Entretien de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, à "RTVE" le 16 septembre 2004 à Barcelone, sur la relance du processus de Barcelone, le Sahara occidental et les enjeux du referendum lié à la Constitution européenne.

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Circonstance : Séminaire franco-espagnol les 16 et 17 septembre 2004 à Barcelone

Média : Presse étrangère - Télévision

Texte intégral

Q - Que pensez-vous du processus de Barcelone 10 ans après ?
R - Cette grande conférence de Barcelone, il y a maintenant 10 ans, a constitué un véritable espoir de partenariat entre l'Europe, à l'époque nous n'étions même pas quinze, et l'autre rive de la Méditerranée.
Un grand espoir, notamment, pour cette autre rive, d'une relation plus équilibrée sur l'ensemble des sujets qui touchent à la vie quotidienne des habitants et à la stabilité de part et d'autre de la Méditerranée.
Ce que je vois, c'est que le processus s'est un peu essoufflé avec le temps. Il faut le relancer et il y a quelques semaines je me retrouvais avec tous mes collègues des vingt-cinq pays de l'Union européenne, dont Miguel Moratinos. Lui, moi, et d'autres, - le ministre portugais, le ministre italien - nous avons demandé qu'on relance ce processus et c'est en train de se faire.
C'est un processus de partenariat entre l'Union européenne et les pays de l'autre rive, notamment les pays du Maghreb. J'ai tout à l'heure, avec Miguel Moratinos, exprimé une idée assez concrète : comme nous le faisons dans les régions les plus pauvres ou les plus en difficulté de l'Union, avec des fonds structurels, nous pourrions apporter une aide très concrète, très opérationnelle, à certaines des régions du Maghreb notamment, sur une période assez longue pour créer du progrès, pour créer du développement dans ces régions.
Nous allons, dans le cadre de la relance du processus de Barcelone, travailler pour améliorer réellement la vie quotidienne des gens.
Q - De l'autre côté, il y a un pays que la France et l'Espagne connaissent bien. Le Maroc connaît un conflit particulier dans le Sahara. Que pensez-vous du projet Baker ?
R - La question du Sahara occidental est une question difficile et ancienne. Naturellement il faut aboutir à une solution politique pour permettre un Maghreb intégré. Ce que je peux simplement dire, c'est que nous sommes d'accord, Espagnols et Français, pour encourager le dialogue politique, dans le cadre des Nations unies naturellement, entre toutes les parties. Dans ce dossier nous avons le souci d'encourager le dialogue politique.
Q - De l'autre côté de la Méditerranée, il y a un autre conflit, sans solution, qui dure depuis de nombreuses années. Vous avez parlé, cet après-midi, de relancer le processus, de revenir à la Feuille de route. Je parle du problème de toujours : Israël et la Palestine.
R - Le conflit israélo-palestinien, est en réalité à la source de beaucoup d'autres instabilités, de beaucoup d'autres difficultés dans le monde. Et donc, là encore, avec Miguel Moratinos qui connaît bien cette région puisqu'il était l'envoyé spécial de l'Union européenne, nous sommes décidés à agir, Français et Espagnols, avec les autres pays européens, pour relancer un processus politique.
On ne sortira pas de cette spirale de violence, de terreur, de sang, de drames, qui touche indistinctement les enfants de Palestine et les enfants d'Israël. On n'en sortira pas autrement que par la négociation politique.
Il faut qu'Israéliens et Palestiniens se remettent autour d'une table et travaillent à nouveau dans le cadre de la Feuille de route qui a fixé les étapes pour aboutir au seul objectif que nous devons atteindre, celui de deux Etats : un Etat d'Israël vivant dans la sécurité, - nous ne voulons pas transiger sur la sécurité d'Israël - et un Etat palestinien.
Pour atteindre cet objectif il y a la Feuille de route. Les Américains, les Russes, les Européens, les Nations unies ont marqué leur accord sur ce chemin et sur cette Feuille de route. Nous devons, nous Européens, sans doute être plus actifs encore, plus déterminés pour inviter les Israéliens et les Palestiniens à se remettre autour de la table pour marcher sur cette route. Voilà la ligne que nous allons soutenir dans le cadre des Nations unies et en tant qu'Européens.
Q - Revenons à l'Europe que vous connaissez bien. La Constitution, quels avantages a-t-elle pour les citoyens européens ?
R - J'ai beaucoup travaillé à cette Constitution lorsque j'étais commissaire européen et notamment à la partie concernant la politique de défense européenne.
Je veux simplement dire que ce texte est tout d'abord assez lisible par tous ceux qui nous regardent, ce n'est pas le cas de tous les textes européens, mais celui-ci est assez facilement lisible, notamment ces deux premières parties. Il est très important pour faire fonctionner l'Europe avec vingt-cinq ou vingt-sept pays. Nous avons besoin de cette Constitution. Elle renforce les droits des citoyens. Elle rappelle les valeurs démocratiques, pacifiques qui sont les nôtres. Elle rappelle les politiques que nous voulons conduire ensemble. Pas toutes les politiques, certaines politiques où nous sommes plus forts parce que nous travaillons ensemble.
Elle rappelle aussi ce qu'est l'Union européenne. L'Union européenne, ce n'est pas une nation européenne. Nous ne construisons pas un peuple. Nous faisons une communauté de nations qui travaillent ensemble et qui se respectent dans leurs différences. Et ainsi nous gardons nos langues, nos traditions, nos cultures, nos différences, les uns avec les autres, tout en travaillant ensemble, en ayant une monnaie unique et un certain nombre de politiques communes.
Tout cela se trouve dans la Constitution. En même temps, il y a des règles pour travailler ensemble parce que nous sommes plus nombreux et que c'est plus difficile. Tout cela nous devons l'expliquer à ceux qui nous regardent, aux citoyens, avoir des débats, ne pas avoir peur de parler de l'Europe et de cette Constitution. C'est ce que nous allons faire dans le cadre des référendums qui vont avoir lieu en Espagne et en France dans les mois qui viennent.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 septembre 2004)