Texte intégral
Question (Stéphane Paoli) : Le maximum de points d'accord sera-t-il trouvé avec le ministre de l'Economie ainsi que le souhaite Jean-Pierre Raffarin dans la lettre de cadrage confirmant la politique de rigueur qu'il vient d'envoyer aux ministres du Gouvernement ? Concernant le ministère de l'Intérieur, Dominique de Villepin aura-t-il les moyens de financer les réformes engagées par Nicolas Sarkozy, son prédécesseur ? Mais aussi, la réforme des corps et carrières des policiers, et la loi de programmation sur la sécurité intérieure ? 6000 commissaires de police viennent de signer une pétition contre la réduction prévue de leurs effectifs.
D'abord, un mot sur Roissy, avec un bilan corrigé mais qui malheureusement reste lourd : 4 morts. Est-il possible, ce matin - on lit dans les journaux toutes sortes de tentatives d'explications - de comprendre ce qui a pu se passer ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Je crois que seule l'enquête pourra nous le dire. Ce que j'ai vu hier, avec Gilles de Robien, c'est un enchevêtrement d'acier, de béton et de verre. Un chantier, comme l'ont dit les sauveteurs, qui ressemble à celui que l'on voit dans les tremblements de terre. Donc, c'est quelque chose d'énorme, de très difficile. Et je tiens à rendre hommage ici au travail qui a été fait par ces sauveteurs, dans des conditions extrêmement difficiles. De même d'ailleurs, que je tiens à rendre hommage à la vigilance des fonctionnaires de police qui ont pu très rapidement, dans des conditions difficiles, mettre en place un périmètre de sécurité et éviter le pire.
Question : Mais est-il vrai que, quelques heures auparavant, voire quelques jours auparavant, des signes - ce n'étaient que des signes - laissaient indiquer peut-être une fragilité du système, des déformations, avez-vous entendu ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Hier, lors des entretiens que j'ai pu avoir avec le président d'Aéroports de Paris, un certain nombre de responsables sur place, aucune indication en ce sens ne m'a été donnée. Donc, je crois qu'il est prudent d'attendre l'enquête avant de tirer la moindre conclusion.
Question : Etes-vous, ce matin, encore un homme en colère ? Considérez-vous, alors que les lettres de cadrage sont arrivées - pour certaines d'entre elles d'ailleurs, dès ce matin, les premières vendredi - qu'il faudra décidément faire des économies de "bouts de chandelle" ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : J'ai réagi lors du séminaire gouvernemental comme un homme responsable. Je suis en charge d'une grande administration. Un séminaire gouvernemental consacré au budget 2005, c'est, par définition, un séminaire qui met les problèmes sur la table. Et c'est la responsabilité d'un ministre, dans un cadre qui devrait être confidentiel, que de pouvoir s'exprimer librement sur ce sujet. J'ai tenu à attirer l'attention sur deux aspects. Le premier, c'est qu'il fallait que nous trouvions des économies à la mesure des enjeux. Commençons cette année 2005 avec déjà des engagements extrêmement importants, il faudra donc trouver des sommes qui soient à le mesure des ces enjeux. Et j'ai insisté sur le fait que, éparpiller, saupoudrer des mesures d'économies sur un certain nombre de ministères, au risque de remettre en question les engagements qui ont été pris et l'action qui a été menée, dans le domaine qui est le mien, où chacun sait que les efforts faits en matière de sécurité sont des efforts fragiles, qui doivent s'inscrire dans la durée, qui demandent de la détermination, alors même que les forces de sécurité - police, gendarmerie, sapeurs-pompiers - sont toutes mobilisées et font un travail que chacun reconnaît, tout cela est dangereux. Donc, il faut véritablement trouver des solutions qui soient adaptées aux problèmes que nous connaissons. Chacun doit évidemment porter sa part, mais encore faut-il le faire selon un principe de justice. Et j'ai aussi indiqué lors de ce séminaire que j'entendais que la règle qui soit appliquée au ministère de l'Intérieur ne soit pas plus sévère que celle qui est appliquée à d'autres ministères et en particulier, que le gel sur la loi de Finances initiale qui m'a été appliqué pour l'année 2004, ne soit pas supérieur à celui qui a été appliqué pour l'année 2003 et en l'occurrence, il est plus du double.
