Texte intégral
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Le 16/04/2004
Philippe Antoine : Pour les recalculés, le compte est bon ! Les ASSEDIC d'Alpes-Provence et l'UNEDIC ont été condamnées à maintenir le paiement des indemnisations de trente-cinq des trente-sept chômeurs qui avaient porté plainte. L'explication d'abord : en décembre 2002, certains partenaires sociaux avaient décidé de raccourcir la durée d'indemnisation des chômeurs pour combler le déficit de l'UNEDIC. Conséquence, depuis janvier, plus d'indemnités. La justice vient donc de leur donner raison, le paiement des indemnisations est donc maintenu.
Alors cette décision de justice remet en cause l'accord signé par les partenaires sociaux, excepté la CGT et Force ouvrière, le MEDEF avait approuvé le texte, tout comme la CFDT et la CGC. Désaveu pour son responsable, Jean-Luc Cazettes.
Jean-Luc Cazettes : C'est un jugement qui ne nous convient pas parce que nous avons, aujourd'hui, un déficit courant de l'ordre de 6 milliards d'euros. Si on charge à nouveau la barque, je crains que nous ne trouvions plus de banques pour nous permettre d'assurer la trésorerie et que, finalement, l'UNEDIC ne se retrouve quasiment en état de cessation de paiement avec la nécessité d'avoir, immédiatement, des mesures mais qui deviendraient, à ce moment-là, extrêmement drastiques sur l'ensemble des chômeurs et des salariés.
Eric Vagnier : La dégressivité, par exemple, pourrait être rétablie pour faire des économies ?
Jean-Luc Cazettes : Ca pourrait être la dégressivité, ça pourrait être le fait de redescendre, à 49 ou 48 %, le taux d'indemnisation au lieu de 52 %. Ca pourrait être l'augmentation des cotisations des actifs, ça pourrait être tout ça mis ensemble pour nous permettre de retrouver un équilibre qui est, maintenant, beaucoup trop mis à mal.
EV : Aujourd'hui, c'est la survie donc de l'UNEDIC qui est en jeu.
JLC : C'est la survie de l'UNEDIC qui est en cause.
(source http://www.cfecgc.org, le 27 avril 2004)
LA TRIBUNE
Le 19/04/2004
La Tribune : Après la décision du TGI de Marseille, comment voyez-vous l'avenir immédiat de l'assurance-chômage ?
Jean-Luc Cazettes : En tant que gestionnaires de l'Unedic, nous avons fait immédiatement appel de cette décision. Non seulement sur le fond mais aussi sur l'exécution provisoire qui nous oblige à tout de suite verser les arriérés aux chômeurs recalculés. Ensuite, je crois qu'il va falloir rouvrir les négociations sur la convention Unedic qui arrivait normalement à terme fin 2005. Une réunion exceptionnelle du bureau de l'Unedic se tiendra à cet effet la semaine prochaine. Avant de prendre une décision, on va cependant attendre de voir ce que vont donner les prochaines décisions de justice. Si elles vont dans le même sens qu'à Marseille, j'imagine une renégociation pour l'automne. La CGT, qui est derrière les actions de chômeurs, devra alors prendre ses responsabilités. Vu l'état des finances de l'Unedic, il n'y aura pas trente-six solutions : il faudra étudier un retour à la dégressivité des allocations que demandera le Medef ; une baisse du montant des allocations et une hausse des cotisations. Je peux vous dire que nous n'accepterons pas un accord avec les trois mêmes signataires qu'en 2002 [CGC, CFDT, CFTC]. FO et la CGT devront se mouiller.
La Tribune : Où en est le projet de loi de mobilisation pour l'emploi ?
JLC : Finalement, il y aura une loi non pas de mobilisation pour l'emploi mais plutôt de cohésion sociale, au domaine plus vaste. Le ministre semble attendre de Matignon des engagements financiers. Il souhaite ensuite monter des groupes de travail avec les partenaires sociaux et associations sur quatre thèmes : l'insertion des plus exclus, via des mécanismes de formation ; le logement social pour développer la mixité sociale ; l'emploi, l'insertion des jeunes via la deuxième chance. Je n'ai pas eu le sentiment qu'un grand texte de loi serait finalement prêt pour cet été, je m'attends plutôt à des décisions pour la fin de l'année.
La Tribune : La négociation sur les restructurations a-t-elle des chances d'aboutir le 11 mai, date de la dernière réunion ?
