Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, au vu des premiers résultats partiels qui viennent de part et d'autre de Belgrade, quel est votre sentiment, à la fois sur ce qui s'est passé hier et sur ce qui peut se passer demain ?
R - Compte tenu de toutes les informations dont nous disposons, il paraît clair en tout cas que si le président Milosevic osait se déclarer vainqueur après les élections de ce dimanche, ce serait une véritable imposture. Maintenant, je ne suis pas en mesure de confirmer les différents chiffres mais toutes les indications montrent que M. Kostunica est nettement en tête. Je ne sais pas quelle va être exactement la réaction des autorités de Belgrade qui doivent se sentir piégées par l'initiative qui avait été lancée par le président Milosevic mais je suis convaincu que les choses ne seront plus comme avant et que quelque chose a commencé dimanche à travers ce vote et qui ne s'arrêtera plus.
Q - Comment les Européens peuvent-ils dissuader Milosevic de repartir dans une fuite en avant ?
Nous allons plutôt essayer d'être positifs. Nous avons au début du mois de septembre à Evian adopté un message au peuple serbe dans lequel nous tendions la main au peuple serbe en disant qu'en quelque sorte il avait sa place en Europe et je constate que les Serbes ont eu le courage d'aller voter en très grand nombre et selon toute vraisemblance et selon toutes les indications recueillies par l'OSCE ou d'autres organismes, de voter massivement pour M. Kostunica. C'est un courage politique, démocratique, civique ; je crois comprendre à travers cela que le peuple serbe veut sortir de la trappe et du piège dans lequel le président Milosevic l'a enfermé et nous y arriverons. Je ne sais pas si c'est imminent, l'idéal ce serait que ce le soit, que ce soit fait tout de suite mais je sais maintenant que nous y arriverons.
Q - Si la victoire de l'opposition se confirme, à quelle échéance les sanctions européennes et américaines peuvent-elles être levées ?
R - Si le régime était obligé de reconnaître, grâce à la pression interne et externe, sa défaite, nous entamerions immédiatement de façon très concrète la révision radicale de la politique européenne envers la Yougoslavie que j'avais laissé espérer dans cette hypothèse. Donc cela serait très rapide.
Q - Même si le futur président ne s'installe que dans six mois à son poste, ce qui est un laps de temps très difficile à gérer ?
R - Oui, mais nous n'avons pas posé de conditions quand nous avons annoncé clairement que la victoire de la démocratie entraînerait la révision de cette politique européenne, ce que les Etats-Unis ont suivi quelques jours après. Nous n'avons pas posé de conditions supplémentaires et s'il se confirme que le peuple serbe a eu ce courage, je ne crois pas qu'il faille ensuite tergiverser.
(source http://www.diplomatie.gouv.gfr, le 29 septembre 2000)
Q - Monsieur le Ministre, pourquoi cette demande de levée des sanctions alors que nous ne connaissons pas encore les résultats officiels ?
R - Au début du mois de septembre, les quinze ministres des Affaires étrangères européens avaient adressé un message au peuple serbe dans lequel nous lui tendions la main, en disant à l'avance que, si la démocratie l'emportait à Belgrade, nous allions réviser radicalement notre politique par rapport à la République fédérale de Yougoslavie. Il y a eu cette journée de dimanche après laquelle plus rien ne sera comme avant, et même si aujourd'hui nous ne pouvons pas nous appuyer sur des chiffres sûrs, tout prouve que non seulement les Serbes ont eu le courage d'aller voter en masse, et qu'ils ont aussi voté contre le président Milosevic, de façon massive. Toutes les indications retenues par l'ensemble des représentations sur place, des organismes indépendants, des pays voisins, des organisations non gouvernementales, tous les recoupements vont dans ce sens. Le silence des autorités, extrêmement embarrassées, qui jusqu'ici n'ont rien dit, confirme cette situation. Donc par rapport à ce pays, par rapport à ce peuple et son courage, nous devons nous mettre en mesure de tenir notre promesse et de tenir nos engagements.
