Texte intégral
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse d'ouvrir ce colloque sur le plan national santé-environnement - un an après l'annonce faite par le Président de la République à l'occasion des premières assises régionales de la Charte de l'environnement à Nantes.
Je tiens tout d'abord à remercier vivement les trois présidents de la commission d'orientation du plan national santé-environnement : M. Lesaffre aujourd'hui présent, Mme le Professeur Momas et le Professeur Caillard ; ainsi que les nombreux experts qui ont participé aux travaux de la commission d'orientation ; sans oublier le rôle important joué par l'AFSSE, qui organise le colloque d'aujourd'hui.
Avant de laisser Mme Froment-Védrine et M. Lesaffre décrire plus avant les premières mesures proposées par le rapport préliminaire qui nous a été remis le 15 décembre, je vous dirai quelques mots sur l'importance particulière du plan national santé-environnement, et sur les enjeux qu'y s'y attachent. Ensuite, j'aimerais rappeler les actions déjà entreprises par le Gouvernement sur le bruit, sur les risques chimiques, et sur l'air, qui sont les sujets des tables-rondes d'aujourd'hui et qui me donneront l'occasion de revenir sur la crise de la légionellose qui a touché dernièrement le Pas-de-Calais. Je vous livrerai enfin, concernant le plan national santé-environnement en général, quelques suggestions sur des lignes directrices et quelques suggestions d'orientations.
1. INTERET ET ENJEUX DU PLAN NATIONAL SANTE ENVIRONNEMENT
Vous savez tous à quel point le sujet santé-environnement est au centre de mes intérêts personnels, ne serait-ce que de par ma formation scientifique. Il est évident qu'il s'agit là non seulement d'une préoccupation qui m'est chère à titre personnel et en tant que ministre, mais aussi d'une attente essentielle aux yeux de tous les Français.
L'actualité récente nous a malheureusement rappelé avec trop d'acuité, et de manière parfois hélas tragique, les dangers que notre environnement peut faire courir sur notre santé. Je me contenterai de citer l'épisode de la canicule 2003, ou encore les cas de légionellose qui ont frappé nos concitoyens. Souvent ce sont les plus fragiles d'entre nous qui sont touchés. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer, ainsi que mon collègue le ministre de la santé Jean-François Mattei, sur les mesures particulières qui ont été prises par le Gouvernement sur ces sujets précis, et je reviendrai tout à l'heure sur le sujet de la légionellose.
Les questions, nombreuses, que traite le plan national santé-environnement sont au cur de la vie de chacun de nos concitoyens. J'ai fait allusion à deux crises qui ont marqué l'actualité très récemment, mais bien d'autres sujets prennent une place importante dans notre vie quotidienne et peuvent parfois provoquer des inquiétudes du public: ainsi la pollution atmosphérique, la dioxine, l'ozone, les éthers de glycol, etc., etc., peuvent apparaître de temps à autre à la une de nos journaux.
Je crois que le rôle d'un plan national santé-environnement est d'augmenter notre faculté de prévenir les risques connus dont je viens de parler, mais aussi de prévoir les risques qui peuvent se profiler à l'horizon.
En effet, la maîtrise des problèmes de santé et d'environnement est un préalable indispensable à la confiance d'une société en elle-même. Une politique en santé-environnement plus efficace et sereine permettra à un pays comme la France d'avancer plus facilement vers l'avenir y compris dans son développement économique. A ce titre, la santé-environnement est une composante essentielle du développement durable et c'est la raison pour laquelle ce plan compte parmi les mesures annoncées lors de la Stratégie nationale de développement durable adoptée par le Gouvernement en juin 2003.
Ce plan s'inscrit également dans un contexte européen et international où la France joue un rôle moteur. En effet, il va sans dire que nos partenaires européens, mais aussi des pays du monde entier peuvent être confrontés à des problèmes du même type. Songeons un instant à la crise du SRAS en Asie du Sud-Est. Beaucoup de pays doivent affronter des difficultés que nous connaissons en matière de risques naturels ou industriels. Certaines solutions seront donc à trouver au plan européen ou international.
