Texte intégral
Mes chers amis,
Les journées parlementaires sont synonymes de reprise des travaux de nos assemblées. L'actualité législative va donc à nouveau rythmer la vie politique. C'est une nouvelle étape de notre travail en commun qui va s'engager. Ce doit surtout être l'occasion de réfléchir aux questions les plus importantes pour le gouvernement comme pour la majorité : " Comment être mieux compris des Français ? Comment mieux répondre à leurs aspirations ? Comment les convaincre que nous sommes sur la bonne voie ? ".
J'ai conscience en disant cela de rompre avec certaines habitudes. Le discours politiquement correct aurait voulu que je commence par dire que tout va bien, et que tout ira encore mieux demain. Que les régionales et les cantonales ne furent qu'un accident forcément sans lendemain. Que le plus facile est devant nous et que naturellement le plus difficile est derrière. Eh bien, je ne dirai pas cela tout simplement parce que je ne pense pas que cela soit la meilleure façon de préparer l'avenir.
Je ne le pense pas car cela serait passer par pertes et profits ce qu'ont voulu nous dire les Français aux mois d'avril et de juin dernier. Or, nos compatriotes sont beaucoup moins versatiles qu'on ne le dit, et n'ont pas l'habitude d'oublier ce qui les a déçus, désorientés ou leur a déplu. Bien sûr que les divisions socialistes nous servent. C'est évident que l'inanité de leurs critiques sur le budget fait peine à voir. Mais la faiblesse de nos contradicteurs ne suffira pas à faire notre force. Je l'affirme, nous devons prendre davantage le temps d'analyser les choses et de comprendre notre époque. Nous n'échangeons pas assez. Nous ne nous parlons pas assez. Nous ne cherchons pas assez. Au final, nous ne débattons pas assez. C'est sans doute ce que je voudrais le plus contribuer à modifier au sein de notre Famille politique : que nous apprenions à prendre le temps de l'analyse politique.
Les événements se succèdent les uns aux autres avec une rapidité stupéfiante sans qu'on en tire toujours les conclusions. Quand cela va mal, on fait le gros dos. Quand cela va bien, on se réjouit mais rarement on prend le temps ensemble, collectivement d'en tirer tous les enseignements, et d'en mesurer toutes les implications.
Notre pratique du débat entre le gouvernement et le parlement est insuffisante nous devons l'améliorer. Quant à celle qui règne au sein de notre formation politique, entre élus ou entre élus et militants, elle est tout juste balbutiante. Nous devons impérativement la développer.
Croyez-moi, j'ai parfaitement conscience de mes responsabilités quant à l'unité de notre Famille. Je n'ignore nullement qu'elle est un bien précieux. Je ferai en sorte qu'elle soit préservée et surtout renforcée. C'est bien pour cela que j'appelle à ce que chacun d'entre nous puisse aller au fond des choses.
Pourquoi cette pratique du débat est-elle encore insuffisante ? Sans doute est- :ce d'abord le fruit d'une forme de traditions ou d'une succession d'habitudes. L'introspection n'est la bienvenue qu'après un échec, durant une crise, en tout état de cause quand il est trop tard. Ma conviction est qu'il nous faut mieux anticiper pour éviter le risque des alternances à répétition. Plutôt on intervient. Plus vite on corrige. Mieux on évite les malentendus avec les Français.
Ensuite, il faut qu'il y ait davantage de confiance et de solidité des liens entre nous tous. Quand un député n'est pas d'accord avec un ministre, il n'en devient pas pour autant un dissident. Quand une minorité des nôtres propose un choix différent de celui de la majorité, ils ne sont pas forcément des diviseurs. Et quand une tête dépasse, ce n'est pas obligatoirement celle d'un intrigant qui empêchera tous les autres d'exister. Il ne faut pas empêcher les échanges entre nous avant même qu'ils n'aient pu prospérer. La discipline et la solidarité seront d'autant plus fortes qu'elles seront le résultat d'un état d'esprit, d'une ambiance, d'une volonté commune d'être plus efficace, pas d'un a priori ou encore moins d'une volonté de taire les différences.
En fait je vous appelle à établir entre nous tous ce que j'ai pu rétablir moi-même avec le Président de la République : un climat apaisé et un climat confiant. Tout simplement parce que les Français souhaitaient cette union et ne comprenaient pas cette division.
Je veux prendre l'exemple du budget que nous avons préparé avec Jean-Pierre Raffarin dans un climat de totale confiance. J'assume des choix politiques comme celui à mes yeux essentiels que la France qui travaille puisse se reconnaître au travers de mesures à forte valeur symbolique comme la franchise sur les droits de succession. n y a des Français qui n'ont jamais été au chômage, jamais perçu d'ASSEDIC, jamais été au RMI et qui pourtant souffrent eux aussi parce que le travail est dur, parce que la vie est chère et surtout parce qu'ils ont la pénible sensation d'être toujours assez riches pour payer des impôts et jamais assez pauvres pour bénéficier des mesures sociales.
