Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, sur la coopération avec la Chine en matière de lutte contre l'immigration clandestine et sur les droits de l'homme, Beijing le 8 janvier 2004.

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Circonstance : Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, lors de son voyage en Chine du 7 au 10 janvier 2004-propos du ministre

Texte intégral

Les entretiens que j'ai eus ont révélé une parfaite identité de vues sur la nécessité de lutter contre l'immigration clandestine et ceux qui exploitent la misère humaine. Il y aura des échanges d'officiers de police, des échanges d'informations. Des spécialistes de la lutte contre les trafics de migrants, et contre les trafics de stupéfiants seront échangés, des équipes de policiers français passeront plusieurs semaines en Chine, des équipes de policiers chinois passeront plusieurs semaines en France. Nous avons également signé un accord sur la sécurité civile, et par ailleurs j'ai eu l'honneur d'être reçu par le Président chinois, ce qui m'a permis d'évoquer avec le Président un certain nombre de grandes questions touchant à la région et à la Chine. Je poursuivrai demain mon voyage sur Hongkong avec la même priorité qui est celle de la maîtrise des flux migratoires (...)
S'agissant des accords avec les Chinois sur l'immigration, ils concernent premièrement le nombre de laisser-passer consulaires pour l'expulsion des Chinois qui sont déjà en France, les autorités chinoises m'ont fait valoir, ce que je comprends parfaitement, qu'ils ne veulent pas accepter sur leur territoire une personne qui ne serait pas Chinois, cela me semble tout à fait légitime, nous avons donc convenu que nos collaborateurs respectifs travailleraient ensemble pour améliorer la procédure des preuves qui sont demandées pour établir l'identité d'un clandestin chinois en France, ce qui devrait aboutir à une accélération de la procédure et également à une augmentation du nombre de visas consulaires qui seraient délivrés par les autorités chinoises pour récupérer des Chinois en situation illégale. Le 2ème axe de nos accords, c'est un échange opérationnel de nos informations et pour être sûr que cela soit fait au quotidien, nous avons décidé d'implanter dans nos aéroports, je pense à Roissy pour la France, je pense à Pékin et à Shanghai pour la Chine des officiers de liaisons français qui auront l'habitude de travailler avec leurs collègues chinois pour pouvoir endiguer la montée de l'immigration clandestine qui est un phénomène qui inquiète beaucoup la France, pas simplement quand il vient de Chine, mais quand il vient d'un certain nombre d'autres pays. Ceci m'a conduit à négocier un certain nombre d'accords avec la Bulgarie, le Sénégal ou le Mali et aujourd'hui avec la Chine (...)

La France est parfaitement consciente de ce que peut représenter économiquement parlant le formidable marché du tourisme chinois, l'élévation du niveau de vie en Chine, la croissance, le progrès économique et c'est une bonne nouvelle pour les Chinois d'abord, pour le reste du monde ensuite, des milliers de Chinois peuvent et veulent voyager. C'est d'autant moins un problème que sur les 130 000 demandes de visas qui ont déposées auprès des services français. 84 % ont reçu une réponse affirmative. Et donc s'agissant de l'immigration régulière, fut-elle l'immigration d'hommes d'affaires, de touristes ou d'étudiants, la France ne voit que des avantages à ce que cette immigration puisse se poursuivre. Mais ce qui met en péril cette immigration, ce sont les filières clandestines qui ont amené des milliers de Chinois sans-papiers à la suite d'ailleurs de voyages organisés, à partir de la Chine, pas forcément à destination de la France mais avec un transit, à se retrouver sur le territoire national. Et c'est cette immigration clandestine que la France n'accepte pas. Et c'est la raison d'un accord entre les autorités chinoises et les autorités françaises pour combattre les filières criminelles d'organisation clandestine, renvoyer en Chine des Chinois qui n'ont pas de papiers, mais en même temps que puissent se dérouler normalement les flux d'échanges de populations entre le grand pays qu'est la Chine et le pays souverain également qu'est la France (...)
