Interviews de M. Jean-Luc Cazettes, président de la CFE-CGC, sur le site internet du "Nouvel Observateur", à BFM et LCI le 27 avril 2004, sur les conséquences financières de la condamnation de l'UNEDIC par le tribunal de grande instance de Marseille.

Prononcé le

Média : BFM - La Chaîne Info - Le Nouvel Observateur - Télévision

Texte intégral

par Web du Nouvel Observateur
Le 27/04/2004
Aude Godfryd : Quelles sont les conséquences financières de la condamnation du régime par le Tribunal de grande instance de Marseille ?
Jean-Luc Cazettes : Pour le moment, nous n'avons pas les chiffres exacts. Les estimations se situent entre 1,5 milliards d'euros et 2 milliards d'euros. Nous en saurons plus après la réunion de cette après-midi au siège de l'Unedic. La base de projet prévoyant des mesures pour un équilibre risque d'être remise en cause. Ce n'est donc pas évident que les banques, qui font la trésorerie, acceptent de continuer dans ce rôle. Si cela arrivait, nous serions très mal. C'est pourquoi il faut impérativement rediscuter pour reprendre en charge les recalculés, car cette décision risque de faire jurisprudence. Et même si elle ne le fait pas, on ne va pas s'amuser à prendre des décisions en fonction des tribunaux.
AG : Que comptez-vous proposer pour combler le déficit et défendre les intérêts des chômeurs ?
JLC : - 0,2 % de cotisations complémentaires jusqu'à la fin du mois de décembre 2005 suffit pour couvrir le déficit des recalculés. Ce surcoût passe par une courbe en cloche qui va rapidement diminuer. D'ici 2005, il faut une augmentation des cotisations, partagée ou pas. Il faut négocier pour remettre de l'ordre mais nous n'avons, jusqu'à ce jour, pas eu d'accueil enthousiaste de la part du patronat. Avec François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT et Jacques Voisin, le président de la CFTC, nous allons rédigé un document commun que nous proposerons au Medef afin de régler rapidement les problèmes, sans attendre qu'il y ait cassation, et en prenant en charge les recalculés et l'augmentation des cotisations. Le Medef est libre d'accepter ou de refuser cette dernière proposition mais il n'a pas intérêt à se bloquer. A mon avis, s'il refuse, cela entraînera une intervention directe de l'Etat, qui ordonnera cette augmentation par voie de décret.
AG : Que comptez-vous faire, si vous ne parvenez pas à la conclusion d'une nouvelle convention ?
JLC : Cette nouvelle convention aboutira. Tout d'abord parce que trois organisations syndicales (CFDT, CFTC et CFE-CGC, ndlr) sont d'accord. Ensuite, je ne suis pas persuadé qu'une autre organisation syndicale ne soit pas prête à partager ce point de vue. Et enfin, je ne vois pas le Medef refuser. Je suis optimiste.
Propos recueillis par Aude Godfryd
(source http://www.cfecgc.org, le 4 mai 2004)
BFM
Le 27/04/2004
Fabrice Lundy : La condamnation par la justice marseillaise de l'Unedic, il y a dix jours, place le régime d'assurance chômage dans une zone de turbulences. L'UNEDIC se retrouve donc dans une impasse financière après sa condamnation, rendant quasiment inévitable l'ouverture de nouvelles négociations sur la convention de l'assurance chômage, déjà annoncées comme très difficile par les syndicats. Qu'attendez-vous de la réunion du bureau de l'Unedic de cet après-midi ? Est-ce qu'il faut agir tout de suite, sans attendre l'issue des fins judiciaires ?
Jean-Luc Cazettes : De toutes les façons, la réunion cet après-midi est purement technique, on aura des chiffres précis parce que j'entends des chiffres divers et variés sur le coût de ces opérations sur les recalculés. L'Unedic est en train de faire des calculs affinés, et on aura ces résultats cet après-midi. Mais il n'appartient pas à l'Unedic de décider d'aménager la convention, de modifier la convention ou d'organiser une nouvelle convention. Nous, nous estimons qu'il y a une décision de justice, et il va y en avoir 73 autres, parce qu'il y a 73 tribunaux qui sont saisis, qui vont aller dans tous les sens, et que ça nous oblige manifestement à considérer la situation différemment. Il est hors de question de rouvrir aujourd'hui une négociation globale sur l'Unedic, ça serait la plus mauvaise période pour les salariés et les chômeurs, et nous aurions tout à y perdre, la convention actuelle va jusqu'à fin 2005, c'est-à-dire à un moment où on ne peut qu'espérer que le retour de la croissance aura amélioré les résultats de l'Unedic, nous tenons à aller jusqu'au terme de cette convention. Reste la situation juridique dès que nous aurons les chiffres de l'Unedic, nous prendrons, entre gestionnaires, entre signataires de cet accord, les dispositions nécessaires pour réclamer au Medef un avenant à cet accord, qui nous permette de faire face, temporairement et jusqu'à la fin 2005, au problème soulevé par les recalculés de Marseille.
FL : Le Medef n'est pas d'accord pour accepter une hausse des cotisations, vous, syndicats, vous n'êtes pas prêt à accepter sans concessions patronales un retour à la dégressivité des allocations ou une baisse des prestations des chômeurs ?
JLC : Il est hors de question d'envisager un retour à la dégressivité. Cela fera l'objet de la négociation éventuellement en fin 2005 d'une négociation globale. Nous, nous sommes en face d'un problème technique, qui coûte entre un milliard et demi et deux milliards d'euros, que nous pouvons régler par une sur-cotisation temporaire pour faire face à ces difficultés techniques. Nous allons proposer au Medef de rentrer dans cette discussion d'un avenant, si le Medef préfère ensuite se décharger totalement sur les pouvoirs publics et dire : "tout ça, ce n'est plus de mon ressort, maintenant, il n'y a qu'à payer ça par les impôts et par l'Etat," ça serait une responsabilité, mais à ce moment-là, ça sera la fin et la mort de la politique contractuelle dans le domaine du chômage, et demain, dans celui de la maladie.
FL : En tout cas, les trois signataires de la convention actuelle, dont vous faites partie, avec la CFTC et la CFDT, vous aviez été un petit peu accusés de ne pas avoir suffisamment défendu les intérêts des chômeurs, cette fois, vous ne voulez pas signer seuls ?
JLC : Le problème, ce n'est pas tant de ne pas défendre les intérêts des chômeurs. Nous avons essayé de faire un accord global, qui ne repose pas uniquement sur les salariés actifs, parce que nous représentons également les salariés en activité qui paient des cotisations. Donc il faut essayer d'avoir un équilibre entre les efforts de paiement que l'on demande aux uns, et les efforts sur les allocations, que l'on demande aux autres. Ce qui est exaspérant, c'est qu'effectivement, ensuite, tout ceci est combattu éventuellement devant les tribunaux par les uns et par les autres, et y compris par des gens qui n'ont jamais pris aucune responsabilité, qui n'ont jamais signé un accord au niveau de la gestion de l'Unedic.
FL : Vous regrettez d'avoir signé l'accord de décembre 2002 ?
JLC : Pas du tout, c'était un excellent accord, qui permettait le retour à l'équilibre en 2005. Chose qui n'était pas facile à la période où nous avons signé cet accord. C'est un accord qui avait déjà augmenté les cotisations des actifs, c'était donc un accord partagé et d'efforts partagés entre les uns et les autres. Maintenant, bien évidemment, les juges nous mettent dans cette nouvelle situation, moi, je ne conteste pas la décision des juges de mon pays, mais je dis : "nous nous trouvons dans une situation qui est tout à fait indébrouillable, parce que suivant que les tribunaux vont dire : oui, vous avez raison, non, vous avez tort, oui, j'ordonne l'exécution provisoire,"; il est impératif maintenant de trouver un avenant qui règle le problème d'une façon définitive jusqu'à la fin de 2005.

