Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
C'est la seconde fois que je participe à cette Conférence. L'an dernier, nous avions pris nos fonctions, Hubert Védrine, Pierre Moscovici et moi-même, depuis trois mois à peine. J'avais exposé les lignes directrices selon lesquelles nous entendions redéfinir notre politique de coopération, et j'avais évoqué nos projets concernant la réforme de nos administrations en charge de la coopération, brièvement, car nous en étions aux prémices de notre réflexion.
Je me propose de faire aujourd'hui le point sur cette réforme. Pour autant, je n'entends pas en faire une description détaillée, le temps me manquerait, et je suppose que les grandes lignes du dispositif sont maintenant connues. Ce que je souhaiterais, c'est mettre en évidence l'adéquation entre les objectifs politiques que nous nous sommes fixés et les structures que nous avons retenues, à savoir : un grand pôle diplomatique unique, une DGCID, le CICID, le Haut-Conseil de la Coopération.
Première question, donc : pourquoi un grand pôle diplomatique unique, alors qu'à d'autres périodes, par exemple, c'est plutôt un grand ministère de la solidarité, indépendant du Quai d'Orsay, qui était en discussion ?
La réponse tient en un mot, galvaudé, et qui pourtant recouvre bien une réalité : la mondialisation. Plus généralement, d'ailleurs, c'est elle qui, en dernière analyse, fonde la nécessité de cette réforme.
Elle comporte trois dimensions, qui trouvent leur traduction dans nos nouvelles structures :
- la mondialisation de l'économie de marché, et donc des règles du jeu international,
- la mutation des moyens de communication qui entraîne une révolution dans nos échanges,
- l'impact des problèmes globaux : atteintes à l'environnement, Sida, drogue, terrorisme, etc.,
- le besoin d'affirmer, parallèlement, une identité forte. Dans ce contexte, les problèmes qui se posent l'Afrique ne peuvent plus être traités indépendamment de ceux qui se posent sur les autres continents, nos relations avec nos pays africains ne peuvent être définies indépendamment de nos relations avec nos autres partenaires. Il n'y a plus de champ ni de hors champ, car l'Afrique est désormais une région, parmi d'autres, d'un monde en voie de globalisation. Refuser de tenir compte de ces évolutions, ce serait la condamner à se constituer en ghetto.
Deuxième question relative aux nouvelles structures de notre Coopération : pourquoi une DGCID unique (direction générale de la Coopération internationale et du développement) unique ? Et pourquoi une DGCID structurée comme elle l'est, selon une logique fonctionnelle, plutôt que géographique ?
Le schéma qui se met ainsi en place, j'en suis conscient, a parfois surpris, dans l'ex-DG comme dans l'ex-direction du Développement. D'aucuns, sans doute, auraient pu penser que le rapprochement des deux ministères entraînerait, certes, la fusion entre la direction générale de l'Administration du Quai d'Orsay et la direction de l'Administration générale de la rue Monsieur, mais que, pour les directions opérationnelles, on s'en tiendrait à une simple juxtaposition de deux directions héritières de la DG et de la DEV, comme l'on disait. Dans cette perspective, la seule question était de savoir si ces deux directions seraient placées sous un "chapeau", je veux dire un directeur général, unique, ou si elles demeureraient indépendantes.
Et il est vrai que, pendant un certain temps, nous avons plutôt travaillé dans une logique de juxtaposition. Mais celle-ci, posait le problème de la frontière géographique entre les deux directions. Et, peu à peu, nous nous sommes aperçu qu'il n'était guère possible de trouver des critères satisfaisants pour, notamment, discriminer entre pays justiciables de l'aide au développement et pays dans lesquels devrait prévaloir une coopération d'influence.
Sans doute peut-on le plus souvent constater, dans tel pays donné, une prédominance de telle ou telle forme de Coopération, mais celle-ci est rarement exclusive. Car, en fait, il y a un continuum des pays en développement aux partenaires développés, en passant par les pays émergents, puisqu'aussi bien le concept de Coopération internationale s'entend comme la prise en compte de toutes les formes d'action de Coopération : culturelle, scolaire, universitaire, audiovisuelle, aide au développement, échanges en forme de prestations de service, etc.
A ce stade, permettez-moi une digression afin de préciser deux points. Dans la logique du concept de coopération internationale, on pourrait s'attendre à ce que la francophonie et la coopération militaire relèvent également de la DGCID.
