Déclaration de M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales, sur les mesures prises pour assurer l'avenir des industries agroalimentaires : aides pour le développement économique et l'innovation, pour l'exportation, pour une meilleure connaissance des métiers de l'agroalimentaire, Villepinte le 17 octobre 2004.

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Circonstance : Salon international de l'alimentation (SIAL) à Paris-Nord Villepinte du 17 au 21 octobre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil de Surveillance du SIAL (Victor Scherrer),
Messieurs les Présidents,
Madame le Directeur Général du SIAL (Cécile Bassot),
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous ce soir. Tout concourt en effet à ce plaisir, pour le Ministre de l'industrie agroalimentaire que je suis : c'est le salon des industries agroalimentaires, au niveau international, c'est une vitrine emblématique des démarches à l'exportation et des capacités d'innovation, un lieu de valorisation de notre agriculture, la démonstration des richesses de nos terroirs.
J'ai été chargé par le Premier Ministre et par Hervé Gaymard d'élaborer un plan d'action, un Partenariat national pour le développement de l'industrie agroalimentaire, et le SIAL est, à cet égard, un redoutable espace de concurrence, puisqu'il expose les talents déployés par les industries des autres pays ! Mais c'est une véritable émulation pour les entreprises françaises !
Surtout lorsque l'on sait, et vous me pardonnerez de le souligner, que son industrie agroalimentaire permet à la France d'être le premier exportateur mondial de produits transformés...
L'industrie agroalimentaire, c'est aussi la vie quotidienne à travers l'alimentation ; ce sont des emplois - 420 000 pour le 2ème secteur employeur de France - ; ce sont des PME et des TPE qui maillent nos territoires ruraux -8 entreprises sur 10 sont des petites structures, parmi les 10 000 entreprises du secteur. Il s'agit donc d'un pan essentiel de notre économie et de notre société.
J'ajoute que ce secteur industriel assure 70 % des débouchés de notre agriculture. Celle-ci vit sa troisième grande mutation, en quelque trente ans, ce qui suscite des interrogations, auxquelles Hervé Gaymard et le gouvernement apportent, depuis plus de deux ans, des réponses tant au plan national qu'européen et international. Elles forment le socle sur lequel, tous ensemble, avec les acteurs du monde agricole et rural, nous pouvons travailler à adapter notre agriculture, à préparer l'avenir. C'est notamment le sens de la réflexion qui s'engage pour préparer la loi de modernisation, ou d'orientation, agricole. C'est cette nouvelle frontière qu'il nous faut construire, ensemble. Eh bien, le Partenariat est une réponse supplémentaire que nous apportons au monde agricole et rural, pour dessiner cette nouvelle frontière.
Nous avons choisi d'accompagner les entreprises agroalimentaires dans leur croissance, de soutenir leur dynamisme, de les encourager à innover et à partir à la conquête des marchés extérieurs, alors qu'elles font la course en tête : parce que c'est lorsque l'on réussit qu'il faut anticiper, qu'il faut examiner les fragilités avant qu'elles ne deviennent de vraies difficultés. Nous voulons les aider à trouver des solutions concrètes, nous voulons développer l'emploi, nous voulons contribuer à assurer l'avenir de notre agriculture.
Pour cela, nous devons être ambitieux. Je vous avouerai que j'ai hésité, en juillet dernier, à afficher un objectif qui, justement, me paraissait presque trop ambitieux : cet objectif consiste à atteindre 500 000 emplois dans l'industrie agroalimentaire, dans les 10 ans qui viennent, contre 420 000 aujourd'hui. Mais toutes mes rencontres avec des chefs d'entreprise m'ont, depuis, convaincu que nous pouvions nous fixer ensemble cet objectif, volontariste mais pourtant réaliste. C'est bien l'objet de ce plan d'action, lancé en juin dernier et que je souhaite pleinement opérationnel en juin prochain.
Notre démarche s'inscrit dans un calendrier que j'ai souhaité volontairement resserré, et qui sera ponctué par des rendez-vous à intervalles réguliers pour faire le point de l'avancée des travaux. Les groupes qui oeuvrent sur les thématiques définies avec les professionnels ont entamé leurs réflexions dès juin ; le comité de pilotage, véritable instance de concertation et de coordination, a été installé le 8 juillet et se réunit régulièrement ; et, comme je m'y étais engagé alors, la 1ère étape a lieu aujourd'hui, à l'occasion du SIAL.