J'ai la conviction que ces classes moyennes ont toujours été les grandes oubliées des gouvernements de gauche et même parfois de droite. n s'agit d'une véritable orientation politique qui doit susciter le débat pour être certain que le choix que je propose est le bon. Comment mieux représenter les classes moyennes ? Voilà bien un sujet politique majeur qui doit mobiliser toute notre attention. Il n'est d'ailleurs pas certain que nous ayons dès le premier jour trouvé le bon équilibre. Eh bien que des parlementaires se posent la question du montant équitable de la déduction fiscale pour les emplois familiaux ne me choque nullement. Bien au contraire, cette discussion doit nous permettre de trouver la juste mesure. Et je n'aurai pas la stupidité d'imaginer que l'on est un mauvais soutien du gouvernement parce que l'on pose de bonnes questions ! J'ai toujours pensé que le soutien muet et inconditionnel se retourne souvent vers celui qui l'exige. Pour la raison simple que le jour vient toujours où il revient aux Français de se prononcer. Les amis cela sert à prévenir à temps quand l'on peut corriger le tir. Avant qu'il ne soit trop tard ! De toute façon, si on n'arrive pas à convaincre sa majorité, comment espérer convaincre les Français dans leur ensemble ?
Il ne faut pas craindre une majorité vivante, imaginative, proposant des solutions, revendiquant des choix politiques audacieux. Cela vaut infiniment mieux qu'une majorité boudeuse, dépressive, nerveuse parce qu'elle a le sentiment qu'on ne prend pas assez en compte ses demandes qui finalement ne sont que le reflet de celles des Français. Il en va de même pour le PACS et son nouveau statut fiscal. J'ai été marqué par la difficulté qui fut la nôtre dans le passé à comprendre que la France est multiple, diverse et beaucoup plus tolérante qu'on ne l'imaginait. Nous avons protesté contre le PACS. Nous avons de bonne foi pensé qu'il mettrait en cause le mariage. Or, il n'y a jamais eu autant de mariages que ces dernières années. Nous ne pouvions pas donner le sentiment de rester imperméables aux évolutions de notre société. Nous ne pouvions pas continuer à nous couper de tant de Français qui s'imaginaient que nous voulions les rejeter. Voilà la démarche politique que je vous propose. Mais je comprendrai tout à fait que d'autres au sein du groupe ne la partagent pas ou pensent différemment. Eh bien, là aussi sans drame, sans exclusive, réfléchissons à ce que doit être le bon équilibre. Donnons aux Français l'image de responsables politiques capables d'échanger sur des sujets sensibles sans jamais donner le sentiment que cela risque de conduire à des oppositions personnelles ou à des divisions. C'est cela la démocratie moderne dans une formation politique ouverte ! Nos liens ne seront pas affaiblis par ces débats. ns seront renforcés. L'attention que les Français porteront à nos propositions ne sera pas détournée elle sera amplifiée.
Je pourrais multiplier les exemples en commençant par le choix que j'assume de la baisse des déficits et de la pause dans la réduction de l'IRPP. J'ai pensé que ne pas utiliser les recettes de la croissance pour rembourser une partie de notre dette, c'était insulter l'avenir de nos enfants et celui de notre pays. Je suis convaincu que les Français comprennent et approuvent ce choix. Mais je n'ai jamais prétendu qu'il s'agissait d'un choix unique et que tout autre serait illégitime. Loin de nous fragiliser, la discussion entre nous sur ces sujets aura une vertu pédagogique pour nos concitoyens, et, nous permettra de mieux nous faire comprendre.
Je souhaite que dans les mois qui viennent, en confiance, nous puissions débattre car il le faudra, de questions aussi essentielles que celles qui touchent au rythme des réformes. Va-t-on trop vite ou pas assez ? En fait-on trop ou pas assez ? Nul n'a la vérité mais nul non plus ne peut se dispenser de l'indispensable confrontation des idées. La question des 35 heures, celle du nouveau droit d'opposition -qui a failli faire disparaître Perrier, celle des prix trop bas pour les producteurs et trop hauts pour les consommateurs ne sont pas des tabous. Ce sont autant de sujets sur lesquels il nous faut réfléchir et agir sans trop tarder car nous sommes déjà à la moitié de la législature.
Si nous voulons que l'avenir nous appartienne, nous ne devons pas avoir peur des idées nouvelles et de ceux qui les portent. il faut mettre de la passion, de la vie, de la force dans nos échanges. C'est seulement comme cela que nous susciterons l'intérêt des Français et que nous rencontrerons leurs adhésions. Par parenthèse c'est comme cela également que nous rendrons plus intéressant le mandat de député.