Or, le service des Affaires francophones demeure extérieur, et l'actuelle MMC (Mission militaire de Coopération) va être regroupée avec la sous-direction de l'Aide militaire en une direction de la Coopération militaire et de défense qui sera une direction de la direction générale des Affaires politiques et de sécurité.
C'est que, vous vous en doutez, il a fallu, pour bien des décisions qu'appelait la réforme, arbitrer entre des impératifs potentiellement contradictoires.
En l'occurrence, la Francophonie comporte une très importante dimension de Coopération et les programmes que suit à cet égard le Service des Affaires francophones sont de la même nature que ceux que met en oeuvre la DGCID. Cependant, la Francophonie comporte aussi une dimension politique, et c'est ce qui justifie le choix en définitive retenu : celui d'un SAF directement rattaché au Secrétaire général. Mais, en fait, DGCID et SAF seront évidemment appelés à coopérer très étroitement, et les questions que suivent l'une comme l'autre relèvent des attributions du ministre délégué.
Quant à la Coopération militaire, je crois qu'elle a dans un certain nombre de pays, très profondément partie liée avec le développement, la notion de l'Etat de droit créant le lien. Je pense bien sûr à l'Afrique en particulier. Inversement, dans la logique même de la mondialisation, la Coopération militaire avec nos partenaires africains ne saurait être envisagée séparément de la Coopération militaire avec d'autres régions du monde. La Coopération qui se noue en Afrique, dans le domaine du maintien de la paix, avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, suffit à le faire comprendre. C'est pourquoi a été retenue une direction de Coopération militaire et de défense.
Le second point que je voulais évoquer rapidement c'est le concept de "zone de solidarité prioritaire", dont feront partie les pays avec lesquels la France entretient, pour des raisons historiques, souvent aussi parce qu'ils sont francophones, bien que ce ne soit pas une condition nécessaire, des liens particuliers de fidélité et de solidarité.
Le fait que, en raison de la mondialisation, les pays ou régions du monde ne puissent être traités séparément, ne signifie pas qu'ils soient justiciables d'un traitement indifférencié.
Mais la ZSP, qui sera évolutive (certains pays pourront en sortir, d'autres y entrer), est bien un concept politique. Il emportera naturellement des conséquences (une aide particulièrement substantielle, des instruments adaptés), mais ne trouvera pas une traduction dans les structures administratives.
J'en reviens à la DGCID et à son organisation interne, fondée sur des directions fonctionnelles, étant entendu qu'une direction de la programmation, de l'évaluation et de la stratégie, que l'on pourrait définir comme la direction de la cohérence, est chargée notamment d'avoir une vue d'ensemble sur toutes les actions conduites dans un pays donné, et donc également de proposer une stratégie globale adaptée à ce pays.
Les quatre grandes directions fonctionnelles correspondent aux quatre grandes fonctions de l'échange, sur lesquelles notre pays sait que se joue son image : le développement et la coopération technique, la culture et le français, l'enseignement supérieur et la recherche, l'audiovisuel et les nouvelles technologies.
Il s'agit pour nous d'être en mesure de faire face aux multiples concurrences auxquelles nous sommes confrontés. Car la DGCID doit, elle aussi, se situer dans une logique de concurrence, y compris dans sa composante culturelle. L'importance économique de ce qu'il est désormais convenu d'appeler les "produits culturels" est croissante. Plus profondément encore, la préservation de l'identité culturelle est la condition du maintien de cette capacité créatrice sans laquelle il n'est pas de nation libre et prospère.
Les quatre directions fonctionnelles de la DGCID procèdent aussi de la nécessité pour notre Département de dialoguer avec les autres grandes administrations (je pense par exemple à l'Education nationale), les autres grands partenaires publics ou privés (je pense par exemple au secteur audiovisuel), et aussi les grandes organisations internationales (Banque mondiale ou Fl, Union européenne) dont je n'ai pas besoin de dire le poids croissant - conséquence, là encore, de la mondialisation. Dialoguer pour une meilleure synergie et efficacité. Dialoguer aussi, bien entendu, pour mieux faire valoir nos vues auprès d'organisations avec lesquelles nous sommes également engagés dans une lutte d'influence.
Troisième question relative à la réforme : pourquoi un CICID ?
