Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les députés
D'après les premières informations dont je dispose, le déficit de l'assurance maladie devrait atteindre cette année 12,9 milliards d'euros. L'assurance maladie représente la quasi totalité du déficit du régime général qui s'élèvera cette année à environ 14 Mds Euros. Plus de 3 millions d'euros de pertes seront réalisés au cours de cette audition. Je réunirai dans les meilleurs délais la Commission des comptes de la sécurité sociale, pour examiner avec l'ensemble de ses membres la situation des comptes sociaux.
Ce déficit important est le signe révélateur d'une situation qui est bien plus grave : c'est celle d'une absence de pilotage de notre système de santé et d'assurance maladie.
Notre système de santé a obtenu de brillants résultats. L'approche curative individuelle de notre pays est sûrement l'une des meilleures du monde. Quand nous examinons les indicateurs de performance, comme le taux de survie après un cancer par exemple, nous n'avons pas à en rougir. Les taux de performance français sont parmi les plus élevés.
Pourtant, par certains aspects, on peut considérer, que notre système de santé est devenu fou. Il n'y a pas de cohérence entre notre politique de santé publique et notre système de soins. Notre offre de soins reste très désorganisée. Et, nous laissons croître les dépenses remboursées par l'assurance maladie sans avoir la certitude qu'elles sont ou non justifiées.
1. C'est pourquoi, il est urgent de réformer en profondeur notre système de soins, dans le respect des principes fondamentaux de l'assurance maladie auxquels nos concitoyens sont résolument attachés.
Trois grands principes me paraissent devoir guider notre action.
- En premier lieu, il nous faut préserver une assurance maladie solidaire. Chacun doit y contribuer selon ses moyens et recevoir selon ses besoins. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a montré que la poursuite de la tendance actuelle à la croissance non maîtrisée des dépenses de santé mettrait en danger la sécurité sociale. Nous ne voulons pas que les plans de déremboursement se succèdent. Nous refusons un système de santé à deux vitesses.
- En second lieu, nous devons accroître la qualité des soins. Nos professionnels sont d'ores et déjà de très bon niveau. Mais nous devons résolument développer dans le domaine de la santé la culture de la qualité. Depuis une quinzaine d'années, au fur et à mesure des progrès médicaux, les conférences de consensus permettent d'aborder différemment le traitement des mono pathologies, au moyen de protocoles. Ainsi, il est possible de privilégier aujourd'hui la qualité des soins à la quantité.
- Enfin, l'égalité d'accès aux soins doit être garantie à tous nos concitoyens, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire national et quels que soient leurs revenus. Elle est le premier pilier de notre pacte républicain. Elle suppose l'existence d'un système d'assurance maladie public et universel.
Il nous faut donc réformer profondément et globalement notre système d'assurance maladie. Nous devons réussir à soigner mieux et dépenser mieux.
2. Les grandes orientations de la réforme s'appuient sur le constat partagé réalisé par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.
Le travail réalisé par l'ensemble des partenaires sociaux et des acteurs du système de santé est, de l'avis de tous, remarquable. Les pistes de réforme qui sont esquissées par le rapport du Haut conseil vont dans le bon sens.
La première nécessité est de revoir l'organisation de notre système de soins, tant au niveau du pilotage général que de son fonctionnement. Pour atteindre cet objectif, il est indispensable que tous les acteurs, l'Etat, les gestionnaires de l'assurance maladie, les professionnels de santé et les patients soient mieux responsabilisés. Leurs compétences doivent donc être mieux définies.
Le Haut conseil concluait aussi à la nécessité de faire des choix en matière d'assurance maladie, sans remettre en cause l'universalité de la couverture. Il nous faut pouvoir garantir que ces choix seront basés sur de véritables critères scientifiques, dans l'intérêt de la qualité des soins et de la santé des patients.
