Texte intégral
Claire Guélaud .- Quels enseignements tirez-vous des manifestations du 5 juin pour défendre l'assurance-maladie ?
Philippe Douste-Blazy .- " Les Français sont conscients du risque majeur que représenteraient l'immobilisme et le manque de courage pour les plus modestes. Ils savent aussi que beaucoup de gens misaient sur sa faillite pour privatiser le système d'assurance-maladie. Sa sauvegarde est un enjeu de société sur lequel nous sommes nombreux à nous retrouver, et je ne laisserai pas penser que les syndicats ont un autre objectif que celui-là ".
Modifierez-vous votre projet de loi avant son examen, mardi, par les conseils d'administration des caisses de Sécurité sociale et par le Conseil d'Etat ?
" La réforme que nous proposons avec Xavier Bertrand est nécessaire, structurelle et équitable. Nécessaire car le système court à la faillite. Structurelle, car elle suppose de véritables changements de comportement des usagers, des professions de santé, des gestionnaires et de l'Etat. Equitable, enfin, car c'est en changeant tous un peu que tout peut changer. Pour autant, nous sommes prêts à apporter des modifications au texte et nous pensons qu'accepter le jeu de la négociation, ce n'est en rien renoncer ou capituler.
Notre pays a une curieuse idée des réformes. Il y aurait celles, fortes et courageuses, qui mettent des millions de personnes dans la rue et celles, négociées dans un climat plus paisible, qui ne seraient ni fortes ni courageuses. Une vraie réforme est celle qui donne une vision nouvelle, fait adhérer l'opinion publique et modifie les comportements dans le calme ".
Maintenez-vous la franchise d'un euro par acte médical ?
" Aujourd'hui, il n'est pas possible de responsabiliser les patients. Car si la couverture complémentaire améliore l'accès aux soins, elle neutralise aussi l'effet des dispositifs de modération des dépenses. Le gouvernement a donc décidé de demander aux assurés une participation d'un euro par acte médical. C'est une part minime de leur consommation, et je souhaite qu'elle ne soit pas prise en charge par les organismes de protection complémentaire. Les contrats qui le feraient supporteront donc la taxe sur les conventions d'assurance et ne seront plus éligibles aux aides fiscales et sociales.
Par ailleurs, cette franchise ne doit évidemment pas être un obstacle à l'accès aux soins, en particulier pour les plus modestes. Il est d'ores et déjà prévu d'exonérer de cette mesure les enfants de moins de seize ans et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC). Les femmes enceintes doivent l'être aussi. Et, pour tenir compte des réticences qui se sont exprimées, je propose que la discussion parlementaire soit l'occasion d'évoquer le plafonnement du dispositif ".
Instaurer une telle mesure, n'est-ce pas s'inscrire dans une logique comptable ?
" Nous avons refusé les déremboursements aveugles et opté clairement pour la maîtrise médicalisée des dépenses, avec la réorganisation de l'offre de soins et la création d'un dossier médical personnel (DMP) obligatoire. Le gouvernement bannit toute idée de maîtrise comptable, ne serait-ce que parce qu'il est impossible de limiter le nombre des malades en fonction de l'évolution des recettes de la Sécurité sociale. Nous réécrirons certains articles qui ont fait craindre le contraire. Par exemple, celui sur le comité d'alerte sera revu de façon à bien montrer qu'il s'agit d'un outil d'aide à la responsabilisation, et non d'un outil de maîtrise comptable ".
Aiderez-vous les assurés à acquérir une couverture complémentaire ?
" Actuellement, 8 % des Français, soit près de 5 millions de personnes, n'ont pas de couverture complémentaire dans le domaine de la santé. Si un certain nombre d'entre eux ont fait ce choix librement, plus de 2 millions y ont été contraints pour des raisons financières. La couverture maladie universelle complémentaire n'a pas répondu à ce problème, elle l'a, d'une certaine manière, déplacé en créant un effet de seuil très important. Au-dessous du plafond de la CMUC (570 euros par mois pour une personne seule), les usagers bénéficient gratuitement d'une couverture complémentaire de qualité. Juste au-dessus, ils doivent payer 100 % de leur contrat pour être, parfois, moins bien couverts. Le premier ministre a ap- porté à ce problème une première réponse forte en annonçant que 300 000 enfants supplémentaires seraient couverts par la CMUC. Le débat parlementaire nous donnera l'occasion d'aller plus loin et de proposer la mise en place d'un dispositif d'aide à la complémentaire - crédit d'impôt ou aide directe -, ciblé sur les revenus au-dessus du plafond de la CMUC, comme le président de la République s'y était engagé à Toulouse en juin 2003. Je proposerai d'introduire un amendement du gouvernement en ce sens. Cette aide, dont le montant pourrait être de 150 euros par personne pour des revenus allant jusqu'à 15 % au-dessus du plafond de la CMUC, concernera près de 2 millions de personnes ".