Question : Alors, aux résultats, est-ce que vous aurez les moyens d'engager des réformes souhaitées et amorcées par votre prédécesseur, N. Sarkozy, et de mener vous-même les réformes que vous, vous souhaitez mener aujourd'hui ? Pourrez-vous tout faire ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Mais si j'ai posé ces questions lors du séminaire, c'est qu'il est impensable qu'il en soit autrement. Il n'y a pas de pause possible dans la bataille contre l'insécurité. Qu'il s'agisse du terrorisme, qu'il s'agisse de l'insécurité sur notre territoire, de la délinquance, petite, moyenne, grande, le crime organisé, nous ne pouvons pas nous arrêter et attendre des jours meilleurs, que l'argent rentre dans les caisses de l'Etat. Le premier devoir d'un pays, c'est la sécurité de nos compatriotes. Alors, que l'on cherche à faire des économies, ici et là, c'est une chose. Que l'on soit mobilisé, jour après jour, sur cet objectif essentiel, cela me paraît une évidence. Et d'ailleurs, je tiens à dire ici que, dans le dialogue que j'ai avec N. Sarkozy, ceci ne fait pas problème. Et bien évidemment, nous allons trouver au cours des prochains jours des solutions adaptées.
Question : "Le maximum de points d'accord" de points d'accord, comme le souhaite le Premier ministre, c'est en voie d'aboutissement ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Mais tout à fait. J'ai eu l'occasion d'en parler avec le Premier ministre, le président de la République, avec N. Sarkozy, avec lequel j'entretiens des relations de confiance et d'amitié. Et je suis sûr que nous trouverons les solutions adéquates.
Question : Il y a tout de même néanmoins 7 milliards d'économies à trouver, c'est vraiment beaucoup. Comment faire quand, pour engager la réforme des corps et carrières de la police, sans trop l'étaler dans le temps ? Là encore, si on prend la presse écrite, un papier écrit dans Le Monde, récemment, disait que cette réforme devrait peut-être être étalée jusqu'en 2012.
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : C'est le choix que j'ai fait, qui est un choix de responsabilité, car cela implique de remettre à plat les rapports entre les différents corps. Cela implique de renforcer l'encadrement sur le terrain et pour cela nous allons créer une nouvelle catégorie, celle des "brigadiers", cela devrait permettre d'affirmer la responsabilité de l'ensemble des acteurs de la sécurité sur le terrain. Nous souhaitons aussi améliorer le recrutement des fonctionnaires de police. Par exemple, pour devenir gardien de la paix, il faudra avoir le bac, pour devenir officier de police, il faudra avoir le bac + 3. Je souhaite aussi accroître la mobilité à l'intérieur des corps et entre les corps, de façon à ce que l'on puisse devenir commissaire quand on est officier et devenir officier quand on est gardien de la paix. Donc, tout ceci c'est une réforme d'envergure, c'est une réforme qui vise à mobiliser encore davantage, à rendre plus efficace notre police au service de l'ensemble de nos compatriotes. Ce sont des réformes indispensables qui sont dans le droit fil de la mobilisation qui a été engagée très fortement au cours des deux dernières années. Il faut transformer l'essaI. Je le dis, la sécurité, cela doit s'inscrire dans la durée. C'est la détermination qui est essentielle et c'est bien cette détermination qui sera au rendez-vous.
