Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, à "Europe 1" le 31 décembre 2003, sur les leçons tirées de la canicule du point de vue du fonctionnement de l'administration,, la réforme de l'UNEDIC et de l'indemnisation des chômeurs dans un but d'incitation à trouver un emploi, le débat sur la réforme de l'assurance maladie et la préparation des élections régionales.

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Média : Emission Journal de 8h - Europe 1

Texte intégral

A. Chabot -. Un Conseil des ministres le 31 décembre, c'est exceptionnel. C'est pour faire oublier ou vous faire pardonner l'absence de l'été pendant la canicule. En gros, absent le 15 août, présent le 31 décembre ?
J.F. COPE.- "Non, c'est un Conseil des ministres, je dirais ordinaire. C'est tous les mercredis, les Conseils des ministres. "
A. Chabot -. Mais généralement, le 31 décembre, la Saint-Sylvestre, vous ne réveillonnez pas ensemble à l'Elysée...
J.F. COPE.- "Oui, mais il y avait le 24 décembre et le 31 décembre qui tombaient un mercredi. Donc, le Président a considéré qu'il fallait avancer celui du 24 décembre au 22, et puis bien entendu, le 31 décembre, le Conseil se tient normalement. "
A. Chabot -. Si je reviens sur la canicule, c'est qu'on a l'impression que c'est depuis ce moment qu'il y a eu une cassure entre les Français et le Premier ministre parce qu'il a été, à ce moment-là, pris en défaut de proximité.
J.F. COPE.- "Oui, j'ai bien compris l'allusion. Je crois qu'on a beaucoup, beaucoup parlé de tous ces sujets pendant toute cette année 2003. Chacun doit naturellement en tirer les enseignements. Pour ce qui nous concerne, nous avons beaucoup de pain sur la planche pour comprendre comment des drames comme cela peuvent arriver. C'est une réflexion sur le fonctionnement de notre administration, sur nos systèmes d'alertes, sur la manière de réagir rapidement sur le terrain. On le voit pour tous les grands drames que nous avons à vivre ; on l'a vu aussi sur d'autres sujets - je pense aux inondations où là nos services ont été particulièrement réactifs. Il faut de toute façon tirer tous les enseignements des épreuves que notre pays traverse. "
A. Chabot -. Et ça ira mieux pour J.-P. Raffarin en ce début d'année, qu'à la fin ou au début décembre, quelque chose comme ça ?
J.F. COPE.- "J'imagine que vous parlez des sondages. Mais vous savez, on ne peut pas gouverner un pays en étant obsédé sans cesse par ces courbes. Nous nous sommes engagés sur un programme de réformes et on y va, parce que c'est ça que les Français attendent de nous. "
A. Chabot -. C'est une difficile fin d'année en tout cas pour 180 000 chômeurs qui ne vont plus, à partir de demain, toucher leurs allocations en raison d'une réforme de l'Unedic, une réforme adoptée l'année dernière. Cela donne encore l'image d'un gouvernement qui ne s'occupe pas beaucoup des plus défavorisés, qui est libéral, plus proche du Medef disent certains
J.F. COPE.- "Non, je crois qu'on ne peut pas dire cela. Je sais qu'en France on est très amateur des mauvaises polémiques, mais depuis le premier jour de l'entrée en fonction de ce gouvernement, toutes les mesures que nous avons prises, en matière économique et sociale, ont eu un seul objectif : la lutte contre le chômage. Je crois qu'il ne faut pas s'y tromper. Il faut faire uvre de courage dans ce domaine, parce que chacun sait ce que c'est que le drame individuel que constitue le chômage. Dans cette affaire-là, il n'y a pas les gentils d'un côté et les méchants de l'autre. Il y a une vraie volonté des uns et des autres de trouver les solutions qui permettent un objectif : faire que ceux qui sont au chômage puissent retrouver un emploi. "
A. Chabot -. Cela veut dire que supprimer les allocations chômages cela incite davantage les gens à trouver un emploi ou que cela leur permet de trouver davantage un emploi ?
