Texte intégral
A. Hausser-. Bonjour Mme Laguiller.
- "Bonjour. "
Vous êtes porte-parole de Lutte Ouvrière qui tient son meeting de rentrée ce soir. C'est un meeting social. Vous avez vu qu'on parle d'offensive contre les 35 heures qui coûtent 15 milliards d'euros par an.
- "Ecoutez, s'il y a un problème de déficit à cause des 35 heures, c'est tout simplement parce que ces 35 heures ont été prises en charge par l'Etat, ce qui était prévu effectivement par la loi Aubry, et que cette prise en charge par l'Etat, c'est quelque chose moi que j'ai toujours combattu, parce que je pense que le grand patronat en particulier a gagné beaucoup dans cette affaire en gains de productivité, à cause de la flexibilité qui a été imposée aux salariés, et cette flexibilité a aggravé les conditions de travail. Donc il ne serait pas question qu'on revienne en plus sur les 35 heures..."
Parce que c'était mieux avant ou c'est mieux avec les 35 heures, malgré la flexibilité ?
- "Là où les salariés se sont battus pour limiter cette flexibilité, pour limiter les baisses de salaires, c'est peut-être un mieux, et dans d'autres entreprises, ça n'a pas été forcément un mieux. Mais pour moi, il est hors de question de revenir sur une diminution du temps de travail. Vous savez, déjà on augmente le nombre d'années travaillées en reculant l'âge de la retraite, par l'augmentation des annuités qui seront nécessaires, on veut supprimer des jours fériés aux salariés. Non, je pense qu'il faut maintenir la diminution du temps de travail, et que le patronat prenne à sa charge cette diminution de temps de travail, si l'Etat estime que ça lui revient trop cher."
C'est un de vos thèmes de ce soir ? Sinon, de quoi allez-vous parler ?
- "J'en parlerai, mais je parlerai de tout ce qui va mal. M. Raffarin a dit qu'il ne fallait pas faire de catastrophisme. Pour lui, " tout va très bien Mme la marquise "..."
Il n'a pas dit ça...
- "Oui, enfin je me demande où il vit ce Monsieur, parce qu'entre les 15.000 morts de la canicule, où on a vu la faiblesse du service hospitalier, le manque de personnel dans les maisons de retraite, quand je pense aux attaques aujourd'hui contre les chômeurs, qui vont voir soit leurs indemnités diminuer, soit, pour d'autres, qui vont avoir moins de mois couverts par les indemnités, quand je vois les plans de licenciements qui continuent à défiler en cascade, sans le Gouvernement ne fasse rien, eh bien je pense que oui il y a une catastrophe aujourd'hui sociale, et je vais le dénoncer ce soir."
Il y a une catastrophe sociale, mais est-ce que pour vous la France est en déclin ?
- "Ecoutez, la France qu'est-ce que ça veut dire ? Oui, le monde du travail paye durement en ce moment pour les profits des grandes entreprises capitalistes, mais ces grandes entreprises vont plutôt bien. Il n'est qu'à voir d'ailleurs les salaires faramineux de leurs PDG, il n'est qu'à voir les indemnités de licenciement que certains PDG se votent, pour voir que les affaires ne vont pas si mal. En plus, on sait que les deux tiers quand même des bénéfices des entreprises sont, la plupart du temps réinvestis, non pas dans la production mais dans la spéculation boursière. Alors, si c'est de cette France-là dont on parle, elle n'est pas du tout en déclin. Par contre oui, pour le monde du travail, pour les travailleurs, pour les chômeurs, ça ne va pas bien."
Ca ne va pas bien, et est-ce que ça irait mieux s'il y avait une harmonisation sociale en Europe ?
- "Ecoutez, l'harmonisation sociale en Europe - c'est mon expérience déjà de quatre ans de parlementaire européen -, elle se fait par le bas. Quand on nivelle par le bas les droits sociaux, quand on impose, par exemple, au nom de l'égalité homme femme, que les femmes doivent travailler dans l'industrie la nuit, je ne trouve pas que ce soit un nivellement par le haut. Il n'y a toujours pas, dans la Charte des droits fondamentaux, par exemple il n'y a absolument pas mention d'un salaire minimum pour les salariés d'Europe, qui devrait être le plus élevé possible, de façon à éviter justement un certain nombre de délocalisations. Il n'y a même pas le droit au logement, et ça c'est repris aujourd'hui dans cette Constitution européenne, qui est une constitution qui est faite, oui pour le libre marché, pour la libéralisation en particulier des services publics, mais qui n'est pas faite du tout pour améliorer le sort des travailleurs."