La réponse est simple, je crois : le Quai d'Orsay n'a évidemment pas le monopole de la Coopération internationale. De nombreuses autres administrations sont concernées et la raison d'être du Quai d'Orsay est de coordonner, animer, fédérer.
Le CICID sera l'instance de coordination entre les administrations concernées. Il lui reviendra par exemple de définir la ZSP.
Quatrième et dernière question liée à la réforme pourquoi un Haut-Conseil de la Coopération ?
C'est que l'Etat n'est plus tout puissant et n'est pas le seul acteur. La société civile, comme l'on dit, joue un rôle croissant, y compris dans le développement de nos relations internationales.
Je pense aussi bien aux ONG, les organisations de solidarité internationales, comme l'on dit de plus en plus souvent, qu'à la coopération décentralisée, à laquelle j'attache comme vous le savez une attention particulière, ou encore aux représentants des milieux économiques : représentants patronaux comme représentants syndicaux nouent des relations à l'étranger.
Cette évolution n'est pas sans influence sur l'organisation de la DGCID. J'ai personnellement tenu à ce que soit créée, directement auprès du directeur général, une mission de la coopération non gouvernementale.
Surtout, c'est cette évolution qui est à l'origine de la création du Haut-Conseil de la Coopération, les représentants de la société civile y siégeront, et il proposera les grandes orientations de notre politique de Coopération, évaluera les actions menées.
Les considérations que je viens de développer ne doivent pas nous conduire à négliger une autre raison de la réforme de notre Coopération : l'évolution de nos partenaires eux-mêmes. L'époque de la colonisation s'éloigne, depuis la chute du mur de Berlin, les clivages issus de la coupure du monde en deux blocs se sont effacés, la mentalité d'assisté disparaît ou s'estompe.
Nous souhaitons donc que nos échanges fassent l'objet d'un dialogue responsable, profondément négocié avec ces partenaires. A cette fin, nous avons avec plusieurs pays expérimenté la formule d'accords de partenariat, sorte de feuille de route de Coopération, qui reflète les orientations et les modalités contractuels de leur mise en oeuvre au travers de programmes de Coopération élaborés et mis en oeuvre conjointement avec nos partenaires.
Voilà ce que je souhaitais vous dire sur l'esprit de notre réforme. J'espère vous avoir permis d'en mieux saisir la genèse.
S'agissant du calendrier, notre objectif est que les textes réorganisant les services du nouveau ministère des Affaires étrangères (un décret et un arrêté) soient publiés fin septembre. La fusion de la direction générale de l'Administration du Quai d'Orsay et de la direction de l'Administration générale de la Coopération pourrait alors intervenir dès le 1er octobre. Quant à la DGCID, elle sera définitivement en place au 1er janvier prochain.
Parallèlement, nous travaillons sur les organigrammes précis. Celui de la nouvelle DGA est d'ores et déjà quasiment arrêté et, depuis plusieurs jours, un projet d'organigramme détaillé est disponible pour la nouvelle DGCID. Notre objectif, à Hubert Védrine et à moi-même, est de l'arrêter définitivement dans les prochaines semaines, ainsi d'ailleurs que le choix des principaux responsables.
La réflexion est également avancée sur deux autres sujets importants: les rapports entre la DGCID et les rapports entre services de la Coopération dans les postes et agences locales de l'AFD.
Nous tenons par ailleurs beaucoup à une pratique accrue de délégation à des opérateurs spécialisés, sur la base de conventions avec l'administration, de tâches que des structures plus autonomes accompliront avec plus d'efficacité. L'impératif d'efficacité impliquera probablement aussi - et une réflexion à ce sujet a également été engagée - des regroupements d'opérateurs déjà existants, partenaires, pour les uns de la Coopération, pour les autres du Quai d'Orsay. Ce sera l'oeuvre de plusieurs mois, peut-être de plusieurs années.
Pour terminer, je souhaiterais formuler deux observations, qui concernent l'organisation de nos missions de Coopération, et, subséquemment, les conséquences de la réforme pour vos relations à vous, ambassadeurs, avec ces missions.
Comme vous le savez, elles vont devenir des services de Coopération, au statut comparable à celui des autres services de nos grandes ambassades. Le chef de ce service de Coopération, comme ces autres chefs de service, sera nommé par arrêté, et non plus par décret en Conseil des ministres.