En Europe, la France participe activement à la construction d'une stratégie en matière d'environnement et de santé dans laquelle s'inscrira le PNSE. Le plan européen en cours de préparation vise à combler le vide des connaissances sur les rapports existants entre l'environnement et la santé, et s'axe dans un premier temps sur les pathologies prioritaires. La santé des enfants y fera l'objet d'une attention particulière car ils sont plus fragiles et vulnérables à la pollution.
Le plan national santé environnement français sera également présenté lors de la Conférence des ministres de l'environnement et des ministres de la santé de la région Europe qui se tiendra à Budapest en juin 2004 sous l'égide de l'Organisation Mondiale de la Santé.
On voit, à travers ces différents événements, qu'une effervescence a lieu actuellement au niveau mondial pour répondre aux enjeux de la santé-environnement et qu'il est de l'intérêt de la France d'y prendre toute la place qui s'impose.
2. ACTIONS MENEES PAR LE GOUVERNEMENT SUR L'AIR, LE BRUIT ET LES RISQUES CHIMIQUES
J'aimerais maintenant évoquer rapidement les sujets des tables-rondes du colloque d'aujourd'hui : le bruit, les risques chimiques, et l'air.
J'ai annoncé le 6 octobre dernier, devant le conseil national du bruit, un plan national de lutte contre le bruit, considéré comme une nuisance majeure par près de la moitié de nos concitoyens, selon des enquêtes tant de l'INSEE que de l'IFEN. J'ai décliné ce plan suivant trois axes : l'isolation phonique des logements soumis à un bruit excessif, la lutte contre le bruit au quotidien, la préparation de l'avenir.
Le premier volet de ce plan concerne la protection ou l'isolation phoniques des logements de nos concitoyens qui ont leur domicile situé dans une zone où le bruit est manifestement excessif, au delà des seuils de 70 décibels. Je pense en premier lieu aux riverains des grands aéroports ou ceux situés à proximité de grands axes de transports terrestres. A ces nuisances environnementales peuvent s'ajouter d'autres handicaps structurels, notamment dans les quartiers urbains défavorisés où la gêne sonore aggrave la détresse sociale.
Le bruit au quotidien est le second axe de mon plan. Chacun peut dans sa vie quotidienne être agressé par le bruit, dont l'origine est extrêmement diverse. Il s'agit souvent de problématiques locales, qui intéressent en premier lieux les élus locaux qui ont des responsabilités en matière de police du bruit. Ce volet comporte des mesures réglementaires, de sensibilisation ou d'accompagnement sur des problématiques précises (le bruit des deux roues, les plaintes de voisinage, les cantines et crèches), qui visent, notamment par la sensibilisation et l'éducation à l'environnement, à changer les comportements.
Enfin, le troisième volet de ce plan comporte des actions tournées résolument vers l'avenir et la recherche de solutions nouvelles en matière de nuisances sonores. Ainsi, l'Etat soutient à hauteur de 5,6 M par an la recherche sur la perception du bruit et contre les nuisances sonores. Deux domaines offrent de sérieuses perspectives d'avancées dans les prochaines années : d'une part la technologie liée à la réduction des nuisances sonores à la source et d'autre part les recherches sur la perception même du bruit et ses conséquences, notamment en matière sanitaire. De même, le ministère de l'écologie et du développement durable va accompagner les agglomérations dans la réalisation de cartes de bruit, qui illustrent graphiquement les niveaux sonores dans les grandes agglomérations. Le rapport d'étape de la commission nous incite en effet à mieux connaître l'exposition des populations et à mieux les sensibiliser, l'exposition aux nuisances sonores pouvant, comme dans le cas de l'écoute de musique amplifiée, avoir une origine comportementale.
Dans le domaine du risque chimique chronique, la multiplicité des substances et leur présence dans tous les compartiments de l'environnement plaide pour une meilleure appréhension de leurs effets et une meilleure connaissance des niveaux d'exposition. Certaines substances dont les effets sur la santé humaine et sur l'environnement sont fortement suspectés, par exemple les CMR - cancérigènes, mutagènes et dangereuses pour la reproduction - devront faire l'objet d'une attention particulière, et des mesures de prévention devront sans doute être prises et renforcées à l'occasion du plan national.