Les syndicats critiquent les possibilités de dépassement d'honoraires. Que leur répondez-vous ?
" Il faut restaurer la confiance entre le corps médical, les caisses d'assurance-maladie et l'Etat : c'est la condition sine qua non de la reprise de la vie conventionnelle et, partant, de toute maîtrise médicalisée. Donner aux médecins spécialistes la possibilité de faire des dépassements d'honoraires en cas d'accès direct aux soins, c'est-à-dire qui ne soit prévu ni dans un protocole ni par le médecin traitant, est un des instruments d'une meilleure coordination. Mais ces dépassements seront autorisés dans le seul cadre conventionnel, qui devra en préciser les modalités. En 2002, les partenaires conventionnels avaient fait la même chose à propos des visites à domicile. J'ajoute que le dossier médical personnel et les références dans le domaine des bonnes pratiques s'appliqueront indifféremment à la médecine de ville, à l'hôpital public et aux cliniques privées ".
Comment favoriser l'installation des médecins libéraux ?
" D'abord modifier le décret prévoyant des aides financières à l'installation dans les zones médicales désertifiées. Aujourd'hui, ce texte est trop restrictif et ne permet pratiquement à aucun territoire d'être éligible aux aides. Les partenaires conventionnels devront aussi pouvoir jouer leur rôle et fixer ensemble les modalités des mesures incitatives financées par l'assurance-maladie. Toutefois, l'Etat garant assumera ses responsabilités en termes d'accès aux soins. Il agréera le schéma régional d'organisation sanitaire et sociale (Sross) qui sera élargi à la médecine de ville. Etabli en coopération avec les unions régionales des médecins libéraux (URML) et l'assurance-maladie, notamment l'union régionale des caisses d'assurance-maladie (Urcam), ce Sross élargi identifiera les zones sur et sous-médicalisées, et choisira celles nécessitant une action prioritaire ".
Allez-vous changer encore le schéma de pilotage de l'assurance-maladie ?
" Non, nous n'avons pas l'intention de toucher aux pouvoirs respectifs du conseil et de l'exécutif des caisses. Nous pensons avoir trouvé un point d'équilibre avec les partenaires sociaux ".
(Source http://www.u-m-p.org, le 7 juin 2004)
Philippe Douste-Blazy .- " Les Français sont conscients du risque majeur que représenteraient l'immobilisme et le manque de courage pour les plus modestes. Ils savent aussi que beaucoup de gens misaient sur sa faillite pour privatiser le système d'assurance-maladie. Sa sauvegarde est un enjeu de société sur lequel nous sommes nombreux à nous retrouver, et je ne laisserai pas penser que les syndicats ont un autre objectif que celui-là ".
Modifierez-vous votre projet de loi avant son examen, mardi, par les conseils d'administration des caisses de Sécurité sociale et par le Conseil d'Etat ?
" La réforme que nous proposons avec Xavier Bertrand est nécessaire, structurelle et équitable. Nécessaire car le système court à la faillite. Structurelle, car elle suppose de véritables changements de comportement des usagers, des professions de santé, des gestionnaires et de l'Etat. Equitable, enfin, car c'est en changeant tous un peu que tout peut changer. Pour autant, nous sommes prêts à apporter des modifications au texte et nous pensons qu'accepter le jeu de la négociation, ce n'est en rien renoncer ou capituler.
Notre pays a une curieuse idée des réformes. Il y aurait celles, fortes et courageuses, qui mettent des millions de personnes dans la rue et celles, négociées dans un climat plus paisible, qui ne seraient ni fortes ni courageuses. Une vraie réforme est celle qui donne une vision nouvelle, fait adhérer l'opinion publique et modifie les comportements dans le calme ".
Maintenez-vous la franchise d'un euro par acte médical ?
" Aujourd'hui, il n'est pas possible de responsabiliser les patients. Car si la couverture complémentaire améliore l'accès aux soins, elle neutralise aussi l'effet des dispositifs de modération des dépenses. Le gouvernement a donc décidé de demander aux assurés une participation d'un euro par acte médical. C'est une part minime de leur consommation, et je souhaite qu'elle ne soit pas prise en charge par les organismes de protection complémentaire. Les contrats qui le feraient supporteront donc la taxe sur les conventions d'assurance et ne seront plus éligibles aux aides fiscales et sociales.
