement les milieux économiques qui ne réclament qu'une très large ouverture des frontières. Pour le reste, ils ne sont pas prêts à payer l'intégralité du ticket d'entrée des populations migrantes.
Face au déclin de leur population en âge de travailler, les pays industrialisés n'ont pas d'autre solution que de mobiliser en priorité et dans leur totalité les actifs disponibles, d'accroître leur productivité globale et, le cas échéant, de prendre des mesures impopulaires comme l'allongement de la durée de la vie professionnelle.
Alain Parent, démographe à l'I.N.E.D. dit la même chose : "Songez que dans notre pays il n'y a que 22 millions de personnes au travail pour 60 millions d'habitants. Le "taux d'emploi" qui mesure le pourcentage de travailleurs effectifs dans la population en âge de travailler dépasse à peine 55 %, alors qu'il atteint 70 à 75% en Scandinavie et aux Etats-Unis : Il y a une réserve d'"activables potentiels" dans toute l'Europe, comme en France où il sont 7 à 8 millions.
Ce sont eux qu'il faudra mobiliser en priorité pour occuper les emplois vacants et payer les retraites de demain. Tant que subsisteront des effectifs importants de chômeurs il ne sera pas possible de changer radicalement de politique migratoire.
3. Financer les retraites par l'immigration : un miroir aux alouettes.
La question est de savoir s'il faudra, en France maintenir à tout prix un ratio de quatre actifs pour un retraité est loin d'être tranchée.
Comme dans le passé d'ici à 2050, ce seront principalement les gains de productivité qui permettront de réduire encore le nombre des actifs nécessaires pour financer les retraites. En outre la meilleure mobilisation de la population en âge de travailler et l'allongement de la durée de la vie professionnelle, déjà mentionnées plus haut, seront des variables d'ajustement plus justes et plus réalistes que le recours à une immigration massive. Et ces remarques valent pour l'ensemble du "Vieux Continent".
III - Le triptyque de Tampéré doit inspirer l'harmonisation de nos politiques.
Les conclusions du Conseil européen de Tampéré distinguent, on le sait, trois axes inséparables. D'abord l'effort en faveur des pays d'origine, dont le nécessaire nouveau contenu a été désigné sous le vocable de co-développement (illustré par le séminaire de la présidence des 5 et 6 juillet derniers) ; son acception est double : Une autre conception des rapports Nord Sud d'abord. Ensuite, des mesures pratiques destinées aux populations migrantes, telles que les migrations alternantes ou la mobilisation de l'épargne aux fins de développement. Le deuxième axe consiste en l'indispensable maîtrise des flux migratoires, dans l'intérêt à la fois des migrants eux-mêmes et des pays dans lesquels ils souhaitent se rendre. Troisième axe : une politique active d'intégration au profit des étrangers installés régulièrement et de longue date dans nos pays. Enfin, quatrième principe affirmé par le Conseil européen de Tampéré en dépit des difficultés liées à l'abus de ces procédures, l'indispensable et scrupuleux respect des exigences qu'implique le droit d'asile.
La présidence française met en avant un éventail très large de propositions, allant de l'amont (co-développement) à l'aval (l'intégration) en passant par la maîtrise des flux migratoires et le renforcement de la coopération policière.
1. Le co-développement avec les pays-sources.
Aujourd'hui, je voudrais plus particulièrement insister sur le co-développement, auquel nous avons consacré un séminaire les 6 et 7 juillet.
La prise en compte des "pays sources" est essentielle : les Etats européens doivent contribuer au maintien sur place des populations des pays en voie de développement.
Ils ne doivent pas accepter la diminution globale des crédits de l'aide au développement et la montée de l'indifférence devant le sort d'une grande partie de l'humanité ravagée par les guerres, la famine, la maladie, notamment mais pas exclusivement en Afrique noire.
Comment évoquer les migrations à moyen terme vers l'U.E. sans poser par ailleurs la question du rôle qu'elle pourrait jouer dans l'O.M.C. et plus spécialement dans la conclusion d'accords équilibrés avec les pays producteurs de matières premières du type Lomé première manière ? Comment espérer stabiliser les déplacements des hommes si on ne tient pas compte lors de la négociation des accords sur le cacao ou sur la banane de leurs aspirations au développement ?
C'est aussi toute une approche diplomatique qui est à revoir comme le montrent les exemples de l'Irak, du Kurdistan, de l'Afghanistan, de l'Afrique des Grands Lacs ou des Balkans depuis 1991. C'est l'adéquation des moyens utilisés aux fins proclamées qui est à réviser.