Les prochains mois vont nous permettre de passer au filtre du terrain les premières propositions issues des travaux, puisque je me rendrai dans sept régions, selon les axes du Partenariat, afin de rencontrer les entreprises et de discuter avec elles, concrètement, des mesures envisagées, voire de les modifier si besoin était.
Je tiens à dire enfin que j'ai choisi, pour bâtir ce plan d'action, une méthode simple : celle de la consultation la plus large, de la concertation permanente, avec les acteurs de l'industrie agroalimentaire. Cette démarche se construit également avec leurs partenaires, associés à nos travaux, qu'il s'agisse des organisations professionnelles agricoles, des banques et établissements financiers, des chambres consulaires ou encore des syndicats de salariés. Cela fait sans doute trop longtemps qu'il n'y avait eu pareille mobilisation, commune, entre le ministère et les entreprises. Notre détermination est forte ; je vous le dis aujourd'hui : le ministère de l'Agriculture est bien, aussi, celui des industries agroalimentaires.
Je vous rappelle rapidement les axes de nos travaux :
- il s'agit de dresser un état des lieux, une " photographie " aussi nette que possible des forces et faiblesses du secteur ;
- de favoriser le développement économique des entreprises agroalimentaires, notamment en apportant des solutions à leurs problèmes de financement ;
- de les soutenir dans leurs démarches à l'exportation et à l'internationalisation ;
- d'encourager la recherche et l'innovation (vous le savez tous beaucoup mieux que moi : 80 % des produits que nous trouverons sur le marché dans 10 ans n'existent pas encore) ;
- de faciliter l'application des normes et réglementations ;
- de renforcer l'attractivité des métiers de l'agroalimentaire et de l'offre de formation ;
- enfin d'aider les entreprises à mieux répondre aux attentes de la société.
Dans tous ces domaines, je tiens à vous dire que les travaux ont bien avancé. Certains ont abouti ou sont sur le point d'aboutir, d'autres doivent encore évoluer, d'autres restent au stade de l'ébauche. Et c'est normal. A nouveau, je vous confirme qu'ils passeront tous au filtre du terrain.
Aujourd'hui, et comme j'en avais pris l'engagement voici près de quatre mois, je peux vous annoncer les premières mesures, déjà finalisées, qui devraient faire partie du Partenariat national. J'en citerai trois, qui répondent à trois problématiques, différentes mais tout aussi importantes pour l'avenir des industries agroalimentaires. Ce sont les trois premières. N'en doutez pas : elles seront suivies d'autres décisions, au fur et à mesure de l'avancement de nos travaux. Je vous donne ainsi rendez-vous au premier trimestre 2005, pour un nouveau point d'étape, où je présenterai de nouvelles mesures. Notre troisième rendez-vous sera, bien sûr, en juin, avec un plan d'action opérationnel, complet, mis à la disposition des entreprises.
Ce sont donc trois outils que je vous présente aujourd'hui, des outils dont l'application dans le temps diffère en fonction des objectifs visés : un outil financier pour apporter des moyens au développement économique et à l'innovation des entreprises ; un outil pratique pour accompagner les entreprises à l'export ; un outil pour l'emploi, en attirant les jeunes vers les industries agroalimentaires.
1/ Un outil financier pour le développement économique et l'innovation.
Afin de parvenir à définir les outils les plus adaptés, il nous a fallu chercher à relever trois défis permettant de répondre aux besoins spécifiques de l'industrie agroalimentaire :
- tout d'abord, encourager l'émergence d'entreprises de taille suffisante, de leaders, qui soient une référence nationale et internationale, qui contribuent à structurer les filières ;
- parallèlement, soutenir les PME et les TPE, qui représentent l'essentiel de notre tissu économique et 40 % des emplois des IAA, et font vivre nos territoires ruraux ;
- enfin, aider les entreprises, notamment de première transformation, à évoluer vers davantage de produits élaborés à forte valeur ajoutée, afin d'améliorer leurs marges tout en apportant une meilleure réponse aux attentes des consommateurs.
C'est pourquoi j'ai engagé, depuis plusieurs mois, une série de réunions de travail avec un certain nombre de banques et d'établissements financiers, avec des investisseurs, afin de rechercher avec eux les moyens de faciliter le montage de fonds d'investissements, tout en les sensibilisant aux spécificités du secteur agroalimentaire.