JLC : Pour nous, il n'y a aucune chance d'aboutir. Nous exigeons, en vertu de la loi scélérate de M. Fillon sur le dialogue social, que l'accord soit normatif c'est-à-dire qu'il s'applique obligatoirement à toutes les branches et les entreprises. Dans un domaine comme les restructurations, on ne peut pas se permettre de signer un accord qu'une entreprise, ensuite, pourra contourner en utilisant la loi Fillon. Or le Medef refuse catégoriquement de signer un accord normatif et avance que l'accord sera repris dans la loi. L'expérience nous a appris la prudence. Nous ne voulons pas nous faire avoir une nouvelle fois, après la loi sur le dialogue social, avec une loi qui reprend les passages de l'accord contractuel favorables au Medef et laisse tomber les mesures favorables aux salariés.
La Tribune : Pensez-vous que le gouvernement tiendra son engagement de présenter le projet de loi sur l'assurance maladie " à l'été " ?
JLC : Je ne pense pas qu'il envisage de boucler la réforme à l'été. Il prévoit plutôt de l'arrêter à la fin de l'année, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Une première partie de la réforme pourrait être prête d'ici juillet, celle concernant la gouvernance du système de santé. Le ministre nous a présenté un schéma qui a été plutôt favorablement accueilli par les syndicats mais les positions évoluent au fil des jours. Beaucoup de problèmes restent en suspens et il me semble impossible de les régler d'ici l'été. D'autant que le gouvernement a décidé de réintégrer l'hôpital dans la réforme, alors que le précédent ministre Jean-François Mattéi avait décidé de traiter ce sujet à part, dans le cadre du plan " hôpital 2007 ". Sur les efforts à demander aux assurés, il y a certes un constat commun sur la nécessité de lutter contre les abus. Mais le consensus s'arrête là. Le gouvernement ne veut pas augmenter la CSG. Il semble aussi exclure le forfait par boîte de médicament et pencherait pour l'instauration d'une franchise annuelle de 50 ou de 100 euros selon les niveaux de revenus. Nous estimons inévitable de prolonger la CRDS pour apurer le passif. Pour assurer l'avenir du système, nous préconisons de modifier le système de financement en diminuant la part de la CSG et des cotisations employeurs et en opérant un transfert de prélèvement sur la consommation.
Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut et Delphine Girard
(source http://www.cfecgc.org, le 27 avril 2004)
France 5
Le 26/04/2004
(...) Yves Calvi : Doit-on craindre que cette décision de justice plonge l'Unedic dans le gouffre ?
Jean-Luc Cazettes : On peut craindre qu'elle entraîne des conséquences extrêmement dramatiques. Lorsque nous avons signé cet accord en décembre 2002, nous nous trouvions en face d'une situation effectivement de déficit considérable avec, pour l'année en cours, un déficit prévisible de 6.5 milliards d'euros et la décision de réduire les filières. Ce qui entraîne ce problème des recalculés avait, pour effet, d'économiser un milliard et demi d'euros et en même temps, il y avait une surcotisation des salariés et des employeurs de 0,20 %. Ce qui m'inquiète, moi, je ne remets pas en cause les décisions de justice par principe et par définition, mais ce qui m'inquiète c'est qu'on a 73 instances qui sont déposées devant 73 tribunaux différents, on risque d'avoir des tas de décisions différentes. Les unes pour, les autres contre, avec exécution provisoire, sans exécution provisoire, le système à ce moment-là devient ingérable. Alors je comprends bien qu'il y a une distinction entre savoir si on est bien dans un contrat individuel, ou si on est dans un accord collectif. Ce qui a été jugé, actuellement, c'est un contrat individuel donc rupture de contrat donc indemnisation, sans doute une erreur de rédaction dans le document de 2002. Il va bien falloir, quand même, maintenant trouver des décisions. Je souhaiterais que lorsqu'on est dans des situations pareilles, il y ait une seule juridiction qui soit chargée de dire le droit. Lorsqu'on est dans la situation dans laquelle nous allons nous trouver dans les semaines qui viennent, il n'y a plus de solution possible pour sauver l'Unedic, dans la mesure où on va se trouver en face de décisions différentes, d'exécution provisoire. Alors mettez-vous dans le cas du gars qui a gagné à Marseille, il y a exécution provisoire, on va lui rembourser ses indemnités Assedic, il va être obligé lui de rembourser son RMI et son ASS. Et puis admettons qu'on gagne en appel dans quelques mois, il va être obligé de nous rembourser ces indemnités Assedic et de redemander le RMI et l'ASS. on n'en sort pas.
