Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur l'inauguration de l'Institut Lumière et son rôle de diffusion du patrimoine cinématographique, Lyon le 8 octobre 1998.

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Circonstance : Inauguration de la salle de l'Institut Lumière dans le hangar du premier film restauré, à Lyon le 8 octobre 1998

Texte intégral

Il y a plus d'un siècle, les ouvriers et les ouvrières de la société Lumière sortaient du Hangar de Monplaisir pour aller à la rencontre des premiers spectateurs du Grand Café, à la rencontre d'un public nouveau que le cinéma venait d'inventer.
Ce premier décor sert aujourd'hui de porte, sublime porte, à la nouvelle salle de cinéma de l'Institut Lumière, et c'est nous qui venons à notre tour à leur rencontre sur les lieux mêmes de la naissance du cinéma.
Nous allons, je crois, les revoir dans quelques minutes ainsi que les images de la bousculade enthousiaste, à la sortie de ce même Hangar, des réalisateurs venus du monde entier, il y a trois ans, parrainer joyeusement la renaissance de ce lieu de mémoire et disposer dans le béton que l'on allait couler autour de la première pierre, quelques menues offrandes propitiatoires.
Le gri-gri déposé par Jean Rouch - un bout de ficelle "car le cinéma , c'est des bouts de ficelle" - semble avoir bien fonctionné et le rêve de Bertrand Tavernier devient aujourd'hui réalité. Le Hangar, classé monument historique est restauré, le centre de documentation créé par Raymond Chirat dans l'atelier d'Antoine Lumière est réaménagé, les espaces d'exposition sont revitalisés, la salle qui manquait à l'Institut Lumière est construite, grâce à quelques autres "bouts de ficelle" apportés par l'ensemble des collectivités publiques..
Tout est prêt désormais pour que l'Institut Lumière, laboratoire cinéphilique imaginé au début des années 80 par Bernard Chardère, renforce dans les meilleures conditions, les actions que Bertrand Tavernier y a développés depuis quelques années et devienne un carrefour essentiel de la culture cinématographique en France.
Après la Cinémathèque de Toulouse, installée dans de nouveaux locaux l'an dernier, avant la Maison du cinéma qui rassemblera à Paris l'ensemble des activités menées aujourd'hui par la Cinémathèque française, la Bibliothèque du film et le service des Archives du film et du dépôt légal du C.N.C. pour accueillir tous les publics, tous les professionnels, tout le cinéma, L'Institut Lumière doit occuper la place qui lui revient dans le dispositif que j'entends développer pour la diffusion du patrimoine et plus généralement de la culture cinématographiques.
Un effort important a été accompli ces dernières années dans le domaine du patrimoine cinématographique pour renforcer nos collections, les regrouper, les conserver et les restaurer, pour rénover et rapprocher nos grandes institutions à Paris et en région, pour amorcer, notamment à l'occasion de la célébration du Premier siècle de cinéma, des expériences nouvelles de diffusion.
Il faut aujourd'hui franchir un nouveau palier et c'est la raison pour laquelle j'ai relancé sur de nouvelles bases le projet de Maison du cinéma et demandé au CNC de préparer un nouveau plan d'action que je présenterais dans quelques semaines.
Des institutions de type nouveau, comme l'Institut Lumière, destinées à montrer le cinéma sous toutes ses formes, en le projetant, en le consultant, en l'exposant, en l'enseignant, en éditant des ouvrages, vont se développer et contribuer de façon active à placer le patrimoine cinématographique au coeur de la politique culturelle du cinéma.
Elles doivent animer et coordonner à Paris ou en région, le réseau plus diffus des opérateurs qui interviennent dans ce domaine, de l'Université aux ciné-clubs en passant par les vidéothèques de plus en plus nombreuses dans les bibliothèques municipales, et participer à la naissance d'une nouvelle génération cinéphile et à la transmission de la mémoire du cinéma.
Ces institutions - archives, cinémathèques ou centres de ressources sur le cinéma - puisent leur force dans le passé d'un art à peine centenaire.
Elles puisent aussi leur dynamisme dans l'esprit pionnier qui les a animées depuis leur origine.
Elles ouvrent aujourd'hui plus largement leur collections, diffusent avec moins de réticences celles des autres et adoptent plus volontiers des .démarches de mise en réseau de leurs fonds et de leurs programmations.
Ce mouvement doit s'accentuer pour rendre plus visible notre patrimoine, l'intégrer à de nouvelles pratiques, le faire dialoguer et le confronter en permanence avec notre création actuelle.
J'insiste ici sur le rôle du patrimoine dans l'éducation à l'image, un dossier qui me tient tout particulièrement à coeur. L'initiation au cinéma doit incorporer des références au passé du cinéma. En cela, des structures qui, comme l'Institut Lumière, ont développé autour de cette idée un savoir-faire important dans le domaine pédagogique, doivent être parties prenantes à la mission de formation à l'image d'un public non exclusivement scolaire.
Avant de terminer, je voudrais dire un mot du corpus de la première production française, les 1500 films Lumière restaurés par les Archives du film du C.N.C. et gérés par l'Association Frères Lumière que préside Monsieur TRARIEUX LUMIERE.
Tout est là dans cette collection fondamentale que nous avons pu redécouvrir en 1995 : la fiction, le documentaire, le film historique, la comédie, le film de famille, le drame.
Je connais votre voeu, cher Bertrand Tavernier, que ces films puissent être consultés dans cette maison et forment le noyau dur, la collection de référence d'un centre de ressources tourné vers l'initiation des jeunes et des moins jeunes au cinéma. J'y adhère personnellement et j'ai demandé au Centre national de la cinématographie de vous aider à étudier les conditions qui le permettraient rapidement.
Le retour aux Lumière est inévitable dans cette maison qui retrouve aujourd'hui son passé prestigieux et qui est prête pour de nouvelles aventures patrimoniales, pédagogiques, créatrices, un lieu ouvert à tous les cinémas, un lieu de confrontation, de dialogue, une école du regard et de la tolérance.
Je souhaitais, avant de terminer, remercier l'ensemble de l'équipe qui anime avec enthousiasme l'Institut Lumière : les pionniers Chardère et Chirat toujours présents, la nouvelle génération - Thierry Frémaux et Sylvie Burgat, ainsi que tous ceux et celles qui les accompagnent - et enfin Bertrand Tavernier, son président sans la ténacité et le talent duquel nous ne serions pas ici aujourd'hui.
Nous leur faisons confiance pour habiter cette maison du cinéma et en faire un nouveau lieu de partage et d'accueil de la culture pour Lyon et sa région.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 14 septembre 2001)