Le Haut conseil nous rappelle enfin que la recherche d'une meilleure efficience et d'une plus grande qualité sont les principaux déterminants du développement durable de notre système d'assurance maladie. Il ne sera assuré que si nous le bâtissons autour de ces notions.
Le Gouvernement a disposé d'une excellente base pour engager la concertation avec l'ensemble des acteurs de l'assurance maladie. Cette concertation est loin d'être terminée mais de nombreuses propositions ont déjà été faites. Nous arrivons aujourd'hui à une nouvelle phase. A partir des propositions de l'ensemble de nos partenaires, il va nous falloir ensemble construire un projet.
3. A la suite des premières rencontres que nous avons eues avec tous les acteurs du monde de la santé, nous vous présentons les principales orientations que le Gouvernement va soumettre à la concertation sur l'organisation du système de soins.
3.1 Revoir la gouvernance de l'assurance maladie est nécessaire pour assurer une organisation efficace des soins. L'objectif du Gouvernement est de mettre en place un nouveau partenariat entre les acteurs du monde de la santé dans le respect des trois principes que j'ai précédemment évoqués.
Pour cela, il nous faut instaurer un pilotage responsable de l'assurance maladie.
La situation actuelle reste marquée par l'enchevêtrement des responsabilités des différents acteurs, Etat, partenaires sociaux, organismes de couverture complémentaire, professionnels de santé. Cette situation aboutit à une dilution des responsabilités.
Nous devons aujourd'hui penser un nouveau mode de gestion qui soit à la fois légitime et responsable.
L'Etat doit être le garant des principes fondamentaux de notre système de soins et d'assurance maladie. Il doit fixer les principales orientations :
* les grands objectifs de santé publique d'abord. C'est l'un des aspects de la loi de santé publique qui sera soumis à l'approbation du Parlement dans les prochaines semaines.
* les conditions de l'équilibre pluriannuel des régimes sociaux ensuite. Les lois de financement de la sécurité sociale doivent être modernisées.
* les conditions d'un égal accès de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.
Pour faciliter la mise en oeuvre des objectifs de santé et éclairer les choix des gestionnaires, une Haute autorité de santé se verrait confier l'évaluation scientifique des produits de santé, des pratiques médicales et des processus diagnostiques et thérapeutiques. Cette Haute autorité devrait être constituée sous la forme d'une autorité administrative indépendante. Elle permettra d'objectiver, en accord avec les professionnels, les conditions de remboursement des soins par l'assurance maladie et les organismes de protection complémentaire.
Les avis de la Haute autorité guideront les gestionnaires de l'assurance maladie. Le Gouvernement souhaite leur donner les compétences et les outils leur permettant d'assumer leur responsabilité. Le cadre de gestion de l'assurance maladie doit être celui d'un paritarisme rénové qui permette à la fois de favoriser une véritable démocratie sociale et de clarifier le rôle et les responsabilités de chacun des acteurs.
Les relations entre l'Etat et l'assurance maladie devront reposer sur une base contractuelle pluriannuelle, permettant la définition d'un " cahier des charges " et les engagements réciproques des deux parties. C'est dans le cadre d'une délégation de gestion renforcée que la responsabilité de l'assurance maladie pourra mieux s'exprimer.
Pour cela, je souhaite que l'assurance maladie puisse être dotée d'instances de direction renouvelées, à la fois légitimes et responsables. Son organisation interne devra permettre une mise en oeuvre rapide, efficace et adaptée aux contextes locaux des grandes orientations fixées par l'Etat. Il paraît nécessaire, dans ce cadre, de se donner les moyens d'assurer une meilleure cohérence de l'action des différents organismes locaux afin de réduire les inégalités fortes de soins persistant sur le territoire.
Pour assurer cette délégation de gestion élargie, les régimes d'assurance maladie devront s'appuyer sur un partenariat tant avec les organismes de couverture complémentaire qu'avec les professionnels de santé. Les enjeux du partenariat sont majeurs : gestion cohérente des domaines remboursables, relation avec les professionnels de santé, partage des données de santé.