L'objectif est une meilleure synergie, aujourd'hui plus indispensable que jamais, et qui le sera toujours davantage, entre les différents services de l'ambassade. Peut-être conviendra-t-il de rédiger une instruction générale explicitant le mode de relation entre l'ambassadeur et le service de coopération. Cette éventualité est actuellement à l'examen.
Quelques impressions personnelles pour finir : Dans la mesure où, jusqu'à présent, j'étais encore davantage en charge de la Coopération, je voudrais tout d'abord vous dire que les personnels de ce ministère, dans leur grande majorité, comprennent la nécessité de la réforme en cours. Je dirais même que beaucoup l'appelaient de leurs voeux et regrettaient les échecs des tentatives précédentes, parce qu'ils étaient conscients des nécessités objectives que je décrivais en introduction à mon propos. Certains redoutent pourtant l'ouverture de ce grand chantier qui allait remettre en cause les situations acquises et entraîner entre autres des changements d'affectation et d'habitudes. Se sachant numériquement moins nombreux, les personnels de la Coopération éprouvaient une certaine appréhension à fusionner avec un Quai d'Orsay mal connu dont la mentalité leur paraissait très différente.
Je crois que l'organigramme qui se dessine a contribué à apaiser les craintes. Il a pu surprendre dans un premier temps, et donc inquiéter, car c'est bien, comme nous l'avons dit, une entité nouvelle qui est en gestation : l'invitation au mouvement ne concerne pas seulement la rue Monsieur. Il s'agit d'un nouvel édifice dans lequel chacun doit avoir sa place.
Il reste, Mesdames et Messieurs, que nous n'atteindrons notre objectif - la modernisation de notre politique de Coopération - que si les cultures différentes dont nous sommes porteurs, les uns et les autres, s'enrichissent mutuellement. J'ai parlé à plusieurs reprises de métissage. Nous veillerons, Hubert Védrine et moi-même, à ce qu'il se traduise dès la désignation des principaux responsables par la constitution de binômes et un juste équilibre des provenances administratives. Mais il faudra bien davantage : une écoute mutuelle, une prise en compte de l'expérience et des savoir-faire de l'autre "maison".
Est-il besoin de souligner, à cet instant, et dans le cadre de votre conférence, le rôle majeur des chefs de poste diplomatique pour faire vivre cette ambition ? .
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
C'est la seconde fois que je participe à cette Conférence. L'an dernier, nous avions pris nos fonctions, Hubert Védrine, Pierre Moscovici et moi-même, depuis trois mois à peine. J'avais exposé les lignes directrices selon lesquelles nous entendions redéfinir notre politique de coopération, et j'avais évoqué nos projets concernant la réforme de nos administrations en charge de la coopération, brièvement, car nous en étions aux prémices de notre réflexion.
Je me propose de faire aujourd'hui le point sur cette réforme. Pour autant, je n'entends pas en faire une description détaillée, le temps me manquerait, et je suppose que les grandes lignes du dispositif sont maintenant connues. Ce que je souhaiterais, c'est mettre en évidence l'adéquation entre les objectifs politiques que nous nous sommes fixés et les structures que nous avons retenues, à savoir : un grand pôle diplomatique unique, une DGCID, le CICID, le Haut-Conseil de la Coopération.
Première question, donc : pourquoi un grand pôle diplomatique unique, alors qu'à d'autres périodes, par exemple, c'est plutôt un grand ministère de la solidarité, indépendant du Quai d'Orsay, qui était en discussion ?
La réponse tient en un mot, galvaudé, et qui pourtant recouvre bien une réalité : la mondialisation. Plus généralement, d'ailleurs, c'est elle qui, en dernière analyse, fonde la nécessité de cette réforme.
Elle comporte trois dimensions, qui trouvent leur traduction dans nos nouvelles structures :
- la mondialisation de l'économie de marché, et donc des règles du jeu international,
- la mutation des moyens de communication qui entraîne une révolution dans nos échanges,
- l'impact des problèmes globaux : atteintes à l'environnement, Sida, drogue, terrorisme, etc.,
- le besoin d'affirmer, parallèlement, une identité forte. Dans ce contexte, les problèmes qui se posent l'Afrique ne peuvent plus être traités indépendamment de ceux qui se posent sur les autres continents, nos relations avec nos pays africains ne peuvent être définies indépendamment de nos relations avec nos autres partenaires. Il n'y a plus de champ ni de hors champ, car l'Afrique est désormais une région, parmi d'autres, d'un monde en voie de globalisation. Refuser de tenir compte de ces évolutions, ce serait la condamner à se constituer en ghetto.