(...) JLC : Simplement c'est vrai que si on va au bout des procédures, c'est trop tard. Il faut à tout prix, maintenant, que les partenaires sociaux interrompent cette opération, il y a eu une décision de justice, il va falloir la respecter. Il va falloir repayer tous les recalculés, au fur et à mesure que leur situation se présente, ce qui fait au fil des mois. Pour cela il va falloir signer un avenant à notre accord de 2002 et pour signer cet avenant, il va falloir trouver un financement, ça fait quand même 1,5 milliards à trouver. Donc il va falloir qu'on se rencontre et y compris avec les employeurs et l'Etat éventuellement, et qu'on essaie de trouver ce financement de un milliard et demi parce qu'on ne va pas discuter comme ça jusqu'à la cassation dans trois ans.
(...) YC : Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire.
JLC : Je ne vais pas écouter n'importe quoi pendant toute la soirée, je dis simplement qu'il y a un moment où il y a des gens qui prennent des responsabilités, et il y a un moment où il y a des gens qui refusent, depuis l'origine, de prendre des responsabilités. Je vous rappelle que le régime d'assurance chômage c'est 1958, depuis 1958 la CGT n'a jamais signé un accord, et quant à Force Ouvrière depuis le départ de Bergeron, elle n'a plus signé aucun accord, ni à l'Unedic, ni ailleurs. Donc il y a des gens qui prennent leur responsabilité de façon à faire équilibrer le régime avec des cotisations payées par les actifs, par les entreprises et des droits diminués pour les chômeurs. Je vous rappelle quand même qu'en passant de 30 mois à 23 mois d'indemnisation, on a encore le meilleur régime d'indemnisation d'Europe. Et en ce qui concerne le problème d'Altadis. il y a un vrai problème de sécurisation des accords passés par les partenaires sociaux, au niveau national interprofessionnel ou au niveau des branches professionnelles, c'est-à-dire là où on a un équilibre des rapports de force. Maintenant c'est vrai que quand j'entends monsieur Seillière nous dire, "le dialogue social est bafoué par les décisions des juges", au niveau des entreprises, je m'excuse. Il n'y a pas d'équilibre des rapports de force, il n'y a pas de vrai dialogue social et il est heureux qu'il y ait des juges qui puissent être là pour remettre les choses en état. En revanche, on a quand même un vrai problème de sécurisation des accords de branche, des accords interpro et là-dessus, monsieur de Virville a fait un rapport qu'il va falloir quand même regarder de très près pour voir comment on peut y arriver.
(...) YC : Pourquoi baisser les cotisations patronales puisque cela ne les empêche pas de délocaliser ?
JLC : On est à la marge, ce n'est pas parce qu'on passe de 6,60 de cotisation chômage à 6,40, que ça va empêcher une entreprise de délocaliser ou de ne pas délocaliser, la marge est trop étroite. En revanche si on met sur la table l'ensemble des sujets, y compris la maladie et qu'on décide de ne plus tout faire reposer sur les salaires et la masse salariale, on peut peut-être arriver, à ce moment-là, à un équilibre qui permet d'éviter un certain nombre de délocalisations. Mais actuellement, qu'est-ce qui se passe ? Ça va mal. Il y a du chômage, on augmente les cotisations, il y a un peu plus de chômage parce qu'il y a un peu plus d'entreprises qui délocalisent. On réaugmente les cotisations et puis c'est un cercle vicieux, on n'en sort pas. Il faut entrer dans un autre cercle qui est de dire d'arrêter de surcharger sans arrêt la barque des salaires si on veut essayer de conserver les emplois. Ceci étant, il y a des patrons voyous un peu partout. En Alsace aussi une entreprise finlandaise qui était dans des difficultés, qui proposait de payer à ses salariés dont l'emploi était supprimé, leur salaire jusqu'au moment où ils trouveraient un emploi. Mais l'administration a trouvé le moyen de leur refuser de faire cette opération. Ce qui est quand même un comble et, là aussi, entre les patrons voyous et ceux qui veulent essayer de faire quelque chose et que l'administration les empêche, il faut quand même qu'on essaie de trouver quelque chose.