Au plan technique une batterie rénovée de moyens d'action doit être mise en place, comme l'a montré le séminaire des 6/7 juillet sur le co-développement : le soutien aux initiatives des migrants en faveur de leur région d'origine; le développement d'une immigration alternante permettant à des jeunes de venir travailler en Europe pour se perfectionner avant de retourner dans leur pays ; l'utilisation des moyens de formation en faveur du Sud ; une circulation facilitée pour les migrants engagés dans des actions de co-développement ; des dispositifs leur permettant de mobiliser leur épargne pour développer leur pays d'origine.
Le co-développement ne peut cependant pas se comprendre sans un appel parallèle à la co-responsabilité des pays sources dans la maîtrise de leurs flux migratoires.
Il s'agit d'abord de sensibiliser et de motiver les autorités des pays sources d'immigration.
Cette politique de co-reponsabilité doit également être déclinée par grandes zones mondiales:
- la stabilisation des populations des pays de l'ex-URSS et des flux de transit est un enjeu important: un partenariat étroit s'impose avec la Russie dans la lutte contre les mafias transnationales ;
- les pays du pourtour méditerranéen forment une zone très sensible pour l'Europe : cette dernière doit avoir une politique de co-développement intense, notamment avec le Maghreb, avec la Turquie dont l'émigration est un problème transversal à l'Union, très sensible notamment en Allemagne. La stabilité du Proche Orient concerne également l'Europe ;
- l'Afrique en voie de développement est la région du monde qui connaîtra les bouleversements économiques, démographiques et sanitaires les plus violents. L'absence ou la quasi-absence de structures étatiques viables ou fortes dans beaucoup de pays constitue le principal écueil de toute politique volontariste. La mobilisation des peuples pour la construction d'Etats viables est un préalable. Mais des actions spécifiques inspirées par les organisations internationales (ONU, OUA), s'appuyant notamment sur les pays qui ont une tradition africaine (France, Royaume-Uni, Italie, Belgique) seraient évidemment. nécessaires dans certains pays les plus fragiles ;
- le positionnement diplomatique de l'Europe vis à vis de la Chine est la question majeure dans la zone asiatique : il s'agirait encore une fois de développer une approche de co-responsabilité, mais cela supposerait au préalable l'adoption d'une politique harmonisée ;
L'Europe aura ainsi à adopter une politique géostratégique commune dans le domaine de l'immigration. Elle deviendra progressivement un pan majeur de sa politique extérieure.
2. La maîtrise des flux migratoires et la lutte contre les filières dans le respect du droit d'asile.
La lutte contre l'immigration illégale peut se conduire sous deux angles :
- une approche juridique est nécessaire permettant le renforcement des législations et des réglementations pour lutter contre les filières, notamment en matière de sanctions contre les passeurs et de pénalités contre les transporteurs ;
- une approche opérationnelle avec l'amélioration de la coopération policière pour le démantèlement des filières s'impose également.
Comme l'a montré le séminaire des 20 et 21 juillet sur la lutte contre les filières, trois directions doivent être privilégiées : la lutte contre les faux documents (sécurisation accrue de la chaîne documentaire et spécialisation plus grande des personnels chargés de leur délivrance), la sensibilisation accrue des personnels chargés du contrôle de l'immigration, et enfin la mise en place de bases de données largement partagées.
Cette politique devra être mise en uvre dans le respect du droit d'asile dont l'harmonisation européenne sera aussi un outil de la lutte contre l'immigration irrégulière.
Les demandes d'asile sont en effet en forte hausse dans la plupart des pays de l'Union Européenne, ce qui reflète la hausse des entrées irrégulières. La grande difficulté de la tâche est de concilier le respect scrupuleux de la Convention de Genève et la lutte contre la fraude. L'asile ne doit plus être utilisé par les filières comme un outil juridique pour favoriser l'entrée et le séjour des clandestins. Au niveau européen l'harmonisation des procédures d'asile est donc devenu une nécessité.
3. L'intégration des étrangers régulièrement établis.
L'intégration des étrangers passe par une politique résolue en faveur de l'égalité des droits économiques et sociaux et par une lutte déterminée contre toute forme de discrimination, notamment par rapport à l'emploi.
La présidence française a l'intention de proposer au Conseil un projet de texte sur l'harmonisation des titres de long séjour, instrument essentiel de l'intégration.