Question : Mesurez-vous l'inquiétude des commissaires qui disent : après tout 2012 !, vous vous rendez compte, on aura eu le temps de voir passer plusieurs gouvernements, et peut-être que ces hommes-là ne seront plus en place, disent-ils ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : C'est une réforme ambitieuse. C'est donc une réforme qui demande du temps. Bien évidemment, les bénéfices de cette réforme se feront sentir bien plus tôt et nous allons tout faire pour que dès les premières années, cette réforme soit véritablement lancée. De la même façon, nous voulons moderniser notre sécurité civile, moderniser l'ensemble du corps des sapeurs-pompiers, vous savez à quel point ils sont dévoués au service de la nation, sapeurs-pompiers civils et militaires, sapeurs-pompiers volontaires et professionnels. Il y a là un grand effort à faire, en particulier pour la fin de la carrière pour ceux qui ont des difficultés opérationnelles en fin de carrière. Pour les professionnels, il s'agit de permettre qu'ils puissent accéder à un certain nombre de projets personnalisés ; pour les sapeurs-pompiers volontaires, il s'agit qu'ils puissent avoir un avantage retraite. C'est notre intérêt que de fidéliser sur une longue période ces sapeurs-pompiers volontaires. Donc, il y a là dans tous ces domaines, un travail de modernisation, il faut continuer à avancer, continuer à travailler. C'est véritablement l'objectif qui est le mien.
Question : Et en plus, la réforme des Renseignements généraux. Cela fait beaucoup de chantiers avec un budget pas si important que cela !
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Mais parce que les défis
Question : On dit que c'est même une mini-révolution, la réforme des RG.
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Ce sont des défis très importants, parce que les menaces évoluent. Et quand les menacent évoluent, bien évidemment, il faut que nos moyens soient adaptés. Prenons effectivement le cas des Renseignements généraux : il faut s'adapter à une menace terroriste qui est plus fluide, plus mobile, plus opportuniste. Cela implique que nous soyons sur le terrain, capables de suivre, parlons de l'islamisme radical par exemple, capables de suivre la situation. Nous ne pouvons plus distinguer comme on le faisait auparavant, d'un côté, les prédicateurs qui appellent à la violence, de l'autre côté, ceux qui posent les bombes. Il y a une continuité qui s'établit, la vigilance doit être de règle. De la même façon, nous voyons une montée de l'antisémitisme, une montée d'actes de racisme dans notre pays. Nous devons lutter contre toutes les formes de discrimination. C'est un élément tout à fait essentiel.
Question : Cela vous préoccupe-t-il ces sondages publiés récemment, c'était dans France-Soir la semaine dernière, qui indiquent, qu'au fond, les Français considèrent que l'islam et la République ce ne sont pas des choses compatibles ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Bien sûr, parce que nous devons éviter toutes sortes d'amalgames. Autant, nous devons être extrêmement fermes contre les individus qui ne respectent pas les lois de notre République, voire qui veulent mettre en cause la sécurité de notre territoire - là, la plus grande fermeté, et c'est pour cela que j'ai pris un certain nombre de décisions difficiles, notamment en matière d'expulsion - mais autant, nous constater que l'immense majorité des musulmans de France veut vivre en paix dans notre pays, respectueux de notre République. Donc, je crois qu'il faut éviter les amalgames. D'où, là encore, un autre grand chantier, qui est l'organisation de l'islam de France. Nous voulons accompagner les efforts faits par le Conseil français du culte musulman, avec les conseils régionaux. Vous voyez, il y a un travail absolument immense. Nous changeons d'époque, je l'ai souvent dit, comme les Affaires étrangères, je le redis comme ministre de l'Intérieur. Nous ne pouvons pas séparer l'extérieur de l'intérieur. Tout bouge à grande vitesse. La responsabilité des dirigeants, c'est d'avancer plus vite encore que les événements pour éviter justement que nous ayons à payer un prix, en termes de sécurité, en termes d'instabilité. C'est un devoir que celui d'adapter notre pays à ces nouveaux temps.
