Texte intégral
Jean-Marc Aphatie : Le monde agricole en général, la FNSEA que vous dirigez en particulier, sont réputés proches de la droite républicaine, le RPR d'hier, l'UMP d'aujourd'hui, et plus précisément encore réputés proches de J. Chirac, chouchou des campagnes, depuis son passage au ministère de l'Agriculture dans le début des années 70. La droite républicaine est au pouvoir depuis deux ans, et elle a subi dimanche, lors du premier tour des élections régionales, un désaveu de la part des électeurs. Le président de la FNSEA est-il triste ce matin ?
Jean-Marie Lemétayer : "Le président de la FNSEA n'a pas de raison d'être triste. Il respecte le vote des citoyens. D'ailleurs, il est vraisemblable qu'il y a eu aussi beaucoup de mécontents dans la profession agricole."
Jean-Marc Aphatie : Vous pensez que le monde de l'agriculture qui est en crise, a pu lui aussi sanctionner le Gouvernement ?
Jean-Marie Lemétayer : "C'est vraisemblable. J'ai reçu le président de la République au Salon de l'Agriculture et je lui ai expliqué les difficultés du moment dans un certain nombre de productions : je pense au lait, au porc, à la volaille, mais même au secteur viticole Je lui ai dit aussi toute l'inquiétude qu'avait le monde paysan quant à l'application de la réforme de la politique européenne décidée l'an dernier. Et à partir de là, je crois que chacun étant libre de son vote, a pu exprimer un certain mécontentement également."
Jean-Marc Aphatie : Vous avez reçu aussi, au Salon de l'Agriculture, le Premier Ministre, et vous lui avez dit : vous m'entendrez, Monsieur Raffarin, si vous ne prenez pas des mesures pour les producteurs de lait. On sent qu'il y a une prise de distance entre le monde agricole que vous représentez, la FNSEA que vous dirigez, et la droite...
Jean-Marie Lemétayer : "Non, je dis simplement qu'il faut que chacun soit dans ses responsabilités."
Jean-Marc Aphatie : Cela n'a pas tout le temps été le cas...
Jean-Marie Lemétayer : "On m'a souvent dit qu'effectivement, la FNSEA avait une certaine proximité avec tel ou tel parti. Moi je souhaite que chacun soit dans ses responsabilités, dans son rôle. Et c'est pour cela qu'au Salon de l'Agriculture, j'ai reçu l'ensemble des personnalités politiques, sur le stand de la FNSEA. J'ai reçu longuement le président de la République. J'ai aussi reçu assez longuement le Premier Ministre, mais aussi des hommes politiques de gauche, qui ont visité le salon, y compris d'ailleurs le Maire de Paris, et je crois que c'est à la FNSEA que l'on doit pouvoir discuter des dossiers, parce qu'il ne faut pas confondre la responsabilité qui est celle du Gouvernement, et notre responsabilité à la FNSEA, qui est celle de contester quand il le faut, de proposer le plus souvent possible, mais aussi d'assumer ses responsabilités quand il s'agit de l'application de la politique agricole dans les départements."
Jean-Marc Aphatie : Peut-être que cette volonté de clarifier les rôles, et de rester à votre place, naît aussi d'une difficulté que vous rencontrez. Un sondage Ouest-France/Ifop, au début du Salon de l'Agriculture, disait que le meilleur défenseur des agriculteurs, c'était José Bové, 51 % des Français le pensaient, et Jean-Michel Lemétayer, vous-même, 9 %. Il y a peut-être péril en la demeure pour la FNSEA ?
Jean-Marie Lemétayer : "Non, il n'y a pas péril en la demeure, parce que moi je suis mandaté par les agriculteurs, et si on faisait ce sondage chez les agriculteurs, je crois que les chiffres seraient largement inversés. Mais c'est à moi de mieux faire comprendre ce que propose la FNSEA en matière d'orientations de politique agricole. On est souvent accusés de défendre une agriculture productiviste, une agriculture qui ne serait pas soucieuse de l'environnement, du bien-être animal, de la qualité de la sécurité alimentaire. Au contraire ! Je veux une nouvelle fois dire aux concitoyens, aux consommateurs, que tout est fait pour que nous les approvisionnions avec une alimentation de qualité. On sait que le point numéro un des consommateurs, leur souci numéro un, c'est la sécurité. Ils ont été sans doute traumatisés par certaines crises sanitaires. Eh bien, c'est vraiment dans cette direction que nous emmenons l'agriculture lorsque nous parlons de bonnes pratiques agricoles, qu'elles soient agronomiques ou en productions animales, parce que j'ai ce souci de la qualité et de la sécurité de l'alimentation."
Jean-Marc Aphatie : Nous sommes en campagne électorale, on a entendu tout à l'heure dans le journal de 7 h 30, N. Sarkozy plaider pour "un nouvel horizon" ; qui dit nouvel horizon dit peut-être nouveau Premier ministre... Est-ce que vous attendez quelque chose de particulier, vous, de ces élections régionales ? Un nouveau Gouvernement, de nouveaux interlocuteurs, une écoute différente ?