L'accès à la nationalité des Etats-membres, grâce à la généralisation du droit du sol, représente un autre aspect fondamental de l'intégration des étrangers en Europe. Un projet de directive européenne sur le regroupement familial est en cours d'élaboration.
IV) La politique de l'immigration doit s'appuyer sur des principes clairs : un métissage accepté, une maîtrise des flux et une citoyenneté maintenus.
La politique européenne d'immigration rencontre nécessairement une question centrale : celle de la capacité d'intégration. Celle-ci se détermine dans chaque société d'accueil. D'où la responsabilité qui doit être maintenue aux Etats-membres.
Comment aborder cette question dans une démarche commune ?
1. Je rappellerai d'abord les bornes de l'exercice.
D'un côté, si l'Europe doit accueillir entre 47 à 79 Millions de migrants d'ici à 2050 (hypothèses basse et moyenne de l'ONU), ce qui correspond plus ou moins à la prolongation du "trend" actuel, il est clair qu'à travers les politiques d'intégration l'Europe doit accepter un certain métissage.
D'un autre côté, cette perspective ne va pas sans la maîtrise des flux à laquelle nous astreint notre appréciation de la capacité d'intégration. Plusieurs d'entre vous me l'ont rappelé en répondant à mon invitation à ce débat sur l'immigration à long terme.
2. Je veux dire ensuite un mot sur la politique dite des" quotas" : cette politique risque d'encourager les communautarismes.
Les Etats européens n'ont pas l'intention de gommer les "différences" entre leurs citoyens, mais ils ne peuvent à l'inverse pas accepter que la promotion des "communautarismes" gomment la citoyenneté commune.
L'instauration généralisée de quotas poserait un réel problème de société car ce type d'annonce induit toujours dans les communautés visées des revendications de droits spécifiques, qui deviennent à leur tour les bases militantes de "comunautarismes" ethniques.
Aux Etats-Unis qui fonctionnent avec des quotas depuis les années 20, les meilleurs experts remettent en cause ce système qui débouche sur une gestion archaïque et dépassée de l'immigration et renvoient à des listes d'attente de plusieurs années dans un système qui, globalement, apparaît de plus en plus opaque.
Les fondements juridiques d'une politique des quotas seraient d'ailleurs difficiles à bâtir. Car comme le précise le Professeur Patrick Weil, en ce qui concerne deux des trois voies légales pour immigrer -la demande d'asile et l'arrivée au titre d'un lien de vie privée ou familiale- le système des quotas serait en Europe -notamment en Allemagne et en France- inconstitutionnel, l'asile et le regroupement familial étant accordés en fonction de critères individuels définis par la loi.
L'idée de mobilité organisée, développée plus haut, qui concernerait certaines zones géographiques d'émigration serait sans doute une alternative à la politique des quotas.
3. Troisième réflexion, en forme d'interrogation : faut-il reprendre l'immigration de travail ?
Pour satisfaire les besoins d'embauche de travailleurs non qualifiés, il faut d'abord se tourner en direction des chômeurs nationaux et voir s'ils ne peuvent pas répondre -en mettant l'accent sur leur re-formation- aux demandes des entreprises pour des postes d'ailleurs souvent saisonniers.
En cas de maintien de goulets d'étranglement à l'issue de cet examen, il demeure possible de faire appel à des mains d'uvre étrangères saisonnières dans le cadre de contrats passés entre les pays européens et les pays d'Afrique ou méditerranéens.
Pour satisfaire les besoins d'embauche de travailleurs plus qualifiées, il faut éviter de piller purement et simplement les pays pauvres de leurs richesses humaines. Si on doit répondre positivement à cette demande, on doit aussi la rendre plus productive pour les pays de départ.
Il est préférable de systématiser le système des migrations temporaires, ce qui suppose pour ce type de main d'uvre à la fois une ouverture plus généreuse des frontières et une fermeté plus grande sur le séjour permanent. Le but serait d'accueillir des travailleurs pour des périodes fixes et dont la vocation au retour dans leur pays doit être contractualisée avec les Etats de départ et clairement affichée par les Etats d'accueil.
L'expérience allemande des contrats de travail temporaires pourrait être utilement étudiée dans ce cadre.
Il faut aussi mettre en place des accords sur le versement d'une partie du salaire, des allocations familiales, des cotisations pour la retraite dans les pays d'origine. Les Etats sources en seront satisfaits et cela permettra aux immigrés d'investir, le cas échéant, chez eux, avec l'aide d'organismes spécialisés.