Enfin, dans le domaine de la pollution de l'air, la communication au conseil des ministres sur un " Plan air " que j'ai présentée le 5 novembre dernier met l'accent sur la poursuite de la réduction des émissions de polluants précurseurs de l'ozone avec un objectif de diminution par 2 des émissions toutes origines confondues d'ici 2010. Des mesures renforcées en cas de pics de pollution sont également en cours de mise en place : abaissement des seuils d'alerte sur l'ozone de 360 µg/m3 à 240 µg/m3, circulation alternée en cas d'alerte pour la moitié des véhicules munis de pastilles vertes.
Le rapport d'étape de la commission doit nous inciter à travailler plus particulièrement dans le cadre de l'élaboration du plan, sur la poursuite de la réduction des émissions de métaux lourds et benzène ainsi que des émissions de particules fines, en particulier celles issues des diesels. Ceci doit nous inciter à encourager l'usage des filtres à particules pour les diesels.
Mais les liens entre l'air et la santé ne se limitent pas aux seules pollutions chimiques issues des automobiles et des industries. C'est ainsi que la table ronde de cet après-midi consacrée à l'air aborde la question méconnue, mais émergente, de l'ambroisie, une plante aux effets allergéniques puissants qui peut nous poser des problèmes dans le futur. Le groupe des experts n'a pas occulté cette grande diversité des questions de santé environnementale liées à l'air, et a mis l'accent fort opportunément sur un sujet à mes yeux majeur, celui de la légionellose. Ce sujet faisait d'ailleurs l'objet d'une action spécifique du plan " air " que j'ai présenté le 5 novembre dernier au Conseil des Ministres. J'avais également attiré particulièrement l'attention des DRIRE sur ce sujet qui était déjà une priorité pour 2003. Il mérite qu'on s'y attarde quelques minutes, tout particulièrement à la lumière des événements très difficiles que nous vivons dans le Pas-de-Calais.
La crise que nous connaissons depuis le mois de décembre appelle au moins trois questions : comment allons-nous sortir de cet épisode, quelles sont les responsabilités des uns et des autres, que faire à l'avenir pour éviter de telles contaminations.
Sur la première question, deux scénarios restent ouverts : soit l'épidémie s'éteint, comme cela semble être le cas, et cela voudra dire que les différentes mesures prises, en particulier les deux décisions successives de fermeture de l'usine Noroxo, auront eu leur effet et auront permis d'éteindre la source de bactéries. Mais il existe aussi une deuxième hypothèse, pessimiste, dans laquelle des cas continueraient à apparaître, qui seraient de moins en moins facilement rattachable à Noroxo. C'est parce que je ne veux fermer aucune option, et en particulier pas celle-là, que j'ai dépêché en début de semaine dernière 10 nouveaux inspecteurs sur le terrain, et que j'ai étendu le rayon d'investigation pour rechercher une éventuelle seconde source.
Une fois la crise passée, et à ce moment seulement, viendra le temps de la recherche de responsabilités. Ce n'est pas la priorité du moment, même si d'aucuns cherchent à attiser la polémique. Les services de l'Etat ont consigné leurs constatations, bonnes et mauvaises, et les ont transmises à la justice, qui tranchera quant à la gravité des éventuels faits constatés. La détermination des responsabilités est entre les mains du pouvoir judiciaire.
Mais ce qui est évidemment plus intéressant dans le cadre du colloque d'aujourd'hui, c'est l'après, c'est-à-dire la manière d'éviter que des épisodes de ce type ne se reproduisent. La légionellose, ce sont environ 1000 cas déclarés par an en France, et 15 % de mortalité en moyenne pour les personnes atteintes. Il s'agit d'une réelle question de santé environnementale, qui mérite une mobilisation extrêmement forte. Je me félicite de voir que les conclusions intermédiaires des experts du PNSE vont dans le sens de ce que nous avions, avec mon collègue Jean-François Mattei, anticipé dès l'automne dernier, en constituant un groupe de travail chargé de réfléchir à l'évolution des pratiques et des réglementations dans ce domaine, dans l'optique de présenter un plan global de prévention de la légionellose d'ici le printemps.
