Déclaration de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, sur les dernières échéances avant la mise en oeuvre effective du nouveau code d'approbation des dépenses publiques offert par la LOLFpour 2006, Paris le 9 juin 2004.

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Circonstance : Colloque de l'Institut de l'Entreprise : " La LOLF à un an des échéances : quel chemin reste-t-il à parcourir ?" Paris le 9 juin 2004

Texte intégral

Monsieur le Rapporteur général, cher Gilles Carrez,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le Président de l'Observatoire de la Dépense publique, cher Yves Cannac,
L'Institut de l'Entreprise réunit cette année encore, à travers son Observatoire de la Dépense publique, un grand nombre d'acteurs et de praticiens de la Loi organique relative aux lois de finances.
La LOLF ne doit pas être une affaire de spécialistes, gardant pour eux les bienfaits de cette réforme que le Parlement, unanime, a conçue pour l'ensemble des Français.
Je ne puis donc que saluer très chaleureusement les organisateurs de cette journée, qui contribuent à diffuser au-delà des administrations centrales les avancées de la nouvelle constitution financière. Et qui permettent d'irriguer la société civile des exigences qui sont aujourd'hui les nôtres.
Permettez-moi d'adresser un amical salut à Yves Cannac, en le remerciant pour son inlassable action au service du " décloisonnement ", de la démocratisation et du succès de la LOLF.
Comme le rappelle justement le titre même du colloque qui nous rassemble, nous sommes à un an de la mise en uvre effective du nouveau mode d'approbation des dépenses publiques offert par la LOLF.
" Quel chemin reste-t-il à parcourir ? " : je répondrai d'emblée à votre interrogation que l'année qui nous reste (ou plus exactement les 18 mois) sera bien chargée.
Nous avons beaucoup fait depuis l'adoption de la LOLF, mais, j'en conviens volontiers, nous avons fait le plus simple. Le plus dur est maintenant devant nous.
Dans votre interrogation, je sens poindre, en filigrane, une inquiétude. Qu'il me soit permis ici de la lever, avec la plus grande énergie : quelles que soient les difficultés que nous trouvons sur notre route, et comme l'a rappelé Nicolas Sarkozy dès son arrivée aux Finances, nous serons prêts dans les délais imposés, pour faire de la LOLF un succès dès 2006.
Pour autant, nous n'ignorons pas que la réforme n'a de sens que si elle se traduit par une mutation profonde des pratiques et des mentalités. Et cet aspect là de la révolution qui est en marche prendra bien plus que 18 mois !
Où en sommes-nous de la réforme ?
Le projet de maquette du budget de l'Etat, en missions, programmes et actions, qu'Alain Lambert avait présenté le 21 janvier dernier, a été minutieusement ré-examiné par le Parlement. Au prix d'une importante mobilisation, les parlementaires se sont appropriés ce projet.
Ils l'ont enrichi, en quelques semaines à peine, de propositions extrêmement intéressantes, offrant une plus grande lisibilité et une meilleure cohérence d'ensemble.
Sur la base de ces propositions, qui sont, par principe, accueillies favorablement, le Premier ministre a décidé de lancer une dernière consultation des ministères. La maquette est sur le point d'être définitivement arbitrée, et je peux déjà vous annoncer qu'elle reprendra un très grand nombre des propositions des parlementaires.
Une fois cette étape majeure franchie, nous avons devant nous plusieurs rendez-vous importants :
-Le premier de ces rendez-vous concerne la mesure de la performance. Il est imminent. A l'occasion du traditionnel Débat d'Orientation Budgétaire, qui se tiendra cette année le 24 juin à l'Assemblée nationale et le 8 juillet au Sénat, nous présenterons un guide méthodologique de la performance. Il détaillera la vision partagée du Gouvernement, du Parlement et de la Cour des comptes sur la performance de l'action publique. Dans le même temps, chaque ministère devra faire connaître le nom des responsables de chacun des quelques 130 programmes LOLF.
Je voudrais insister un instant sur cette notion, parfois mal comprise, de responsable de programme. On pourrait dire, après tout, que le seul responsable de programme qui vaille est le ministre. Et, en effet, c'est bien lui qui présentera son bilan par rapport aux résultats passés et son projet de budget à venir.