Q - Finalement, ces élections sont l'opportunité pour la Communauté internationale de se débarrasser de Milosevic ?
R - Il s'agit pour le peuple serbe de s'en débarrasser. C'est cela la priorité. Hors ce qui est si courageux et en même temps remarquable, intellectuellement et politiquement, c'est que nous avons à faire à un peuple gavé de propagande nationaliste imbécile, qui les enferme dans une trappe depuis des années et des années, par la menace et la répression. Ce peuple a trouvé en lui-même, et pas du fait d'une intervention extérieure, le ressort de se débarrasser de cela pour tourner cette page, et pour ouvrir une nouvelle page de l'histoire de la Yougoslavie. C'est pour cela que nous devons être à la hauteur de ce qui se passe dans ce pays.
Q - Quelles conditions pour l'éventuelle levée des sanctions progressive, car vous parlez en temps que Présidence de l'Union européenne mais les Américains ne sont pas très favorables à cette levée des sanctions ?
R - D'une part je ne vous parle en effet pas au nom des Etats-Unis, mais au nom de l'Union européenne. Je note que, lorsque nous avons adressé ce message au peuple serbe en septembre, les Américains ont rejoint notre discours quelques jours après. Ce que j'ai annoncé aujourd'hui, c'est que, au nom de la Présidence, j'avais pris les initiatives nécessaires pour que nous nous mettions en mesure de pouvoir tenir nos promesses. Il y a un certain nombre de choses à faire sur le plan interne, travailler avec la Commission, examiner les différents régimes de sanction qui existent. Nous devons être en mesure de prendre des décisions concrètes. C'est cela que nous allons préparer.
Q - On ne connaît pas très bien M. Kostunica, dans le grand public en tout cas. Est-ce que vous allez lui demander des gages par rapport à son éventuelle arrivée au pouvoir ?
R - Au nom de quoi ?
Q - Au nom de l'Europe. On ne sait pas bien quelle position il va avoir. Quelle est votre attitude par rapport à lui ?
R - Vous avez à faire à un peuple qui a été entraîné dans une impasse par le président Milosevic, ce qui a signifié misères, ce qui a signifié guerres, ce qui a signifié toutes sortes de drames. Vous avez à faire à des gens qui ont le courage de se dresser contre cela, qui ont entendu l'appel lancé par les Européens, qui ont vu cette main tendue par les quinze pays européens, d'accord sur ce point, soutenus quelques jours après par les Etats-Unis. Je ne crois pas que le moment où le pouvoir aux abois va tenter par des manoeuvres de masquer encore l'évidence pendant quelques temps, soit le moment d'inventer des choses pour compliquer les positions historiques ou de tergiverser, de placer des entraves par rapport à ce chemin. Il y a un peuple qui veut rejoindre l'Europe, donc nous devons aujourd'hui simplifier les enjeux, être à la hauteur de la situation, et nous préparer à prendre, dès que ce sera complètement possible, les décisions nécessaires.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2000)
Q - Monsieur le Ministre, quelle est la réaction de la Présidence de l'Union européenne par l'intermédiaire de la France à ces résultats, à ces situations, à ces troubles sur ces élections à Belgrade ?
R - Quoi que puissent prétendre, dans les heures ou les jours qui viennent, les autorités de Belgrade, il parait incontestable maintenant, compte tenu de toutes les indications, informations recueillies par les pays voisins, par des organismes indépendants sur place, par l'opposition, par les pays qui ont encore des représentations diplomatiques, il parait incontestable que Slobodan Milosevic a perdu, et que M. Kostunica a gagné, et qu'il est nettement devant. Je ne peux pas commenter des résultats qui n'ont pas été publiés, mais je vous donne une tendance, un fait qui apparaît évident aux yeux du monde.