J.F. COPE.- "Mais attendez : arrêtons de dire qu'on supprime les allocations ! Laisser les communistes ou laisser les [inaud.] du PS"
A. Chabot -. On réduit, on réduit...
J.F. COPE.- "Nous avons, en France, un des systèmes les plus généreux et modernes d'Europe - et nous en sommes fiers - en matière d'indemnisation du chômage. J'appelle votre intention sur le fait que, par exemple, notre voisin allemand a un système qui est en train de changer très brutalement. M. Schröder, chancelier socialiste, va réduire à seulement un an l'indemnisation pour le chômage. Nous sommes très loin de cela. Quel est notre objectif ? Il est de dire : tout doit être fait pour inciter au retour à l'emploi, mais bien entendu, en tenant compte des situations individuelles. Je vais vous prendre un exemple concret, parce que cela vaut peut-être la peine de le dire : une personne qui, aujourd'hui, a 50 ans ou plus et qui est au chômage, va bénéficier de trois années pleines d'indemnités par les Assedic. Puis donc, cela va être à 36 mois. Bien. S'ajoute à cela deux ans de l'ASS. Et à la suite de ces cinq ans, , il aura la possibilité de bénéficier soit d'un revenu minimum d'activité, soit d'un contrat initiative emploi - c'est une exonération de charges sociales pour les chômeurs de longue durée -, soit effectivement d'avoir le RMI. Mais enfin, il faut quand même comprendre que notre objectif, aujourd'hui, il est de faire un accompagnement social, d'ajouter des plans de formation et de faire qu'un système se mesure à travers, non pas seulement le nombre de gens qui sont indemnisés, mais le nombre de gens qui arrivent à trouver un emploi. Et à ça que nous travaillons aujourd'hui. "
A. Chabot -. Mais on comprend surtout que derrière cela, qu'il y a un changement de logique, c'est-à-dire pour vous, c'est moins d'assistance et effectivement la nécessité de retrouver un emploi. C'est un changement par rapport à vos prédécesseurs ; c'est une démarche plus libérale ?
J.F. COPE.- "Changement par rapport à nos prédécesseurs... Je voudrais quand même rappeler que ce qui est entré en application, ce qui va entrer en application d'ici quelques jours, c'est un système qui a été adopté sous le gouvernement socialiste de M. Jospin, le Plan d'aide au retour à l'emploi, à l'initiative des partenaires sociaux. J'entendais tout à l'heure M. Gremetz, le communiste, sur vos ondes, qui avait l'air d'oublier ce petit détail. C'est un dispositif qui est déjà un peu ancien, il date du gouvernement de M. Jospin, qui en avait, faute de courage, différé très largement la date d'entrée en vigueur. Mais pourquoi est-ce que nous faisons cela ? Ce n'est pas le problème d'être libéral ou pas libéral, ce n'est pas ça le sujet ; ça c'est des aspects idéologiques. C'est que nous voulons trouver une formule qui permette d'inciter au retour à l'emploi, comme le font tous les grands pays qui aujourd'hui réfléchissent à cette question. Et dans le même temps, nous préservons un système d'allocation qui reste très opérationnel, très adapté à chaque situation. Je le redis : cela peut aller jusqu'à cinq années, ce qui est tout à fait significatif. "
A. Chabot -. Ceux qui disent qu'on réduit la durée de versements des allocations chômage, qu'on va réduire aussi la durée de versement de cette allocation spécifique de solidarité, il y a le régime des intermittents du spectacle aussi, qui change de main. Il y en a qui disent que l'on aggrave la fracture sociale dénoncée par ailleurs par J. Chirac. Ils ont tort ?
J.F. COPE.- "Je ne le crois pas. Je crois que la pire menace qui pourrait peser sur les acquis sociaux, c'est l'immobilisme. C'est de ne pas se rendre compte que les choses sont en train de bouger et que nous devons, nous, être en initiative. C'est pour cela que nous prenons un certain nombre de réformes, comme d'ailleurs nous abaissons très largement le niveau des charges sociales. Vous savez qu'on a beaucoup, beaucoup baissé les charges sociales, notamment sur les salaires les plus modestes ; c'est cela qui permet d'inciter à l'emploi. Regardez : on a créé le contrat-jeune en entreprise, sans charges sociales, pour les faiblement qualifiés : 150 000 contrats signés pour des jeunes faiblement qualifiés. On ne les aurait jamais eus sans ce dispositif de baisse de charges sociales. "