YC : Ne voit-on pas émerger un nouveau type de rapports sociaux ?
JLC : C'est vrai que ça s'est profondément dégradé depuis quelques années, je dirais depuis le lancement de la refondation sociale en 2000 par Ernest Antoine Seillière et Denis Kessler. On avait jusque-là des rapports sociaux équilibrés. On a maintenant des rapports sociaux qui sont des rapports de force et on est obligé, en permanence, de chercher le rapport de force et ce rapport de force, on le trouve soit effectivement dans la rue comme ça s'est produit dans un certain nombre de cas, soit par rapport à des décisions judiciaires, soit par rapport à l'intervention des pouvoirs publics. Moi je souhaite que les pouvoirs publics, dans un premier temps, nous laissent faire notre boulot de partenaires sociaux et d'essayer de trouver et proposer des solutions au Medef qui passeront, effectivement, par un accroissement au moins temporaire des cotisations. A partir de là, la responsabilité sera dans le camp du Medef d'accepter ou de ne pas accepter. Mais si à ce moment-là l'Etat prend le bébé, "il prend tout le bébé et toute l'eau du bain avec". Il ne faut plus venir nous chercher derrière pour gérer ces systèmes.
YC : Est-il vrai que l'Unedic et la Sécu étaient en équilibre, voire bénéficiaires en 2001 ?
JLC : En 2001 l'Unedic, pas la Sécurité sociale. En 2001, effectivement, l'Unedic était en équilibre, en excédent dans la mesure où il y avait eu, fin de l'année 2000, un accord qui avait été signé qui mettait en place justement le PARE, qui supprimait la dégressivité et qui réglait un certain nombre de problèmes, et on était en période de croissance. Quand on est en période de croissance, il y a un peu plus d'emploi, donc il y a un peu moins de chômeurs et donc, il y a un peu plus de cotisations et les finances de l'Unedic tiennent mieux. Dès qu'on tombe dans la période 93/92 qu'on a connue où on est en récession, il y a un peu plus de chômage, donc un peu plus d'allocations, un peu moins d'actifs, donc un peu moins de cotisations et à ce moment là le régime se déséquilibre.
(source http://www.cfecgc.org, le 4 mai 2004)
Le 16/04/2004
Philippe Antoine : Pour les recalculés, le compte est bon ! Les ASSEDIC d'Alpes-Provence et l'UNEDIC ont été condamnées à maintenir le paiement des indemnisations de trente-cinq des trente-sept chômeurs qui avaient porté plainte. L'explication d'abord : en décembre 2002, certains partenaires sociaux avaient décidé de raccourcir la durée d'indemnisation des chômeurs pour combler le déficit de l'UNEDIC. Conséquence, depuis janvier, plus d'indemnités. La justice vient donc de leur donner raison, le paiement des indemnisations est donc maintenu.
Alors cette décision de justice remet en cause l'accord signé par les partenaires sociaux, excepté la CGT et Force ouvrière, le MEDEF avait approuvé le texte, tout comme la CFDT et la CGC. Désaveu pour son responsable, Jean-Luc Cazettes.
Jean-Luc Cazettes : C'est un jugement qui ne nous convient pas parce que nous avons, aujourd'hui, un déficit courant de l'ordre de 6 milliards d'euros. Si on charge à nouveau la barque, je crains que nous ne trouvions plus de banques pour nous permettre d'assurer la trésorerie et que, finalement, l'UNEDIC ne se retrouve quasiment en état de cessation de paiement avec la nécessité d'avoir, immédiatement, des mesures mais qui deviendraient, à ce moment-là, extrêmement drastiques sur l'ensemble des chômeurs et des salariés.
Eric Vagnier : La dégressivité, par exemple, pourrait être rétablie pour faire des économies ?
Jean-Luc Cazettes : Ca pourrait être la dégressivité, ça pourrait être le fait de redescendre, à 49 ou 48 %, le taux d'indemnisation au lieu de 52 %. Ca pourrait être l'augmentation des cotisations des actifs, ça pourrait être tout ça mis ensemble pour nous permettre de retrouver un équilibre qui est, maintenant, beaucoup trop mis à mal.
EV : Aujourd'hui, c'est la survie donc de l'UNEDIC qui est en jeu.
JLC : C'est la survie de l'UNEDIC qui est en cause.