Nous pensons, enfin qu'il y a en France aux alentours de 45 000 chinois installés régulièrement en France avec papiers. Ce chiffre ne comporte pas les enfants, on estime à partir de là, la communauté chinoise vivant régulièrement en France aux alentours de 250 000 même si certaines sources, vous savez en la matière les chiffres ne sont pas toujours aussi précis qu'on le souhaiterait, montent jusqu'à 400 000 certainement en faisant l'amalgame d'immigrés en situation irrégulière dans notre pays depuis de nombreuses années. Cela c'est un premier élément. Deuxième élément, le chiffre le plus sûr que l'on connaisse de clandestins et le seul incontestable c'est celui des non-admis, c'est-à-dire du nombre de Chinois en situation clandestine qui ont été interpellés à la première frontière de France Roissy au sortir de l'avion, ce chiffre est d'environ 4 000 personnes sur l'année 2003. On est donc de l'ordre de quelques milliers. Mais nous observons un phénomène qui nous inquiète c'est que ce nombre a augmenté de 50 % d'une année sur l'autre. Quant aux autres chinois en situation irrégulière, chaque année, nous les estimons à quelques centaines. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il me semble relativement raisonnable de dire que le nombre d'immigrés en situation irrégulière, qui tentent de venir et qui réussissent à venir sur le territoire national chaque année doit être de l'ordre de 6 à 7 000. Par rapport aux 30 000 personnes que, d'une manière ou d'une autre, nous raccompagnons chez elles, ce n'est pas un score négligeable. Et surtout ce qui nous inquiète c'est l'augmentation. Je veux cependant dire que cette année, grâce à la collaboration entre le gouvernement chinois et le gouvernement français, les procédures de reconduite des non-admis se sont très bien passées. Puisque c'est pas moins d'une trentaine de vols commerciaux, à bord desquels avaient pris position de 5 et 25 clandestins qui ont été organisés tout au long de l'année 2003. Ce que je voudrais que vous compreniez c'est que nous avons la même identité de vues. Les Chinois qui viennent en France régulièrement doivent être bien accueillis. Les Chinois qui n'ont pas de papiers seront reconduits, mais même s'ils n'ont pas de papiers, ils doivent être considérés et traités de façon conforme aux règles internationales. Et j'ai eu l'occasion de dire au gouvernement chinois que je suis très sensible et très sensibilisé à la question. Je ferai en sorte que les quelques incidents que nous avons pu connaître, et qui sont désagréables pour nos amis chinois, ne se reproduisent pas, c'est-à-dire que telle ou telle personne ait eu le sentiment, à Roissy ou ailleurs qu'on ne la traitait pas bien. Il n'y a aucune raison à cela et je comprends parfaitement qu'on nous demande en la matière un droit à l'erreur zéro. Cela sera facilité par le fait qu'avec les officiers d'immigration chinois en France, on pourra détecter plus facilement l'origine d'un passeport, s'il est vrai ou s'il est faux. Et s'il y a un problème de contestation, il pourra être traité rapidement avec quelqu'un qui parle chinois et qui permettra, pour ceux qui seront reconduits, de voir rapidement s'il s'agit qu'un chinois ou de quelqu'un qui ne l'est pas, ce qui est plus facile pour un officier chinois que pour la police de l'air et des frontières française et chacun peut le comprendre (...)
Le fait est que 2004 marque le 40ème anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France et que certainement les autorités chinoises ont voulu montrer en m'accordant cette audience avec le président Hu Jintao le prix qu'elles attachaient à recevoir non pas une personne mais un représentant parmi d'autres, d'un pays qui n'est pas un pays parmi les autres, puisqu'en 1964, la France a reconnu la Chine. Je pense que personne parmi les cercles dirigeants chinois, même si nous en sommes à la 4ème génération, personne n'a oublié cela (...)