Cette démarche que je revendique est l'exact contraire de celle qui consisterait à institutionnaliser entre nous des courants. D'abord parce qu'on n'est pas obligé de copier nos adversaires dans ce qu'ils ont fait de pire. Regardez où cela a mené les socialistes et ce qu'ils sont en train de vivre, non pas à cause de l'Europe, mais simplement parce que le Parti socialiste est devenu un enjeu de pouvoir pour des courants qui s'opposent avec acharnement dans le seul but de contrôler la machine. L'Europe est ainsi devenue prisonnière d'enjeux qui n'ont rien à voir avec elle.
Le débat que je propose, c'est celui de la confrontation des idées. Avec les courants, cela serait celui des personnes. Chacun devant alors se déterminer non pas en fonction de ce qu'il pense de tel ou tel sujet mais de ce qu'impose son chef de courant. C'est le contraire du débat d'idées, cela conduit à sa stérilisation. Sans compter que tout chef de courant voudrait avoir sa représentation dans chacune de nos fédérations. Le but ne serait plus alors de gagner de nouveaux militants à la cause de nos idées pour assurer notre victoire commune, mais de faire en sorte que le courant A prenne le pas sur le B à moins qu'il ne s'agisse du C. C'est exactement comme cela que les partis politiques se coupent des Français en ne se préoccupant que de guerres intestines et en oubliant de renouveler leurs discours et leurs projets.
Je n'ai jamais créé mon courant alors que je le pouvais. Si je deviens Président de l'UMP, je ne recommanderai pas leurs créations. D'ailleurs, il faudra m'expliquer à quoi cela aurait-il servi de créer l'UMP si trois ans plus tard, on se retrouve avec un courant RPR, un courant Démocratie libérale, et un courant centriste ?
En revanche, c'est une tout autre affaire que des sensibilités veuillent exister pour faire avancer notre réflexion commune sur tel ou tel sujet. Et c'est parfaitement bienvenu que quelques-uns souhaitent organiser un colloque, publier des documents, travailler en avant-garde sur des questions qui ne font pas encore consensus entre nous, et dont ils entendent faire progresser la compréhension.
L'UMP doit veiller à cette diversité car elle est une richesse. Elle doit l'encourager y compris matériellement. Et surtout, elle doit fixer des règles du jeu transparentes et connues de tous.
Je proposerai une réforme de nos statuts pour faire droit à cette exigence. Dans le même esprit, je rendrai publique, si je suis élu Président de l'UMP, le montant de l'aide accordée à telle ou telle sensibilité. La meilleure façon de mettre un terme aux arrangements entre " trop bons amis ", c'est de les rendre accessibles à tous au sein de l'UMP. Comme cela, chacun saura ce que nous avons décidé, sur quels critères et dans quelles conditions. n n'y aura pas de malentendu car chacun aura la certitude d'avoir été traité avec égalité et avec respect.
Au fond, que veulent les Français ? Sans doute d'abord que nous apportions des apaisements à leurs craintes en faisant preuve de volontarisme et en tournant le dos à la fatalité. C'est ce que nous avons fait s'agissant de l'insécurité où on leur avait pourtant expliqué qu'on n'y pouvait rien. C'est ce que nous avons décidé à propos de la pérennité de leurs régimes de retraite où on leur avait expliqué que c'était impossible. C'est ce que nous sommes en train de faire pour le chômage avec le retour de "la croissance et la modernisation de notre économie.
C'est ce que nous devrons faire demain à propos du référendum sur la Constitution Européenne. Je voterai oui car je ne vois vraiment pas ce que pourrait amener de positif une crise en Europe qui verrait la France s'isoler. Mais j'ai bien conscience que là aussi il faudra combattre des peurs.
C'est bien pour cela qu'il faut apporter une réponse aux Français sur la question Turque. Chacun est libre d'avoir sur ce sujet ses convictions. n est tout à fait indispensable de ne pas donner le sentiment à ce grand peuple qu'on le rejette. Les conséquences géo-stratégiques seraient considérables et le Président de la République est dans son rôle lorsqu'il défend sa vision d'un monde équilibré et apaisé à horizon des 15 ou 20 prochaines années. Faut-il pour autant l'intégrer à l'Union Européenne ? 71 millions de Turcs aujourd'hui. 100 millions à horizon de 20 ans. Ce serait donc le premier pays de l'Union en termes de droit de vote. Imagine-t-on les conséquences sur la politique agricole commune et sur les fonds structurels ? C'est tout notre équilibre en Europe qui s'en trouvera bouleversé. C'est pourquoi comme Alain Juppé l'avait proposé je préférerais que l'on imagine un statut de partenaires associés à l'Europe. Ce qui présenterait l'avantage de ne pas rejeter les Turcs et en même temps de ne pas faire subir à l'Europe un 2ème élargissement de l'importance du 1er et ce avant même que ce dernier ait pu être mené à terme dans toutes ses conséquences pratiques. Ce débat n'est pas médiocre. Il est utile mais il inquiète. Alors mettons-nous d'accord sur une position de synthèse qui nous permettra de dire aux Français que la décision ou non d'intégrer les Turcs ne se produira qu'au plus tôt dans 15 ans, si tout va bien, que donc chacun pourra faire valoir ses arguments, puisque aucune décision définitive ne sera prise d'ici là.