Ca veut dire que vous dites déjà non à la future Constitution européenne ?
- "Il y a eu déjà un premier rapport sur la Constitution de monsieur Giscard d'Estaing, et j'ai voté contre au Parlement européen."
Est-ce que c'est dans cette perspective que vous vous rapprochez de la LCR pour les prochaines élections, pour être plus forts, pour dire " non " à la Constitution européenne, éventuellement, mais aussi aux régionales ?
- "Nous avons entamé effectivement des négociations. On a déjà eu deux réunions avec la Ligue Communiste Révolutionnaire. Je dirais que pour l'instant, c'est en bonne voie et que ce qui nous rapproche surtout, je crois, c'est justement la dénonciation de la situation qui est faite aujourd'hui au monde du travail. Le programme qu'on a envie de mettre en avant, c'est celui bien sûr de l'interdiction des licenciements, c'est celui du contrôle sur les comptabilités..."
Mais le parti Communiste aussi dit non aux licenciements...
- "Il ne s'agit pas de dire non. Vous savez, quand le parti Communiste participait au gouvernement, on n'a pas vu de loi votée pour interdire ces licenciements collectifs. Moi je pense qu'il faut absolument interdire ces licenciements collectifs, parce qu'on ne peut pas continuer comme ça avec un chômage en totale augmentation."
Alors quand M.-G. Buffet vous dit que ce sont des accords d'appareil et non pas des accords à la base, qu'est-ce que vous répondez ?
- "Je pense que c'est une idiotie, parce qu'évidemment les deux directions se rencontrent actuellement, évidemment l'accord auquel nous allons parvenir va être soumis aux militants de la LCR, à leur congrès début novembre, et aux militants de Lutte Ouvrière à notre congrès début décembre. Donc, on saura exactement quelle est la position de la base, comme on dit, après ces deux congrès."
Oui, mais dans les Conseils régionaux, vos élus votent contre ou ne participent pas...
- "Ce n'est pas vrai, je vous assure que c'est un mensonge. J'ai vérifié justement, j'ai fait des statistiques et sur le Parlement européen, où par exemple sur un an d'activités, on a voté pour 30 % des rapports, bien sûr que des fois... heureusement qu'on vote contre beaucoup de choses, en particulier toutes les aides au patronat, en particulier tout ce qui peut aller contre l'intérêt des travailleurs. Et dans les Conseils régionaux, c'est la même chose. Nous votons ce qui est social, nous votons ce qui peut améliorer le sort des travailleurs. C'est vrai que nous votons contre quand il s'agit de donner de l'argent aux entreprises."
C'est-à-dire que vous allez faire campagne sur un bilan ?
- "Sur les deux, à la fois sur un programme et aussi sur un bilan. Nous avons trois conseillers régionaux en Ile-de-France, nous en avons sept dans le Nord Pas-de-Calais, et bien sûr, nous ferons aussi un bilan, et nous le faisons d'ailleurs je dirai très régulièrement par un bulletin que nous éditons."
Ce rapprochement électoral, quand même - puisque pendant quelques années vous vous êtes un peu ignorés -, ce n'est pas du au fait que certains, comme J. Bové, disent " non il ne faut pas voter ?
- "Non, ce n'est pas du tout par rapport à J. Bové..."
Enfin, J. Bové ou d'autres qui disent non, le vote ça ne sert à rien ?
- "Ecoutez, ce n'est pas du tout par rapport à ça, nous nous pensons que ce serait une petite victoire d'avoir de nouveau des conseillers régionaux, de nouveau des parlementaires européens, et que ça serait bien que l'extrême gauche, qui défend les intérêts des travailleurs, soit représentée dans ces Institutions. Non ce n'est pas du tout..."
Et le vote contre le Front national ?
- "Nous voterons - nous l'avons dit et ça fait partie de notre accord - pour la gauche si elle était menacée par le Front national. Mais il n'est pas question pour nous de voter pour la droite. Quand on voit les mesures qui sont prises aujourd'hui contre les travailleurs immigrés, contre les pauvres, ce sont des mesures dont a rêvé Le Pen et que la droite met en application."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 octobre 2003)