Vous avez raison la portée réelle d'un accord c'est l'application que l'on en fait. Je sais parfaitement qu'un accord, fut-il un accord aussi précis que possible, ne vaut que de l'application qu'on en fait. Je suis confiant car j'observe que l'efficacité de notre collaboration remonte déjà à plusieurs mois lorsque j'avais reçu le prédécesseur du Ministre de l'intérieur actuel à Paris et que celui-ci dès le mois d'octobre 2002 m'avait présenté cette invitation à venir en Chine. On se comprend mieux et sur des points techniques comme par exemple, la nécessité ou non de mettre des escortes quand on renvoie en Chine un chinois qui n'a pas de papiers. Compte tenu de la durée du voyage, vous vous rendez compte que c'est extrêmement consommateur en effectifs. La compagnie Air France demande deux accompagnateurs pour une expulsion. Donc avec nos amis chinois nous avons trouvé un système qui permet d'alléger les effectifs. Par ailleurs, je dois dire que Air China et China Eastern font beaucoup d'efforts pour contrôler à l'embarquement. Et donc les choses vont beaucoup mieux (...)
La lutte contre le terrorisme. Sur bien des points la France et la Chine font la même analyse de la situation internationale. La Chine a mis en accusation un certain nombre d'organisations qu'ils qualifient ou qui ont été qualifiées d'organisations terroristes. J'ai dit qu'à la demande de la Chine, la France qui est un pays ami de la Chine mènerait cette enquête et en livrerait les résultats à nos amis chinois. Je crois d'ailleurs que c'est un problème qui se pose pour d'autres pays européens que nous.
Nous avons évoqué la question des droits de l'homme avec le Ministre de l'intérieur, nous l'avons évoquée de façon extrêmement sereine. Je dois dire que lui-même l'a évoquée à mon endroit en me posant la question du traitement des Chinois en zone de rétention. Je crois lui avoir apporté tous les apaisements nécessaires puisque j'ai proposé qu'un officier chinois regarde les choses lui-même et de près. La Chine connaît la position traditionnelle de la France. La France considère que la question des droits de l'homme est une question extrêmement importante qui doit se traiter, entre la Chine et elle par le dialogue. Nous en avons parlé. J'ai dit tout l'intérêt que la France accorde à ce que nous recevions des informations sur la liste des détenus que le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a remis à son homologue lors du voyage qu'il a effectué il y a quelques mois, c'est-à-dire au mois d'avril, C'est une question que nous avons évoquée très simplement et très clairement. Sur les clandestins qui sont renvoyés de France en Chine, vous avez noté, qu'ils ne sont jamais renvoyés pour des raisons politiques sinon, si tel avait été le cas, ils auraient sollicité et obtenu le statut de réfugié politique. Aucun de ceux qui ont été renvoyés, je crois qu'il y en a en tout et pour tout 168 n'ont eu à subir de contrainte au sens d'une incarcération ou d'un procès lorsqu'ils sont revenus en Chine après avoir été expulsés de France (...)
La question d'une régularisation massive, je vous le dis très simplement n'est pas envisageable. Pourquoi n'est-elle pas envisageable ? Parce que la France, au cours des 20 dernières années, a procédé, si mon souvenir est exact, à trois régularisations massives qui n'ont rien résolu à la question. Pour un pays d'un milliard trois cent millions d'habitants et qui augmente sa population de douze à quinze millions par an, vous imaginez le signal que serait le fait que l'on dise que l'on régularise tout le monde. Il existe cependant en France, une procédure connue sous le terme de " régularisation au fil de l'eau " qui permet à une personne qui restée en France de façon irrégulière depuis 10 ans, d'être régularisée si elle peut prouver son arrivée dix ans auparavant. C'est le système que nous avons retenu pour ne pas nous trouver confronté à des problèmes humains qui seraient des problèmes insolubles. Il y a un autre cas, c'est lorsque la personne est entrée en France sans papiers qui s'est mariée à un Français ou a eu un enfant sur le territoire national, elle pourra alors acquérir soit la nationalité française soit un titre de séjour. Mais la régularisation globale n'est pas une voie que nous retiendrons.
(source http://www.ambafrance-cn.org, le 13 janvier 2004)