Deuxième question relative aux nouvelles structures de notre Coopération : pourquoi une DGCID unique (direction générale de la Coopération internationale et du développement) unique ? Et pourquoi une DGCID structurée comme elle l'est, selon une logique fonctionnelle, plutôt que géographique ?
Le schéma qui se met ainsi en place, j'en suis conscient, a parfois surpris, dans l'ex-DG comme dans l'ex-direction du Développement. D'aucuns, sans doute, auraient pu penser que le rapprochement des deux ministères entraînerait, certes, la fusion entre la direction générale de l'Administration du Quai d'Orsay et la direction de l'Administration générale de la rue Monsieur, mais que, pour les directions opérationnelles, on s'en tiendrait à une simple juxtaposition de deux directions héritières de la DG et de la DEV, comme l'on disait. Dans cette perspective, la seule question était de savoir si ces deux directions seraient placées sous un "chapeau", je veux dire un directeur général, unique, ou si elles demeureraient indépendantes.
Et il est vrai que, pendant un certain temps, nous avons plutôt travaillé dans une logique de juxtaposition. Mais celle-ci, posait le problème de la frontière géographique entre les deux directions. Et, peu à peu, nous nous sommes aperçu qu'il n'était guère possible de trouver des critères satisfaisants pour, notamment, discriminer entre pays justiciables de l'aide au développement et pays dans lesquels devrait prévaloir une coopération d'influence.
Sans doute peut-on le plus souvent constater, dans tel pays donné, une prédominance de telle ou telle forme de Coopération, mais celle-ci est rarement exclusive. Car, en fait, il y a un continuum des pays en développement aux partenaires développés, en passant par les pays émergents, puisqu'aussi bien le concept de Coopération internationale s'entend comme la prise en compte de toutes les formes d'action de Coopération : culturelle, scolaire, universitaire, audiovisuelle, aide au développement, échanges en forme de prestations de service, etc.
A ce stade, permettez-moi une digression afin de préciser deux points. Dans la logique du concept de coopération internationale, on pourrait s'attendre à ce que la francophonie et la coopération militaire relèvent également de la DGCID.
Or, le service des Affaires francophones demeure extérieur, et l'actuelle MMC (Mission militaire de Coopération) va être regroupée avec la sous-direction de l'Aide militaire en une direction de la Coopération militaire et de défense qui sera une direction de la direction générale des Affaires politiques et de sécurité.
C'est que, vous vous en doutez, il a fallu, pour bien des décisions qu'appelait la réforme, arbitrer entre des impératifs potentiellement contradictoires.
En l'occurrence, la Francophonie comporte une très importante dimension de Coopération et les programmes que suit à cet égard le Service des Affaires francophones sont de la même nature que ceux que met en oeuvre la DGCID. Cependant, la Francophonie comporte aussi une dimension politique, et c'est ce qui justifie le choix en définitive retenu : celui d'un SAF directement rattaché au Secrétaire général. Mais, en fait, DGCID et SAF seront évidemment appelés à coopérer très étroitement, et les questions que suivent l'une comme l'autre relèvent des attributions du ministre délégué.
Quant à la Coopération militaire, je crois qu'elle a dans un certain nombre de pays, très profondément partie liée avec le développement, la notion de l'Etat de droit créant le lien. Je pense bien sûr à l'Afrique en particulier. Inversement, dans la logique même de la mondialisation, la Coopération militaire avec nos partenaires africains ne saurait être envisagée séparément de la Coopération militaire avec d'autres régions du monde. La Coopération qui se noue en Afrique, dans le domaine du maintien de la paix, avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, suffit à le faire comprendre. C'est pourquoi a été retenue une direction de Coopération militaire et de défense.
Le second point que je voulais évoquer rapidement c'est le concept de "zone de solidarité prioritaire", dont feront partie les pays avec lesquels la France entretient, pour des raisons historiques, souvent aussi parce qu'ils sont francophones, bien que ce ne soit pas une condition nécessaire, des liens particuliers de fidélité et de solidarité.
Le fait que, en raison de la mondialisation, les pays ou régions du monde ne puissent être traités séparément, ne signifie pas qu'ils soient justiciables d'un traitement indifférencié.
