Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur les signes de reprise économique, sur les mesures en faveur de la protection des épargnants et des investisseurs, Paris le 1er octobre 2004.

Prononcé le 1er octobre 2004

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Circonstance : Forum de l'Investissement - Salon de l'épargne à Paris le 1er octobre 2004

Texte intégral

Mesdames, Messieurs
C'est tout naturellement que Nicolas Sarkozy avait accepté de participer à ce grand rendez-vous annuel de rencontre avec les épargnants qu'est le forum de l'épargne et de l'investissement. Mais le programme initialement prévu pour les rencontres annuelles du FMI et de la Banque mondiale a été modifié tardivement et il a dû s'envoler ce matin pour Washington. Il m'a demandé de le représenter auprès de vous et c'est bien volontiers que je voudrais vous présenter la politique du Gouvernement dans le domaine de l'épargne.
Auparavant, laissez-moi faire un bref rappel de la situation économique et financière de notre pays.
1) Notre économie a repris la voie de la croissance
La croissance repart et pour la première fois depuis 2 ans nous révisons à la hausse notre prévision de croissance. Le Gouvernement table désormais sur une croissance de 2,5 % cette année et compte sur la même performance l'an prochain.
Toutes les composantes de la demande se redressent en effet en même temps. Nous bénéficions en effet de nouvelles très encourageantes depuis quelques mois :
- Le dynamisme de la consommation des ménages est évident depuis le début de l'année.
- Les entreprises profitent également du redémarrage de leur activité : avec l'embellie de la demande, elles ont décidé d'investir à nouveau et elles reconstituent leurs stocks. C'est un vrai point d'inflexion.
- Nos exportations reprennent également, même s'il faut continuer de faire des efforts pour cibler les zones à forte croissance.
Le Gouvernement a contribué à ces bons résultats en relançant la consommation, en favorisant l'investissement et en confortant la confiance.
En effet, dans le passé, la confiance ébranlée des ménages et l'inquiétude naturelle des Français face à des réformes difficiles les avaient conduit à faire progresser très sensiblement leur taux d'épargne. Ceci s'était traduit naturellement par un ralentissement excessif de notre croissance. La réforme des retraites, la réforme de l'assurance maladie ont permis de rendre les Français moins frileux en leur montrant qu'il était possible de conforter notre système sans modifier radicalement leur situation. Et notre action résolue en faveur du redressement des finances publiques est un facteur puissant de confiance dans l'avenir. Nous montrons que l'Etat tient sa parole, celle qu'il donne à ses partenaires européens comme celle qu'il donne aux Français.
Pour compléter cette action nous avons voulu soutenir la consommation par des mesures ciblées et le dégagement de marges de manuvre pour alimenter le pouvoir d'achat, telles que la baisse des prix et le transfert de ressources d'une génération à l'autre avec la mesure de dons exceptionnels ou encore l'activation des réserves de participation. Le résultat est je crois patent : les Français consomment à nouveau, ils consomment même plus que la plupart de nos partenaires européens.
Pour leur part, les entreprises bénéficient de la mesure de dégrèvement de taxe professionnelle sur les investissements. Elles bénéficieront l'an prochain de la baisse de l'impôt sur les sociétés.
S'agissant des marchés financiers, les Places boursières ont bénéficié d'une forte embellie en 2003 et cette année, même si les investisseurs des marchés actions sont moins dynamiques, le contexte boursier reste globalement favorable. Les marchés tirent parti d'une croissance mondiale élevée et de la hausse des profits des entreprises, en nette progression aux Etats-Unis comme en Europe.
Malgré tout, les indices boursiers se situent aujourd'hui à des niveaux nettement inférieurs à ceux du printemps dernier. Depuis plusieurs mois, les investisseurs ont en effet un comportement plus attentiste dans un environnement marqué par la hausse des prix du pétrole et les craintes d'un impact négatif de ce niveau de prix sur la croissance.
Si les marchés ont connu un réel accès de faiblesse au cours de l'été, en particulier sur certains compartiments comme les valeurs technologiques, à l'heure actuelle l'essentiel des pertes est effacé et les investisseurs semblent à nouveau plus confiants dans la solidité de la croissance. Pour ne citer que le CAC 40, non seulement il a effacé ses pertes mais il affiche une hausse de plus de 3 % par rapport à son niveau de la fin 2003.
2) La volatilité est inhérente au fonctionnement des marchés, mais chacun doit évaluer soigneusement le risque qu'il prend. Mais il est du devoir des pouvoirs publics d'être toujours vigilants en matière de protection des investisseurs. Nous nous sommes fortement investis dans ce domaine.
Il y a près d'un an était créée l'Autorité des marchés financiers. Force est de constater que la fusion des autorités de marché permet une action plus efficace du régulateur boursier. Ses pouvoirs de contrôle et de sanctions sont renforcés.
