Texte intégral
Q- A propos de cette espèce de cafouillage diplomatique sur fond de tragédie, puisque cela concerne le sort des otages français en Irak, est-ce que vous penser qu'il faut, quand ils vont rentrer, demander des comptes à MM. Julia et Brett, et éventuellement les sanctionner pour cette initiative ?
R- Je ne sais pas, mais ce qui est sûr, c'est que c'est une pantalonnade absolument lamentable et en plus dangereuse, parce qu'il y a nos collègues, nos amis qui sont là-bas. C'est donc aberrant, absurde. Bon, maintenant, que la droite fasse ce qu'elle a envie de faire, parce que ce sont des députés. Mais c'est lamentable.
Q- Faudrait-il qu'ils soient sanctionnés ?
R- C'est l'ensemble de l'opération. On ne sait même pas si ce sont eux qui, de leur propre chef, sont partis, ou si ce sont des gens qui ont été des émissaires envoyés par je ne sais pas qui, le Gouvernement, le président de la République, que l'on désavoue ensuite ? Mais je trouve cela minable.
Q- Revenons sur les échéances européennes. Cette semaine, la Commission de Bruxelles va donner son avis sur l'entrée de la Turquie en Europe. Cette entrée suscite un certain nombre de questions - on n'y est pas encore, mais déjà on s'organise. On va d'abord rappeler les choses : vous êtes contre l'entrée de la Turquie. Pouvez-vous nous rappeler les choses ?
R-D'abord parce qu'elle n'est pas en Europe, c'est aussi simple que cela. L'Union européenne est quand même faite pour les pays européens. Et quand vous regardez une carte de géographie, la Turquie n'est pas en Europe. Et deuxièmement, parce que l'Union européenne n'est pas en situation de l'accueillir. Quand on voit les difficultés que l'on a, les mécanismes de décision qui ne fonctionnent pas etc., si on fait rentrer comme membre plein, dans l'Union européenne, un pays qui va avoir bientôt 80 millions, qui serait le plus grand pays de l'Union européenne, on est sûr que cela ne va pas marcher. Si vous ajoutez la question de la Turquie, plus la question de la Constitution européenne, on risque d'avoir une Europe qui soit à la fois diluée, qui soit uniquement un grand marché et qui soit sous domination américaine. Donc je dis autant il faut aider la Turquie, bien sûr, mais l'aider en la laissant à la périphérie.
Q- Mais alors, faut-il le dire tout de suite aux Turcs ? C'est vrai que cela fait des années et des années qu'ils attendent, ils disent qu'ils font des efforts, ils réforment leur Constitution, ils ont réformé leur droit, encore qu'il y a le texte sur la sanction de l'adultère qui ne convenait pas...
R-Je vais vous dire ce qu'il faut faire : il faut leur dire effectivement qu'ils ont leur place dans ce que j'appelle le "troisième cercle". Pour que l'Union européenne marche, il faut que vous ayez un premier cercle - la France, l'Allemagne, l'Espagne, le Benelux - qui soit les pays qui avancent le plus vite - , un deuxième cercle qui soit les pays les pays comme la Pologne, la Hongrie etc., et puis, à la périphérie, un troisième cercle, au dehors, avec des pays comme la Turquie et le Maghreb. Et puisque la Commission va rendre son avis mercredi et qu'ensuite, M. Chirac doit dire ce qu'il en pense en mois de décembre, avec les autres chefs d'Etat, moi je demande que l'Assemblée nationale, dont c'est le rôle, se saisisse de la question et vote.
Q- Avant décembre ?
R-Evidemment. On est dans une démocratie parlementaire. C'est donc une question très importante, qui va déterminer le futur de l'Europe. Il serait tout à fait normal que nous nous en saisissions, en tant que députés, et que nous donnions notre avis par un vote.
Q- Mais le président de la République dit que sur l'entrée de la Turquie, on peut mettre un référendum, qu'on peut décider qu'il y a des référendums sur toutes les entrées d'autres pays ?
R-C'est toujours pareil avec M. Chirac. Pour régler une question qui va se poser maintenant, il dit que l'on va faire un référendum dans quinze ans ! Dans quinze ans, si on laisse faire, ce sera toujours la même chose : on dira que cela fait dix ou quinze ans que l'on négocie, que les autres sont pour, donc que c'est trop tard. Arrêtons ce processus, décidons, discutons et puis fixons la Turquie qui, encore une fois, est un grand pays, qu'il faut appuyer. Mais cela ne veut pas dire que parce qu'on les aide, qu'ils doivent faire partie de l'Union européenne elle-même.