D'ores et déjà nous sommes en train de préparer les actions qui devront être rapidement mises en oeuvre pour renforcer encore la prévention :
·- Nous envisageons ainsi de faire, à nouveau, un recensement, le plus exhaustif possible, des tours aéro-réfrigérantes en France, en particulier en agglomération. Ce travail pourrait être engagé avant avril prochain ;
·- Les exploitants de ces tours seront sensibilisés individuellement au risque légionelle, sur la réglementation et sur les meilleures techniques disponibles ;
·- Cette action devra être complétée ensuite d'actions de contrôle par sondage, sanctionnées sévèrement en cas de manquements ;
·- Je souhaite aussi qu'une réflexion sur la conception des tours, et sur les technologies alternatives, car il en existe dans certains cas, soit engagée ;
·- Enfin, nous réfléchissons à une révision de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, qui passerait par un décret spécifique, et qui permettrait d'identifier clairement les exploitants de telles tours afin de tenir à jour le recensement, et leur imposer le cas échéant les mesures adéquates.
3. SUGGESTIONS DE LIGNES DIRECTRICES POUR LE PLAN NATIONAL-SANTE-ENVIRONNEMENT
Revenons, si vous le voulez bien, au Plan national santé-environnement de façon plus générale.
Nous sommes ici pour réfléchir à la meilleure manière d'accroître et d'améliorer les dispositifs déjà en place, sur l'ensemble des sujets de santé publique liés à l'environnement. Je pense que, pour donner un fil conducteur aux propositions, il serait utile de distinguer les différentes " strates " qui permettent d'aboutir à un dispositif efficace.
- Tout d'abord, la France doit être dotée d'une capacité forte de connaissance, d'identification et d'appréhension des risques. La mise en place de l'AFSSE (l'Agence de sécurité sanitaire environnementale) est à ce titre une étape très importante. L'AFSSE joue déjà, et jouera de plus en plus à l'avenir, un rôle très important de coordination des autres organismes afin d'avoir la capacité et l'expertise nécessaires pour apporter des réponses à la hauteur des enjeux.
- Ensuite, il convient de hiérarchiser et de prioriser les risques de manière à faire en sorte que les problèmes décelés soient traités selon des critères de priorité les plus objectifs possibles. Je note d'ailleurs que c'est bien ainsi que la commission distingue dans son rapport d'étape les mesures immédiates nécessaires et les problèmes complexes de plus long terme. Les priorités se révèlent être de nature différentes, la mortalité par le monoxyde de carbone dans l'habitat par exemple n'a pas la même complexité ni la même échelle de temps que les problématiques liées à la reprotoxicité.
- Enfin il nous faudra, dans le plan national, adopter des mesures correctives et préventives proportionnées à l'ampleur et à la nature des risques et de leurs impacts. L'enjeu est de répondre aux attentes de la collectivité et de prendre en compte l'efficacité économique globale dans nos choix collectifs : dans bien des cas, ne pas agir implique un coût social plus élevé que le coût de la prévention.
J'espère que ces quelques suggestions de lignes directrices pourront guider les débats dans le bon sens.
Mesdames et Messieurs, comme vous le voyez, le nombre de sujets traités par le plan national santé-environnement est très vaste.
Je crois que le grand mérite du pré-rapport qui nous a été présenté le 15 décembre est de présenter, de manière claire et lisible, le panorama des problématiques qui touchent les Français.
Ce pré-rapport décrit de manière déjà très détaillée, milieu par milieu, l'ensemble des risques connus ou émergents, et des impacts en terme de santé publique ou en termes économiques.
Une autre vertu de ce pré-rapport est de proposer, en conclusion, des priorités possibles sur un certain nombre de sujets de santé publique liés à l'environnement : infections et intoxications aiguës liées à l'air ou aux conditions climatiques extrêmes, cancer, maladies allergiques, reprotoxicité, neurotoxicité, risques pour la santé liées à l'eau, au bruit, ou à l'habitat.
Ne nous voilons pas la face, certains sujets sont particulièrement complexes et délicats à traiter. C'est le cas notamment des pollutions diffuses et multiples auxquelles peut être soumise la population sur de longues durées, sans que nous soyons toujours conscients des risques à un moment donné. C'est dire toute l'ampleur et l'ambition de ce plan.
Mesdames et Messieurs, vous aurez donc compris l'importance que j'attache au débat qui s'ouvre aujourd'hui, et même si le pré-rapport de la commission d'orientation nous fournit une excellente base de travail, je ne doute pas que vous saurez encore l'améliorer et trouver des voies de progrès concrètes qui seront bénéfiques au bien-être de tous les Français dans leur vie quotidienne.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 16 janvier 2004)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse d'ouvrir ce colloque sur le plan national santé-environnement - un an après l'annonce faite par le Président de la République à l'occasion des premières assises régionales de la Charte de l'environnement à Nantes.