Par ailleurs, le Collège de l'AMF comprend désormais un représentant des salariés actionnaires et la nouvelle autorité s'est dotée d'une commission consultative spécialisée dans les questions relatives aux épargnants et actionnaires minoritaires. La prise en compte de ces derniers est au cur des préoccupations du régulateur. Cette commission, composée de membres d'associations représentatives des actionnaires minoritaires, des épargnants et actionnaires individuels et des actionnaires salariés ainsi que de journalistes, se prononce sur tous les projets de textes de l'AMF.
Enfin, à l'initiative notamment de cette commission, l'AMF a créé un groupe de réflexion sur les moyens qui pourraient être mis en place afin de faciliter la formation des investisseurs et l'accès de tous aux marchés financiers.
Dans le domaine de la protection des épargnants et investisseurs, une autre réforme initiée dans le cadre de la loi de sécurité financière devient totalement opérationnelle : c'est celle du démarchage bancaire et financier, avec notamment la mise en uvre d'un fichier national des démarcheurs, consultable par tous, qui permettra de mieux protéger les particuliers et les petites entreprises dans les situations où ils sont sollicités par courrier, par téléphone ou à leur domicile pour souscrire des produits et services financiers.
En outre, le statut de " conseiller en investissement financier ", également prévu, pour combler un vide juridique, par la loi de sécurité financière est sur le point d'être finalisé sous l'égide de l'AMF. Ce sera un gage de sécurité supplémentaire pour les épargnants qui s'adresseront à des prestataires "indépendants" qui jusqu'à présent n'étaient soumis à aucune réglementation spécifique.
Les décrets concernant ces réformes ont tous été publiés cette semaine et je m'en félicite.
3) Bien protégée et régulée, l'épargne doit être placée au service de l'économie et des attentes des épargnants
L'encours des organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) continue de progresser : 750 Mds d'euros à la fin de l'année 2002, 884 Mds d'euros à la fin de 2003, et l'encours a dépassé 1 000 Mds d'euros au début de septembre 2004. Ceci place la France au premier rang dans l'Union européenne et au second rang dans le monde, derrière les Etats-Unis.
L'industrie française de la gestion est innovante et elle a su adapter son offre à des profils d'investissement très variés. Des OPCVM tels que les fonds à formule ou les fonds de fonds alternatifs illustrent la grande variété des produits offerts aux investisseurs. A côté des OPCVM à vocation générale, les sociétés de gestion gèrent des OPCVM répondant à des besoins spécifiques :
- l'épargne salariale, investie à plus de 50 % en actions (56 Mds ) ;
- les fonds de capital investissement, dont les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et les fonds d'investissement de proximité (FIP), créés plus récemment ;
- les fonds communs de créances (FCC), les véhicules de titrisation français (62 Mds d'encours).
Par ailleurs, le développement des " fonds de fonds " et des " fonds maîtres " et " nourriciers " permettra la rationalisation de la taille des fonds français.
En outre, ce développement permettra aux sociétés de gestion d'avoir une offre adaptée aux besoins spécifiques des investisseurs institutionnels, notamment non résidents. Ce faisant, des capitaux supplémentaires pourront contribuer au financement de notre économie.
L'essor de l'industrie de la gestion, qui suppose un cadre adapté à son développement, alimentera en effet en capitaux le développement de nos entreprises.
Il y a encore de gros efforts à faire. En dépit des incitations fiscales, les OPCVM français demeurent insuffisamment orientés vers le financement des moyennes entreprises, en particulier des entreprises non cotées.
Pour compenser cette tendance, les pouvoirs publics s'attachent à favoriser une réorientation d'une partie de l'épargne collectée par les OPCVM afin de renforcer les capitaux propres de ces entreprises.
Plusieurs mesures en ce sens ont été introduites dans le projet de loi de finances pour 2005 parmi lesquelles :
- La réforme des OPCVM de capital-investissement : fonds communs de placement à risque, fonds communs de placement dans l'innovation et sociétés de capital-risque ;
- La réforme de l'impôt de bourse, conduisant à exonérer les transactions portant sur des titres de sociétés de moins de 150 millions de capitalisation.
Enfin, toujours dans le domaine des placements collectifs, des réflexions seront engagées au cours des prochains mois sur les possibilités de faire évoluer les véhicules d'épargne immobilière, en s'inspirant des formules de placements collectifs existants d'ores et déjà en France (SCPI, SICAV immobilières) mais aussi dans d'autres pays européens tels que les fonds immobiliers allemands. Ces réflexions pourraient s'inscrire dans le cadre d'une poursuite de l'harmonisation des produits de gestion collective au niveau européen.