Question : On ne va pas faire ici d'alarmisme, mais enfin, le plan Vigipirate vient de passer au rouge, des rendez-vous, des dates anniversaires importantes s'annoncent, celle du 6 Juin. Un dispositif particulier, une inquiétude particulière pour vous aujourd'hui ou pas ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : J'ai proposé au Premier ministre et au président de la République que nous changions de niveau concernant Vigipirate pour cette période anniversaire, la commémoration des fêtes de Normandie, parce que nous devons, là encore, recevant un certain nombre de grands dignitaires du monde, faire preuve de responsabilité et être particulièrement vigilants, nous le savons. Les menaces se sont accrues, les attentats de Madrid ont marqué un fort investissement, un fort avertissement à l'ensemble de l'Europe. Cela implique que les dispositions soient prises. Donc, le plan Vigipirate sera appliqué pour la Normandie à partir du 24 mai, et sur l'ensemble du territoire lors des cérémonies. Donc, vigilance, c'est essentiel, tous les risques et toutes les menaces doivent être pris au sérieux, nous devons coopérer avec l'ensemble de nos partenaires européens parce qu'évidemment quand nous agissons ensemble nous sommes plus forts, mais aussi vigilance sur notre territoire, c'est le cas de la police, c'est le cas de la gendarmerie. Je tiens à rendre hommage tout particulièrement à la gendarmerie qui fera partie aussi de ce grand projet de réformes des corps et carrières. Et l'une des réussites, je crois, c'est d'avoir pu trouver un accord avec Michèle Alliot-Marie pour faire évoluer aussi la gendarmerie en même temps que la police. Nous ne voulions pas dissocier ces forces de sécurité qui travaillent ensemble. Donc, je crois que c'est un point et une avancée, qui méritent qu'être signalés.
Question : Une dernière chose, D. de Villepin, est-ce que le palmarès du Festival de Cannes, c'est une réponse de la Vieille Europe au cinéma mondial, même si quatre Américains se trouvaient dans le jury du Festival ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Je crois que c'est d'abord le choix de professionnels du cinéma. Pour ma part, la culture a un regard à apporter sur la politique, surtout dans le temps qui est le nôtre, où l'on voit la peur s'installer trop souvent, peur qui est mauvaise conseillère. Donc, ce regard de la culture, ce regard de l'art sur la politique, c'est un regard qui est stimulant pour la démocratie. Je crois que c'est le privilège des démocraties que d'être capables de devenir meilleures, grâce à ces différents regards. Certains sont impertinents, certains sont excessifs. Chacun doit faire la part des choses, mais cela, c'est le rôle de l'art et aux citoyens, justement de faire son propre jugement. Donc, sur un sujet aussi grave que celui de la guerre et de la paix, que celui de la situation en Irak et du Moyen-Orient, la responsabilité de l'ensemble de nos concitoyens est aujourd'hui engagée. Donc, c'est certainement un exercice stimulant que de se confronter au regard d'un grand cinéaste.
Question : On dit "Festival international de Cannes", c'est donc que c'est un message politique en quelque sorte, même si les organisateurs du festival s'en défendent, c'est un message politique qui sort de cette palme.
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Je ne sais pas facilement dissocier quand les enjeux sont vitaux pour une nation ou pour le monde, le message culturel du message politique. Dans les grands moments de notre histoire, la politique, la culture sont liées dans le destin même des peuples. C'est un principe de responsabilité. Chacun est dans son rôle, l'artiste a son propre message, le politique a le sien. Nous voyons bien aujourd'hui, que le monde est en train de basculer à travers ce qui se passe au Moyen-Orient et la partie n'est pas jouée. Nous pouvons encore faire en sorte que cette partie ne soit pas une véritable nouvelle catastrophe pour le monde. Evitons en particulier que ce qui se passe en Irak ne se relie à ce qui se passe au Proche-Orient. Si ces deux crises venaient, par la maladresse, par la faute d'un certain nombre de grands responsables du monde, a être liées, alors, oui, je crois que quelque chose d'irréparable, d'irréversible serait créé. Il est donc essentiel d'être mobilisé ; c'est tout le sens de la diplomatie française, c'est ce que fait Michel Barnier, c'est ce que fait le président de la République. Nous avons un devoir d'agir, nous avons un devoir de proposition. Nous l'avons fait en proposant une conférence nationale et internationale sur l'Irak. Nous le faisons en disant que le premier devoir de la diplomatie mondiale, c'est de s'attaquer à la question du Proche-Orient, si l'on veut véritablement réduire le risque. Au Moyen-Orient, Irak compris, traitons cette question du Proche-Orient, montrons que les pays occidentaux ne sont pas seulement capables de faire la guerre mais aussi d'inventer la paix. Je crois que c'est un message qui est un message politique mais c'est un message humain, humaniste. C'est le premier devoir de nos pays que de montrer que nous sommes capables de briser des résistances, de changer de politique, de changer d'habitudes.
