Interview de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur RMC le 18 mai 2004, sur la réforme de l'assurance maladie, notamment l'appel à manifester le 5 juin 2004 pour la défense de l'assurance maladie.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Jean-Jacques Bourdin - Avant même de connaître le contenu des propositions de P. Douste-Blazy, vous avez appelé à une journée d'action pour le 5 juin prochain. Comment voulez-vous que la France avance ? Ce n'est pas très constructif !
Bernard Thibault- "Si, justement. Nous avons décidé d'organiser - de proposer - cette mobilisation à toutes fins utiles, pour deux raisons : d'une part parce que le Gouvernement avait arrêté un calendrier et, je maintiens, qui ne permet pas objectivement d'avoir un vrai débat avant que les décisions soient prises. Vous avouerez que sur un sujet aussi essentiel, l'avenir de la Sécurité sociale, faire le choix qu'un Conseil des ministres examine un projet de loi à la mi-juin, pour un débat à l'Assemblée nationale, fin juillet, sans qu'il y ait de négociations avec les organisations syndicales, c'est un choix très particulier. Nous avons voulu prendre les devants - pas simplement, comme cela pouvait nous être reproché, auparavant, pour se mobiliser contre une réforme, puisque nous ne la connaissions pas jusqu'à présent - nous avons proposé une mobilisation pour qu'ensemble, le plus nombreux possible, nous redisions quelles sont les valeurs, les objectifs..."
Vous auriez pu attendre 24 heures, aujourd'hui, puisque vous rencontrez aujourd'hui P. Douste-Blazy.
"Vingt-quatre heures après, non seulement je ne regrette pas d'avoir proposé cette initiative et que nous ayons pu la caler à trois organisations syndicales - elle est maintenant programmée pour la journée du samedi 5 juin. Mais je pense, qu'après avoir entendu les premières mesures concrètes que propose le ministre de la Santé, j'espère bien que d'autres syndicats vont aussi considérer qu'avant que les décisions soient prises, il est encore temps de peser."
Ceci dit - je ne vais pas m'éterniser sur ces problèmes de date - beaucoup de syndicats ont préféré attendre... Venons-en aux propositions de P. Douste-Blazy : d'abord le patient qui paiera un euro par consultation, il perd, au moment du remboursement, un euro ?
"Oui, c'est encore un euro de plus supporté par le patient. Le premier commentaire sur ce projet d'ensemble..."
Ca ressemble au forfait hospitalier ?
"Oui, c'est le forfait hospitalier. C'est un euro aujourd'hui, puis on sait que... Mais on n'est pas du tout, au niveau des mesures et des raisonnements qu'il nous faut, s'agissant de l'avenir de l'assurance maladie. Cela ne tient pas la route, cette approche gouvernementale. On a travaillé pendant des semaines avec d'autres acteurs, et nous avons produit ce que l'on a appelé "le rapport du Haut conseil de l'assurance maladie". On a mis en évidence trois axes, tout le monde a reconnu qu'il y avait trois axes principaux sur lesquels il fallait agir. Et pour l'essentiel, hier, ce que j'entends, c'est qu'il faut faire des économies sur les dépenses de santé. Or, le constat principal qui est apparu dans ce rapport, c'est que comme dans la plupart des autres pays d'Europe, voire d'autres pays outre-Atlantique, il va y avoir une augmentation des dépenses de santé dans notre pays, ce n'est pas la peine de dire "on va faire des économies sur les dépenses de santé". C'est faux, c'est impossible. Pour deux raisons majeures : il y a un vieillissement de la population - qui a déjà été constaté lors du débat sur les retraites - qui génère en soi une croissance des besoins de santé ; deuxièmement, il y a une évolutions technologique qui est plutôt positive, puisque cela nous permet notamment de faire face à des pathologies que l'on ne pouvait pas soigner auparavant, il y a une évolution des sciences et des technologies au niveau de la santé. Ce sont deux facteurs qui vont générer une croissance des dépenses en matière de santé. La question centrale qui est posée, c'est de savoir si ces moyens financiers qui vont augmenter seront toujours organisés, structurés dans un cadre collectif qui s'appelle la Sécurité sociale pour un dispositif solidaire, ou, au contraire, est-ce que l'on prend des mesures qui feront en sorte que, de fait, chacun des patients, chacun des concitoyens, de plus en plus, devra faire face, seul, à ses besoins de santé au-delà du service minimum qui serait assuré par la Sécu. Et lorsque j'entends l'approche qui est faite, je considère que l'on va vers un service minimum de la Sécu."
On ne va pas entrer dans le détail de toutes les mesures Douste-Blazy - taux CSG des retraités imposable en augmentation de 0,4 % - arrêtez-moi si vous avez des remarques à faire...
"J'en aurais beaucoup : une augmentation de la CSG au moment où le Gouvernement justifie la baisse des impôts sur le revenu. On diminue les impôts proportionnels aux revenus de nos concitoyens, et on augmente la CSG, qui, je le rappelle..."
Retraités imposables...
R - "Les retraités seront heureux d'apprendre qu'ils vont devoir mettre la main au porte-monnaie, comme les patients."
Je rappelle qu'il avait un taux de CSG qui était inférieur à celui des salariés.
"Oui. La CSG est inéquitable : 88 % des ressources de la CSG proviennent des revenus du travail. Et lorsque l'on veut s'intéresser aux modifications à faire sur le financement - cela a été identifié comme un problème majeur dont il fallait négocier les termes, les uns et les autres ont fait des propositions pour modifier les modalités de cotisations sociales. Nous avons dit, pour ce qui nous concerne, par exemple, que nous voulions que l'ensemble des revenus, notamment des revenus du capital, soient appelés à l'effort à due concurrence de ceux du travail. Or, aujourd'hui, la CSG, pour 88 % de ces ressources, ce sont les salariés et les retraités qui en assurent les recettes. S'agissant de la riche produite des entreprises, je considère qu'elles ne sont toujours pas suffisamment appelées à l'effort. L'augmentation de la contribution des entreprises, hier, en masse financière, correspond à ce que les retraités vont apporter par l'augmentation de la CSG. C'est donc une mesure, une nouvelle fois, inéquitable et qui n'assure pas une pérennité du financement. On essaye, là, par différentes mesures de combler un trou, sans totalement le combler. On est sur une démarche gestionnaire à court terme, et en aucun cas sur des mesures qui peuvent permettre de pérenniser et de consolider la Sécurité sociale."
[...]
(source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 21 mai 2004)