Par ailleurs, j'ai veillé à ce que les entreprises puissent bénéficier d'un meilleur accès à l'information, particulièrement sur les aides, nationales ou régionales, auxquelles elles peuvent prétendre : sur le site web du ministère, une présentation du bilan des aides disponibles est désormais à disposition de tous. Cette partie pratique du site a vocation à évoluer, à terme, vers une véritable interactivité, jusqu'à proposer une pré- orientation de l'entreprise vers les aides les plus adaptées à ses besoins.
Mais surtout, nous travaillons à l'élaboration d'une convention de partenariat avec le nouvel ensemble BDPME/SOFARIS/ANVAR, qui sont les partenaires naturels et privilégiés de nos entreprises. Cette initiative nouvelle répond au souhait du gouvernement de proposer aux entreprises une offre de financement les accompagnant à tous les stades de leur développement.
L'objectif est de faciliter les investissements dans les PME, avec des systèmes de garanties d'outils financiers, adaptés aux spécificités de l'industrie agroalimentaire, et de favoriser les investissements des entreprises dans l'innovation.
Je souhaite concrétiser très rapidement notre démarche, avec la mise en place de deux types de prêts adaptés aux petites et moyennes entreprises et répondant aux besoins de renforcement de leurs structures financières :
- des prêts, à moyen terme, adaptés au financement, aux côtés des banques, des investissements d'innovation des PME en phase de croissance ; ce seront les premiers "contrats de développement-innovation" annoncés le 12 octobre dernier par Nicolas SARKOZY, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie ;
- des prêts participatifs de développement pour des TPE (de moins de 20 salariés), qui veulent développer des productions à forte valeur ajoutée, leur permettant de conforter leur ancrage dans nos terroirs ; cet outil répond à leur besoin de fonds propres.
Le lancement de ce dispositif de soutien implique la création d'un fonds de garantie sur les deux types de prêts que je viens d'annoncer. Et je peux d'ores et déjà vous annoncer que j'engage un montant de 1 million d'euros, pour un test sur le terrain, qui permettra de mettre à disposition des PME et des TPE environ 10 millions d'euros de financements. Les collectivités territoriales seront associées au dispositif.
Après ce premier outil, financier,
2/ Un outil pratique pour emmener les entreprises à l'export
Si nous devons libérer les capacités d'innovation de nos entreprises, nous devons aussi, et plus que jamais, faciliter leurs démarches à l'exportation, leur conquête des marchés extérieurs. La croissance de notre économie est de retour. Mais nos industries agroalimentaires le savent bien : elles doivent aussi aller chercher la croissance sur les nouveaux marchés. L'élargissement de l'Union européenne d'un côté, l'Asie - et plus particulièrement la Chine - ou encore l'Amérique Latine de l'autre, en sont de très bons exemples. Ne nous y trompons pas : si la France avait simplement conservé les parts de marché, à l'export en produits agroalimentaires, dont elle disposait voici dix ans (en 1993), ses exportations seraient sans doute aujourd'hui supérieures de plus de 6 milliards d'euros à ce qu'elles sont aujourd'hui (très précisément de 6,17 Mds d'euros, à comparer aux plus de 38 Mds d'euros d'exportations agricoles et agroalimentaires réalisées en 2003)...
Vous savez que la réorganisation de notre dispositif national d'appui à l'exportation est largement engagée, et François LOOS, ministre délégué au Commerce extérieur, y consacre toute son énergie : à ses côtés, nous allons veiller à en renforcer la cohérence, la visibilité, l'efficacité directe pour les entreprises de l'agroalimentaire.
Je vous annonce la création d'un outil concret et pratique : un véritable " kit pour l'export et la promotion agroalimentaires ", à destination des PME. Je souhaite que ce soit une prestation complète, proposée aux entreprises, qui intègre le conseil, le défrichage des marchés, la prospection, la participation de l'entreprise à des foires ou salons, le marketing. La participation aux salons est pour une entreprise une étape très importante, qui devra être renforcée dans les années qui viennent. Je souhaite que cette prestation soit proposée à un tarif très attractif.