Jean-Marie Lemétayer : "Je crois que pour l'ensemble des citoyens, ces élections régionales sont importantes. Et pour l'agriculture, elles le sont. Parce qu'une partie de la politique agricole se fait aussi dans les régions, et pas seulement le domaine de la formation. C'est aussi la partie de développement économique qui se fait notamment dans le cadre des contrats de plan signés entre les régions et l'Etat. Je suis personnellement Breton. Dans la région Bretagne, le volet agricole est très important. J'ajouterai "le volet environnemental" est aussi très important quand on sait tout ce que nous avons à faire concernant la qualité de l'eau. Donc les politiques régionales sont importantes. Et puis quant à l'avenir du gouvernement, il appartient au chef de l'Etat de décider. Moi, je ferai avec les interlocuteurs qui seront les miens dans quelques semaines. S'il y a un nouveau ministre de l'Agriculture, eh bien nous travaillerons avec ce nouveau ministre de l'Agriculture. Si c'est toujours H. Gaymard, nous continuerons de travailler avec H. Gaymard."
Jean-Marc Aphatie : Si les gens s'expriment, et s'ils témoignent un certain mécontentement, s'ils expriment aussi un mécontentement que vous ressentez sans doute, vous pensez que vous serez entendu par le Gouvernement ?
Jean-Marie Lemétayer : Moi, j'attends du gouvernement, et je l'ai dit au président de la République, une importante loi de modernisation agricole, pour adapter les décisions européennes à la politique française, de façon à ce que nous gardions une agriculture dans notre pays, à dimension humaine, et faire en sorte que sur l'ensemble de nos territoires, quelle que soit leur diversité, plaines ou montagnes, on puisse préserver une agriculture dynamique, performante, compétitive. Approvisionnons aussi nos consommateurs avec ces produits qui ont la saveur des terroirs. C'est ça qui est important. Et je conteste cette logique qui a été actée à Bruxelles par la Commission Européenne, par les ministres d'une agriculture, une politique agricole très libérale, où la seule logique est la baisse des prix. Et c'est pour ça que nous avons besoin d'une importante modernisation agricole. J'espère que cette promesse qui est faite pour les prochains mois sera actée par le prochain gouvernement."
Jean-Marc Aphatie : Vous pensez que J. Chirac est toujours le meilleur défenseur de l'agriculture ? Ou le lien est un peu distendu aujourd'hui ?
Jean-Marie Lemétayer : "Je souhaite en tout cas qu'il ait toujours l'oreille à l'égard de l'agriculture, et cette sensibilité agricole qui a été la sienne."
Jean-Marc Aphatie : Le lien est un peu distendu ou pas ?
Jean-Marie Lemétayer : "Je ne le souhaite pas, parce que nous avons besoin aussi du chef de l'Etat pour une politique agricole sur laquelle comptent les agriculteurs pour être encore là demain."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 mars 2004)
Jean-Marie Lemétayer : "Le président de la FNSEA n'a pas de raison d'être triste. Il respecte le vote des citoyens. D'ailleurs, il est vraisemblable qu'il y a eu aussi beaucoup de mécontents dans la profession agricole."
Jean-Marc Aphatie : Vous pensez que le monde de l'agriculture qui est en crise, a pu lui aussi sanctionner le Gouvernement ?
Jean-Marie Lemétayer : "C'est vraisemblable. J'ai reçu le président de la République au Salon de l'Agriculture et je lui ai expliqué les difficultés du moment dans un certain nombre de productions : je pense au lait, au porc, à la volaille, mais même au secteur viticole Je lui ai dit aussi toute l'inquiétude qu'avait le monde paysan quant à l'application de la réforme de la politique européenne décidée l'an dernier. Et à partir de là, je crois que chacun étant libre de son vote, a pu exprimer un certain mécontentement également."
Jean-Marc Aphatie : Vous avez reçu aussi, au Salon de l'Agriculture, le Premier Ministre, et vous lui avez dit : vous m'entendrez, Monsieur Raffarin, si vous ne prenez pas des mesures pour les producteurs de lait. On sent qu'il y a une prise de distance entre le monde agricole que vous représentez, la FNSEA que vous dirigez, et la droite...
Jean-Marie Lemétayer : "Non, je dis simplement qu'il faut que chacun soit dans ses responsabilités."
Jean-Marc Aphatie : Cela n'a pas tout le temps été le cas...
Jean-Marie Lemétayer : "On m'a souvent dit qu'effectivement, la FNSEA avait une certaine proximité avec tel ou tel parti. Moi je souhaite que chacun soit dans ses responsabilités, dans son rôle. Et c'est pour cela qu'au Salon de l'Agriculture, j'ai reçu l'ensemble des personnalités politiques, sur le stand de la FNSEA. J'ai reçu longuement le président de la République. J'ai aussi reçu assez longuement le Premier Ministre, mais aussi des hommes politiques de gauche, qui ont visité le salon, y compris d'ailleurs le Maire de Paris, et je crois que c'est à la FNSEA que l'on doit pouvoir discuter des dossiers, parce qu'il ne faut pas confondre la responsabilité qui est celle du Gouvernement, et notre responsabilité à la FNSEA, qui est celle de contester quand il le faut, de proposer le plus souvent possible, mais aussi d'assumer ses responsabilités quand il s'agit de l'application de la politique agricole dans les départements."