Q- Cette proposition se télescope avec un autre référendum, qui lui arrive maintenant et qui concerne la Constitution européenne. Vous avez dit qu'à titre personnel, vous refusiez cette nouvelle Constitution. Vous vous êtes largement expliqué sur le pourquoi du "non". Mais si l'on n'a pas cette Constitution européenne, là, maintenant, comment vit-on en Europe ?
R-D'abord, aujourd'hui, nous n'avons pas cette Constitution...
Q- On a le traité de Rome, amélioré par le traité de Nice etc.
R-Si le projet de Constitution n'est pas accepté, on restera comme aujourd'hui. Alors, quand on nous dit que ce serait la catastrophe etc. ! Les choses resteront comme aujourd'hui dans un premier temps.
Q- Mais c'est un petit peu compliqué en termes de gestion notamment, de droit de vote etc.
R-Oui, c'est pour cela qu'il faudra se remettre autour de la table et négocier avec nos partenaires une Constitution, qui soit meilleure...
Q- Une sorte d'amendement au texte existant ?
R-Exactement. Sur trois ou quatre points : je crois qu'une Constitution doit s'occuper uniquement des institutions et des valeurs et pas du contenu des politiques, donc il faudra une Constitution recentrée. Deuxièmement, il faut une constitution qui ne soit pas irréversible. Celle-là ne peut pas être modifiée, sauf à l'unanimité, ce qui est absurde. Troisièmement, il faut une Constitution qui soit différenciée. Vous avez parlé de la Turquie : il faut qu'il y ait le premier cercle, le deuxième cercle et le troisième cercle. Et il faut enfin que la Constitution soit ouverte vers plus de social, plus d'économique, pour que l'on ait une Europe puissance. Je suis fondamentalement pro-européen, mais je me dis que si l'on vote cette Constitution plus l'entrée de la Turquie, alors cela veut dire que tout ce que l'on a fait depuis trente ans va être complètement dilué et mis à bas.
Q- R. Hue, nouveau sénateur communiste, disait qu'il fallait avoir une sorte d'alternative au "non" et discuter avec tout le monde, y compris avec vous. Cela veut dire qu'en effet, les partisans du "non" en France, comme dans les autres pays européens, se réunissent ?
R- Il faut déjà que nous fassions campagne pour expliquer, parce que les gens ne connaissent pas la Constitution, personne ne l'a lue, pour montrer que si on est fondamentalement pro-européen, il faut un autre texte de Constitution. Et, si on y parvient, se mettre autour de la table, avec les collègues des autres pays pour avancer.
Q- Les partisans du "oui", indépendamment de ce qui peut se passer au sein du Parti socialiste, disent que cela pourrait créer une crise en Europe, parce que même si l'on arrive à continuer comme cela, il y aurait une sorte de doute sur l'avancée européenne...
R- Non, je ne pense pas. Il faut regarder cela sereinement. Vous savez, la France peut répondre "non", mais il est probable que d'autres pays vont répondre "non". Et donc, il faut de toutes les manières se préparer à cette éventualité.
Q- Le "non" traverse aussi très largement le Parti socialiste. Ce week -end étaient réunis à Douai les minoritaires, qui eux aussi votent "non". Ils sont minoritaires, ils sont favorables au "non", mais en même temps, ils ne se reconnaissent pas forcément dans vos positions ?
R- On a des positions, sur beaucoup de points, différentes. Mais sur cette question-là, nous disons, les uns et les autres, que nous voulons vraiment une Europe solide, parce que c'est notre avenir, et que pour cela, il ne faut pas accepter un projet qui ne va pas dans le bon sens.
Q- Si le "non" l'emporte, F. Hollande sera-t-il mis en difficulté ?
R- Non, je ne crois pas du tout, ce sont des choses séparées. Vous avez d'un côté les responsables du PS - F. Hollande, moi-même, d'autres -, vous avez l'organisation du PS ; et puis vous avez une question ponctuelle, sur laquelle on consulte les militants. Ce sont deux choses différentes.
Q- D. Strauss-Kahn disait qu'il faudrait peut-être un congrès exceptionnel, pour réunir ou se diviser davantage, je ne sais pas !