Q - Par rapport à cette tendance, vous avez annoncé la levée des sanctions. Qu'est-ce que cela signifie politiquement et concrètement ?
R - L'Union européenne s'était engagée début septembre dans un message au peuple serbe en tendant la main eu peuple serbe, à réviser sa politique à l'égard de la Serbie si la démocratie l'emportait à Belgrade. Aujourd'hui nous avons devant nous un peuple serbe, le peuple de la république fédérale de Yougoslavie, qui a trouvé en lui-même le courage d'aller voter dans les conditions que vous savez, qui ne sont pas évidentes, pas faciles, et il a voté manifestement pour la démocratie, en tout cas pour sortir de l'impasse tragique dans laquelle l'avait enfermé la politique de Milosevic. Donc c'est un vote dans lequel le peuple serbe a dit oui à l'avenir, oui au retour de la Serbie en Europe. L'Europe doit tenir ses engagements. C'est pour cela que, au nom de la Présidence, j'ai pris les initiatives nécessaires, j'ai demandé notamment à la Commission d'examiner la situation pour nous soumettre des propositions requises qui permettraient une levée rapide des sanctions qui frappent la République fédérale de Yougoslavie. Il faudra que nous étudions ces propositions.
Q - En terme de calendrier, que signifie une levée rapide des sanctions ?
R - Nous n'en sommes pas encore à un calendrier de mise en oeuvre, mais ce qui est rapide c'est notre réaction, car nous voyons bien qu'il y a à Belgrade une situation nouvelle. D'ailleurs le fait que les autorités n'osent pas encore proclamer ou publier quoi que ce soit quant aux résultats de dimanche le montre. Donc nous ne devons pas, dans cette situation, tergiverser. Nous devons maintenant nous préparer à tenir nos engagements. Et même si je ne sais pas exactement ce qui doit se passer dans les jours qui viennent, parce que les autorités de Belgrade peuvent encore se livrer à toutes sortes de manoeuvres retardatrices, on voit bien que quelque chose a changé, et qu'un mouvement a commencé qui maintenant ne va pas s'arrêter.
Q - Les Etats-Unis partagent-ils votre ligne ?
R - C'est notre réaction. Les Etats-Unis ont d'ailleurs, quelques jours après, rejoint le geste que nous avions fait de tendre la main au peuple serbe, et le sens de ce scrutin est maintenant clair aux yeux du monde entier. Il faut donc que nous soyons prêts à prendre nos responsabilités par rapport à cette situation, d'où la clarté de notre expression. Le peuple serbe a exprimé sa confiance à Monsieur Kostunica, tout le montre. C'est donc lui dorénavant qui, aux yeux du monde, représente une République fédérale de Yougoslavie nouvelle.
Q - (inaudible)
R - Le problème ne se pose pas en ces termes. Vous ne devez pas tergiverser et avoir une analyse mesquine par rapport au courage de ce peuple face à un régime qui était un sommet de propagande communiste nationaliste pendant des années et des années, qui était entraîné dans un piège, dans une trappe par la politique du président Milosevic. C'est donc le moment où nous devons être à la hauteur de la situation. Nous avons tendu la main au peuple serbe il y a quelques semaines, nous devons maintenant être prêts à aller de l'avant.
Q - Y a t-il un risque de durcissement ou d'affrontements violents ?
R - Nous imaginons évidemment que ce régime, tel que nous le connaissons, va être tenté de dissimuler des choses, déjà il les retarde et il doit rechercher à l'heure actuelle par quel procédé il peut sauver les meubles. Je crois que ce sera difficile, compte tenu de la vigilance et de l'attention du monde et de cette aspiration interne, forte et courageuse du peuple serbe. Quelque chose a commencé dimanche dernier qui ne pourra plus être arrêté. Notre grand objectif est de réintégrer la Serbie dans l'Europe, avec tout ce que cela pourra comporter plus tard. Nous savons maintenant que nous pourrons atteindre cet objectif, même si je ne peux pas vous dire exactement quand.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2000)
Aujourd'hui, et quoique puissent prétendre les autorités de Belgrade, il semble désormais incontestable que Slobodan Milosevic a perdu et que M. Vojislav Kostunica a gagné. Quelque chose a commencé avec ce vote qui ne s'arrêtera plus. L'heure du changement a sonné à Belgrade.