Jean-Marc Aphatie : Peut-être que cette volonté de clarifier les rôles, et de rester à votre place, naît aussi d'une difficulté que vous rencontrez. Un sondage Ouest-France/Ifop, au début du Salon de l'Agriculture, disait que le meilleur défenseur des agriculteurs, c'était José Bové, 51 % des Français le pensaient, et Jean-Michel Lemétayer, vous-même, 9 %. Il y a peut-être péril en la demeure pour la FNSEA ?
Jean-Marie Lemétayer : "Non, il n'y a pas péril en la demeure, parce que moi je suis mandaté par les agriculteurs, et si on faisait ce sondage chez les agriculteurs, je crois que les chiffres seraient largement inversés. Mais c'est à moi de mieux faire comprendre ce que propose la FNSEA en matière d'orientations de politique agricole. On est souvent accusés de défendre une agriculture productiviste, une agriculture qui ne serait pas soucieuse de l'environnement, du bien-être animal, de la qualité de la sécurité alimentaire. Au contraire ! Je veux une nouvelle fois dire aux concitoyens, aux consommateurs, que tout est fait pour que nous les approvisionnions avec une alimentation de qualité. On sait que le point numéro un des consommateurs, leur souci numéro un, c'est la sécurité. Ils ont été sans doute traumatisés par certaines crises sanitaires. Eh bien, c'est vraiment dans cette direction que nous emmenons l'agriculture lorsque nous parlons de bonnes pratiques agricoles, qu'elles soient agronomiques ou en productions animales, parce que j'ai ce souci de la qualité et de la sécurité de l'alimentation."
Jean-Marc Aphatie : Nous sommes en campagne électorale, on a entendu tout à l'heure dans le journal de 7 h 30, N. Sarkozy plaider pour "un nouvel horizon" ; qui dit nouvel horizon dit peut-être nouveau Premier ministre... Est-ce que vous attendez quelque chose de particulier, vous, de ces élections régionales ? Un nouveau Gouvernement, de nouveaux interlocuteurs, une écoute différente ?
Jean-Marie Lemétayer : "Je crois que pour l'ensemble des citoyens, ces élections régionales sont importantes. Et pour l'agriculture, elles le sont. Parce qu'une partie de la politique agricole se fait aussi dans les régions, et pas seulement le domaine de la formation. C'est aussi la partie de développement économique qui se fait notamment dans le cadre des contrats de plan signés entre les régions et l'Etat. Je suis personnellement Breton. Dans la région Bretagne, le volet agricole est très important. J'ajouterai "le volet environnemental" est aussi très important quand on sait tout ce que nous avons à faire concernant la qualité de l'eau. Donc les politiques régionales sont importantes. Et puis quant à l'avenir du gouvernement, il appartient au chef de l'Etat de décider. Moi, je ferai avec les interlocuteurs qui seront les miens dans quelques semaines. S'il y a un nouveau ministre de l'Agriculture, eh bien nous travaillerons avec ce nouveau ministre de l'Agriculture. Si c'est toujours H. Gaymard, nous continuerons de travailler avec H. Gaymard."
Jean-Marc Aphatie : Si les gens s'expriment, et s'ils témoignent un certain mécontentement, s'ils expriment aussi un mécontentement que vous ressentez sans doute, vous pensez que vous serez entendu par le Gouvernement ?
Jean-Marie Lemétayer : Moi, j'attends du gouvernement, et je l'ai dit au président de la République, une importante loi de modernisation agricole, pour adapter les décisions européennes à la politique française, de façon à ce que nous gardions une agriculture dans notre pays, à dimension humaine, et faire en sorte que sur l'ensemble de nos territoires, quelle que soit leur diversité, plaines ou montagnes, on puisse préserver une agriculture dynamique, performante, compétitive. Approvisionnons aussi nos consommateurs avec ces produits qui ont la saveur des terroirs. C'est ça qui est important. Et je conteste cette logique qui a été actée à Bruxelles par la Commission Européenne, par les ministres d'une agriculture, une politique agricole très libérale, où la seule logique est la baisse des prix. Et c'est pour ça que nous avons besoin d'une importante modernisation agricole. J'espère que cette promesse qui est faite pour les prochains mois sera actée par le prochain gouvernement."
Jean-Marc Aphatie : Vous pensez que J. Chirac est toujours le meilleur défenseur de l'agriculture ? Ou le lien est un peu distendu aujourd'hui ?
Jean-Marie Lemétayer : "Je souhaite en tout cas qu'il ait toujours l'oreille à l'égard de l'agriculture, et cette sensibilité agricole qui a été la sienne."
Jean-Marc Aphatie : Le lien est un peu distendu ou pas ?
Jean-Marie Lemétayer : "Je ne le souhaite pas, parce que nous avons besoin aussi du chef de l'Etat pour une politique agricole sur laquelle comptent les agriculteurs pour être encore là demain."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 mars 2004)