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 mai 2004)
D'abord, un mot sur Roissy, avec un bilan corrigé mais qui malheureusement reste lourd : 4 morts. Est-il possible, ce matin - on lit dans les journaux toutes sortes de tentatives d'explications - de comprendre ce qui a pu se passer ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Je crois que seule l'enquête pourra nous le dire. Ce que j'ai vu hier, avec Gilles de Robien, c'est un enchevêtrement d'acier, de béton et de verre. Un chantier, comme l'ont dit les sauveteurs, qui ressemble à celui que l'on voit dans les tremblements de terre. Donc, c'est quelque chose d'énorme, de très difficile. Et je tiens à rendre hommage ici au travail qui a été fait par ces sauveteurs, dans des conditions extrêmement difficiles. De même d'ailleurs, que je tiens à rendre hommage à la vigilance des fonctionnaires de police qui ont pu très rapidement, dans des conditions difficiles, mettre en place un périmètre de sécurité et éviter le pire.
Question : Mais est-il vrai que, quelques heures auparavant, voire quelques jours auparavant, des signes - ce n'étaient que des signes - laissaient indiquer peut-être une fragilité du système, des déformations, avez-vous entendu ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Hier, lors des entretiens que j'ai pu avoir avec le président d'Aéroports de Paris, un certain nombre de responsables sur place, aucune indication en ce sens ne m'a été donnée. Donc, je crois qu'il est prudent d'attendre l'enquête avant de tirer la moindre conclusion.
Question : Etes-vous, ce matin, encore un homme en colère ? Considérez-vous, alors que les lettres de cadrage sont arrivées - pour certaines d'entre elles d'ailleurs, dès ce matin, les premières vendredi - qu'il faudra décidément faire des économies de "bouts de chandelle" ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : J'ai réagi lors du séminaire gouvernemental comme un homme responsable. Je suis en charge d'une grande administration. Un séminaire gouvernemental consacré au budget 2005, c'est, par définition, un séminaire qui met les problèmes sur la table. Et c'est la responsabilité d'un ministre, dans un cadre qui devrait être confidentiel, que de pouvoir s'exprimer librement sur ce sujet. J'ai tenu à attirer l'attention sur deux aspects. Le premier, c'est qu'il fallait que nous trouvions des économies à la mesure des enjeux. Commençons cette année 2005 avec déjà des engagements extrêmement importants, il faudra donc trouver des sommes qui soient à le mesure des ces enjeux. Et j'ai insisté sur le fait que, éparpiller, saupoudrer des mesures d'économies sur un certain nombre de ministères, au risque de remettre en question les engagements qui ont été pris et l'action qui a été menée, dans le domaine qui est le mien, où chacun sait que les efforts faits en matière de sécurité sont des efforts fragiles, qui doivent s'inscrire dans la durée, qui demandent de la détermination, alors même que les forces de sécurité - police, gendarmerie, sapeurs-pompiers - sont toutes mobilisées et font un travail que chacun reconnaît, tout cela est dangereux. Donc, il faut véritablement trouver des solutions qui soient adaptées aux problèmes que nous connaissons. Chacun doit évidemment porter sa part, mais encore faut-il le faire selon un principe de justice. Et j'ai aussi indiqué lors de ce séminaire que j'entendais que la règle qui soit appliquée au ministère de l'Intérieur ne soit pas plus sévère que celle qui est appliquée à d'autres ministères et en particulier, que le gel sur la loi de Finances initiale qui m'a été appliqué pour l'année 2004, ne soit pas supérieur à celui qui a été appliqué pour l'année 2003 et en l'occurrence, il est plus du double.