Je rends hommage au courage politique du peuple serbe qui a trouvé en lui-même la force d'aller voter pour sortir de l'impasse tragique dans laquelle l'avait enfermé la politique de Slobodan Milosevic. Par ce vote il a clairement et massivement dit oui : à la démocratie, à l'avenir, au retour de la Serbie en Europe.
A ce courage, l'Europe, qui avait tendu la main au peuple serbe, doit répondre par des actes, comme elle s'y était engagée en cas de victoire de la démocratie.
L'Union européenne doit réviser sa politique.
Au nom de la présidence, je prends les initiatives nécessaires, et je demande notamment à la Commission de soumettre les propositions requises pour une levée rapide des sanctions qui frappent la République fédérale de Yougoslavie.
Le peuple serbe a exprimé sa confiance à M. Kostunica, qui représente dorénavant aux yeux du monde une République fédérale de Yougoslavie nouvelle, pour faire face à la situation ainsi créée et aux manoeuvres que pourrait tenter un pouvoir en perdition pour retarder l'échéance. Il sait, et le peuple doit savoir, qu'ils peuvent compter sur l'Europe.
(source httpwww.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2000)
Q - Ministre français des Affaires étrangères, vous avez appelé, mardi, l'Union européenne à " une levée rapide des sanctions qui frappent la Yougoslavie", en estimant qu'il était d'ores et déjà incontestable que Slobodan Milosevic a perdu et que Vojislav Kostunica a gagné. Cette initiative et cette estimation n'étaient-elles pas prématurées ?
R - L'Union européenne doit être à la hauteur du courage que les Serbes ont montré dimanche. Voici un peuple enfermé depuis des années dans une propagande communistonationaliste et qui a trouvé en lui-même la force de secouer ce joug. Toutes les indications dont nous disposons concourent en effet à prouver que les Serbes ont voté massivement dimanche contre Milosevic. A Evian, les Quinze s'étaient engagés à une révision radicale de leur politique envers la Serbie en cas de changement vers la démocratie. Ils l'avaient confirmé le 18 septembre en annonçant la levée des sanctions dans cette hypothèse. Vojislav Kostunica nous a dit que ce message avait été entendu. Nous devons maintenir la pression sur Milosevic. J'ai donc demandé à la Commission de Bruxelles de nous faire des propositions afin que l'Union européenne soit en mesure de lever les sanctions, ce que l'Allemagne a d'ailleurs déjà réclamé.
Q - Vous sembliez, au moment où vous avez pris cette initiative, exclure l'hypothèse selon laquelle Milosevic et Kostunica revendiqueraient tous deux la victoire à l'élection présidentielle et vous semblez aussi tenir M. Kostunica pour garant du rétablissement de la démocratie en Serbie...
R - Je n'exclus aucune hypothèse mais, pour l'heure, notre priorité c'est de soutenir le choix du peuple serbe et de renforcer ce mouvement démocratique. Nous devons montrer que nous sommes prêts à tenir les engagements d'Evian sans condition supplémentaire. Sinon, on sous-estimerait ce qui s'est passé dimanche, on ferait peser la contrainte sur Kostunica et on laisserait Milosevic maître du jeu !
Q - Un responsable américain a fait savoir, mardi, que les Etats-Unis n'étaient pas encore prêts à envisager la levée des sanctions. Y a-t-il une divergence avec eux sur ce sujet ?
