Texte intégral
Q - Vous allez suivre de près l'arrivée autour de la planète Mars de cette sonde Mars Express et du petit robot Beagle 2 qu'elle a largué, qui doit normalement se poser demain ?
R - La sonde est effectivement en orbite autour de la planète. Le petit robot a été détaché. Je voudrais situer un petit peu Beagle 2. Beagle était le nom de la mission de Charles Darwin qui partait à l'exploration des terres inconnues. Là aussi, on est vers l'exploration d'une planète qui garde encore beaucoup de mystères. Et demain matin, beau cadeau de Noël, ce petit atterrisseur devrait arriver sur la planète et commencer son travail.
Q - C'était prévu précisément qu'il arrive le jour de Noël, dès qu'on l'a lancé ?
R - Oui, les scientifiques sont pleins d'invention, de créativité ! C'est un beau symbole que de se dire que c'est une attente forte et un beau cadeau. A ce moment-là, c'est la science pleine de rêves, pleine de création et de talent.
Q - S'il y a eu un jour des océans sur Mars et qu'ils ont disparu, cela veut dire que cela pourrait arriver sur Terre ?
R - Cette exploration de la planète Mars doit bien sûr nous donner des éléments pour ce qu'on appelle "la planétologie comparée", de se dire ce qui est arrivé sur Mars il y a quelques milliards d'années. Et qu'est-ce que notre planète peut devenir ? C'est un petit peu toutes ses interrogations que la communauté scientifique se pose.
Q - C'est un programme européen qui est derrière. Donc, l'Europe de la science, ça marche, à la différence peut être d'autres secteurs ?
R - Beau programme ambitieux, un programme européen où chacun s'est mobilisé, avec des communautés scientifiques qui ont l'habitude de travailler ensemble depuis longtemps. La communauté internationale s'est mobilisée sur des enjeux d'exploration et l'on attend pour janvier deux robots américains : Spirit et Opportunity, qui eux aussi devraient explorer la planète. L'exploration de la planète Mars est difficile. Il y a eu 50 % d'échecs dans le lancement des sondes depuis le début de son exploration. Mais c'est un tel enjeu que de pouvoir connaître, aller toujours plus loin dans la découverte, l'attrait de l'inconnu.
Q - Des hommes, des êtres humains pourront être envoyés par la suite ?
R - L'exploration martienne habitée, cela fait partie des projets pour ce XXIème siècle. Ce sera, là aussi, une collaboration internationale. Cela fait partie des projets qui sont sortis des cartons d'ailleurs. Donc, on peut imaginer qu'au milieu de ce siècle, on puisse avoir un équipage international qui parte à l'exploration de Mars.
Q - On redescend sur Terre, pour une question tournée vers le futur : ITER, ce réacteur de recherche sur la fusion nucléaire qui doit permettre d'aller vers des énergies propres. On sait qu'il n'y a pas eu d'accord sur son implantation, au Japon ou en Provence. Vous essayez en ce moment, si on a bien compris, une synthèse entre les deux lieux ?
R - Là aussi, c'est un grand projet de conquête. C'est la conquête d'une énergie inépuisable, propre et qui préserve l'environnement, un projet mondial. Et on essaie dans le mois qui vient effectivement, de déterminer comment utiliser l'expertise de l'ensemble des partenaires qui connaissent bien le domaine de la fusion. C'est-à-dire non seulement les Européens bien sûr et les Japonais, mais aussi les autres partenaires du projet, dans une relation gagnant-gagnant, essayant de porter un projet très ambitieux dans un contexte où il y a effectivement des intérêts divergents. C'est non seulement un projet scientifique et technique, mais c'est aussi un projet industriel. C'est l'idée d'avoir une production industrielle.
Q - L'idée serait donc d'avoir quelque part le centre et ailleurs ceux qui feraient les calculs préalables aux expérimentations ? L'un aurait le centre proprement dit et l'autre, un lot de consolation ?
R - Je n'appelle pas ça un "lot de consolation". C'est une coopération, un partenariat. Les Russes ont fait une proposition intéressante. D'ailleurs, pour que ce projet ait encore plus de chances de réussir, non seulement il faut le réacteur physique, pour lequel on est en train de débattre du site - et là, c'est Cadarache, en Europe, qui donne les meilleures chances de réussite du projet -, mais il est nécessaire aussi d'avoir une mobilisation des capacités de calculs, de transmission de données et puis de tests des matériaux. Vous savez que c'est un environnement très particulier, celui de la fusion : 200 millions de degrés, des matériaux supraconducteurs qu'il faut tester. Donc, l'idée est d'élargir un petit peu le concept du projet, pour qu'il ait encore plus de chances de réussir. Et une coopération plutôt qu'une compétition, pour un scientifique et des équipes techniques, cela paraît intéressant.