4. Enfin, je crois qu'il faut réaffirmer la nécessité de politiques gouvernementales cohérentes.
En premier lieu il s'avère indispensable d'intégrer les objectifs de la politique de l'immigration dans la démarche d'ensemble des autorités gouvernementales: de la diplomatie générale aux affaires européennes et la défense, des finances à la culture, en passant par l'éducation et par bien d'autres secteurs ministériels, sans oublier l'intérieur, il s'agit en effet d'une politique interministérielle dont les déterminants ne peuvent qu'être transversaux.
En second lieu, il est nécessaire de re-calibrer les flux financiers qui doivent être affectés à cette politique.
Force est de constater que l'aide publique au développement ne cesse de baisser à un moment où sa justification ne devrait plus faire de doute.
Par ailleurs, il faudrait financer la formation des migrants ayant vocation à rejoindre ensuite leur pays d'origine ainsi que les équipements collectifs permettant de les accueillir.
Pour financer cette politique pourraient être davantage mises à contribution les entreprises utilisatrices de main d'uvre étrangère.
Un métissage accepté, la maîtrise des flux et une citoyenneté maintenus, telles sont, en résumé, les valeurs qui me semblent devoir guider nos démarches à long terme.
Dans ce cadre, l'Union devra continuer à s'appuyer dans la durée sur les principes définis lors du conseil de Tempéré.
Pour cela nous devons maintenir, perfectionner et harmoniser les moyens d'application de ces politiques.
(Source : http://www.interieur.gouv.fr, le 1er août 2000)
Il est important de recadrer les mesures que nous prenons à court terme en les mettant en perspective.
I - Les données existantes ne laissent aucun doute sur l'importance croissante des pressions migratoires à venir.
1. Les données de base sont connues.
Le nombre de migrants dans le monde est estimé à 119 millions de personnes en 1990, contre 75 millions en 1965.
Sur la planète la population "théorique" de clandestins serait, selon l'OIT, nettement supérieure à 20 millions de personnes, ces derniers représentant entre un huitième et un quart des migrants.
Toutefois, on ne manquera pas d'être surpris par la relative modicité de ces grandeurs et de ces flux par rapport à la taille actuelle de la population mondiale (6 milliards, 9 milliards en 2050) : actuellement l'impact politique et social des discours sur les mouvements migratoires est bien plus fort que son impact réel sur les économies des pays sources et des pays d'accueil.
"L'humanité est une", nous devons maintenir cette affirmation, tout en repoussant deux démagogies opposées : le mythe de l'"immigration zéro" source de toutes les xénophobies ; l'angélisme sans-frontiériste, accélérateur de tous les déséquilibres.
Pour le reste il suffit d'anticiper, avec l'O.I.T., que la mondialisation, loin de réduire les flux va les intensifier, car les mouvements de capitaux vers les pays pauvres n'y créent pas assez d'emplois.
Avec des déséquilibres démographiques initiaux importants, à une époque où les écarts de niveaux de vie ne cessent de se creuser, où les zones sans droit et les régimes politiques sans libertés s'étendent, et où les déplacements sont devenus faciles, les pressions vont donc s'intensifier.
2. Or, l'Europe est et sera un continent de plus en plus attractif pour les migrants.
Le "rêve d'Europe" ne date pas d'aujourd'hui . entre 1950 et 1990, le nombre des résidents étrangers en Europe est passé de 5,1 millions (soit 1,3 % de la population) à presque 17 millions (4,5 %).
Trois pays de l'U.E. (Allemagne, France, Royaume-Uni) accueillent 65 % des populations étrangères recensées sur ce continent, et il suffit d'en rajouter trois autres (Belgique, Pays-Bas et Italie) pour atteindre les 80 %.
Certains pays européens comptent déjà parmi les premières destinations des émigrants : il y a des tropismes qui ne disparaîtront pas rapidement, chaque pays d'accueil enregistrant des flux spécifiques et cumulatifs : Turcs en Allemagne, Maghrébins en France, ressortissants du Commonwealth en Grande-Bretagne, etc.
Compte tenu de ces données de base souvent perturbantes, parfois inquiétantes, la question de l'immigration en Europe doit être posée en des termes politiques.
II - Une immigration massive ne pallierait ni le déclin ni le vieillissement des populations européennes.