Reste que les Français, alors même qu'ils mobilisent une partie importante de leurs ressources pour la constitution d'une épargne, privilégient, à ce jour, des placements très liquides ou très sécurisés. Le Gouvernement comprend et partage ce besoin de sécurité. Et c'est pourquoi, je le répète, il met en place des dispositifs de protection. Mais la sécurité et la liquidité à tout instant ne sont pas toujours le gage de rendement et d'efficacité à long terme.
Pour assurer la valorisation du patrimoine des français, et donc sécuriser leurs revenus futurs, il faut employer la fraction longue de cette épargne vers le financement direct du développement de nos entreprises ce qui assurera des perspectives de rendement plus attrayantes pour les épargnants.
Il revient donc aux pouvoirs publics d'offrir à cette épargne un cadre législatif et réglementaire adapté et incitatif.
D'ores et déjà, en matière d'assurance-vie, la loi de finances pour 2005 rénove le cadre de fonctionnement des contrats d'assurance-vie principalement investis en actions, dits DSK : ces contrats comporteront désormais une part plus importante de titres d'entreprises innovantes, cotées et non cotées, permettant ainsi, par une diversification adéquate des placements, d'associer plus étroitement l'épargne des ménages à la croissance économique, dans un cadre, comme celui de l'assurance-vie, où le niveau de risque financier pour l'épargnant est maîtrisé.
En matière d'épargne retraite, je ne peux que me réjouir du succès rencontré depuis sa création par le plan d'épargne retraite populaire, d'ores et déjà auprès de 700 000 Français. J'invite les professionnels de l'assurance, dans ce nouveau cadre réglementaire, à faire preuve, eux aussi, d'innovation, en proposant aux épargnants des produits conciliant l'exigence de prudence nécessaire à la constitution d'un complément de retraite et le besoin d'un rendement conséquent, contrepartie de la durée exceptionnellement longue de blocage de l'épargne.
J'ajoute que les assureurs ont affirmé, par un engagement professionnel rendu public le 7 septembre dernier, leur volonté d'investir davantage dans le non-coté à hauteur de 2 % du total de leurs actifs. Ceci représente pour les entreprises innovantes un apport de financement substantiel de 6 milliards d'euros d'ici 2008. Les épargnants et les assurés, eux, recevront les fruits d'une gestion plus dynamique tout en continuant de bénéficier de la solide protection du code des assurances.
Ces mesures accompagnent la réorganisation des marchés de titres gérés par Euronext Paris, qui se traduira, dès le début de l'année prochaine, par la suppression du Nouveau marché, ainsi que du Second marché de la Bourse de Paris, et par la création d'un marché organisé visant à accompagner les valeurs moyennes dans leur croissance, " Alternext ".
Euronext avait décidé, en septembre 2003, d'entamer une réflexion globale sur la structure de la cote, dans le but d'en améliorer sa lisibilité et d'apporter davantage de visibilité aux valeurs moyennes qui ont particulièrement souffert des mauvaises années boursières (2001-2003).
La création d'un marché non réglementé, Alternext, doit répondre au besoin récurrent d'un "marché" intermédiaire entre le non coté et le marché réglementé. L'objectif d'Alternext sera d'offrir aux sociétés un statut boursier reconnu sur un marché animé, sans les coûts élevés du marché réglementé.
Alternext ne sera pas dépourvu de règles et les épargnants resteront protégés : conditions d'admission proches de celles du marché réglementé ; protection statutaire des minoritaires ; transparence financière. Mais ces règles seront moins exigeantes que sur le marché réglementé.
La réforme d'Euronext se veut également favorable aux petites et moyennes valeurs. Les véhicules de capital risque -les FCPR- pourront être investis à hauteur de 20 % dans les capitalisations de moins de 150 M.
L'ensemble de ces dispositions fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus.
Je voudrai terminer mon propos en vous disant que le gouvernement attache une grande importance à la participation des particuliers à l'évolution du capital des entreprises publiques.
L'ouverture du capital de la Snecma, qui a été un plein succès, en est l'illustration. Je rappelle que plus de 800 000 ordres ont été reçus dans le cadre de l'offre réservée aux particuliers, correspondant à une demande de plus d'un milliard d'euros, ce qui constitue un résultat remarquable. Le titre est en hausse de 6 % par rapport à son cours d'introduction.
Je rappellerai également l'ouverture du capital d'ASF il y a deux ans, le titre ayant depuis cette date surperformé le marché, avec une hausse de plus de 50 %.
Les ouvertures prochaines du capital des deux sociétés autoroutières, SAPRR et SANEF feront d'ailleurs appel en partie, comme pour l'opération Snecma, aux particuliers.
Mesdames, Messieurs,
Mon message d'aujourd'hui est clair. Les pouvoirs publics souhaitent offrir toutes les garanties nécessaires à une épargne des Français au service du financement des entreprises. Que ce soit dans l'accompagnement des acteurs de marché ou dans la fiscalité de l'épargne, croissance et sécurité ne sont pas antinomiques.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 4 octobre 2004)