Question : Alors, aux résultats, est-ce que vous aurez les moyens d'engager des réformes souhaitées et amorcées par votre prédécesseur, N. Sarkozy, et de mener vous-même les réformes que vous, vous souhaitez mener aujourd'hui ? Pourrez-vous tout faire ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Mais si j'ai posé ces questions lors du séminaire, c'est qu'il est impensable qu'il en soit autrement. Il n'y a pas de pause possible dans la bataille contre l'insécurité. Qu'il s'agisse du terrorisme, qu'il s'agisse de l'insécurité sur notre territoire, de la délinquance, petite, moyenne, grande, le crime organisé, nous ne pouvons pas nous arrêter et attendre des jours meilleurs, que l'argent rentre dans les caisses de l'Etat. Le premier devoir d'un pays, c'est la sécurité de nos compatriotes. Alors, que l'on cherche à faire des économies, ici et là, c'est une chose. Que l'on soit mobilisé, jour après jour, sur cet objectif essentiel, cela me paraît une évidence. Et d'ailleurs, je tiens à dire ici que, dans le dialogue que j'ai avec N. Sarkozy, ceci ne fait pas problème. Et bien évidemment, nous allons trouver au cours des prochains jours des solutions adaptées.
Question : "Le maximum de points d'accord" de points d'accord, comme le souhaite le Premier ministre, c'est en voie d'aboutissement ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Mais tout à fait. J'ai eu l'occasion d'en parler avec le Premier ministre, le président de la République, avec N. Sarkozy, avec lequel j'entretiens des relations de confiance et d'amitié. Et je suis sûr que nous trouverons les solutions adéquates.
Question : Il y a tout de même néanmoins 7 milliards d'économies à trouver, c'est vraiment beaucoup. Comment faire quand, pour engager la réforme des corps et carrières de la police, sans trop l'étaler dans le temps ? Là encore, si on prend la presse écrite, un papier écrit dans Le Monde, récemment, disait que cette réforme devrait peut-être être étalée jusqu'en 2012.
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : C'est le choix que j'ai fait, qui est un choix de responsabilité, car cela implique de remettre à plat les rapports entre les différents corps. Cela implique de renforcer l'encadrement sur le terrain et pour cela nous allons créer une nouvelle catégorie, celle des "brigadiers", cela devrait permettre d'affirmer la responsabilité de l'ensemble des acteurs de la sécurité sur le terrain. Nous souhaitons aussi améliorer le recrutement des fonctionnaires de police. Par exemple, pour devenir gardien de la paix, il faudra avoir le bac, pour devenir officier de police, il faudra avoir le bac + 3. Je souhaite aussi accroître la mobilité à l'intérieur des corps et entre les corps, de façon à ce que l'on puisse devenir commissaire quand on est officier et devenir officier quand on est gardien de la paix. Donc, tout ceci c'est une réforme d'envergure, c'est une réforme qui vise à mobiliser encore davantage, à rendre plus efficace notre police au service de l'ensemble de nos compatriotes. Ce sont des réformes indispensables qui sont dans le droit fil de la mobilisation qui a été engagée très fortement au cours des deux dernières années. Il faut transformer l'essaI. Je le dis, la sécurité, cela doit s'inscrire dans la durée. C'est la détermination qui est essentielle et c'est bien cette détermination qui sera au rendez-vous.
Question : Mesurez-vous l'inquiétude des commissaires qui disent : après tout 2012 !, vous vous rendez compte, on aura eu le temps de voir passer plusieurs gouvernements, et peut-être que ces hommes-là ne seront plus en place, disent-ils ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : C'est une réforme ambitieuse. C'est donc une réforme qui demande du temps. Bien évidemment, les bénéfices de cette réforme se feront sentir bien plus tôt et nous allons tout faire pour que dès les premières années, cette réforme soit véritablement lancée. De la même façon, nous voulons moderniser notre sécurité civile, moderniser l'ensemble du corps des sapeurs-pompiers, vous savez à quel point ils sont dévoués au service de la nation, sapeurs-pompiers civils et militaires, sapeurs-pompiers volontaires et professionnels. Il y a là un grand effort à faire, en particulier pour la fin de la carrière pour ceux qui ont des difficultés opérationnelles en fin de carrière. Pour les professionnels, il s'agit de permettre qu'ils puissent accéder à un certain nombre de projets personnalisés ; pour les sapeurs-pompiers volontaires, il s'agit qu'ils puissent avoir un avantage retraite. C'est notre intérêt que de fidéliser sur une longue période ces sapeurs-pompiers volontaires. Donc, il y a là dans tous ces domaines, un travail de modernisation, il faut continuer à avancer, continuer à travailler. C'est véritablement l'objectif qui est le mien.