R - Ma déclaration engage l'Union européenne dans sa politique vis-à-vis de la Serbie. Après que les Quinze ont pris leur initiative à Evian, les Américains s'y sont associés. Il y a un complet accord entre les Etats-Unis et l'Union européenne sur le soutien au changement démocratique en Serbie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2000)
R - Compte tenu de toutes les informations dont nous disposons, il paraît clair en tout cas que si le président Milosevic osait se déclarer vainqueur après les élections de ce dimanche, ce serait une véritable imposture. Maintenant, je ne suis pas en mesure de confirmer les différents chiffres mais toutes les indications montrent que M. Kostunica est nettement en tête. Je ne sais pas quelle va être exactement la réaction des autorités de Belgrade qui doivent se sentir piégées par l'initiative qui avait été lancée par le président Milosevic mais je suis convaincu que les choses ne seront plus comme avant et que quelque chose a commencé dimanche à travers ce vote et qui ne s'arrêtera plus.
Q - Comment les Européens peuvent-ils dissuader Milosevic de repartir dans une fuite en avant ?
Nous allons plutôt essayer d'être positifs. Nous avons au début du mois de septembre à Evian adopté un message au peuple serbe dans lequel nous tendions la main au peuple serbe en disant qu'en quelque sorte il avait sa place en Europe et je constate que les Serbes ont eu le courage d'aller voter en très grand nombre et selon toute vraisemblance et selon toutes les indications recueillies par l'OSCE ou d'autres organismes, de voter massivement pour M. Kostunica. C'est un courage politique, démocratique, civique ; je crois comprendre à travers cela que le peuple serbe veut sortir de la trappe et du piège dans lequel le président Milosevic l'a enfermé et nous y arriverons. Je ne sais pas si c'est imminent, l'idéal ce serait que ce le soit, que ce soit fait tout de suite mais je sais maintenant que nous y arriverons.
Q - Si la victoire de l'opposition se confirme, à quelle échéance les sanctions européennes et américaines peuvent-elles être levées ?
R - Si le régime était obligé de reconnaître, grâce à la pression interne et externe, sa défaite, nous entamerions immédiatement de façon très concrète la révision radicale de la politique européenne envers la Yougoslavie que j'avais laissé espérer dans cette hypothèse. Donc cela serait très rapide.
Q - Même si le futur président ne s'installe que dans six mois à son poste, ce qui est un laps de temps très difficile à gérer ?
R - Oui, mais nous n'avons pas posé de conditions quand nous avons annoncé clairement que la victoire de la démocratie entraînerait la révision de cette politique européenne, ce que les Etats-Unis ont suivi quelques jours après. Nous n'avons pas posé de conditions supplémentaires et s'il se confirme que le peuple serbe a eu ce courage, je ne crois pas qu'il faille ensuite tergiverser.
(source http://www.diplomatie.gouv.gfr, le 29 septembre 2000)
Q - Monsieur le Ministre, pourquoi cette demande de levée des sanctions alors que nous ne connaissons pas encore les résultats officiels ?
R - Au début du mois de septembre, les quinze ministres des Affaires étrangères européens avaient adressé un message au peuple serbe dans lequel nous lui tendions la main, en disant à l'avance que, si la démocratie l'emportait à Belgrade, nous allions réviser radicalement notre politique par rapport à la République fédérale de Yougoslavie. Il y a eu cette journée de dimanche après laquelle plus rien ne sera comme avant, et même si aujourd'hui nous ne pouvons pas nous appuyer sur des chiffres sûrs, tout prouve que non seulement les Serbes ont eu le courage d'aller voter en masse, et qu'ils ont aussi voté contre le président Milosevic, de façon massive. Toutes les indications retenues par l'ensemble des représentations sur place, des organismes indépendants, des pays voisins, des organisations non gouvernementales, tous les recoupements vont dans ce sens. Le silence des autorités, extrêmement embarrassées, qui jusqu'ici n'ont rien dit, confirme cette situation. Donc par rapport à ce pays, par rapport à ce peuple et son courage, nous devons nous mettre en mesure de tenir notre promesse et de tenir nos engagements.