R- Non, je pense que l'ensemble du PS a répondu que ce n'était pas une bonne idée...
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 octobre 2004)
R- Je ne sais pas, mais ce qui est sûr, c'est que c'est une pantalonnade absolument lamentable et en plus dangereuse, parce qu'il y a nos collègues, nos amis qui sont là-bas. C'est donc aberrant, absurde. Bon, maintenant, que la droite fasse ce qu'elle a envie de faire, parce que ce sont des députés. Mais c'est lamentable.
Q- Faudrait-il qu'ils soient sanctionnés ?
R- C'est l'ensemble de l'opération. On ne sait même pas si ce sont eux qui, de leur propre chef, sont partis, ou si ce sont des gens qui ont été des émissaires envoyés par je ne sais pas qui, le Gouvernement, le président de la République, que l'on désavoue ensuite ? Mais je trouve cela minable.
Q- Revenons sur les échéances européennes. Cette semaine, la Commission de Bruxelles va donner son avis sur l'entrée de la Turquie en Europe. Cette entrée suscite un certain nombre de questions - on n'y est pas encore, mais déjà on s'organise. On va d'abord rappeler les choses : vous êtes contre l'entrée de la Turquie. Pouvez-vous nous rappeler les choses ?
R-D'abord parce qu'elle n'est pas en Europe, c'est aussi simple que cela. L'Union européenne est quand même faite pour les pays européens. Et quand vous regardez une carte de géographie, la Turquie n'est pas en Europe. Et deuxièmement, parce que l'Union européenne n'est pas en situation de l'accueillir. Quand on voit les difficultés que l'on a, les mécanismes de décision qui ne fonctionnent pas etc., si on fait rentrer comme membre plein, dans l'Union européenne, un pays qui va avoir bientôt 80 millions, qui serait le plus grand pays de l'Union européenne, on est sûr que cela ne va pas marcher. Si vous ajoutez la question de la Turquie, plus la question de la Constitution européenne, on risque d'avoir une Europe qui soit à la fois diluée, qui soit uniquement un grand marché et qui soit sous domination américaine. Donc je dis autant il faut aider la Turquie, bien sûr, mais l'aider en la laissant à la périphérie.
Q- Mais alors, faut-il le dire tout de suite aux Turcs ? C'est vrai que cela fait des années et des années qu'ils attendent, ils disent qu'ils font des efforts, ils réforment leur Constitution, ils ont réformé leur droit, encore qu'il y a le texte sur la sanction de l'adultère qui ne convenait pas...
R-Je vais vous dire ce qu'il faut faire : il faut leur dire effectivement qu'ils ont leur place dans ce que j'appelle le "troisième cercle". Pour que l'Union européenne marche, il faut que vous ayez un premier cercle - la France, l'Allemagne, l'Espagne, le Benelux - qui soit les pays qui avancent le plus vite - , un deuxième cercle qui soit les pays les pays comme la Pologne, la Hongrie etc., et puis, à la périphérie, un troisième cercle, au dehors, avec des pays comme la Turquie et le Maghreb. Et puisque la Commission va rendre son avis mercredi et qu'ensuite, M. Chirac doit dire ce qu'il en pense en mois de décembre, avec les autres chefs d'Etat, moi je demande que l'Assemblée nationale, dont c'est le rôle, se saisisse de la question et vote.
Q- Avant décembre ?
R-Evidemment. On est dans une démocratie parlementaire. C'est donc une question très importante, qui va déterminer le futur de l'Europe. Il serait tout à fait normal que nous nous en saisissions, en tant que députés, et que nous donnions notre avis par un vote.
Q- Mais le président de la République dit que sur l'entrée de la Turquie, on peut mettre un référendum, qu'on peut décider qu'il y a des référendums sur toutes les entrées d'autres pays ?
R-C'est toujours pareil avec M. Chirac. Pour régler une question qui va se poser maintenant, il dit que l'on va faire un référendum dans quinze ans ! Dans quinze ans, si on laisse faire, ce sera toujours la même chose : on dira que cela fait dix ou quinze ans que l'on négocie, que les autres sont pour, donc que c'est trop tard. Arrêtons ce processus, décidons, discutons et puis fixons la Turquie qui, encore une fois, est un grand pays, qu'il faut appuyer. Mais cela ne veut pas dire que parce qu'on les aide, qu'ils doivent faire partie de l'Union européenne elle-même.