Je tiens tout d'abord à remercier vivement les trois présidents de la commission d'orientation du plan national santé-environnement : M. Lesaffre aujourd'hui présent, Mme le Professeur Momas et le Professeur Caillard ; ainsi que les nombreux experts qui ont participé aux travaux de la commission d'orientation ; sans oublier le rôle important joué par l'AFSSE, qui organise le colloque d'aujourd'hui.
Avant de laisser Mme Froment-Védrine et M. Lesaffre décrire plus avant les premières mesures proposées par le rapport préliminaire qui nous a été remis le 15 décembre, je vous dirai quelques mots sur l'importance particulière du plan national santé-environnement, et sur les enjeux qu'y s'y attachent. Ensuite, j'aimerais rappeler les actions déjà entreprises par le Gouvernement sur le bruit, sur les risques chimiques, et sur l'air, qui sont les sujets des tables-rondes d'aujourd'hui et qui me donneront l'occasion de revenir sur la crise de la légionellose qui a touché dernièrement le Pas-de-Calais. Je vous livrerai enfin, concernant le plan national santé-environnement en général, quelques suggestions sur des lignes directrices et quelques suggestions d'orientations.
1. INTERET ET ENJEUX DU PLAN NATIONAL SANTE ENVIRONNEMENT
Vous savez tous à quel point le sujet santé-environnement est au centre de mes intérêts personnels, ne serait-ce que de par ma formation scientifique. Il est évident qu'il s'agit là non seulement d'une préoccupation qui m'est chère à titre personnel et en tant que ministre, mais aussi d'une attente essentielle aux yeux de tous les Français.
L'actualité récente nous a malheureusement rappelé avec trop d'acuité, et de manière parfois hélas tragique, les dangers que notre environnement peut faire courir sur notre santé. Je me contenterai de citer l'épisode de la canicule 2003, ou encore les cas de légionellose qui ont frappé nos concitoyens. Souvent ce sont les plus fragiles d'entre nous qui sont touchés. J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer, ainsi que mon collègue le ministre de la santé Jean-François Mattei, sur les mesures particulières qui ont été prises par le Gouvernement sur ces sujets précis, et je reviendrai tout à l'heure sur le sujet de la légionellose.
Les questions, nombreuses, que traite le plan national santé-environnement sont au cur de la vie de chacun de nos concitoyens. J'ai fait allusion à deux crises qui ont marqué l'actualité très récemment, mais bien d'autres sujets prennent une place importante dans notre vie quotidienne et peuvent parfois provoquer des inquiétudes du public: ainsi la pollution atmosphérique, la dioxine, l'ozone, les éthers de glycol, etc., etc., peuvent apparaître de temps à autre à la une de nos journaux.
Je crois que le rôle d'un plan national santé-environnement est d'augmenter notre faculté de prévenir les risques connus dont je viens de parler, mais aussi de prévoir les risques qui peuvent se profiler à l'horizon.
En effet, la maîtrise des problèmes de santé et d'environnement est un préalable indispensable à la confiance d'une société en elle-même. Une politique en santé-environnement plus efficace et sereine permettra à un pays comme la France d'avancer plus facilement vers l'avenir y compris dans son développement économique. A ce titre, la santé-environnement est une composante essentielle du développement durable et c'est la raison pour laquelle ce plan compte parmi les mesures annoncées lors de la Stratégie nationale de développement durable adoptée par le Gouvernement en juin 2003.
Ce plan s'inscrit également dans un contexte européen et international où la France joue un rôle moteur. En effet, il va sans dire que nos partenaires européens, mais aussi des pays du monde entier peuvent être confrontés à des problèmes du même type. Songeons un instant à la crise du SRAS en Asie du Sud-Est. Beaucoup de pays doivent affronter des difficultés que nous connaissons en matière de risques naturels ou industriels. Certaines solutions seront donc à trouver au plan européen ou international.