Q - Finalement, ces élections sont l'opportunité pour la Communauté internationale de se débarrasser de Milosevic ?
R - Il s'agit pour le peuple serbe de s'en débarrasser. C'est cela la priorité. Hors ce qui est si courageux et en même temps remarquable, intellectuellement et politiquement, c'est que nous avons à faire à un peuple gavé de propagande nationaliste imbécile, qui les enferme dans une trappe depuis des années et des années, par la menace et la répression. Ce peuple a trouvé en lui-même, et pas du fait d'une intervention extérieure, le ressort de se débarrasser de cela pour tourner cette page, et pour ouvrir une nouvelle page de l'histoire de la Yougoslavie. C'est pour cela que nous devons être à la hauteur de ce qui se passe dans ce pays.
Q - Quelles conditions pour l'éventuelle levée des sanctions progressive, car vous parlez en temps que Présidence de l'Union européenne mais les Américains ne sont pas très favorables à cette levée des sanctions ?
R - D'une part je ne vous parle en effet pas au nom des Etats-Unis, mais au nom de l'Union européenne. Je note que, lorsque nous avons adressé ce message au peuple serbe en septembre, les Américains ont rejoint notre discours quelques jours après. Ce que j'ai annoncé aujourd'hui, c'est que, au nom de la Présidence, j'avais pris les initiatives nécessaires pour que nous nous mettions en mesure de pouvoir tenir nos promesses. Il y a un certain nombre de choses à faire sur le plan interne, travailler avec la Commission, examiner les différents régimes de sanction qui existent. Nous devons être en mesure de prendre des décisions concrètes. C'est cela que nous allons préparer.
Q - On ne connaît pas très bien M. Kostunica, dans le grand public en tout cas. Est-ce que vous allez lui demander des gages par rapport à son éventuelle arrivée au pouvoir ?
R - Au nom de quoi ?
Q - Au nom de l'Europe. On ne sait pas bien quelle position il va avoir. Quelle est votre attitude par rapport à lui ?
R - Vous avez à faire à un peuple qui a été entraîné dans une impasse par le président Milosevic, ce qui a signifié misères, ce qui a signifié guerres, ce qui a signifié toutes sortes de drames. Vous avez à faire à des gens qui ont le courage de se dresser contre cela, qui ont entendu l'appel lancé par les Européens, qui ont vu cette main tendue par les quinze pays européens, d'accord sur ce point, soutenus quelques jours après par les Etats-Unis. Je ne crois pas que le moment où le pouvoir aux abois va tenter par des manoeuvres de masquer encore l'évidence pendant quelques temps, soit le moment d'inventer des choses pour compliquer les positions historiques ou de tergiverser, de placer des entraves par rapport à ce chemin. Il y a un peuple qui veut rejoindre l'Europe, donc nous devons aujourd'hui simplifier les enjeux, être à la hauteur de la situation, et nous préparer à prendre, dès que ce sera complètement possible, les décisions nécessaires.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2000)
Q - Monsieur le Ministre, quelle est la réaction de la Présidence de l'Union européenne par l'intermédiaire de la France à ces résultats, à ces situations, à ces troubles sur ces élections à Belgrade ?
R - Quoi que puissent prétendre, dans les heures ou les jours qui viennent, les autorités de Belgrade, il parait incontestable maintenant, compte tenu de toutes les indications, informations recueillies par les pays voisins, par des organismes indépendants sur place, par l'opposition, par les pays qui ont encore des représentations diplomatiques, il parait incontestable que Slobodan Milosevic a perdu, et que M. Kostunica a gagné, et qu'il est nettement devant. Je ne peux pas commenter des résultats qui n'ont pas été publiés, mais je vous donne une tendance, un fait qui apparaît évident aux yeux du monde.
Q - Par rapport à cette tendance, vous avez annoncé la levée des sanctions. Qu'est-ce que cela signifie politiquement et concrètement ?