"L'immigration, une solution au déclin et au vieillissement des populations ?" titrait en mars un rapport de la Division Population l'O.N.U. en s'appuyant sur une batterie de scénarios perturbants.
Dans un scénario extrême, sous l'hypothèse d'une utopique "immigration zéro", la population de l'Union européenne chuterait de 372 millions en 1995 à 311 en 2050, tandis que celle de la France plafonnerait à 59 millions.
Dans un scénario diamétralement opposé, l'arrivée de 700 millions de migrants dont 94 en France stabiliserait le ratio population jeune sur population âgée et déboucherait sur 1,2 milliard d'européens en 2050, dont 187 millions de Français!
Deux autres hypothèses sont plus proches sans doute des réalités prévisibles : le maintien de la population globale conduirait à l'arrivée en Europe de 47 millions de migrants d'ici 2050 ; le maintien de la population âgée de 15 à 64 ans à un chiffre de 79 millions d'arrivants nouveaux. Il ne s'agit que d'extrapolations prospectives fort discutables, mais il reste que cette publication a nourri le débat dans les pays occidentaux.
1. L'étude s'appuie sur des hypothèses démographiques fragiles.
On sait qu'en prospective les estimations de soldes comptent parmi les plus fragiles : elles sont extrêmement sensibles à la moindre variation amont de chacune des variables permettant de les calculer.
Par exemple, dans les scénarios de l'O.N.U. la durée de vie est supposée augmenter régulièrement tandis que la fécondité se stabiliserait définitivement -dans tous les pays concernés- en dessous de 2 enfants par femme. Une telle prédiction est-elle évidente à l'horizon 2050 ?
A des horizons aussi lointains l'inéluctabilité d'un besoin durable de "migrations de remplacement" n'est en réalité pas démontrable. Le malthusianisme actuel (taux de fertilité de 1,44 par femme) n'est pas une fatalité.
2. Le recours massif à une "immigration de remplacement" ne serait ni économiquement ni socialement raisonnable.
Comme Maurice Allais, prix Nobel français d'économie, le rappelle, pour assurer le bon fonctionnement de son économie un pays a besoin d'infrastructures : écoles, universités, hôpitaux, logements, usines, bureaux
Or dans les pays industrialisés, le montant global du capital national reproductible est égal à environ quatre fois le montant du revenu national. Il en résulte que, pour bien intégrer un travailleur immigré, un pays devra mobiliser une épargne égale à quatre fois son salaire annuel afin de construire les équipements nécessaires à son accueil. Et, si ce travailleur arrive avec sa femme et ses trois enfants, l'épargne supplémentaire représentera suivant les cas, dix à vingt fois son salaire annuel.
Les pays occidentaux n'ont jamais été prêts à financer ex ante ce type d'effort, sinon à la marge. Seules les perspectives d'accès à des salaires modérés intéressent finalement les milieux économiques qui ne réclament qu'une très large ouverture des frontières. Pour le reste, ils ne sont pas prêts à payer l'intégralité du ticket d'entrée des populations migrantes.
Face au déclin de leur population en âge de travailler, les pays industrialisés n'ont pas d'autre solution que de mobiliser en priorité et dans leur totalité les actifs disponibles, d'accroître leur productivité globale et, le cas échéant, de prendre des mesures impopulaires comme l'allongement de la durée de la vie professionnelle.
Alain Parent, démographe à l'I.N.E.D. dit la même chose : "Songez que dans notre pays il n'y a que 22 millions de personnes au travail pour 60 millions d'habitants. Le "taux d'emploi" qui mesure le pourcentage de travailleurs effectifs dans la population en âge de travailler dépasse à peine 55 %, alors qu'il atteint 70 à 75% en Scandinavie et aux Etats-Unis : Il y a une réserve d'"activables potentiels" dans toute l'Europe, comme en France où il sont 7 à 8 millions.
Ce sont eux qu'il faudra mobiliser en priorité pour occuper les emplois vacants et payer les retraites de demain. Tant que subsisteront des effectifs importants de chômeurs il ne sera pas possible de changer radicalement de politique migratoire.
3. Financer les retraites par l'immigration : un miroir aux alouettes.
La question est de savoir s'il faudra, en France maintenir à tout prix un ratio de quatre actifs pour un retraité est loin d'être tranchée.