Une union nationale des caisses d'assurance maladie pourrait regrouper les instances dirigeantes des 3 principaux régimes (CNAMTS, MSA, CANAM). Elle aurait un rôle central dans le pilotage de l'assurance maladie : conclure, dans le cadre d'un vrai partenariat, les conventions fixant notamment les modalités d'exercice des professions médicales et paramédicales.
Elle aura aussi, en lien avec les professionnels de santé et les organismes complémentaires, un rôle important d'initiative et de proposition s'agissant de la gestion du domaine remboursable par l'assurance maladie. Elle s'appuiera pour cela sur les avis et recommandations formulées par la Haute autorité en santé.
Enfin, le partage d'informations doit être au coeur du partenariat entre caisses d'assurance maladie, organisme de couverture complémentaire et professionnels de santé. L'implication des partenaires dans un institut des données de santé doit y contribuer fortement. Cet institut sera en charge d'assurer le partage de l'ensemble des données disponibles sur les pathologies et les soins.
L'objectif de ce partenariat est de " soigner mieux en dépensant mieux ".
3.2. Ce ne sera possible qu'avec un changement profond de l'organisation du système de soins.
Les pistes de réforme sont assez consensuelles entre les acteurs.
En premier lieu, la prévention doit faire l'objet d'un investissement beaucoup plus important qu'aujourd'hui.
Il faut mieux associer les professionnels de santé aux actions de prévention au travers des contrats de santé publique. Le développement de consultations de prévention apparaît aussi une nécessité. Il serait d'ailleurs souhaitable que chacun bénéficie d'un dossier de prévention qui pourrait être une partie du dossier médical partagé.
Certains partenaires proposent même de conditionner une amélioration du remboursement en fonction de l'effort de prévention des patients. Ce serait un développement de ce qui se fait aujourd'hui pour les 12-18 ans dans le domaine bucco-dentaire.
Deuxième axe de progrès, le dossier médical partagé et la coordination des soins.
La liberté du patient comme du médecin constitue une des forces de notre système de santé. Toutefois, Nous sommes le seul pays au monde dans lequel un patient peut faire plusieurs électrocardiogrammes normaux en une journée sans que personne ne s'en étonne. Comment s'étonner des actes redondants, des interactions médicamenteuses dangereuses ? De plus, les malades sont aujourd'hui laissés seuls face à une offre de soins désorganisée alors que leur souci légitime est d'être pris en charge de la manière la plus adaptée à leur pathologie.
Tous les partenaires le reconnaissent : l'outil le plus efficace de cette coordination est le dossier médical partagé. Son développement est une nécessité absolue. Le dossier médical est la garantie d'un bon respect des protocoles de soins. Il permettra de suivre le cheminement du malade dans le système de soins. Il limitera les actes redondants et inutiles. Il garantira les échanges d'informations entre professionnels.
Ainsi, les médecins pourront mieux établir leur diagnostic. Ils pourront aussi adapter plus facilement les traitements prescrits aux autres traitements de leurs patients. Ils pourront aussi rappeler à leur patient qu'il ne sert à rien de répéter certains examens.
La technologie permet aujourd'hui la création de dossiers médicaux pour chaque français. L'ADSL permet des échanges rapides de données. Les capacités de stockage sont quasiment illimitées. Des expériences existent dans de nombreuses régions. J'ai pu moi-même le constater de visu.
Il faut donc maintenant favoriser le développement rapide du dossier médical partagé. Le Gouvernement et l'assurance maladie doivent s'engager. Nous devons inciter les entreprises compétentes à s'adapter aux besoins des professionnels et des patients. Les médecins sont maintenant prêts à en accepter le principe.