R - L'Union européenne s'était engagée début septembre dans un message au peuple serbe en tendant la main eu peuple serbe, à réviser sa politique à l'égard de la Serbie si la démocratie l'emportait à Belgrade. Aujourd'hui nous avons devant nous un peuple serbe, le peuple de la république fédérale de Yougoslavie, qui a trouvé en lui-même le courage d'aller voter dans les conditions que vous savez, qui ne sont pas évidentes, pas faciles, et il a voté manifestement pour la démocratie, en tout cas pour sortir de l'impasse tragique dans laquelle l'avait enfermé la politique de Milosevic. Donc c'est un vote dans lequel le peuple serbe a dit oui à l'avenir, oui au retour de la Serbie en Europe. L'Europe doit tenir ses engagements. C'est pour cela que, au nom de la Présidence, j'ai pris les initiatives nécessaires, j'ai demandé notamment à la Commission d'examiner la situation pour nous soumettre des propositions requises qui permettraient une levée rapide des sanctions qui frappent la République fédérale de Yougoslavie. Il faudra que nous étudions ces propositions.
Q - En terme de calendrier, que signifie une levée rapide des sanctions ?
R - Nous n'en sommes pas encore à un calendrier de mise en oeuvre, mais ce qui est rapide c'est notre réaction, car nous voyons bien qu'il y a à Belgrade une situation nouvelle. D'ailleurs le fait que les autorités n'osent pas encore proclamer ou publier quoi que ce soit quant aux résultats de dimanche le montre. Donc nous ne devons pas, dans cette situation, tergiverser. Nous devons maintenant nous préparer à tenir nos engagements. Et même si je ne sais pas exactement ce qui doit se passer dans les jours qui viennent, parce que les autorités de Belgrade peuvent encore se livrer à toutes sortes de manoeuvres retardatrices, on voit bien que quelque chose a changé, et qu'un mouvement a commencé qui maintenant ne va pas s'arrêter.
Q - Les Etats-Unis partagent-ils votre ligne ?
R - C'est notre réaction. Les Etats-Unis ont d'ailleurs, quelques jours après, rejoint le geste que nous avions fait de tendre la main au peuple serbe, et le sens de ce scrutin est maintenant clair aux yeux du monde entier. Il faut donc que nous soyons prêts à prendre nos responsabilités par rapport à cette situation, d'où la clarté de notre expression. Le peuple serbe a exprimé sa confiance à Monsieur Kostunica, tout le montre. C'est donc lui dorénavant qui, aux yeux du monde, représente une République fédérale de Yougoslavie nouvelle.
Q - (inaudible)
R - Le problème ne se pose pas en ces termes. Vous ne devez pas tergiverser et avoir une analyse mesquine par rapport au courage de ce peuple face à un régime qui était un sommet de propagande communiste nationaliste pendant des années et des années, qui était entraîné dans un piège, dans une trappe par la politique du président Milosevic. C'est donc le moment où nous devons être à la hauteur de la situation. Nous avons tendu la main au peuple serbe il y a quelques semaines, nous devons maintenant être prêts à aller de l'avant.
Q - Y a t-il un risque de durcissement ou d'affrontements violents ?
R - Nous imaginons évidemment que ce régime, tel que nous le connaissons, va être tenté de dissimuler des choses, déjà il les retarde et il doit rechercher à l'heure actuelle par quel procédé il peut sauver les meubles. Je crois que ce sera difficile, compte tenu de la vigilance et de l'attention du monde et de cette aspiration interne, forte et courageuse du peuple serbe. Quelque chose a commencé dimanche dernier qui ne pourra plus être arrêté. Notre grand objectif est de réintégrer la Serbie dans l'Europe, avec tout ce que cela pourra comporter plus tard. Nous savons maintenant que nous pourrons atteindre cet objectif, même si je ne peux pas vous dire exactement quand.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2000)
Aujourd'hui, et quoique puissent prétendre les autorités de Belgrade, il semble désormais incontestable que Slobodan Milosevic a perdu et que M. Vojislav Kostunica a gagné. Quelque chose a commencé avec ce vote qui ne s'arrêtera plus. L'heure du changement a sonné à Belgrade.