Comme dans le passé d'ici à 2050, ce seront principalement les gains de productivité qui permettront de réduire encore le nombre des actifs nécessaires pour financer les retraites. En outre la meilleure mobilisation de la population en âge de travailler et l'allongement de la durée de la vie professionnelle, déjà mentionnées plus haut, seront des variables d'ajustement plus justes et plus réalistes que le recours à une immigration massive. Et ces remarques valent pour l'ensemble du "Vieux Continent".
III - Le triptyque de Tampéré doit inspirer l'harmonisation de nos politiques.
Les conclusions du Conseil européen de Tampéré distinguent, on le sait, trois axes inséparables. D'abord l'effort en faveur des pays d'origine, dont le nécessaire nouveau contenu a été désigné sous le vocable de co-développement (illustré par le séminaire de la présidence des 5 et 6 juillet derniers) ; son acception est double : Une autre conception des rapports Nord Sud d'abord. Ensuite, des mesures pratiques destinées aux populations migrantes, telles que les migrations alternantes ou la mobilisation de l'épargne aux fins de développement. Le deuxième axe consiste en l'indispensable maîtrise des flux migratoires, dans l'intérêt à la fois des migrants eux-mêmes et des pays dans lesquels ils souhaitent se rendre. Troisième axe : une politique active d'intégration au profit des étrangers installés régulièrement et de longue date dans nos pays. Enfin, quatrième principe affirmé par le Conseil européen de Tampéré en dépit des difficultés liées à l'abus de ces procédures, l'indispensable et scrupuleux respect des exigences qu'implique le droit d'asile.
La présidence française met en avant un éventail très large de propositions, allant de l'amont (co-développement) à l'aval (l'intégration) en passant par la maîtrise des flux migratoires et le renforcement de la coopération policière.
1. Le co-développement avec les pays-sources.
Aujourd'hui, je voudrais plus particulièrement insister sur le co-développement, auquel nous avons consacré un séminaire les 6 et 7 juillet.
La prise en compte des "pays sources" est essentielle : les Etats européens doivent contribuer au maintien sur place des populations des pays en voie de développement.
Ils ne doivent pas accepter la diminution globale des crédits de l'aide au développement et la montée de l'indifférence devant le sort d'une grande partie de l'humanité ravagée par les guerres, la famine, la maladie, notamment mais pas exclusivement en Afrique noire.
Comment évoquer les migrations à moyen terme vers l'U.E. sans poser par ailleurs la question du rôle qu'elle pourrait jouer dans l'O.M.C. et plus spécialement dans la conclusion d'accords équilibrés avec les pays producteurs de matières premières du type Lomé première manière ? Comment espérer stabiliser les déplacements des hommes si on ne tient pas compte lors de la négociation des accords sur le cacao ou sur la banane de leurs aspirations au développement ?
C'est aussi toute une approche diplomatique qui est à revoir comme le montrent les exemples de l'Irak, du Kurdistan, de l'Afghanistan, de l'Afrique des Grands Lacs ou des Balkans depuis 1991. C'est l'adéquation des moyens utilisés aux fins proclamées qui est à réviser.
Au plan technique une batterie rénovée de moyens d'action doit être mise en place, comme l'a montré le séminaire des 6/7 juillet sur le co-développement : le soutien aux initiatives des migrants en faveur de leur région d'origine; le développement d'une immigration alternante permettant à des jeunes de venir travailler en Europe pour se perfectionner avant de retourner dans leur pays ; l'utilisation des moyens de formation en faveur du Sud ; une circulation facilitée pour les migrants engagés dans des actions de co-développement ; des dispositifs leur permettant de mobiliser leur épargne pour développer leur pays d'origine.
Le co-développement ne peut cependant pas se comprendre sans un appel parallèle à la co-responsabilité des pays sources dans la maîtrise de leurs flux migratoires.
Il s'agit d'abord de sensibiliser et de motiver les autorités des pays sources d'immigration.