Question : Et en plus, la réforme des Renseignements généraux. Cela fait beaucoup de chantiers avec un budget pas si important que cela !
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Mais parce que les défis
Question : On dit que c'est même une mini-révolution, la réforme des RG.
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Ce sont des défis très importants, parce que les menaces évoluent. Et quand les menacent évoluent, bien évidemment, il faut que nos moyens soient adaptés. Prenons effectivement le cas des Renseignements généraux : il faut s'adapter à une menace terroriste qui est plus fluide, plus mobile, plus opportuniste. Cela implique que nous soyons sur le terrain, capables de suivre, parlons de l'islamisme radical par exemple, capables de suivre la situation. Nous ne pouvons plus distinguer comme on le faisait auparavant, d'un côté, les prédicateurs qui appellent à la violence, de l'autre côté, ceux qui posent les bombes. Il y a une continuité qui s'établit, la vigilance doit être de règle. De la même façon, nous voyons une montée de l'antisémitisme, une montée d'actes de racisme dans notre pays. Nous devons lutter contre toutes les formes de discrimination. C'est un élément tout à fait essentiel.
Question : Cela vous préoccupe-t-il ces sondages publiés récemment, c'était dans France-Soir la semaine dernière, qui indiquent, qu'au fond, les Français considèrent que l'islam et la République ce ne sont pas des choses compatibles ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Bien sûr, parce que nous devons éviter toutes sortes d'amalgames. Autant, nous devons être extrêmement fermes contre les individus qui ne respectent pas les lois de notre République, voire qui veulent mettre en cause la sécurité de notre territoire - là, la plus grande fermeté, et c'est pour cela que j'ai pris un certain nombre de décisions difficiles, notamment en matière d'expulsion - mais autant, nous constater que l'immense majorité des musulmans de France veut vivre en paix dans notre pays, respectueux de notre République. Donc, je crois qu'il faut éviter les amalgames. D'où, là encore, un autre grand chantier, qui est l'organisation de l'islam de France. Nous voulons accompagner les efforts faits par le Conseil français du culte musulman, avec les conseils régionaux. Vous voyez, il y a un travail absolument immense. Nous changeons d'époque, je l'ai souvent dit, comme les Affaires étrangères, je le redis comme ministre de l'Intérieur. Nous ne pouvons pas séparer l'extérieur de l'intérieur. Tout bouge à grande vitesse. La responsabilité des dirigeants, c'est d'avancer plus vite encore que les événements pour éviter justement que nous ayons à payer un prix, en termes de sécurité, en termes d'instabilité. C'est un devoir que celui d'adapter notre pays à ces nouveaux temps.
Question : On ne va pas faire ici d'alarmisme, mais enfin, le plan Vigipirate vient de passer au rouge, des rendez-vous, des dates anniversaires importantes s'annoncent, celle du 6 Juin. Un dispositif particulier, une inquiétude particulière pour vous aujourd'hui ou pas ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : J'ai proposé au Premier ministre et au président de la République que nous changions de niveau concernant Vigipirate pour cette période anniversaire, la commémoration des fêtes de Normandie, parce que nous devons, là encore, recevant un certain nombre de grands dignitaires du monde, faire preuve de responsabilité et être particulièrement vigilants, nous le savons. Les menaces se sont accrues, les attentats de Madrid ont marqué un fort investissement, un fort avertissement à l'ensemble de l'Europe. Cela implique que les dispositions soient prises. Donc, le plan Vigipirate sera appliqué pour la Normandie à partir du 24 mai, et sur l'ensemble du territoire lors des cérémonies. Donc, vigilance, c'est essentiel, tous les risques et toutes les menaces doivent être pris au sérieux, nous devons coopérer avec l'ensemble de nos partenaires européens parce qu'évidemment quand nous agissons ensemble nous sommes plus forts, mais aussi vigilance sur notre territoire, c'est le cas de la police, c'est le cas de la gendarmerie. Je tiens à rendre hommage tout particulièrement à la gendarmerie qui fera partie aussi de ce grand projet de réformes des corps et carrières. Et l'une des réussites, je crois, c'est d'avoir pu trouver un accord avec Michèle Alliot-Marie pour faire évoluer aussi la gendarmerie en même temps que la police. Nous ne voulions pas dissocier ces forces de sécurité qui travaillent ensemble. Donc, je crois que c'est un point et une avancée, qui méritent qu'être signalés.