Mais la ZSP, qui sera évolutive (certains pays pourront en sortir, d'autres y entrer), est bien un concept politique. Il emportera naturellement des conséquences (une aide particulièrement substantielle, des instruments adaptés), mais ne trouvera pas une traduction dans les structures administratives.
J'en reviens à la DGCID et à son organisation interne, fondée sur des directions fonctionnelles, étant entendu qu'une direction de la programmation, de l'évaluation et de la stratégie, que l'on pourrait définir comme la direction de la cohérence, est chargée notamment d'avoir une vue d'ensemble sur toutes les actions conduites dans un pays donné, et donc également de proposer une stratégie globale adaptée à ce pays.
Les quatre grandes directions fonctionnelles correspondent aux quatre grandes fonctions de l'échange, sur lesquelles notre pays sait que se joue son image : le développement et la coopération technique, la culture et le français, l'enseignement supérieur et la recherche, l'audiovisuel et les nouvelles technologies.
Il s'agit pour nous d'être en mesure de faire face aux multiples concurrences auxquelles nous sommes confrontés. Car la DGCID doit, elle aussi, se situer dans une logique de concurrence, y compris dans sa composante culturelle. L'importance économique de ce qu'il est désormais convenu d'appeler les "produits culturels" est croissante. Plus profondément encore, la préservation de l'identité culturelle est la condition du maintien de cette capacité créatrice sans laquelle il n'est pas de nation libre et prospère.
Les quatre directions fonctionnelles de la DGCID procèdent aussi de la nécessité pour notre Département de dialoguer avec les autres grandes administrations (je pense par exemple à l'Education nationale), les autres grands partenaires publics ou privés (je pense par exemple au secteur audiovisuel), et aussi les grandes organisations internationales (Banque mondiale ou Fl, Union européenne) dont je n'ai pas besoin de dire le poids croissant - conséquence, là encore, de la mondialisation. Dialoguer pour une meilleure synergie et efficacité. Dialoguer aussi, bien entendu, pour mieux faire valoir nos vues auprès d'organisations avec lesquelles nous sommes également engagés dans une lutte d'influence.
Troisième question relative à la réforme : pourquoi un CICID ?
La réponse est simple, je crois : le Quai d'Orsay n'a évidemment pas le monopole de la Coopération internationale. De nombreuses autres administrations sont concernées et la raison d'être du Quai d'Orsay est de coordonner, animer, fédérer.
Le CICID sera l'instance de coordination entre les administrations concernées. Il lui reviendra par exemple de définir la ZSP.
Quatrième et dernière question liée à la réforme pourquoi un Haut-Conseil de la Coopération ?
C'est que l'Etat n'est plus tout puissant et n'est pas le seul acteur. La société civile, comme l'on dit, joue un rôle croissant, y compris dans le développement de nos relations internationales.
Je pense aussi bien aux ONG, les organisations de solidarité internationales, comme l'on dit de plus en plus souvent, qu'à la coopération décentralisée, à laquelle j'attache comme vous le savez une attention particulière, ou encore aux représentants des milieux économiques : représentants patronaux comme représentants syndicaux nouent des relations à l'étranger.
Cette évolution n'est pas sans influence sur l'organisation de la DGCID. J'ai personnellement tenu à ce que soit créée, directement auprès du directeur général, une mission de la coopération non gouvernementale.
Surtout, c'est cette évolution qui est à l'origine de la création du Haut-Conseil de la Coopération, les représentants de la société civile y siégeront, et il proposera les grandes orientations de notre politique de Coopération, évaluera les actions menées.
Les considérations que je viens de développer ne doivent pas nous conduire à négliger une autre raison de la réforme de notre Coopération : l'évolution de nos partenaires eux-mêmes. L'époque de la colonisation s'éloigne, depuis la chute du mur de Berlin, les clivages issus de la coupure du monde en deux blocs se sont effacés, la mentalité d'assisté disparaît ou s'estompe.
Nous souhaitons donc que nos échanges fassent l'objet d'un dialogue responsable, profondément négocié avec ces partenaires. A cette fin, nous avons avec plusieurs pays expérimenté la formule d'accords de partenariat, sorte de feuille de route de Coopération, qui reflète les orientations et les modalités contractuels de leur mise en oeuvre au travers de programmes de Coopération élaborés et mis en oeuvre conjointement avec nos partenaires.
Voilà ce que je souhaitais vous dire sur l'esprit de notre réforme. J'espère vous avoir permis d'en mieux saisir la genèse.