(source http://www.cfecgc.org, le 27 avril 2004)
LA TRIBUNE
Le 19/04/2004
La Tribune : Après la décision du TGI de Marseille, comment voyez-vous l'avenir immédiat de l'assurance-chômage ?
Jean-Luc Cazettes : En tant que gestionnaires de l'Unedic, nous avons fait immédiatement appel de cette décision. Non seulement sur le fond mais aussi sur l'exécution provisoire qui nous oblige à tout de suite verser les arriérés aux chômeurs recalculés. Ensuite, je crois qu'il va falloir rouvrir les négociations sur la convention Unedic qui arrivait normalement à terme fin 2005. Une réunion exceptionnelle du bureau de l'Unedic se tiendra à cet effet la semaine prochaine. Avant de prendre une décision, on va cependant attendre de voir ce que vont donner les prochaines décisions de justice. Si elles vont dans le même sens qu'à Marseille, j'imagine une renégociation pour l'automne. La CGT, qui est derrière les actions de chômeurs, devra alors prendre ses responsabilités. Vu l'état des finances de l'Unedic, il n'y aura pas trente-six solutions : il faudra étudier un retour à la dégressivité des allocations que demandera le Medef ; une baisse du montant des allocations et une hausse des cotisations. Je peux vous dire que nous n'accepterons pas un accord avec les trois mêmes signataires qu'en 2002 [CGC, CFDT, CFTC]. FO et la CGT devront se mouiller.
La Tribune : Où en est le projet de loi de mobilisation pour l'emploi ?
JLC : Finalement, il y aura une loi non pas de mobilisation pour l'emploi mais plutôt de cohésion sociale, au domaine plus vaste. Le ministre semble attendre de Matignon des engagements financiers. Il souhaite ensuite monter des groupes de travail avec les partenaires sociaux et associations sur quatre thèmes : l'insertion des plus exclus, via des mécanismes de formation ; le logement social pour développer la mixité sociale ; l'emploi, l'insertion des jeunes via la deuxième chance. Je n'ai pas eu le sentiment qu'un grand texte de loi serait finalement prêt pour cet été, je m'attends plutôt à des décisions pour la fin de l'année.
La Tribune : La négociation sur les restructurations a-t-elle des chances d'aboutir le 11 mai, date de la dernière réunion ?
JLC : Pour nous, il n'y a aucune chance d'aboutir. Nous exigeons, en vertu de la loi scélérate de M. Fillon sur le dialogue social, que l'accord soit normatif c'est-à-dire qu'il s'applique obligatoirement à toutes les branches et les entreprises. Dans un domaine comme les restructurations, on ne peut pas se permettre de signer un accord qu'une entreprise, ensuite, pourra contourner en utilisant la loi Fillon. Or le Medef refuse catégoriquement de signer un accord normatif et avance que l'accord sera repris dans la loi. L'expérience nous a appris la prudence. Nous ne voulons pas nous faire avoir une nouvelle fois, après la loi sur le dialogue social, avec une loi qui reprend les passages de l'accord contractuel favorables au Medef et laisse tomber les mesures favorables aux salariés.
La Tribune : Pensez-vous que le gouvernement tiendra son engagement de présenter le projet de loi sur l'assurance maladie " à l'été " ?
JLC : Je ne pense pas qu'il envisage de boucler la réforme à l'été. Il prévoit plutôt de l'arrêter à la fin de l'année, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Une première partie de la réforme pourrait être prête d'ici juillet, celle concernant la gouvernance du système de santé. Le ministre nous a présenté un schéma qui a été plutôt favorablement accueilli par les syndicats mais les positions évoluent au fil des jours. Beaucoup de problèmes restent en suspens et il me semble impossible de les régler d'ici l'été. D'autant que le gouvernement a décidé de réintégrer l'hôpital dans la réforme, alors que le précédent ministre Jean-François Mattéi avait décidé de traiter ce sujet à part, dans le cadre du plan " hôpital 2007 ". Sur les efforts à demander aux assurés, il y a certes un constat commun sur la nécessité de lutter contre les abus. Mais le consensus s'arrête là. Le gouvernement ne veut pas augmenter la CSG. Il semble aussi exclure le forfait par boîte de médicament et pencherait pour l'instauration d'une franchise annuelle de 50 ou de 100 euros selon les niveaux de revenus. Nous estimons inévitable de prolonger la CRDS pour apurer le passif. Pour assurer l'avenir du système, nous préconisons de modifier le système de financement en diminuant la part de la CSG et des cotisations employeurs et en opérant un transfert de prélèvement sur la consommation.
Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut et Delphine Girard
(source http://www.cfecgc.org, le 27 avril 2004)
France 5
Le 26/04/2004
(...) Yves Calvi : Doit-on craindre que cette décision de justice plonge l'Unedic dans le gouffre ?
Jean-Luc Cazettes : On peut craindre qu'elle entraîne des conséquences extrêmement dramatiques. Lorsque nous avons signé cet accord en décembre 2002, nous nous trouvions en face d'une situation effectivement de déficit considérable avec, pour l'année en cours, un déficit prévisible de 6.5 milliards d'euros et la décision de réduire les filières. Ce qui entraîne ce problème des recalculés avait, pour effet, d'économiser un milliard et demi d'euros et en même temps, il y avait une surcotisation des salariés et des employeurs de 0,20 %. Ce qui m'inquiète, moi, je ne remets pas en cause les décisions de justice par principe et par définition, mais ce qui m'inquiète c'est qu'on a 73 instances qui sont déposées devant 73 tribunaux différents, on risque d'avoir des tas de décisions différentes. Les unes pour, les autres contre, avec exécution provisoire, sans exécution provisoire, le système à ce moment-là devient ingérable. Alors je comprends bien qu'il y a une distinction entre savoir si on est bien dans un contrat individuel, ou si on est dans un accord collectif. Ce qui a été jugé, actuellement, c'est un contrat individuel donc rupture de contrat donc indemnisation, sans doute une erreur de rédaction dans le document de 2002. Il va bien falloir, quand même, maintenant trouver des décisions. Je souhaiterais que lorsqu'on est dans des situations pareilles, il y ait une seule juridiction qui soit chargée de dire le droit. Lorsqu'on est dans la situation dans laquelle nous allons nous trouver dans les semaines qui viennent, il n'y a plus de solution possible pour sauver l'Unedic, dans la mesure où on va se trouver en face de décisions différentes, d'exécution provisoire. Alors mettez-vous dans le cas du gars qui a gagné à Marseille, il y a exécution provisoire, on va lui rembourser ses indemnités Assedic, il va être obligé lui de rembourser son RMI et son ASS. Et puis admettons qu'on gagne en appel dans quelques mois, il va être obligé de nous rembourser ces indemnités Assedic et de redemander le RMI et l'ASS. on n'en sort pas.
(...) JLC : Simplement c'est vrai que si on va au bout des procédures, c'est trop tard. Il faut à tout prix, maintenant, que les partenaires sociaux interrompent cette opération, il y a eu une décision de justice, il va falloir la respecter. Il va falloir repayer tous les recalculés, au fur et à mesure que leur situation se présente, ce qui fait au fil des mois. Pour cela il va falloir signer un avenant à notre accord de 2002 et pour signer cet avenant, il va falloir trouver un financement, ça fait quand même 1,5 milliards à trouver. Donc il va falloir qu'on se rencontre et y compris avec les employeurs et l'Etat éventuellement, et qu'on essaie de trouver ce financement de un milliard et demi parce qu'on ne va pas discuter comme ça jusqu'à la cassation dans trois ans.
(...) YC : Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire.
JLC : Je ne vais pas écouter n'importe quoi pendant toute la soirée, je dis simplement qu'il y a un moment où il y a des gens qui prennent des responsabilités, et il y a un moment où il y a des gens qui refusent, depuis l'origine, de prendre des responsabilités. Je vous rappelle que le régime d'assurance chômage c'est 1958, depuis 1958 la CGT n'a jamais signé un accord, et quant à Force Ouvrière depuis le départ de Bergeron, elle n'a plus signé aucun accord, ni à l'Unedic, ni ailleurs. Donc il y a des gens qui prennent leur responsabilité de façon à faire équilibrer le régime avec des cotisations payées par les actifs, par les entreprises et des droits diminués pour les chômeurs. Je vous rappelle quand même qu'en passant de 30 mois à 23 mois d'indemnisation, on a encore le meilleur régime d'indemnisation d'Europe. Et en ce qui concerne le problème d'Altadis. il y a un vrai problème de sécurisation des accords passés par les partenaires sociaux, au niveau national interprofessionnel ou au niveau des branches professionnelles, c'est-à-dire là où on a un équilibre des rapports de force. Maintenant c'est vrai que quand j'entends monsieur Seillière nous dire, "le dialogue social est bafoué par les décisions des juges", au niveau des entreprises, je m'excuse. Il n'y a pas d'équilibre des rapports de force, il n'y a pas de vrai dialogue social et il est heureux qu'il y ait des juges qui puissent être là pour remettre les choses en état. En revanche, on a quand même un vrai problème de sécurisation des accords de branche, des accords interpro et là-dessus, monsieur de Virville a fait un rapport qu'il va falloir quand même regarder de très près pour voir comment on peut y arriver.