Et puis surtout, et dans la parfaite logique de ce qu'a décidé Jacques Chirac pour la ratification de la Constitution Européenne affirmons ensemble notre souhait qu'une décision de cette importance ne puisse être prise sans que les Français n'aient été invités par référendum à donner leur avis. Ainsi assurés d'être consultés, les Français verraient leurs craintes apaisées et le référendum sur la ratification de la Constitution pourrait se dérouler dans un climat beaucoup plus serein où l'enjeu restera celui de l'organisation de l'Europe des 25.
Un mot encore pour dire que si je répondrai oui avec enthousiasme à la question posée par Jacques Chirac, je n'en considérerai pas pour autant que ceux qui ont un avis contraire parmi nous deviendraient illégitimes, seraient de moins bons Français ou même de moins bons Européens. Regardez ce que font les socialistes en ce moment, et, tirez-en la conclusion qu'il nous faut faire exactement l'inverse. n y a toujours eu en notre sein des sensibilités européennes différentes. Ayons tous la sagesse de les vivre de façon apaisée, sans outrance, sans agressivité, avec maîtrise, en donnant à chacun sa place et la parole. Plus nous serons tolérants et apaisés entre nous plus nous donnerons l'image aux Français de notre force.
Je souhaite d'ailleurs que nous nous dotions d'une plate forme commune sur ces sujets européens qui nous permettrait de tous nous retrouver en faisant des propositions sur les délocalisations, sur le dumping fiscal et social en Europe, sur la nécessité d'une concurrence loyale entre partenaires, sur le budget européen, sur les coopérations renforcées qu'il me semble inéluctable de promouvoir. Mes chers amis, nous avons réussi à faire bouger l'Europe sur le Pacte de Stabilité pour l'orienter vers davantage de croissance, sur l'organisation de l'Eurogroupe qui est aujourd'hui doté d'un président pour 2 ans. n n'y a pas de fatalité si nous avons le courage de lever le couvercle de la pensée unique si présente dès qu'il s'agit de l'Europe. L'Europe, nous y croyons, c'est bien pour cela qu'il nous faut peser sur ces orientations et surtout ne pas les subir. Il restera enfin, après avoir apaisé les craintes, à démontrer aux Français que l'espoir est à nouveau possible. Or, c'est bien là la grande question. Nos compatriotes doutent qu'il soit encore possible de transmettre du progrès social d'une génération à l'autre. Autrement dit, ils craignent que la vie de leurs enfants soit plus dure que ce que fut la leur. C'est un changement considérable par rapport au passé où l'avenir était perçu comme moins inquiétant et plus prometteur. C'est sur ces sujets qu'il nous faut maintenant travailler. Que signifie concrètement le progrès social en 2004 : de meilleurs salaires, la propriété de son appartement, des études plus longues pour ses enfants ? Quelles doivent être les différences entre notre politique sociale et celle de la gauche ? N'a-t-on pas détourné de son sens le mot égalité à force de nivellement et d'assistance ? Comment relancer notre système d'intégration aujourd'hui en panne ? Quelle politique d'immigration pour les 20 années qui viennent ? Alors qu'aujourd'hui encore nous refusons à tort des étudiants étrangers dont la culture et la langue française auraient bien besoin, sans être capables de maîtriser des flux clandestins qui ruinent notre pacte républicain.
Je souhaite que sur ces questions et bien d'autres nous puissions rendre l'espoir aux Français en leur montrant qu'il est possible d'agir qu'il n'y a pas de fatalité que la politique est utile que la France peut rester ce grand pays qui sait montrer la voie et inventer l'avenir. Mes chers amis, retrouvons l'envie de convaincre, de construire, de conquérir. Gardons cette soif d'action dont le pays à tant besoin.
Je sais que la tâche qui m'attend si vous me faites confiance sera redoutable. Je n'ignore rien des risques et des difficultés. Je connais les obstacles que nous trouverons sur notre route. Et pourtant je me sens prêt sans doute comme jamais je ne l'ai été tout simplement parce que je n'avais pas d'autre choix que celui d'assumer mes responsabilités.
(Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 5 octobre 2004)
Les journées parlementaires sont synonymes de reprise des travaux de nos assemblées. L'actualité législative va donc à nouveau rythmer la vie politique. C'est une nouvelle étape de notre travail en commun qui va s'engager. Ce doit surtout être l'occasion de réfléchir aux questions les plus importantes pour le gouvernement comme pour la majorité : " Comment être mieux compris des Français ? Comment mieux répondre à leurs aspirations ? Comment les convaincre que nous sommes sur la bonne voie ? ".
J'ai conscience en disant cela de rompre avec certaines habitudes. Le discours politiquement correct aurait voulu que je commence par dire que tout va bien, et que tout ira encore mieux demain. Que les régionales et les cantonales ne furent qu'un accident forcément sans lendemain. Que le plus facile est devant nous et que naturellement le plus difficile est derrière. Eh bien, je ne dirai pas cela tout simplement parce que je ne pense pas que cela soit la meilleure façon de préparer l'avenir.
Je ne le pense pas car cela serait passer par pertes et profits ce qu'ont voulu nous dire les Français aux mois d'avril et de juin dernier. Or, nos compatriotes sont beaucoup moins versatiles qu'on ne le dit, et n'ont pas l'habitude d'oublier ce qui les a déçus, désorientés ou leur a déplu. Bien sûr que les divisions socialistes nous servent. C'est évident que l'inanité de leurs critiques sur le budget fait peine à voir. Mais la faiblesse de nos contradicteurs ne suffira pas à faire notre force. Je l'affirme, nous devons prendre davantage le temps d'analyser les choses et de comprendre notre époque. Nous n'échangeons pas assez. Nous ne nous parlons pas assez. Nous ne cherchons pas assez. Au final, nous ne débattons pas assez. C'est sans doute ce que je voudrais le plus contribuer à modifier au sein de notre Famille politique : que nous apprenions à prendre le temps de l'analyse politique.
Les événements se succèdent les uns aux autres avec une rapidité stupéfiante sans qu'on en tire toujours les conclusions. Quand cela va mal, on fait le gros dos. Quand cela va bien, on se réjouit mais rarement on prend le temps ensemble, collectivement d'en tirer tous les enseignements, et d'en mesurer toutes les implications.
Notre pratique du débat entre le gouvernement et le parlement est insuffisante nous devons l'améliorer. Quant à celle qui règne au sein de notre formation politique, entre élus ou entre élus et militants, elle est tout juste balbutiante. Nous devons impérativement la développer.
Croyez-moi, j'ai parfaitement conscience de mes responsabilités quant à l'unité de notre Famille. Je n'ignore nullement qu'elle est un bien précieux. Je ferai en sorte qu'elle soit préservée et surtout renforcée. C'est bien pour cela que j'appelle à ce que chacun d'entre nous puisse aller au fond des choses.
Pourquoi cette pratique du débat est-elle encore insuffisante ? Sans doute est- :ce d'abord le fruit d'une forme de traditions ou d'une succession d'habitudes. L'introspection n'est la bienvenue qu'après un échec, durant une crise, en tout état de cause quand il est trop tard. Ma conviction est qu'il nous faut mieux anticiper pour éviter le risque des alternances à répétition. Plutôt on intervient. Plus vite on corrige. Mieux on évite les malentendus avec les Français.
Ensuite, il faut qu'il y ait davantage de confiance et de solidité des liens entre nous tous. Quand un député n'est pas d'accord avec un ministre, il n'en devient pas pour autant un dissident. Quand une minorité des nôtres propose un choix différent de celui de la majorité, ils ne sont pas forcément des diviseurs. Et quand une tête dépasse, ce n'est pas obligatoirement celle d'un intrigant qui empêchera tous les autres d'exister. Il ne faut pas empêcher les échanges entre nous avant même qu'ils n'aient pu prospérer. La discipline et la solidarité seront d'autant plus fortes qu'elles seront le résultat d'un état d'esprit, d'une ambiance, d'une volonté commune d'être plus efficace, pas d'un a priori ou encore moins d'une volonté de taire les différences.
En fait je vous appelle à établir entre nous tous ce que j'ai pu rétablir moi-même avec le Président de la République : un climat apaisé et un climat confiant. Tout simplement parce que les Français souhaitaient cette union et ne comprenaient pas cette division.
Je veux prendre l'exemple du budget que nous avons préparé avec Jean-Pierre Raffarin dans un climat de totale confiance. J'assume des choix politiques comme celui à mes yeux essentiels que la France qui travaille puisse se reconnaître au travers de mesures à forte valeur symbolique comme la franchise sur les droits de succession. n y a des Français qui n'ont jamais été au chômage, jamais perçu d'ASSEDIC, jamais été au RMI et qui pourtant souffrent eux aussi parce que le travail est dur, parce que la vie est chère et surtout parce qu'ils ont la pénible sensation d'être toujours assez riches pour payer des impôts et jamais assez pauvres pour bénéficier des mesures sociales.