Q - Et ensuite, il y a le côté diplomatique. Que l'Europe arrive à imposer aux Américains son point de vue ?
R - Il y a une mobilisation intensive effectivement diplomatique au niveau français, au niveau européen bien sûr, puisque c'est un projet européen dont on a choisi l'implantation à Cadarache, à cause de son très bon environnement scientifique et technique. Cela veut dire revoir avec nos partenaires russes, nos partenaires chinois, les Coréens du sud qui jouent un rôle important...
Q - Ils ont été neutres à un moment, puis pro Japon ensuite ?
R - Les Coréens du Sud, comme la plupart des communautés, veulent que ce projet ITER soit un succès, qu'il réussisse. Donc, choisissons la meilleure solution. C'est aussi ce qu'on doit porter au niveau de nos partenaires japonais, partenaires américains, bien sûr. Et là, je le redis, c'est vrai que les intérêts sont parfois un peu divergents. On peut avoir un espoir de réunir par la science des intérêts divergents.
Q - Sur le nucléaire français et allemand en l'occurrence, que la Finlande ait acheté le futur projet de centrale nucléaire, le PR, pour la recherche française, cela va permettre de démontrer ce qu'on sait faire ?
R - Effectivement, c'est un très beau contrat, une marque de confiance à la possibilité de réalisation de ce réacteur, qui est une aventure franco-allemande. Là encore, c'est l'Europe dans ses capacités scientifiques qui est à l'honneur et cela montre que beaucoup réfléchissent à garder une option nucléaire ouverte, pour pouvoir préserver notre environnement avec un approvisionnement d'énergie qui puisse être garanti pour les générations futures.
Q - Quel est le profil du chercheur français au XXIème siècle, comme vous le définissez ?
R - C'est difficile de donner une définition en peu de temps. Ce que je souhaiterais dire - avec l'exemple de Mars Express, l'exemple de la conquête de l'énergie avec ITER -, c'est qu'il faut que chacun ressente ce désir de science. La science, la technologie nous ont apporté beaucoup, tant au point de vue de la santé que de l'environnement. Donc, première étape : désir de science, que tout le monde se sente engagé et responsable. Deuxième étape - et ça effectivement, c'est la politique du gouvernement -, rendre la recherche attractive et donner la possibilité aux chercheurs, quelle que soit leur nature - il y a des chercheurs qui sont dans une exploration très fondamentale, il y a des chercheurs qui sont des entrepreneurs partis sur une recherche au service de chacun -, que chacun puisse s'exprimer librement, avec les moyens, les infrastructures qui le lui permettent.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 décembre 2003)
R - La sonde est effectivement en orbite autour de la planète. Le petit robot a été détaché. Je voudrais situer un petit peu Beagle 2. Beagle était le nom de la mission de Charles Darwin qui partait à l'exploration des terres inconnues. Là aussi, on est vers l'exploration d'une planète qui garde encore beaucoup de mystères. Et demain matin, beau cadeau de Noël, ce petit atterrisseur devrait arriver sur la planète et commencer son travail.
Q - C'était prévu précisément qu'il arrive le jour de Noël, dès qu'on l'a lancé ?
R - Oui, les scientifiques sont pleins d'invention, de créativité ! C'est un beau symbole que de se dire que c'est une attente forte et un beau cadeau. A ce moment-là, c'est la science pleine de rêves, pleine de création et de talent.
Q - S'il y a eu un jour des océans sur Mars et qu'ils ont disparu, cela veut dire que cela pourrait arriver sur Terre ?
R - Cette exploration de la planète Mars doit bien sûr nous donner des éléments pour ce qu'on appelle "la planétologie comparée", de se dire ce qui est arrivé sur Mars il y a quelques milliards d'années. Et qu'est-ce que notre planète peut devenir ? C'est un petit peu toutes ses interrogations que la communauté scientifique se pose.
Q - C'est un programme européen qui est derrière. Donc, l'Europe de la science, ça marche, à la différence peut être d'autres secteurs ?
R - Beau programme ambitieux, un programme européen où chacun s'est mobilisé, avec des communautés scientifiques qui ont l'habitude de travailler ensemble depuis longtemps. La communauté internationale s'est mobilisée sur des enjeux d'exploration et l'on attend pour janvier deux robots américains : Spirit et Opportunity, qui eux aussi devraient explorer la planète. L'exploration de la planète Mars est difficile. Il y a eu 50 % d'échecs dans le lancement des sondes depuis le début de son exploration. Mais c'est un tel enjeu que de pouvoir connaître, aller toujours plus loin dans la découverte, l'attrait de l'inconnu.
Q - Des hommes, des êtres humains pourront être envoyés par la suite ?
R - L'exploration martienne habitée, cela fait partie des projets pour ce XXIème siècle. Ce sera, là aussi, une collaboration internationale. Cela fait partie des projets qui sont sortis des cartons d'ailleurs. Donc, on peut imaginer qu'au milieu de ce siècle, on puisse avoir un équipage international qui parte à l'exploration de Mars.