En Europe, la France participe activement à la construction d'une stratégie en matière d'environnement et de santé dans laquelle s'inscrira le PNSE. Le plan européen en cours de préparation vise à combler le vide des connaissances sur les rapports existants entre l'environnement et la santé, et s'axe dans un premier temps sur les pathologies prioritaires. La santé des enfants y fera l'objet d'une attention particulière car ils sont plus fragiles et vulnérables à la pollution.
Le plan national santé environnement français sera également présenté lors de la Conférence des ministres de l'environnement et des ministres de la santé de la région Europe qui se tiendra à Budapest en juin 2004 sous l'égide de l'Organisation Mondiale de la Santé.
On voit, à travers ces différents événements, qu'une effervescence a lieu actuellement au niveau mondial pour répondre aux enjeux de la santé-environnement et qu'il est de l'intérêt de la France d'y prendre toute la place qui s'impose.
2. ACTIONS MENEES PAR LE GOUVERNEMENT SUR L'AIR, LE BRUIT ET LES RISQUES CHIMIQUES
J'aimerais maintenant évoquer rapidement les sujets des tables-rondes du colloque d'aujourd'hui : le bruit, les risques chimiques, et l'air.
J'ai annoncé le 6 octobre dernier, devant le conseil national du bruit, un plan national de lutte contre le bruit, considéré comme une nuisance majeure par près de la moitié de nos concitoyens, selon des enquêtes tant de l'INSEE que de l'IFEN. J'ai décliné ce plan suivant trois axes : l'isolation phonique des logements soumis à un bruit excessif, la lutte contre le bruit au quotidien, la préparation de l'avenir.
Le premier volet de ce plan concerne la protection ou l'isolation phoniques des logements de nos concitoyens qui ont leur domicile situé dans une zone où le bruit est manifestement excessif, au delà des seuils de 70 décibels. Je pense en premier lieu aux riverains des grands aéroports ou ceux situés à proximité de grands axes de transports terrestres. A ces nuisances environnementales peuvent s'ajouter d'autres handicaps structurels, notamment dans les quartiers urbains défavorisés où la gêne sonore aggrave la détresse sociale.
Le bruit au quotidien est le second axe de mon plan. Chacun peut dans sa vie quotidienne être agressé par le bruit, dont l'origine est extrêmement diverse. Il s'agit souvent de problématiques locales, qui intéressent en premier lieux les élus locaux qui ont des responsabilités en matière de police du bruit. Ce volet comporte des mesures réglementaires, de sensibilisation ou d'accompagnement sur des problématiques précises (le bruit des deux roues, les plaintes de voisinage, les cantines et crèches), qui visent, notamment par la sensibilisation et l'éducation à l'environnement, à changer les comportements.
Enfin, le troisième volet de ce plan comporte des actions tournées résolument vers l'avenir et la recherche de solutions nouvelles en matière de nuisances sonores. Ainsi, l'Etat soutient à hauteur de 5,6 M par an la recherche sur la perception du bruit et contre les nuisances sonores. Deux domaines offrent de sérieuses perspectives d'avancées dans les prochaines années : d'une part la technologie liée à la réduction des nuisances sonores à la source et d'autre part les recherches sur la perception même du bruit et ses conséquences, notamment en matière sanitaire. De même, le ministère de l'écologie et du développement durable va accompagner les agglomérations dans la réalisation de cartes de bruit, qui illustrent graphiquement les niveaux sonores dans les grandes agglomérations. Le rapport d'étape de la commission nous incite en effet à mieux connaître l'exposition des populations et à mieux les sensibiliser, l'exposition aux nuisances sonores pouvant, comme dans le cas de l'écoute de musique amplifiée, avoir une origine comportementale.
Dans le domaine du risque chimique chronique, la multiplicité des substances et leur présence dans tous les compartiments de l'environnement plaide pour une meilleure appréhension de leurs effets et une meilleure connaissance des niveaux d'exposition. Certaines substances dont les effets sur la santé humaine et sur l'environnement sont fortement suspectés, par exemple les CMR - cancérigènes, mutagènes et dangereuses pour la reproduction - devront faire l'objet d'une attention particulière, et des mesures de prévention devront sans doute être prises et renforcées à l'occasion du plan national.