Par ailleurs, cette franchise ne doit évidemment pas être un obstacle à l'accès aux soins, en particulier pour les plus modestes. Il est d'ores et déjà prévu d'exonérer de cette mesure les enfants de moins de seize ans et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC). Les femmes enceintes doivent l'être aussi. Et, pour tenir compte des réticences qui se sont exprimées, je propose que la discussion parlementaire soit l'occasion d'évoquer le plafonnement du dispositif ".
Instaurer une telle mesure, n'est-ce pas s'inscrire dans une logique comptable ?
" Nous avons refusé les déremboursements aveugles et opté clairement pour la maîtrise médicalisée des dépenses, avec la réorganisation de l'offre de soins et la création d'un dossier médical personnel (DMP) obligatoire. Le gouvernement bannit toute idée de maîtrise comptable, ne serait-ce que parce qu'il est impossible de limiter le nombre des malades en fonction de l'évolution des recettes de la Sécurité sociale. Nous réécrirons certains articles qui ont fait craindre le contraire. Par exemple, celui sur le comité d'alerte sera revu de façon à bien montrer qu'il s'agit d'un outil d'aide à la responsabilisation, et non d'un outil de maîtrise comptable ".
Aiderez-vous les assurés à acquérir une couverture complémentaire ?
" Actuellement, 8 % des Français, soit près de 5 millions de personnes, n'ont pas de couverture complémentaire dans le domaine de la santé. Si un certain nombre d'entre eux ont fait ce choix librement, plus de 2 millions y ont été contraints pour des raisons financières. La couverture maladie universelle complémentaire n'a pas répondu à ce problème, elle l'a, d'une certaine manière, déplacé en créant un effet de seuil très important. Au-dessous du plafond de la CMUC (570 euros par mois pour une personne seule), les usagers bénéficient gratuitement d'une couverture complémentaire de qualité. Juste au-dessus, ils doivent payer 100 % de leur contrat pour être, parfois, moins bien couverts. Le premier ministre a ap- porté à ce problème une première réponse forte en annonçant que 300 000 enfants supplémentaires seraient couverts par la CMUC. Le débat parlementaire nous donnera l'occasion d'aller plus loin et de proposer la mise en place d'un dispositif d'aide à la complémentaire - crédit d'impôt ou aide directe -, ciblé sur les revenus au-dessus du plafond de la CMUC, comme le président de la République s'y était engagé à Toulouse en juin 2003. Je proposerai d'introduire un amendement du gouvernement en ce sens. Cette aide, dont le montant pourrait être de 150 euros par personne pour des revenus allant jusqu'à 15 % au-dessus du plafond de la CMUC, concernera près de 2 millions de personnes ".
Les syndicats critiquent les possibilités de dépassement d'honoraires. Que leur répondez-vous ?
" Il faut restaurer la confiance entre le corps médical, les caisses d'assurance-maladie et l'Etat : c'est la condition sine qua non de la reprise de la vie conventionnelle et, partant, de toute maîtrise médicalisée. Donner aux médecins spécialistes la possibilité de faire des dépassements d'honoraires en cas d'accès direct aux soins, c'est-à-dire qui ne soit prévu ni dans un protocole ni par le médecin traitant, est un des instruments d'une meilleure coordination. Mais ces dépassements seront autorisés dans le seul cadre conventionnel, qui devra en préciser les modalités. En 2002, les partenaires conventionnels avaient fait la même chose à propos des visites à domicile. J'ajoute que le dossier médical personnel et les références dans le domaine des bonnes pratiques s'appliqueront indifféremment à la médecine de ville, à l'hôpital public et aux cliniques privées ".
Comment favoriser l'installation des médecins libéraux ?
" D'abord modifier le décret prévoyant des aides financières à l'installation dans les zones médicales désertifiées. Aujourd'hui, ce texte est trop restrictif et ne permet pratiquement à aucun territoire d'être éligible aux aides. Les partenaires conventionnels devront aussi pouvoir jouer leur rôle et fixer ensemble les modalités des mesures incitatives financées par l'assurance-maladie. Toutefois, l'Etat garant assumera ses responsabilités en termes d'accès aux soins. Il agréera le schéma régional d'organisation sanitaire et sociale (Sross) qui sera élargi à la médecine de ville. Etabli en coopération avec les unions régionales des médecins libéraux (URML) et l'assurance-maladie, notamment l'union régionale des caisses d'assurance-maladie (Urcam), ce Sross élargi identifiera les zones sur et sous-médicalisées, et choisira celles nécessitant une action prioritaire ".
Allez-vous changer encore le schéma de pilotage de l'assurance-maladie ?
" Non, nous n'avons pas l'intention de toucher aux pouvoirs respectifs du conseil et de l'exécutif des caisses. Nous pensons avoir trouvé un point d'équilibre avec les partenaires sociaux ".
(Source http://www.u-m-p.org, le 7 juin 2004)