A. Chabot -. Donc, il n'est pas question de revenir sur l'une ou l'autre de ces dispositions ?
J.F. COPE.- "Mais le problème n'est pas d'y revenir, le problème est surtout de montrer que c'est un atout, en réalité, pour inciter beaucoup de nos concitoyens à aller sur le chemin de l'emploi, parce que nous les y accompagnons avec des baisses de charges sociales, avec des formations à la clé, et enfin, avec des incitations qui doivent permettre aux uns et aux autres de retrouver le chemin de l'emploi. C'est ça l'objectif dans une démocratie moderne. Et pour autant, nous n'oublions pas les plus modestes. Je veux vraiment insister là-dessus, aussi bien sur l'augmentation du Smic, la prime pour l'emploi, ou même encore, comme on l'a vu aujourd'hui, la prime pour Noël. "
A. Chabot -. Dans l'application de la réforme des retraites, on a découvert il y a quelques jours, que certains professeurs, s'appuyant sur une décision de la Cour de Justice européenne, réclamaient la possibilité de partir après 15 ans de service - et notamment des profs -, pour ceux qui ont eu plus de trois enfants ; égalité des sexes. Est-ce que vous allez permettre effectivement à ces fonctionnaires de partir ou est-ce que vous allez être obligé d'enlever un avantage accordé aux femmes pour ne pas que ce soit l'hémorragie ?
J.F. COPE.- "Il y a une décision qui a été prise par la Cour de Justice européenne, mais je crois qu'il faut quand même bien voir que c'est une mesure familiale. Cela ne peut pas être une mesure de retraite anticipée, donc chacun doit prendre là-dessus ses responsabilités. "
A. Chabot -. Oui, mais le Gouvernement n'a pas l'intention de supprimer ce qui est accordé aux femmes pour que les hommes ne puissent pas en bénéficier ?
J.F. COPE.- "Bien sûr que non."
A. Chabot -. Dans quelques jours aussi, sans doute, on va reparler de la croissance et des perspectives pour 2004 et des réformes. D'abord, cette croissance vous êtes sûr qu'elle va revenir et qu'elle va enfin nous toucher ?
J.F. COPE.- "En tout cas, maintenant, tous les indicateurs convergent dans tous les sens. Nous avons de partout, à la fois des indicateurs de conjoncture internationale, de reprise de l'investissement, de reprise de la consommation, la Bourse, d'ailleurs, l'a plutôt bien anticipée. Il nous semble, effectivement, que tous les indicateurs vont vers un retour de la croissance. Nous, notre objectif c'était, pendant, 18 mois de préparer la France à ce retour de croissance. D'où les baisses d'impôts et de charges, d'où les assouplissements que nous avons introduits dans notre économie, parce qu'il n'y a rien de pire que l'idéologie qui bloque l'initiative. Je crois qu'effectivement, il faut maintenant continuer dans ce sens et continuer les réformes structurelles. On a réformé les retraites, on réforme aujourd'hui"
A. Chabot -. ...C'est plus facile de réformer quand il y a de l'argent, évidemment.
J.F. COPE.- "C'est vrai, et on est sans doute plus populaire quand on est en période de croissance économique. Mais pour autant, je vous l'ai dit, nous, nous sommes dans une perspective d'un mandat de cinq années, de 2002 à 2007, et nous travaillons à la mise en uvre de ces engagements et de ces réformes de structures qui doivent faire en sorte que les choses changent. "
A. Chabot -. Prochaine étape : réforme de l'assurance maladie. Il y a quelques jours, le président de la commission économique du Medef, et par ailleurs président d'une grande banque, D. Bouton, a fait 13 propositions, parmi lesquelles l'introduction d'éléments de concurrence dans le système de gestion entre ceux qui offrent des soins. C'est une idée que le gouvernement peut retenir ?
J.F. COPE.- "Nous n'en sommes pas là du tout, loin s'en faut. D'abord, je veux quand même rappeler que nous sommes aujourd'hui dans la phase du débat, dans la phase de ce qu'on appelle le diagnostic partagé ; la première étape. Viendra ensuite la phase du dialogue social, puis enfin de la décision. C'est la technique des trois étapes, comme nous l'avions fait pour les retraites. Dans cette période du diagnostic partagé, je crois que chacun doit pouvoir librement s'exprimer, on doit écouter l'avis des uns et des autres. Cela ne vaut pas, loin s'en faut, décision, bien sûr. Et je crois que c'est important que chacun participe à ce débat. Il y a, comme dans toutes contributions, des choses intéressantes et des choses qui sont sans doute plus discutables."
A. Chabot -. Mais les syndicats hurlent tous contre les propositions de D. Bouton ; vous, vous, ne trouvez rien d'intéressant dans ce qu'il met en avant ?