Enfin, dans le domaine de la pollution de l'air, la communication au conseil des ministres sur un " Plan air " que j'ai présentée le 5 novembre dernier met l'accent sur la poursuite de la réduction des émissions de polluants précurseurs de l'ozone avec un objectif de diminution par 2 des émissions toutes origines confondues d'ici 2010. Des mesures renforcées en cas de pics de pollution sont également en cours de mise en place : abaissement des seuils d'alerte sur l'ozone de 360 µg/m3 à 240 µg/m3, circulation alternée en cas d'alerte pour la moitié des véhicules munis de pastilles vertes.
Le rapport d'étape de la commission doit nous inciter à travailler plus particulièrement dans le cadre de l'élaboration du plan, sur la poursuite de la réduction des émissions de métaux lourds et benzène ainsi que des émissions de particules fines, en particulier celles issues des diesels. Ceci doit nous inciter à encourager l'usage des filtres à particules pour les diesels.
Mais les liens entre l'air et la santé ne se limitent pas aux seules pollutions chimiques issues des automobiles et des industries. C'est ainsi que la table ronde de cet après-midi consacrée à l'air aborde la question méconnue, mais émergente, de l'ambroisie, une plante aux effets allergéniques puissants qui peut nous poser des problèmes dans le futur. Le groupe des experts n'a pas occulté cette grande diversité des questions de santé environnementale liées à l'air, et a mis l'accent fort opportunément sur un sujet à mes yeux majeur, celui de la légionellose. Ce sujet faisait d'ailleurs l'objet d'une action spécifique du plan " air " que j'ai présenté le 5 novembre dernier au Conseil des Ministres. J'avais également attiré particulièrement l'attention des DRIRE sur ce sujet qui était déjà une priorité pour 2003. Il mérite qu'on s'y attarde quelques minutes, tout particulièrement à la lumière des événements très difficiles que nous vivons dans le Pas-de-Calais.
La crise que nous connaissons depuis le mois de décembre appelle au moins trois questions : comment allons-nous sortir de cet épisode, quelles sont les responsabilités des uns et des autres, que faire à l'avenir pour éviter de telles contaminations.
Sur la première question, deux scénarios restent ouverts : soit l'épidémie s'éteint, comme cela semble être le cas, et cela voudra dire que les différentes mesures prises, en particulier les deux décisions successives de fermeture de l'usine Noroxo, auront eu leur effet et auront permis d'éteindre la source de bactéries. Mais il existe aussi une deuxième hypothèse, pessimiste, dans laquelle des cas continueraient à apparaître, qui seraient de moins en moins facilement rattachable à Noroxo. C'est parce que je ne veux fermer aucune option, et en particulier pas celle-là, que j'ai dépêché en début de semaine dernière 10 nouveaux inspecteurs sur le terrain, et que j'ai étendu le rayon d'investigation pour rechercher une éventuelle seconde source.
Une fois la crise passée, et à ce moment seulement, viendra le temps de la recherche de responsabilités. Ce n'est pas la priorité du moment, même si d'aucuns cherchent à attiser la polémique. Les services de l'Etat ont consigné leurs constatations, bonnes et mauvaises, et les ont transmises à la justice, qui tranchera quant à la gravité des éventuels faits constatés. La détermination des responsabilités est entre les mains du pouvoir judiciaire.
Mais ce qui est évidemment plus intéressant dans le cadre du colloque d'aujourd'hui, c'est l'après, c'est-à-dire la manière d'éviter que des épisodes de ce type ne se reproduisent. La légionellose, ce sont environ 1000 cas déclarés par an en France, et 15 % de mortalité en moyenne pour les personnes atteintes. Il s'agit d'une réelle question de santé environnementale, qui mérite une mobilisation extrêmement forte. Je me félicite de voir que les conclusions intermédiaires des experts du PNSE vont dans le sens de ce que nous avions, avec mon collègue Jean-François Mattei, anticipé dès l'automne dernier, en constituant un groupe de travail chargé de réfléchir à l'évolution des pratiques et des réglementations dans ce domaine, dans l'optique de présenter un plan global de prévention de la légionellose d'ici le printemps.