Question : Une dernière chose, D. de Villepin, est-ce que le palmarès du Festival de Cannes, c'est une réponse de la Vieille Europe au cinéma mondial, même si quatre Américains se trouvaient dans le jury du Festival ?
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Je crois que c'est d'abord le choix de professionnels du cinéma. Pour ma part, la culture a un regard à apporter sur la politique, surtout dans le temps qui est le nôtre, où l'on voit la peur s'installer trop souvent, peur qui est mauvaise conseillère. Donc, ce regard de la culture, ce regard de l'art sur la politique, c'est un regard qui est stimulant pour la démocratie. Je crois que c'est le privilège des démocraties que d'être capables de devenir meilleures, grâce à ces différents regards. Certains sont impertinents, certains sont excessifs. Chacun doit faire la part des choses, mais cela, c'est le rôle de l'art et aux citoyens, justement de faire son propre jugement. Donc, sur un sujet aussi grave que celui de la guerre et de la paix, que celui de la situation en Irak et du Moyen-Orient, la responsabilité de l'ensemble de nos concitoyens est aujourd'hui engagée. Donc, c'est certainement un exercice stimulant que de se confronter au regard d'un grand cinéaste.
Question : On dit "Festival international de Cannes", c'est donc que c'est un message politique en quelque sorte, même si les organisateurs du festival s'en défendent, c'est un message politique qui sort de cette palme.
Dominique Galouzeau de Villepin (Réponse) : Je ne sais pas facilement dissocier quand les enjeux sont vitaux pour une nation ou pour le monde, le message culturel du message politique. Dans les grands moments de notre histoire, la politique, la culture sont liées dans le destin même des peuples. C'est un principe de responsabilité. Chacun est dans son rôle, l'artiste a son propre message, le politique a le sien. Nous voyons bien aujourd'hui, que le monde est en train de basculer à travers ce qui se passe au Moyen-Orient et la partie n'est pas jouée. Nous pouvons encore faire en sorte que cette partie ne soit pas une véritable nouvelle catastrophe pour le monde. Evitons en particulier que ce qui se passe en Irak ne se relie à ce qui se passe au Proche-Orient. Si ces deux crises venaient, par la maladresse, par la faute d'un certain nombre de grands responsables du monde, a être liées, alors, oui, je crois que quelque chose d'irréparable, d'irréversible serait créé. Il est donc essentiel d'être mobilisé ; c'est tout le sens de la diplomatie française, c'est ce que fait Michel Barnier, c'est ce que fait le président de la République. Nous avons un devoir d'agir, nous avons un devoir de proposition. Nous l'avons fait en proposant une conférence nationale et internationale sur l'Irak. Nous le faisons en disant que le premier devoir de la diplomatie mondiale, c'est de s'attaquer à la question du Proche-Orient, si l'on veut véritablement réduire le risque. Au Moyen-Orient, Irak compris, traitons cette question du Proche-Orient, montrons que les pays occidentaux ne sont pas seulement capables de faire la guerre mais aussi d'inventer la paix. Je crois que c'est un message qui est un message politique mais c'est un message humain, humaniste. C'est le premier devoir de nos pays que de montrer que nous sommes capables de briser des résistances, de changer de politique, de changer d'habitudes.
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 mai 2004)