J'ai la conviction que ces classes moyennes ont toujours été les grandes oubliées des gouvernements de gauche et même parfois de droite. n s'agit d'une véritable orientation politique qui doit susciter le débat pour être certain que le choix que je propose est le bon. Comment mieux représenter les classes moyennes ? Voilà bien un sujet politique majeur qui doit mobiliser toute notre attention. Il n'est d'ailleurs pas certain que nous ayons dès le premier jour trouvé le bon équilibre. Eh bien que des parlementaires se posent la question du montant équitable de la déduction fiscale pour les emplois familiaux ne me choque nullement. Bien au contraire, cette discussion doit nous permettre de trouver la juste mesure. Et je n'aurai pas la stupidité d'imaginer que l'on est un mauvais soutien du gouvernement parce que l'on pose de bonnes questions ! J'ai toujours pensé que le soutien muet et inconditionnel se retourne souvent vers celui qui l'exige. Pour la raison simple que le jour vient toujours où il revient aux Français de se prononcer. Les amis cela sert à prévenir à temps quand l'on peut corriger le tir. Avant qu'il ne soit trop tard ! De toute façon, si on n'arrive pas à convaincre sa majorité, comment espérer convaincre les Français dans leur ensemble ?
Il ne faut pas craindre une majorité vivante, imaginative, proposant des solutions, revendiquant des choix politiques audacieux. Cela vaut infiniment mieux qu'une majorité boudeuse, dépressive, nerveuse parce qu'elle a le sentiment qu'on ne prend pas assez en compte ses demandes qui finalement ne sont que le reflet de celles des Français. Il en va de même pour le PACS et son nouveau statut fiscal. J'ai été marqué par la difficulté qui fut la nôtre dans le passé à comprendre que la France est multiple, diverse et beaucoup plus tolérante qu'on ne l'imaginait. Nous avons protesté contre le PACS. Nous avons de bonne foi pensé qu'il mettrait en cause le mariage. Or, il n'y a jamais eu autant de mariages que ces dernières années. Nous ne pouvions pas donner le sentiment de rester imperméables aux évolutions de notre société. Nous ne pouvions pas continuer à nous couper de tant de Français qui s'imaginaient que nous voulions les rejeter. Voilà la démarche politique que je vous propose. Mais je comprendrai tout à fait que d'autres au sein du groupe ne la partagent pas ou pensent différemment. Eh bien, là aussi sans drame, sans exclusive, réfléchissons à ce que doit être le bon équilibre. Donnons aux Français l'image de responsables politiques capables d'échanger sur des sujets sensibles sans jamais donner le sentiment que cela risque de conduire à des oppositions personnelles ou à des divisions. C'est cela la démocratie moderne dans une formation politique ouverte ! Nos liens ne seront pas affaiblis par ces débats. ns seront renforcés. L'attention que les Français porteront à nos propositions ne sera pas détournée elle sera amplifiée.
Je pourrais multiplier les exemples en commençant par le choix que j'assume de la baisse des déficits et de la pause dans la réduction de l'IRPP. J'ai pensé que ne pas utiliser les recettes de la croissance pour rembourser une partie de notre dette, c'était insulter l'avenir de nos enfants et celui de notre pays. Je suis convaincu que les Français comprennent et approuvent ce choix. Mais je n'ai jamais prétendu qu'il s'agissait d'un choix unique et que tout autre serait illégitime. Loin de nous fragiliser, la discussion entre nous sur ces sujets aura une vertu pédagogique pour nos concitoyens, et, nous permettra de mieux nous faire comprendre.
Je souhaite que dans les mois qui viennent, en confiance, nous puissions débattre car il le faudra, de questions aussi essentielles que celles qui touchent au rythme des réformes. Va-t-on trop vite ou pas assez ? En fait-on trop ou pas assez ? Nul n'a la vérité mais nul non plus ne peut se dispenser de l'indispensable confrontation des idées. La question des 35 heures, celle du nouveau droit d'opposition -qui a failli faire disparaître Perrier, celle des prix trop bas pour les producteurs et trop hauts pour les consommateurs ne sont pas des tabous. Ce sont autant de sujets sur lesquels il nous faut réfléchir et agir sans trop tarder car nous sommes déjà à la moitié de la législature.
Si nous voulons que l'avenir nous appartienne, nous ne devons pas avoir peur des idées nouvelles et de ceux qui les portent. il faut mettre de la passion, de la vie, de la force dans nos échanges. C'est seulement comme cela que nous susciterons l'intérêt des Français et que nous rencontrerons leurs adhésions. Par parenthèse c'est comme cela également que nous rendrons plus intéressant le mandat de député.