S'agissant du calendrier, notre objectif est que les textes réorganisant les services du nouveau ministère des Affaires étrangères (un décret et un arrêté) soient publiés fin septembre. La fusion de la direction générale de l'Administration du Quai d'Orsay et de la direction de l'Administration générale de la Coopération pourrait alors intervenir dès le 1er octobre. Quant à la DGCID, elle sera définitivement en place au 1er janvier prochain.
Parallèlement, nous travaillons sur les organigrammes précis. Celui de la nouvelle DGA est d'ores et déjà quasiment arrêté et, depuis plusieurs jours, un projet d'organigramme détaillé est disponible pour la nouvelle DGCID. Notre objectif, à Hubert Védrine et à moi-même, est de l'arrêter définitivement dans les prochaines semaines, ainsi d'ailleurs que le choix des principaux responsables.
La réflexion est également avancée sur deux autres sujets importants: les rapports entre la DGCID et les rapports entre services de la Coopération dans les postes et agences locales de l'AFD.
Nous tenons par ailleurs beaucoup à une pratique accrue de délégation à des opérateurs spécialisés, sur la base de conventions avec l'administration, de tâches que des structures plus autonomes accompliront avec plus d'efficacité. L'impératif d'efficacité impliquera probablement aussi - et une réflexion à ce sujet a également été engagée - des regroupements d'opérateurs déjà existants, partenaires, pour les uns de la Coopération, pour les autres du Quai d'Orsay. Ce sera l'oeuvre de plusieurs mois, peut-être de plusieurs années.
Pour terminer, je souhaiterais formuler deux observations, qui concernent l'organisation de nos missions de Coopération, et, subséquemment, les conséquences de la réforme pour vos relations à vous, ambassadeurs, avec ces missions.
Comme vous le savez, elles vont devenir des services de Coopération, au statut comparable à celui des autres services de nos grandes ambassades. Le chef de ce service de Coopération, comme ces autres chefs de service, sera nommé par arrêté, et non plus par décret en Conseil des ministres.
L'objectif est une meilleure synergie, aujourd'hui plus indispensable que jamais, et qui le sera toujours davantage, entre les différents services de l'ambassade. Peut-être conviendra-t-il de rédiger une instruction générale explicitant le mode de relation entre l'ambassadeur et le service de coopération. Cette éventualité est actuellement à l'examen.
Quelques impressions personnelles pour finir : Dans la mesure où, jusqu'à présent, j'étais encore davantage en charge de la Coopération, je voudrais tout d'abord vous dire que les personnels de ce ministère, dans leur grande majorité, comprennent la nécessité de la réforme en cours. Je dirais même que beaucoup l'appelaient de leurs voeux et regrettaient les échecs des tentatives précédentes, parce qu'ils étaient conscients des nécessités objectives que je décrivais en introduction à mon propos. Certains redoutent pourtant l'ouverture de ce grand chantier qui allait remettre en cause les situations acquises et entraîner entre autres des changements d'affectation et d'habitudes. Se sachant numériquement moins nombreux, les personnels de la Coopération éprouvaient une certaine appréhension à fusionner avec un Quai d'Orsay mal connu dont la mentalité leur paraissait très différente.
Je crois que l'organigramme qui se dessine a contribué à apaiser les craintes. Il a pu surprendre dans un premier temps, et donc inquiéter, car c'est bien, comme nous l'avons dit, une entité nouvelle qui est en gestation : l'invitation au mouvement ne concerne pas seulement la rue Monsieur. Il s'agit d'un nouvel édifice dans lequel chacun doit avoir sa place.
Il reste, Mesdames et Messieurs, que nous n'atteindrons notre objectif - la modernisation de notre politique de Coopération - que si les cultures différentes dont nous sommes porteurs, les uns et les autres, s'enrichissent mutuellement. J'ai parlé à plusieurs reprises de métissage. Nous veillerons, Hubert Védrine et moi-même, à ce qu'il se traduise dès la désignation des principaux responsables par la constitution de binômes et un juste équilibre des provenances administratives. Mais il faudra bien davantage : une écoute mutuelle, une prise en compte de l'expérience et des savoir-faire de l'autre "maison".
Est-il besoin de souligner, à cet instant, et dans le cadre de votre conférence, le rôle majeur des chefs de poste diplomatique pour faire vivre cette ambition ? .
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)