J'ai demandé, avec François LOOS, à Ubifrance et Sopexa d'y travailler activement. Je précise quand même que cet effort suppose que l'entreprise s'implique, durablement, dans son projet à l'export.
Enfin, troisième outil :
3/ Un outil pour l'emploi, en faisant mieux connaître les métiers de l'agroalimentaire
Industrie de notre vie quotidienne, au travers des produits qui nous nourrissent, l'agroalimentaire souffre pourtant trop souvent d'une mauvaise image. Nous avons là, sans doute, la conséquence indirecte des crises récentes (ESB, farines animales), l'idée - de plus en plus erronée - de la pénibilité du travail, ou le déficit d'image malheureusement encore associé aux métiers manuels.
Je note qu'il y a un certain désintérêt des jeunes pour l'industrie agroalimentaire. Beaucoup de chefs d'entreprise me disent qu'ils ne trouvent pas à embaucher alors qu'ils proposent des postes. Les jeunes ignorent en effet trop souvent la variété des métiers offerts, ou encore la modernisation et l'automatisation des process de production.
Je souhaite donc lancer, et ceci en partenariat avec l'ANIA et Coop de France, une campagne de communication sur les métiers de l'agroalimentaire, qui devra être forte et qui devra s'inscrire sur le long terme, à horizon de trois ans : afin de mieux faire connaître ces métiers, afin de dissiper cette image fausse, afin de soutenir l'emploi dans les IAA.
J'insiste sur cette notion de partenariat : l'Etat ne peut, à lui seul assurer le succès et l'ampleur d'une telle campagne, que ce soit financièrement, ou encore pour des questions d'efficacité ou enfin tout simplement parce que ce n'est pas son rôle. Le rôle de l'Etat est ici d'impulser, d'entraîner, d'accompagner, non de se substituer aux professionnels eux-mêmes. C'est donc bien avec les professionnels qu'il nous faut agir et je sais pouvoir compter sur eux. Avec un objectif que nous pouvons nous fixer : investir en 3 ans au moins 3 millions d'euros.
Nous définirons ensemble les modalités et le calendrier de cette campagne nationale, en espérant pouvoir la lancer effectivement à l'été 2005. J'ajoute que nous la ferons précéder d'une enquête approfondie, afin d'affiner avec précision les problèmes et les besoins du secteur.
Voilà une mesure concrète, qui n'est pas une mesure d'affichage mais une mesure fédératrice, très attendue par le secteur parce qu'elle correspond à un besoin profond.
Mais je tiens également à vous dire que l'enseignement agricole, dont j'ai aussi la charge, travaille déjà sur ce sujet afin de mieux adapter son offre de formation aux métiers de l'industrie agroalimentaire. Il mène une démarche active et constante pour être toujours plus réactif et évolutif. Et il y réussit particulièrement bien.
De même, nous soutenons la réflexion de la profession, qui a su se mobiliser et doit continuer à le faire, pour améliorer la qualité et les conditions de travail dans ses entreprises.
Vous le constatez, le Partenariat national pour l'industrie agroalimentaire commence à se structurer, à se construire. Je vous ai annoncé aujourd'hui trois mesures, les trois premières d'un grand ensemble que nous allons compléter au fur et à mesure de nos réflexions. D'autres mesures issues des groupes de travail sont en passe d'être finalisées et seront avalisées lors des prochaines réunions du Comité de pilotage. D'autres encore naîtront, sans doute, des rencontres sur le terrain avec les chefs d'entreprises et les responsables de coopératives, que je vais organiser dans les trois à quatre mois qui viennent.
Je souhaite, je vous l'ai dit, rythmer la montée en puissance du Partenariat national par des points d'étape réguliers. Aujourd'hui, le SIAL m'a donc permis de fixer un premier rendez-vous, et d'annoncer des premières mesures.
Je vous donne d'ores et déjà un deuxième rendez-vous, au début de l'année prochaine, afin de vous dévoiler les nouvelles mesures qui auront été finalisées. Entre temps, je vous l'ai dit, je les aurai fait passer au filtre du terrain, au filtre de l'expérience des chefs d'entreprise.
Enfin, je vous le redis : je tiens à ce qu'en juin 2005, le plan d'action soit complet, un Partenariat véritablement opérationnel, qui intègrera cette fois l'ensemble des outils que nous entendons mettre à disposition des entreprises.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 19 octobre 2004)