Cette démarche que je revendique est l'exact contraire de celle qui consisterait à institutionnaliser entre nous des courants. D'abord parce qu'on n'est pas obligé de copier nos adversaires dans ce qu'ils ont fait de pire. Regardez où cela a mené les socialistes et ce qu'ils sont en train de vivre, non pas à cause de l'Europe, mais simplement parce que le Parti socialiste est devenu un enjeu de pouvoir pour des courants qui s'opposent avec acharnement dans le seul but de contrôler la machine. L'Europe est ainsi devenue prisonnière d'enjeux qui n'ont rien à voir avec elle.
Le débat que je propose, c'est celui de la confrontation des idées. Avec les courants, cela serait celui des personnes. Chacun devant alors se déterminer non pas en fonction de ce qu'il pense de tel ou tel sujet mais de ce qu'impose son chef de courant. C'est le contraire du débat d'idées, cela conduit à sa stérilisation. Sans compter que tout chef de courant voudrait avoir sa représentation dans chacune de nos fédérations. Le but ne serait plus alors de gagner de nouveaux militants à la cause de nos idées pour assurer notre victoire commune, mais de faire en sorte que le courant A prenne le pas sur le B à moins qu'il ne s'agisse du C. C'est exactement comme cela que les partis politiques se coupent des Français en ne se préoccupant que de guerres intestines et en oubliant de renouveler leurs discours et leurs projets.
Je n'ai jamais créé mon courant alors que je le pouvais. Si je deviens Président de l'UMP, je ne recommanderai pas leurs créations. D'ailleurs, il faudra m'expliquer à quoi cela aurait-il servi de créer l'UMP si trois ans plus tard, on se retrouve avec un courant RPR, un courant Démocratie libérale, et un courant centriste ?
En revanche, c'est une tout autre affaire que des sensibilités veuillent exister pour faire avancer notre réflexion commune sur tel ou tel sujet. Et c'est parfaitement bienvenu que quelques-uns souhaitent organiser un colloque, publier des documents, travailler en avant-garde sur des questions qui ne font pas encore consensus entre nous, et dont ils entendent faire progresser la compréhension.
L'UMP doit veiller à cette diversité car elle est une richesse. Elle doit l'encourager y compris matériellement. Et surtout, elle doit fixer des règles du jeu transparentes et connues de tous.
Je proposerai une réforme de nos statuts pour faire droit à cette exigence. Dans le même esprit, je rendrai publique, si je suis élu Président de l'UMP, le montant de l'aide accordée à telle ou telle sensibilité. La meilleure façon de mettre un terme aux arrangements entre " trop bons amis ", c'est de les rendre accessibles à tous au sein de l'UMP. Comme cela, chacun saura ce que nous avons décidé, sur quels critères et dans quelles conditions. n n'y aura pas de malentendu car chacun aura la certitude d'avoir été traité avec égalité et avec respect.
Au fond, que veulent les Français ? Sans doute d'abord que nous apportions des apaisements à leurs craintes en faisant preuve de volontarisme et en tournant le dos à la fatalité. C'est ce que nous avons fait s'agissant de l'insécurité où on leur avait pourtant expliqué qu'on n'y pouvait rien. C'est ce que nous avons décidé à propos de la pérennité de leurs régimes de retraite où on leur avait expliqué que c'était impossible. C'est ce que nous sommes en train de faire pour le chômage avec le retour de "la croissance et la modernisation de notre économie.
C'est ce que nous devrons faire demain à propos du référendum sur la Constitution Européenne. Je voterai oui car je ne vois vraiment pas ce que pourrait amener de positif une crise en Europe qui verrait la France s'isoler. Mais j'ai bien conscience que là aussi il faudra combattre des peurs.
C'est bien pour cela qu'il faut apporter une réponse aux Français sur la question Turque. Chacun est libre d'avoir sur ce sujet ses convictions. n est tout à fait indispensable de ne pas donner le sentiment à ce grand peuple qu'on le rejette. Les conséquences géo-stratégiques seraient considérables et le Président de la République est dans son rôle lorsqu'il défend sa vision d'un monde équilibré et apaisé à horizon des 15 ou 20 prochaines années. Faut-il pour autant l'intégrer à l'Union Européenne ? 71 millions de Turcs aujourd'hui. 100 millions à horizon de 20 ans. Ce serait donc le premier pays de l'Union en termes de droit de vote. Imagine-t-on les conséquences sur la politique agricole commune et sur les fonds structurels ? C'est tout notre équilibre en Europe qui s'en trouvera bouleversé. C'est pourquoi comme Alain Juppé l'avait proposé je préférerais que l'on imagine un statut de partenaires associés à l'Europe. Ce qui présenterait l'avantage de ne pas rejeter les Turcs et en même temps de ne pas faire subir à l'Europe un 2ème élargissement de l'importance du 1er et ce avant même que ce dernier ait pu être mené à terme dans toutes ses conséquences pratiques. Ce débat n'est pas médiocre. Il est utile mais il inquiète. Alors mettons-nous d'accord sur une position de synthèse qui nous permettra de dire aux Français que la décision ou non d'intégrer les Turcs ne se produira qu'au plus tôt dans 15 ans, si tout va bien, que donc chacun pourra faire valoir ses arguments, puisque aucune décision définitive ne sera prise d'ici là.