J.F. COPE.- "Si. Lorsque, par exemple, on parle de responsabilisation, c'est un sujet sur lequel on doit pouvoir se retrouver. Responsabilisation des acteurs du service de santé, oui, il y a des réflexions. Sur d'autres sujets, c'est vrai nous sommes plus réservés. Je pense par exemple à certaines formules de mise en concurrence. "
A. Chabot -. Cette réforme sera mise en uvre quand ? On dit que le président de la République pourrait la lancer le 14 juillet ; ce sera premier semestre ou deuxième semestre pour [inaud.] ?
J.F. COPE.- "Oui, c'est l'engagement qu'a d'ailleurs pris le Premier ministre, comme pour les retraites, à l'été, cette réforme aura été adoptée. "
A. Chabot -. C'est-à-dire après les élections, parce que c'est plus facile, il faut laisser passer cette période électorale ?
J.F. COPE.- "Je crois que le calendrier reste le même. Une réforme de structure, il faut six à neuf mois pour la mettre en uvre, donc ça nous fera l'été. "
A. Chabot -. Vous disiez dans un papier hier publié par Le Figaro, que la France de cette fin 2003 n'est plus tout à fait celle du 21 avril 2002. Il y en a beaucoup qui pensent au contraire que lors des prochaines échéances électorales, les régionales, les cantonales, voire les européennes, on aura un phénomène semblable, c'est-à-dire des Français qui ne vont pas voter ou qui votent pour les extrêmes.
J.F. COPE.- "En tout cas, moi, ce que je peux vous dire, c'est que nous avons, depuis 18 mois, montré qu'il pouvait y avoir de l'efficacité en politique et c'était le grand procès qui a été fait le 21 avril, avec des réformes, que personne ne voulait faire et qui sont maintenant engagées."
A. Chabot -. Donc vous ne pensez pas un scénario 21 avril répété en 2004 ?
J.F. COPE.- "On le verra bien. En tout cas, ce que je peux dire, c'est que l'efficacité publique elle exige d'éviter l'éclatement des votes dans tous les sens et de bien rappeler que, par exemple, quand on vote pour l'extrême droite, cela fait monter le score de l'extrême droite et que du coup, cela fait ce qu'on appelle "des triangulaires" et ça fait passer la gauche, c'est-à-dire l'inverse de la politique que l'on veut. "
A. Chabot -. Ce sera un test national ces élections ? Pour ou contre J.-P. Raffarin et son gouvernement ?
J.F. COPE.- "Il y aura probablement, comme toujours, une petite dimension nationale. Mais il y a aussi une dimension d'un enjeu régional très très important. Je le vois bien dans ma région. "
A. Chabot -. Vous êtes effectivement candidat aux régionales ; vous pourrez rester porte-parole du gouvernement ?
J.F. COPE.- "Oui, mais je me suis engagé assez clairement là-dessus. C'est-à-dire que si je suis élu président."
A. Chabot -. Pendant la campagne...
J.F. COPE.- "Si je suis élu président de la région Ile-de-France, je quitterais le Gouvernement, naturellement. "
A. Chabot -. M. Le Pen dit que vous l'attaquez, vous la ciblez, que vous êtes méchant avec elle, que vous l'empêchez de faire campagne.
J.F. COPE.- "Je crois que c'est plutôt l'inverse : elle a plutôt dit qu'elle allait centrer toutes ses attaques contre moi. De ce point de vue, on va dire qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil parce que M. Le Pen est comme son père ; ça fait 30 ans que cela marche comme ça. Ils font une alliance objective avec la gauche, et puis ils essaient de faire battre la droite pour faire passer la gauche. C'est-à-dire l'inverse de la politique que beaucoup de Français souhaitent. Je crois qu'il faut être bien vigilant là-dessus. "
A. Chabot -. Ce soir, on attend le Président de la République pour ses vux traditionnels, 31 décembre. On dit qu'il annoncerait par exemple qu'il n'y aura pas de remaniement, que tout le monde sera là. Vous savez ce que va dire le Président ?
J.F. COPE.- "Je ne sais pas, non, c'est le Président. Le Président le dira ce soir, le 31 décembre. "
A. Chabot -. Et vous, vous espérez quoi ? Qu'est-ce que vous attendez du Président ? Qu'il soutienne le Gouvernement, un petit coup ?
J.F. COPE.- "Je n'imagine pas les choses autrement. Mais je crois surtout qu'il va tracer les perspectives que les Français attendent pour cette année 2004. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 janvier 2004)