Mais derrière lui, il faut qu'un nouveau métier naisse au cur de la fonction publique : celui de " manager " des politiques sectorielles de l'Etat. Ce " manager " sera à la tête d'un programme correspondant à une vraie politique publique identifiable et sera jugé en fonction des résultats concrets qu'il obtient. Ceci n'a de sens, bien sûr, que si le responsable de programme est en même temps placé à la tête d'une administration en charge de le mettre en uvre.
Dans bien des cas cependant, faute d'une réorganisation administrative préalable, les situations seront plus complexes et les responsables de programme auront une véritable fonction de synthèse à accomplir.
La performance ne va pas de soi, dans l'administration comme dans le monde de l'entreprise. Le témoignage des grands patrons du privé qui siègent dans le Conseil pour la nouvelle constitution financière est à cet égard très instructif. Mais dans la fonction publique, qui n'a pas " grandi " dans cette culture de la performance et du résultat, les résistances sont sans doute plus naturelles, et d'ailleurs parfaitement compréhensibles.
La performance, cela s'apprend. Cela se construit. C'est dans cette optique que nous avons conçu le guide dont je viens de vous parler. Sa diffusion devra s'accompagner d'un effort particulier de formation au sein des administrations. Nous y travaillons.
-Le deuxième grand rendez-vous est fixé à la rentrée, avec le Projet de loi de finances pour 2005. Vous le savez, ce PLF sera historique à sa façon : ce sera le dernier à être présenté et voté selon les canons de l'ordonnance de 1959.
Ce sera aussi l'occasion d'une présentation " à blanc " du budget en missions, programmes et actions. Nous voulons que cette répétition soit la plus féconde possible. Voilà pourquoi, avec huit mois d'avance par rapport au calendrier de la loi organique du 1er août 2001, nous fournirons au Parlement une première version des rapports annuels de performance, présentant les stratégies, les objectifs et les indicateurs de performance associés aux programmes budgétaires.
Il faudra que les parlementaires, comme pour la maquette budgétaire, nous donnent un avis détaillé sur ce " premier jet " en matière d'informations sur la performance. Ces informations seront-elles suffisamment claires et objectives à leurs yeux ? Comment souhaiteront-ils que les ministres les améliorent ?
Nous voulons que le budget soit plus lisible. C'est aussi par ce progrès que le Parlement jouera mieux son rôle. Nous donnerons des gages clairs en ce sens. Le PLF sera enrichi d'une documentation budgétaire bien plus complète et pertinente au regard des choix stratégiques sur lesquels le Parlement sera amené à se prononcer. Les procédures de dialogue budgétaire, en cours de révision, donneront une plus grande place aux vrais enjeux financiers et permettront une mise en perspective pluriannuelle de l'évolution des dépenses.
De son côté, le Parlement devra mettre en place une organisation rénovée du débat budgétaire, allant sans doute dans le sens d'un renforcement du débat au moment de la loi de règlement. La loi de règlement doit devenir une vraie occasion d'auditer les résultats passés. L'autre piste qui sera sans doute suivie passe par un rééquilibrage des rôles respectifs de la commission des finances et des commissions sectorielles, dont l'apport sur l'examen des performances peut être capital.
-Notre troisième rendez-vous, au début 2005, consistera à accélérer et généraliser de façon décisive les expérimentations en grandeur réelle, préfigurant les programmes. La globalisation des crédits, les budgets opérationnels de programme, la nouvelle gestion des effectifs et des dépenses de personnel, la gestion des autorisations d'engagement sont des sujets que les services doivent s'approprier et maîtriser avant l'étape finale de septembre 2005. Nous sommes donc déterminés à tester en grandeur nature les futurs budgets opérationnels de programmes et à organiser, d'ici là, les formations nécessaires.
Enfin, pour accompagner cette montée en puissance et permettre une mise en uvre sans risque de la réforme budgétaire, nous adapterons les systèmes d'information budgétaire existants. Une nouvelle application informatique sera développée et mise sur pied par étape, en prenant le temps de remettre à plat, simultanément, la chaîne de la dépense. Voilà qui nous permettra une gestion plus efficace de la dépense de l'État.