Cette politique de co-reponsabilité doit également être déclinée par grandes zones mondiales:
- la stabilisation des populations des pays de l'ex-URSS et des flux de transit est un enjeu important: un partenariat étroit s'impose avec la Russie dans la lutte contre les mafias transnationales ;
- les pays du pourtour méditerranéen forment une zone très sensible pour l'Europe : cette dernière doit avoir une politique de co-développement intense, notamment avec le Maghreb, avec la Turquie dont l'émigration est un problème transversal à l'Union, très sensible notamment en Allemagne. La stabilité du Proche Orient concerne également l'Europe ;
- l'Afrique en voie de développement est la région du monde qui connaîtra les bouleversements économiques, démographiques et sanitaires les plus violents. L'absence ou la quasi-absence de structures étatiques viables ou fortes dans beaucoup de pays constitue le principal écueil de toute politique volontariste. La mobilisation des peuples pour la construction d'Etats viables est un préalable. Mais des actions spécifiques inspirées par les organisations internationales (ONU, OUA), s'appuyant notamment sur les pays qui ont une tradition africaine (France, Royaume-Uni, Italie, Belgique) seraient évidemment. nécessaires dans certains pays les plus fragiles ;
- le positionnement diplomatique de l'Europe vis à vis de la Chine est la question majeure dans la zone asiatique : il s'agirait encore une fois de développer une approche de co-responsabilité, mais cela supposerait au préalable l'adoption d'une politique harmonisée ;
L'Europe aura ainsi à adopter une politique géostratégique commune dans le domaine de l'immigration. Elle deviendra progressivement un pan majeur de sa politique extérieure.
2. La maîtrise des flux migratoires et la lutte contre les filières dans le respect du droit d'asile.
La lutte contre l'immigration illégale peut se conduire sous deux angles :
- une approche juridique est nécessaire permettant le renforcement des législations et des réglementations pour lutter contre les filières, notamment en matière de sanctions contre les passeurs et de pénalités contre les transporteurs ;
- une approche opérationnelle avec l'amélioration de la coopération policière pour le démantèlement des filières s'impose également.
Comme l'a montré le séminaire des 20 et 21 juillet sur la lutte contre les filières, trois directions doivent être privilégiées : la lutte contre les faux documents (sécurisation accrue de la chaîne documentaire et spécialisation plus grande des personnels chargés de leur délivrance), la sensibilisation accrue des personnels chargés du contrôle de l'immigration, et enfin la mise en place de bases de données largement partagées.
Cette politique devra être mise en uvre dans le respect du droit d'asile dont l'harmonisation européenne sera aussi un outil de la lutte contre l'immigration irrégulière.
Les demandes d'asile sont en effet en forte hausse dans la plupart des pays de l'Union Européenne, ce qui reflète la hausse des entrées irrégulières. La grande difficulté de la tâche est de concilier le respect scrupuleux de la Convention de Genève et la lutte contre la fraude. L'asile ne doit plus être utilisé par les filières comme un outil juridique pour favoriser l'entrée et le séjour des clandestins. Au niveau européen l'harmonisation des procédures d'asile est donc devenu une nécessité.
3. L'intégration des étrangers régulièrement établis.
L'intégration des étrangers passe par une politique résolue en faveur de l'égalité des droits économiques et sociaux et par une lutte déterminée contre toute forme de discrimination, notamment par rapport à l'emploi.
La présidence française a l'intention de proposer au Conseil un projet de texte sur l'harmonisation des titres de long séjour, instrument essentiel de l'intégration.
L'accès à la nationalité des Etats-membres, grâce à la généralisation du droit du sol, représente un autre aspect fondamental de l'intégration des étrangers en Europe. Un projet de directive européenne sur le regroupement familial est en cours d'élaboration.
IV) La politique de l'immigration doit s'appuyer sur des principes clairs : un métissage accepté, une maîtrise des flux et une citoyenneté maintenus.
La politique européenne d'immigration rencontre nécessairement une question centrale : celle de la capacité d'intégration. Celle-ci se détermine dans chaque société d'accueil. D'où la responsabilité qui doit être maintenue aux Etats-membres.
Comment aborder cette question dans une démarche commune ?
1. Je rappellerai d'abord les bornes de l'exercice.
D'un côté, si l'Europe doit accueillir entre 47 à 79 Millions de migrants d'ici à 2050 (hypothèses basse et moyenne de l'ONU), ce qui correspond plus ou moins à la prolongation du "trend" actuel, il est clair qu'à travers les politiques d'intégration l'Europe doit accepter un certain métissage.
D'un autre côté, cette perspective ne va pas sans la maîtrise des flux à laquelle nous astreint notre appréciation de la capacité d'intégration. Plusieurs d'entre vous me l'ont rappelé en répondant à mon invitation à ce débat sur l'immigration à long terme.
2. Je veux dire ensuite un mot sur la politique dite des" quotas" : cette politique risque d'encourager les communautarismes.
Les Etats européens n'ont pas l'intention de gommer les "différences" entre leurs citoyens, mais ils ne peuvent à l'inverse pas accepter que la promotion des "communautarismes" gomment la citoyenneté commune.