D'ores et déjà nous sommes en train de préparer les actions qui devront être rapidement mises en oeuvre pour renforcer encore la prévention :
·- Nous envisageons ainsi de faire, à nouveau, un recensement, le plus exhaustif possible, des tours aéro-réfrigérantes en France, en particulier en agglomération. Ce travail pourrait être engagé avant avril prochain ;
·- Les exploitants de ces tours seront sensibilisés individuellement au risque légionelle, sur la réglementation et sur les meilleures techniques disponibles ;
·- Cette action devra être complétée ensuite d'actions de contrôle par sondage, sanctionnées sévèrement en cas de manquements ;
·- Je souhaite aussi qu'une réflexion sur la conception des tours, et sur les technologies alternatives, car il en existe dans certains cas, soit engagée ;
·- Enfin, nous réfléchissons à une révision de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, qui passerait par un décret spécifique, et qui permettrait d'identifier clairement les exploitants de telles tours afin de tenir à jour le recensement, et leur imposer le cas échéant les mesures adéquates.
3. SUGGESTIONS DE LIGNES DIRECTRICES POUR LE PLAN NATIONAL-SANTE-ENVIRONNEMENT
Revenons, si vous le voulez bien, au Plan national santé-environnement de façon plus générale.
Nous sommes ici pour réfléchir à la meilleure manière d'accroître et d'améliorer les dispositifs déjà en place, sur l'ensemble des sujets de santé publique liés à l'environnement. Je pense que, pour donner un fil conducteur aux propositions, il serait utile de distinguer les différentes " strates " qui permettent d'aboutir à un dispositif efficace.
- Tout d'abord, la France doit être dotée d'une capacité forte de connaissance, d'identification et d'appréhension des risques. La mise en place de l'AFSSE (l'Agence de sécurité sanitaire environnementale) est à ce titre une étape très importante. L'AFSSE joue déjà, et jouera de plus en plus à l'avenir, un rôle très important de coordination des autres organismes afin d'avoir la capacité et l'expertise nécessaires pour apporter des réponses à la hauteur des enjeux.
- Ensuite, il convient de hiérarchiser et de prioriser les risques de manière à faire en sorte que les problèmes décelés soient traités selon des critères de priorité les plus objectifs possibles. Je note d'ailleurs que c'est bien ainsi que la commission distingue dans son rapport d'étape les mesures immédiates nécessaires et les problèmes complexes de plus long terme. Les priorités se révèlent être de nature différentes, la mortalité par le monoxyde de carbone dans l'habitat par exemple n'a pas la même complexité ni la même échelle de temps que les problématiques liées à la reprotoxicité.
- Enfin il nous faudra, dans le plan national, adopter des mesures correctives et préventives proportionnées à l'ampleur et à la nature des risques et de leurs impacts. L'enjeu est de répondre aux attentes de la collectivité et de prendre en compte l'efficacité économique globale dans nos choix collectifs : dans bien des cas, ne pas agir implique un coût social plus élevé que le coût de la prévention.
J'espère que ces quelques suggestions de lignes directrices pourront guider les débats dans le bon sens.
Mesdames et Messieurs, comme vous le voyez, le nombre de sujets traités par le plan national santé-environnement est très vaste.
Je crois que le grand mérite du pré-rapport qui nous a été présenté le 15 décembre est de présenter, de manière claire et lisible, le panorama des problématiques qui touchent les Français.
Ce pré-rapport décrit de manière déjà très détaillée, milieu par milieu, l'ensemble des risques connus ou émergents, et des impacts en terme de santé publique ou en termes économiques.
Une autre vertu de ce pré-rapport est de proposer, en conclusion, des priorités possibles sur un certain nombre de sujets de santé publique liés à l'environnement : infections et intoxications aiguës liées à l'air ou aux conditions climatiques extrêmes, cancer, maladies allergiques, reprotoxicité, neurotoxicité, risques pour la santé liées à l'eau, au bruit, ou à l'habitat.
Ne nous voilons pas la face, certains sujets sont particulièrement complexes et délicats à traiter. C'est le cas notamment des pollutions diffuses et multiples auxquelles peut être soumise la population sur de longues durées, sans que nous soyons toujours conscients des risques à un moment donné. C'est dire toute l'ampleur et l'ambition de ce plan.
Mesdames et Messieurs, vous aurez donc compris l'importance que j'attache au débat qui s'ouvre aujourd'hui, et même si le pré-rapport de la commission d'orientation nous fournit une excellente base de travail, je ne doute pas que vous saurez encore l'améliorer et trouver des voies de progrès concrètes qui seront bénéfiques au bien-être de tous les Français dans leur vie quotidienne.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 16 janvier 2004)