L'immensité de la tâche à accomplir pourrait donner le vertige et nous décourager. Bien au contraire, elle nous incite à redoubler d'efforts. Elle nous appelle à intensifier notre dialogue avec chacun des acteurs de ce chantier (administrations, ministres et bien entendu parlementaires) : en se parlant, en échangeant, en expérimentant, en se formant, nous apportons, chacun à notre place, notre pierre à l'édifice.
Telle est aujourd'hui notre disposition d'esprit. Notre énergie et notre volontarisme, que je sais partagés par tous les orateurs de ce colloque, nous les puisons dans les bienfaits de cette réforme budgétaire que nous anticipons, pour l'ensemble de la sphère publique.
Ce n'est qu'au terme de ces efforts considérables que nous parviendrons à replacer le Parlement au cur de la procédure parlementaire, à mieux présenter et contrôler les dépenses publiques, en ayant le souci permanent du coût de chacune des politiques publiques pour le contribuable, rapporté à la qualité du service rendu. Au-delà, il s'agit bien de réconcilier les citoyens avec l'État, l'action publique et son financement. L'Observatoire de la dépense publique nous le rappelle régulièrement.
Dans cette entreprise un peu révolutionnaire, nous concevons bien, tous à notre place, qu'il n'est pas simple de réformer, en si peu de temps, presque 50 ans de pratique budgétaire et de casser tant d'habitudes.
Le calendrier que nous avons retenu nous permettra d'être à l'heure de ce rendez-vous historique et à la hauteur des exigences que les Français placent en nous. Le tempo retenu est exigeant, mais il respectera les engagements pris devant le Parlement, tout en restant compatible avec la complexité d'un chantier sans équivalent. Nous tiendrons compte des facteurs humains, budgétaires et techniques que nous rencontrerons. Nous tirons l'enseignement des leçons de l'expérience, à chaque étape de son déploiement.
La réforme budgétaire s'est rapidement imposée comme un des axes majeurs de réforme de l'État. Mais elle ne donnera toute sa mesure que si les autres chantiers de la réforme de l'Etat progressent à la même vitesse et démultiplient les effets de la LOLF.
Je pense en particulier à la modernisation de la gestion des ressources humaines. Mais aussi à la montée en puissance du contrôle interne. Et enfin à l'allègement des contraintes pesant sur le gestionnaire.
Vous avez abordé ces différents sujets cet après-midi. Et je suis persuadé, comme vous, que la LOLF n'aura pas de sens si ces réformes n'avancent pas de pair. Comment, en effet, demander à un gestionnaire de suivre un tableau de bord avec une batterie d'objectifs et d'indicateurs si, en même temps, son activité est strictement encadrée par des circulaires déresponsabilisantes et si la seule appréciation qu'on porte sur son activité est celle d'un contrôle de la régularité par un juge ?
Au-delà de la loi, il nous faudra donc changer les comportements. Appliquer la LOLF à la lettre ne suffira pas, il faudra aussi en respecter l'esprit. Je finirai sur ce point.
La réforme budgétaire n'est pas encore assez sortie du cercle des familiers et des initiés, concentrés au sein du Ministère de l'Economie ou des directions administratives et financières des ministères. Les expérimentations nous aideront à diffuser cette réforme au-delà des spécialistes, de l'échelon central vers le niveau déconcentré, et à la sortir de l'administration pour la faire partager à la société civile et aux Français.
L'essentiel est à venir. Dans les 18 mois qui viennent, et que nous affrontons en confiance, nous ne perdrons pas une occasion d'échanger avec les parlementaires et la société civile pour bâtir, ensemble, la réforme la plus aboutie et la plus efficace possible.
Si nous réussissons cela, nous aurons fait considérablement avancer notre cause. Et nous montrerons ainsi, ensemble, au-delà des clivages partisans, que l'État peut être, avec vous, pour vous et pour nos concitoyens, au rendez-vous de la réforme.
Je vous remercie.
(Source http://www.moderfie.finances.gouv.fr, le 31 août 2004)