Et puis surtout, et dans la parfaite logique de ce qu'a décidé Jacques Chirac pour la ratification de la Constitution Européenne affirmons ensemble notre souhait qu'une décision de cette importance ne puisse être prise sans que les Français n'aient été invités par référendum à donner leur avis. Ainsi assurés d'être consultés, les Français verraient leurs craintes apaisées et le référendum sur la ratification de la Constitution pourrait se dérouler dans un climat beaucoup plus serein où l'enjeu restera celui de l'organisation de l'Europe des 25.
Un mot encore pour dire que si je répondrai oui avec enthousiasme à la question posée par Jacques Chirac, je n'en considérerai pas pour autant que ceux qui ont un avis contraire parmi nous deviendraient illégitimes, seraient de moins bons Français ou même de moins bons Européens. Regardez ce que font les socialistes en ce moment, et, tirez-en la conclusion qu'il nous faut faire exactement l'inverse. n y a toujours eu en notre sein des sensibilités européennes différentes. Ayons tous la sagesse de les vivre de façon apaisée, sans outrance, sans agressivité, avec maîtrise, en donnant à chacun sa place et la parole. Plus nous serons tolérants et apaisés entre nous plus nous donnerons l'image aux Français de notre force.
Je souhaite d'ailleurs que nous nous dotions d'une plate forme commune sur ces sujets européens qui nous permettrait de tous nous retrouver en faisant des propositions sur les délocalisations, sur le dumping fiscal et social en Europe, sur la nécessité d'une concurrence loyale entre partenaires, sur le budget européen, sur les coopérations renforcées qu'il me semble inéluctable de promouvoir. Mes chers amis, nous avons réussi à faire bouger l'Europe sur le Pacte de Stabilité pour l'orienter vers davantage de croissance, sur l'organisation de l'Eurogroupe qui est aujourd'hui doté d'un président pour 2 ans. n n'y a pas de fatalité si nous avons le courage de lever le couvercle de la pensée unique si présente dès qu'il s'agit de l'Europe. L'Europe, nous y croyons, c'est bien pour cela qu'il nous faut peser sur ces orientations et surtout ne pas les subir. Il restera enfin, après avoir apaisé les craintes, à démontrer aux Français que l'espoir est à nouveau possible. Or, c'est bien là la grande question. Nos compatriotes doutent qu'il soit encore possible de transmettre du progrès social d'une génération à l'autre. Autrement dit, ils craignent que la vie de leurs enfants soit plus dure que ce que fut la leur. C'est un changement considérable par rapport au passé où l'avenir était perçu comme moins inquiétant et plus prometteur. C'est sur ces sujets qu'il nous faut maintenant travailler. Que signifie concrètement le progrès social en 2004 : de meilleurs salaires, la propriété de son appartement, des études plus longues pour ses enfants ? Quelles doivent être les différences entre notre politique sociale et celle de la gauche ? N'a-t-on pas détourné de son sens le mot égalité à force de nivellement et d'assistance ? Comment relancer notre système d'intégration aujourd'hui en panne ? Quelle politique d'immigration pour les 20 années qui viennent ? Alors qu'aujourd'hui encore nous refusons à tort des étudiants étrangers dont la culture et la langue française auraient bien besoin, sans être capables de maîtriser des flux clandestins qui ruinent notre pacte républicain.
Je souhaite que sur ces questions et bien d'autres nous puissions rendre l'espoir aux Français en leur montrant qu'il est possible d'agir qu'il n'y a pas de fatalité que la politique est utile que la France peut rester ce grand pays qui sait montrer la voie et inventer l'avenir. Mes chers amis, retrouvons l'envie de convaincre, de construire, de conquérir. Gardons cette soif d'action dont le pays à tant besoin.
Je sais que la tâche qui m'attend si vous me faites confiance sera redoutable. Je n'ignore rien des risques et des difficultés. Je connais les obstacles que nous trouverons sur notre route. Et pourtant je me sens prêt sans doute comme jamais je ne l'ai été tout simplement parce que je n'avais pas d'autre choix que celui d'assumer mes responsabilités.
(Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 5 octobre 2004)