Q - On redescend sur Terre, pour une question tournée vers le futur : ITER, ce réacteur de recherche sur la fusion nucléaire qui doit permettre d'aller vers des énergies propres. On sait qu'il n'y a pas eu d'accord sur son implantation, au Japon ou en Provence. Vous essayez en ce moment, si on a bien compris, une synthèse entre les deux lieux ?
R - Là aussi, c'est un grand projet de conquête. C'est la conquête d'une énergie inépuisable, propre et qui préserve l'environnement, un projet mondial. Et on essaie dans le mois qui vient effectivement, de déterminer comment utiliser l'expertise de l'ensemble des partenaires qui connaissent bien le domaine de la fusion. C'est-à-dire non seulement les Européens bien sûr et les Japonais, mais aussi les autres partenaires du projet, dans une relation gagnant-gagnant, essayant de porter un projet très ambitieux dans un contexte où il y a effectivement des intérêts divergents. C'est non seulement un projet scientifique et technique, mais c'est aussi un projet industriel. C'est l'idée d'avoir une production industrielle.
Q - L'idée serait donc d'avoir quelque part le centre et ailleurs ceux qui feraient les calculs préalables aux expérimentations ? L'un aurait le centre proprement dit et l'autre, un lot de consolation ?
R - Je n'appelle pas ça un "lot de consolation". C'est une coopération, un partenariat. Les Russes ont fait une proposition intéressante. D'ailleurs, pour que ce projet ait encore plus de chances de réussir, non seulement il faut le réacteur physique, pour lequel on est en train de débattre du site - et là, c'est Cadarache, en Europe, qui donne les meilleures chances de réussite du projet -, mais il est nécessaire aussi d'avoir une mobilisation des capacités de calculs, de transmission de données et puis de tests des matériaux. Vous savez que c'est un environnement très particulier, celui de la fusion : 200 millions de degrés, des matériaux supraconducteurs qu'il faut tester. Donc, l'idée est d'élargir un petit peu le concept du projet, pour qu'il ait encore plus de chances de réussir. Et une coopération plutôt qu'une compétition, pour un scientifique et des équipes techniques, cela paraît intéressant.
Q - Et ensuite, il y a le côté diplomatique. Que l'Europe arrive à imposer aux Américains son point de vue ?
R - Il y a une mobilisation intensive effectivement diplomatique au niveau français, au niveau européen bien sûr, puisque c'est un projet européen dont on a choisi l'implantation à Cadarache, à cause de son très bon environnement scientifique et technique. Cela veut dire revoir avec nos partenaires russes, nos partenaires chinois, les Coréens du sud qui jouent un rôle important...
Q - Ils ont été neutres à un moment, puis pro Japon ensuite ?
R - Les Coréens du Sud, comme la plupart des communautés, veulent que ce projet ITER soit un succès, qu'il réussisse. Donc, choisissons la meilleure solution. C'est aussi ce qu'on doit porter au niveau de nos partenaires japonais, partenaires américains, bien sûr. Et là, je le redis, c'est vrai que les intérêts sont parfois un peu divergents. On peut avoir un espoir de réunir par la science des intérêts divergents.
Q - Sur le nucléaire français et allemand en l'occurrence, que la Finlande ait acheté le futur projet de centrale nucléaire, le PR, pour la recherche française, cela va permettre de démontrer ce qu'on sait faire ?
R - Effectivement, c'est un très beau contrat, une marque de confiance à la possibilité de réalisation de ce réacteur, qui est une aventure franco-allemande. Là encore, c'est l'Europe dans ses capacités scientifiques qui est à l'honneur et cela montre que beaucoup réfléchissent à garder une option nucléaire ouverte, pour pouvoir préserver notre environnement avec un approvisionnement d'énergie qui puisse être garanti pour les générations futures.
Q - Quel est le profil du chercheur français au XXIème siècle, comme vous le définissez ?
R - C'est difficile de donner une définition en peu de temps. Ce que je souhaiterais dire - avec l'exemple de Mars Express, l'exemple de la conquête de l'énergie avec ITER -, c'est qu'il faut que chacun ressente ce désir de science. La science, la technologie nous ont apporté beaucoup, tant au point de vue de la santé que de l'environnement. Donc, première étape : désir de science, que tout le monde se sente engagé et responsable. Deuxième étape - et ça effectivement, c'est la politique du gouvernement -, rendre la recherche attractive et donner la possibilité aux chercheurs, quelle que soit leur nature - il y a des chercheurs qui sont dans une exploration très fondamentale, il y a des chercheurs qui sont des entrepreneurs partis sur une recherche au service de chacun -, que chacun puisse s'exprimer librement, avec les moyens, les infrastructures qui le lui permettent.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 décembre 2003)