(...) YC : Pourquoi baisser les cotisations patronales puisque cela ne les empêche pas de délocaliser ?
JLC : On est à la marge, ce n'est pas parce qu'on passe de 6,60 de cotisation chômage à 6,40, que ça va empêcher une entreprise de délocaliser ou de ne pas délocaliser, la marge est trop étroite. En revanche si on met sur la table l'ensemble des sujets, y compris la maladie et qu'on décide de ne plus tout faire reposer sur les salaires et la masse salariale, on peut peut-être arriver, à ce moment-là, à un équilibre qui permet d'éviter un certain nombre de délocalisations. Mais actuellement, qu'est-ce qui se passe ? Ça va mal. Il y a du chômage, on augmente les cotisations, il y a un peu plus de chômage parce qu'il y a un peu plus d'entreprises qui délocalisent. On réaugmente les cotisations et puis c'est un cercle vicieux, on n'en sort pas. Il faut entrer dans un autre cercle qui est de dire d'arrêter de surcharger sans arrêt la barque des salaires si on veut essayer de conserver les emplois. Ceci étant, il y a des patrons voyous un peu partout. En Alsace aussi une entreprise finlandaise qui était dans des difficultés, qui proposait de payer à ses salariés dont l'emploi était supprimé, leur salaire jusqu'au moment où ils trouveraient un emploi. Mais l'administration a trouvé le moyen de leur refuser de faire cette opération. Ce qui est quand même un comble et, là aussi, entre les patrons voyous et ceux qui veulent essayer de faire quelque chose et que l'administration les empêche, il faut quand même qu'on essaie de trouver quelque chose.
YC : Ne voit-on pas émerger un nouveau type de rapports sociaux ?
JLC : C'est vrai que ça s'est profondément dégradé depuis quelques années, je dirais depuis le lancement de la refondation sociale en 2000 par Ernest Antoine Seillière et Denis Kessler. On avait jusque-là des rapports sociaux équilibrés. On a maintenant des rapports sociaux qui sont des rapports de force et on est obligé, en permanence, de chercher le rapport de force et ce rapport de force, on le trouve soit effectivement dans la rue comme ça s'est produit dans un certain nombre de cas, soit par rapport à des décisions judiciaires, soit par rapport à l'intervention des pouvoirs publics. Moi je souhaite que les pouvoirs publics, dans un premier temps, nous laissent faire notre boulot de partenaires sociaux et d'essayer de trouver et proposer des solutions au Medef qui passeront, effectivement, par un accroissement au moins temporaire des cotisations. A partir de là, la responsabilité sera dans le camp du Medef d'accepter ou de ne pas accepter. Mais si à ce moment-là l'Etat prend le bébé, "il prend tout le bébé et toute l'eau du bain avec". Il ne faut plus venir nous chercher derrière pour gérer ces systèmes.
YC : Est-il vrai que l'Unedic et la Sécu étaient en équilibre, voire bénéficiaires en 2001 ?
JLC : En 2001 l'Unedic, pas la Sécurité sociale. En 2001, effectivement, l'Unedic était en équilibre, en excédent dans la mesure où il y avait eu, fin de l'année 2000, un accord qui avait été signé qui mettait en place justement le PARE, qui supprimait la dégressivité et qui réglait un certain nombre de problèmes, et on était en période de croissance. Quand on est en période de croissance, il y a un peu plus d'emploi, donc il y a un peu moins de chômeurs et donc, il y a un peu plus de cotisations et les finances de l'Unedic tiennent mieux. Dès qu'on tombe dans la période 93/92 qu'on a connue où on est en récession, il y a un peu plus de chômage, donc un peu plus d'allocations, un peu moins d'actifs, donc un peu moins de cotisations et à ce moment là le régime se déséquilibre.
(source http://www.cfecgc.org, le 4 mai 2004)