Q- Cette proposition se télescope avec un autre référendum, qui lui arrive maintenant et qui concerne la Constitution européenne. Vous avez dit qu'à titre personnel, vous refusiez cette nouvelle Constitution. Vous vous êtes largement expliqué sur le pourquoi du "non". Mais si l'on n'a pas cette Constitution européenne, là, maintenant, comment vit-on en Europe ?
R-D'abord, aujourd'hui, nous n'avons pas cette Constitution...
Q- On a le traité de Rome, amélioré par le traité de Nice etc.
R-Si le projet de Constitution n'est pas accepté, on restera comme aujourd'hui. Alors, quand on nous dit que ce serait la catastrophe etc. ! Les choses resteront comme aujourd'hui dans un premier temps.
Q- Mais c'est un petit peu compliqué en termes de gestion notamment, de droit de vote etc.
R-Oui, c'est pour cela qu'il faudra se remettre autour de la table et négocier avec nos partenaires une Constitution, qui soit meilleure...
Q- Une sorte d'amendement au texte existant ?
R-Exactement. Sur trois ou quatre points : je crois qu'une Constitution doit s'occuper uniquement des institutions et des valeurs et pas du contenu des politiques, donc il faudra une Constitution recentrée. Deuxièmement, il faut une constitution qui ne soit pas irréversible. Celle-là ne peut pas être modifiée, sauf à l'unanimité, ce qui est absurde. Troisièmement, il faut une Constitution qui soit différenciée. Vous avez parlé de la Turquie : il faut qu'il y ait le premier cercle, le deuxième cercle et le troisième cercle. Et il faut enfin que la Constitution soit ouverte vers plus de social, plus d'économique, pour que l'on ait une Europe puissance. Je suis fondamentalement pro-européen, mais je me dis que si l'on vote cette Constitution plus l'entrée de la Turquie, alors cela veut dire que tout ce que l'on a fait depuis trente ans va être complètement dilué et mis à bas.
Q- R. Hue, nouveau sénateur communiste, disait qu'il fallait avoir une sorte d'alternative au "non" et discuter avec tout le monde, y compris avec vous. Cela veut dire qu'en effet, les partisans du "non" en France, comme dans les autres pays européens, se réunissent ?
R- Il faut déjà que nous fassions campagne pour expliquer, parce que les gens ne connaissent pas la Constitution, personne ne l'a lue, pour montrer que si on est fondamentalement pro-européen, il faut un autre texte de Constitution. Et, si on y parvient, se mettre autour de la table, avec les collègues des autres pays pour avancer.
Q- Les partisans du "oui", indépendamment de ce qui peut se passer au sein du Parti socialiste, disent que cela pourrait créer une crise en Europe, parce que même si l'on arrive à continuer comme cela, il y aurait une sorte de doute sur l'avancée européenne...
R- Non, je ne pense pas. Il faut regarder cela sereinement. Vous savez, la France peut répondre "non", mais il est probable que d'autres pays vont répondre "non". Et donc, il faut de toutes les manières se préparer à cette éventualité.
Q- Le "non" traverse aussi très largement le Parti socialiste. Ce week -end étaient réunis à Douai les minoritaires, qui eux aussi votent "non". Ils sont minoritaires, ils sont favorables au "non", mais en même temps, ils ne se reconnaissent pas forcément dans vos positions ?
R- On a des positions, sur beaucoup de points, différentes. Mais sur cette question-là, nous disons, les uns et les autres, que nous voulons vraiment une Europe solide, parce que c'est notre avenir, et que pour cela, il ne faut pas accepter un projet qui ne va pas dans le bon sens.
Q- Si le "non" l'emporte, F. Hollande sera-t-il mis en difficulté ?
R- Non, je ne crois pas du tout, ce sont des choses séparées. Vous avez d'un côté les responsables du PS - F. Hollande, moi-même, d'autres -, vous avez l'organisation du PS ; et puis vous avez une question ponctuelle, sur laquelle on consulte les militants. Ce sont deux choses différentes.
Q- D. Strauss-Kahn disait qu'il faudrait peut-être un congrès exceptionnel, pour réunir ou se diviser davantage, je ne sais pas !
R- Non, je pense que l'ensemble du PS a répondu que ce n'était pas une bonne idée...
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 octobre 2004)