L'instauration généralisée de quotas poserait un réel problème de société car ce type d'annonce induit toujours dans les communautés visées des revendications de droits spécifiques, qui deviennent à leur tour les bases militantes de "comunautarismes" ethniques.
Aux Etats-Unis qui fonctionnent avec des quotas depuis les années 20, les meilleurs experts remettent en cause ce système qui débouche sur une gestion archaïque et dépassée de l'immigration et renvoient à des listes d'attente de plusieurs années dans un système qui, globalement, apparaît de plus en plus opaque.
Les fondements juridiques d'une politique des quotas seraient d'ailleurs difficiles à bâtir. Car comme le précise le Professeur Patrick Weil, en ce qui concerne deux des trois voies légales pour immigrer -la demande d'asile et l'arrivée au titre d'un lien de vie privée ou familiale- le système des quotas serait en Europe -notamment en Allemagne et en France- inconstitutionnel, l'asile et le regroupement familial étant accordés en fonction de critères individuels définis par la loi.
L'idée de mobilité organisée, développée plus haut, qui concernerait certaines zones géographiques d'émigration serait sans doute une alternative à la politique des quotas.
3. Troisième réflexion, en forme d'interrogation : faut-il reprendre l'immigration de travail ?
Pour satisfaire les besoins d'embauche de travailleurs non qualifiés, il faut d'abord se tourner en direction des chômeurs nationaux et voir s'ils ne peuvent pas répondre -en mettant l'accent sur leur re-formation- aux demandes des entreprises pour des postes d'ailleurs souvent saisonniers.
En cas de maintien de goulets d'étranglement à l'issue de cet examen, il demeure possible de faire appel à des mains d'uvre étrangères saisonnières dans le cadre de contrats passés entre les pays européens et les pays d'Afrique ou méditerranéens.
Pour satisfaire les besoins d'embauche de travailleurs plus qualifiées, il faut éviter de piller purement et simplement les pays pauvres de leurs richesses humaines. Si on doit répondre positivement à cette demande, on doit aussi la rendre plus productive pour les pays de départ.
Il est préférable de systématiser le système des migrations temporaires, ce qui suppose pour ce type de main d'uvre à la fois une ouverture plus généreuse des frontières et une fermeté plus grande sur le séjour permanent. Le but serait d'accueillir des travailleurs pour des périodes fixes et dont la vocation au retour dans leur pays doit être contractualisée avec les Etats de départ et clairement affichée par les Etats d'accueil.
L'expérience allemande des contrats de travail temporaires pourrait être utilement étudiée dans ce cadre.
Il faut aussi mettre en place des accords sur le versement d'une partie du salaire, des allocations familiales, des cotisations pour la retraite dans les pays d'origine. Les Etats sources en seront satisfaits et cela permettra aux immigrés d'investir, le cas échéant, chez eux, avec l'aide d'organismes spécialisés.
4. Enfin, je crois qu'il faut réaffirmer la nécessité de politiques gouvernementales cohérentes.
En premier lieu il s'avère indispensable d'intégrer les objectifs de la politique de l'immigration dans la démarche d'ensemble des autorités gouvernementales: de la diplomatie générale aux affaires européennes et la défense, des finances à la culture, en passant par l'éducation et par bien d'autres secteurs ministériels, sans oublier l'intérieur, il s'agit en effet d'une politique interministérielle dont les déterminants ne peuvent qu'être transversaux.
En second lieu, il est nécessaire de re-calibrer les flux financiers qui doivent être affectés à cette politique.
Force est de constater que l'aide publique au développement ne cesse de baisser à un moment où sa justification ne devrait plus faire de doute.
Par ailleurs, il faudrait financer la formation des migrants ayant vocation à rejoindre ensuite leur pays d'origine ainsi que les équipements collectifs permettant de les accueillir.
Pour financer cette politique pourraient être davantage mises à contribution les entreprises utilisatrices de main d'uvre étrangère.
Un métissage accepté, la maîtrise des flux et une citoyenneté maintenus, telles sont, en résumé, les valeurs qui me semblent devoir guider nos démarches à long terme.
Dans ce cadre, l'Union devra continuer à s'appuyer dans la durée sur les principes définis lors du conseil de Tempéré.
Pour cela nous devons maintenir, perfectionner et harmoniser les moyens d'application de ces politiques.
(Source : http://www.interieur.gouv.fr, le 1er août 2000)