Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur la diversité du cinéma français et sa place dans l'industrie cinématographique mondiale, Orléans le 20 septembre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Signature de la première convention entre l'Etat, le Centre national de la cinématographie et la région Centre sur le développement cinématographique à Orléans le 20 septembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président,
Madame la Directrice générale adjointe,
[]
Chers amis,
C'est avec une grande joie que je viens aujourd'hui à Orléans, car ensemble, aux côtés de Michel Sapin, Président de la Région Centre, d'André Viau, Préfet de la Région Centre, de Monique Barbaroux, Directrice générale adjointe du CNC, nous allons donner vie à l'ambitieux projet que mon prédécesseur, Jean-Jacques Aillagon, avait imaginé pour améliorer le financement du cinéma et inciter les producteurs à installer leurs tournages dans notre pays, alors que nous observons une forte tendance à la délocalisation. Nous allons en effet signer ensemble la première des conventions triennales de développement cinématographique et audiovisuel pour la période 2004-2006. La Région Centre est une nouvelle fois pionnière en matière de soutien à la création cinématographique et je tiens ici à saluer le formidable engagement de Michel Sapin au service de la culture et du renouvellement des talents.
Le partenariat que nous mettons aujourd'hui en place entre l'État, la Région et le CNC, a principalement pour but de donner aux producteurs de cinéma un nouvel outil qui puisse les aider à réaliser leurs projets. En incitant les collectivités à créer des fonds de soutien à la production cinématographique, auxquels l'État apportera une contribution financière et une véritable expertise, les pouvoirs publics affirment plus que jamais leur attachement à la vitalité et à la diversité du cinéma. Notre cinéma, n'en doutons pas, est notre richesse. Il est fort, d'une manière tout à fait unique, de la grande variété de ses oeuvres, qu'il s'agisse de courts métrages ou de longs métrages. Les Régions, et particulièrement la Région Centre, ont déjà beaucoup fait en faveur de la création, en soutenant prioritairement la réalisation de courts métrages et en apportant un fort appui aux projets au stade de l'écriture et du développement. Aujourd'hui, grâce aux conventions triennales, elles pourront se tenir aux côtés des producteurs de longs métrages et les aider dans ces entreprises si difficiles que sont les films.
Je parlais à l'instant de notre attachement à la diversité du cinéma français. Je voudrais simplement affirmer devant vous ma conviction profonde, qui est celle d'un amoureux du cinéma. L'accompagnement que les pouvoirs publics n'ont cessé de garantir aux professionnels du cinéma depuis presque soixante ans, en aidant les salles, en aidant les producteurs, en améliorant sans cesse la réglementation du secteur, a permis à cette industrie, à cet art, de se développer sereinement et d'exister aux yeux du monde comme l'une des plus grandes cinématographies. C'est cette détermination sans faille des pouvoirs publics à faire exister le cinéma qui a garanti ce formidable parcours que l'on nous envie dans de nombreux pays.
Les collectivités ont aujourd'hui un rôle très important à jouer aux côtés de l'État pour améliorer encore les chances de succès de nos créateurs et de nos entreprises. Nos paysages, notre patrimoine architectural, sont des richesses que le cinéma doit s'approprier. Et les élus ont bien compris qu'il y avait dans ce nouveau partenariat avec le cinéma une source de développement indéniable. Il ne s'agit pas d'installer en Bourgogne le tournage d'un film que son scénario situe à New York ou à Tokyo, et nous ne sommes pas réunis ici comme un club chauviniste et nombriliste. Il est cependant indispensable, pour l'économie de notre pays, pour ses industries techniques, pour l'emploi des intermittents du spectacle, pour les auteurs, que nous puissions relocaliser un maximum de tournages sur notre territoire.
Les conventions triennales, qui reprennent les chantiers déjà amorcés par la précédente génération de conventions tripartites, et qui prévoyaient des opérations d'éducation au cinéma, et de soutien à la création, auxquelles je suis très attaché, vont conditionner l'octroi d'un soutien financier de la Région à la localisation des dépenses. La délocalisation des tournages est aujourd'hui excessive. Elle est motivée surtout par des enjeux financiers, et il est effectivement avantageux en termes économiques d'employer des techniciens étrangers ne bénéficiant pas des revenus et de la protection sociale que notre pays offre aujourd'hui. Il est intéressant de profiter de tel abri fiscal dans un pays dont les décors ne sont pas si différents. Je comprends les producteurs, mais je suis absolument décidé à tout mettre en uvre pour qu'ils fassent désormais travailler nos techniciens, nos laboratoires, nos studios.
Vous le savez, et cette question est aujourd'hui au coeur du débat sur l'Europe, les délocalisations inquiètent nos compatriotes. Elles les inquiètent à juste titre. Car elles mettent notre économie en péril. La réponse que nous apportons aujourd'hui avec le soutien actif de la Région Centre est, je crois, une réponse adaptée et qui aura des conséquences très positives, non seulement sur le dynamisme de la production cinématographique française, mais aussi sur notre économie, au bénéfice notamment des industries techniques.
Je voudrais profiter de cette tribune pour me féliciter d'une autre mesure, décidée, elle aussi, par mon prédécesseur, et qui voit aujourd'hui le jour grâce au concours précieux de mon collègue et ami Nicolas Sarkozy. Il s'agit du crédit d'impôt qui sera octroyé aux producteurs qui font le choix de tourner en France. C'est une mesure elle aussi très importante et qui, cela a pu se vérifier au cours de cette année, rencontre un vif succès. La dépense fiscale risque d'ailleurs d'être supérieure à celle initialement prévue : je m'en réjouis pour le cinéma français même si je sais que certaines dents grincent au Ministère des finances. Je suis convaincu que la grandeur du cinéma français mérite quelques efforts de la part de l'État. Ces efforts sont grandement récompensés par la qualité des films français, dont un grand nombre parcourt les festivals et remporte de belles récompenses, comme récemment encore à Venise.
La grandeur de la culture française est à ce prix, et au-delà, car elle n'a pas de prix. Elle est le fruit de l'histoire et d'une création qui aujourd'hui brille par son foisonnement. Nous avons collectivement cette ambition de donner à nos créateurs, à nos scénaristes, à nos metteurs en scène, les moyens de conduire d'ambitieux projets qui, en fin de compte, au-delà du prestige qu'ils apportent légitimement à leurs auteurs, enrichissent notre patrimoine et grandissent notre nation. Je suis profondément convaincu que cette vitalité artistique doit être préservée. À côté de nous, en Europe, mais aussi au-delà, dans le monde, nous devons faire en sorte que cet amour de la diversité culturelle, cette passion pour l'art, qui ne fait que grandir l'humanité, essaime, et que l'on nous rejoigne pour ce combat qui finalement ne combat personne. Nous nous battons tous pour disposer chacun du droit fondamental à exister, à être, et finalement à échanger, à partager.
Le cinéma, comme tous les arts, est un message de tolérance et de paix. Nous en avons besoin aujourd'hui plus que jamais. Cette convention est un jalon, elle est une pierre de l'édifice que nous bâtissons ensemble, pour la grandeur du cinéma et pour la culture.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 21 septembre 2004)