Je rends hommage au courage politique du peuple serbe qui a trouvé en lui-même la force d'aller voter pour sortir de l'impasse tragique dans laquelle l'avait enfermé la politique de Slobodan Milosevic. Par ce vote il a clairement et massivement dit oui : à la démocratie, à l'avenir, au retour de la Serbie en Europe.
A ce courage, l'Europe, qui avait tendu la main au peuple serbe, doit répondre par des actes, comme elle s'y était engagée en cas de victoire de la démocratie.
L'Union européenne doit réviser sa politique.
Au nom de la présidence, je prends les initiatives nécessaires, et je demande notamment à la Commission de soumettre les propositions requises pour une levée rapide des sanctions qui frappent la République fédérale de Yougoslavie.
Le peuple serbe a exprimé sa confiance à M. Kostunica, qui représente dorénavant aux yeux du monde une République fédérale de Yougoslavie nouvelle, pour faire face à la situation ainsi créée et aux manoeuvres que pourrait tenter un pouvoir en perdition pour retarder l'échéance. Il sait, et le peuple doit savoir, qu'ils peuvent compter sur l'Europe.
(source httpwww.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2000)
Q - Ministre français des Affaires étrangères, vous avez appelé, mardi, l'Union européenne à " une levée rapide des sanctions qui frappent la Yougoslavie", en estimant qu'il était d'ores et déjà incontestable que Slobodan Milosevic a perdu et que Vojislav Kostunica a gagné. Cette initiative et cette estimation n'étaient-elles pas prématurées ?
R - L'Union européenne doit être à la hauteur du courage que les Serbes ont montré dimanche. Voici un peuple enfermé depuis des années dans une propagande communistonationaliste et qui a trouvé en lui-même la force de secouer ce joug. Toutes les indications dont nous disposons concourent en effet à prouver que les Serbes ont voté massivement dimanche contre Milosevic. A Evian, les Quinze s'étaient engagés à une révision radicale de leur politique envers la Serbie en cas de changement vers la démocratie. Ils l'avaient confirmé le 18 septembre en annonçant la levée des sanctions dans cette hypothèse. Vojislav Kostunica nous a dit que ce message avait été entendu. Nous devons maintenir la pression sur Milosevic. J'ai donc demandé à la Commission de Bruxelles de nous faire des propositions afin que l'Union européenne soit en mesure de lever les sanctions, ce que l'Allemagne a d'ailleurs déjà réclamé.
Q - Vous sembliez, au moment où vous avez pris cette initiative, exclure l'hypothèse selon laquelle Milosevic et Kostunica revendiqueraient tous deux la victoire à l'élection présidentielle et vous semblez aussi tenir M. Kostunica pour garant du rétablissement de la démocratie en Serbie...
R - Je n'exclus aucune hypothèse mais, pour l'heure, notre priorité c'est de soutenir le choix du peuple serbe et de renforcer ce mouvement démocratique. Nous devons montrer que nous sommes prêts à tenir les engagements d'Evian sans condition supplémentaire. Sinon, on sous-estimerait ce qui s'est passé dimanche, on ferait peser la contrainte sur Kostunica et on laisserait Milosevic maître du jeu !
Q - Un responsable américain a fait savoir, mardi, que les Etats-Unis n'étaient pas encore prêts à envisager la levée des sanctions. Y a-t-il une divergence avec eux sur ce sujet ?
R - Ma déclaration engage l'Union européenne dans sa politique vis-à-vis de la Serbie. Après que les Quinze ont pris leur initiative à Evian, les Américains s'y sont associés. Il y a un complet accord entre les Etats-Unis et l'Union européenne sur le soutien au changement démocratique en Serbie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 septembre 2000)