(source http://www.cfecgc.org, le 4 mai 2004)
LCI
Le 27/04/2004
Philippe Ballard : Alors avec nous Jean-Luc Cazettes : est-ce que le régime est véritablement menacé.
JLC : Oui le régime est menacé : il est menacé déjà par la situation économique générale, il est encore plus menacé du fait des décisions qui ont été prises par le tribunal de Marseille, il va falloir à tout prix sortir de cette difficulté. Vous pensez bien que 73 tribunaux qui rendraient 73 décisions différentes c'est ingérable, c'est une des raisons pour laquelle le conseil d'administration et le bureau de l'Unedic se réunissent cet après-midi, de façon à avoir des vrais éléments chiffrés qui permettent ensuite aux partenaires sociaux d'ouvrir des négociations parce qu'on n'échappera pas à un avenant pour sauver le régime d'assurance chômage.
Catherine Kirpach : Cela veut dire que vous reconnaissez aujourd'hui avoir signé une réforme qu'il faut finalement réformer ?
JLC : Non, moi je reconnais simplement que la justice de ce pays a le droit de se prononcer. J'estime qu'elle s'est prononcée d'une façon erronée en qualifiant de contrat individuel ce qui est un accord collectif. Mais ceci étant elle a jugé et ce qu'elle a jugé s'applique. A partir de là il faut en tenir compte et nous devons prendre les mesures temporaires pendant la durée jusqu'à la fin du régime, les mesures temporaires qui permettront d'assurer le paiement des allocations à tous ces recalculées qui viennent d'être et qui vont encore être remis en cause.
PB : Quand vous dites justement, on n'échappera pas à un avenant, qu'est-ce que vous mettez dans cet avenant vous et d'autres syndicats comme la CFDT et la CFTC vous représentez en gros 50% des voix aux élections prud'homales, on a le sentiment que vous formez une sorte de front du refus.
JLC : Non, on ne forme pas un front du refus, en l'occurrence on réclame d'avoir les moyens de payer les indemnités à tous les chômeurs qui ont été recalculés, ces moyens passent à l'évidence par une sur-cotisation temporaire. Nous allons nous retrouver dès la fin de la réunion de l'Unedic, demain ou après-demain et nous allons faire la proposition au Medef de pouvoir par cette sur-cotisation temporaire régler ce problème temporaire. Si ça n'est pas le cas, il ne faut pas se faire d'illusion, l'Etat prendra les décisions, il prendra sans doute les mêmes décisions sauf que les partenaires sociaux auront fait la preuve de leur inefficacité et auront donné la totalité du dossier entre les mains de l'Etat. A mon avis, ce ne sont ni les salariés, ni les chômeurs qui en bénéficieront.
(source http://www.cfecgc.org, le 4 mai 2004)