Le développement des réseaux de soins constitue un deuxième moyen de favoriser la coordination. Beaucoup d'initiatives se sont développées dans ce domaine depuis plus de vingt ans. Il faut aller plus loin. Faut-il comme le proposent certains rendre progressivement obligatoire une prise en charge par un réseau des pathologies chroniques et sévères ? Si l'on reste dans la logique actuelle, il faudra trouver le moyen de rendre leur existence plus systématique.
Troisième axe de progrès, la généralisation des démarches de qualité.
Le constat du Haut conseil sur ce sujet est sévère. Il souligne :
- l'absence d'une approche globale et indépendante sur la formation continue des professionnels
- les carences de l'évaluation
- la diversité des acteurs qui contribuent, sans coordination, à l'élaboration et à la diffusion des référentiels de bonnes pratiques.
S'agissant des référentiels, nous devons nous engager dans le sens de véritables protocoles de soins. Près de la moitié des soins en France sont couverts aujourd'hui par des référentiels. Ils ne sont pas toujours respectés. La Haute autorité en santé devra favoriser la mise en place rapide de protocoles, auxquels les professionnels de santé pourront se référer. L'assurance maladie doit mettre en oeuvre les moyens de contrôler leur bonne application.
La formation continue et l'évaluation des pratiques devraient permettre de propager ces protocoles et plus largement les bonnes pratiques auprès des professionnels. Il faudra aussi renforcer l'éducation à la santé afin que les malades en aient aussi connaissance.
Les référentiels doivent aussi permettre de favoriser le juste recours à l'assurance maladie.
La logique que nous cherchons à développer à travers ce processus autour des protocoles : c'est la responsabilisation des acteurs, qu'ils soient professionnels ou patients.
Il nous faudra avoir une approche spécifique pour les indemnités journalières qui croissent à un rythme rapide. Nous aurons l'occasion de faire des propositions aux partenaires sociaux dans les prochains jours.
Il convient aussi de s'interroger sur la politique d'achat tant en ville qu'à l'hôpital. Les dépenses de produits de santé notamment sont croissantes. Est on sûr de payer le juste prix ? Il faudra favoriser une véritable politique d'achat à travers par exemple le développement des médicaments génériques ou encore la mise en place de centrales d'achat à l'hôpital.
4. Une meilleure organisation des soins, une plus grande responsabilisation des acteurs et un meilleur pilotage du système de santé permettront d'atténuer la croissance des dépenses de santé. C'est important pour éviter que les déficits se creusent à nouveau à l'avenir.
Nous avons en fait deux missions à accomplir :
- la première mission est la plus importante. Elle consiste à inventer un système d'organisation qui permettra de garantir la pérennité de notre assurance maladie.
- La deuxième mission est de redresser les comptes de l'assurance maladie.
L'accomplissement de cette deuxième mission nécessitera peut-être, comme par le passé, des mesures financières. Nous avons d'ailleurs entendu des propositions très diverses des partenaires sociaux. Nous sommes trop respectueux du dialogue social pour vous présenter des mesures définitives car il nous faut encore poursuivre notre concertation.
Plusieurs confédérations syndicales ont souligné l'importance que revêt la problématique des charges indues. C'est-à-dire les charges supportées par l'assurance maladie en lieu et place de l'Etat. C'est le cas notamment des exonérations de charges non compensées ou les pertes de recettes subies par la sécurité sociale à la suite de la création du FOREC par la majorité précédente.
Le Gouvernement examinera ce point au cours des prochaines semaines, dans le cadre du bouclage financier du plan de redressement.
D'autres mesures financières seront donc inévitables. Mais ne nous trompons pas : augmenter les prélèvements n'est pas en soi la seule réponse au déficit de l'assurance maladie. Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie l'a souligné. Les recettes ne pourront qu'accompagner la véritable remise à plat de notre système, sur la base des principes, que nous venons de vous présenter.
Nos différents interlocuteurs ont souligné la nécessité de recourir à des mesures solidaires et équitables. Il faut un partage équilibré de l'effort entre l'ensemble des acteurs concernés.
Soyons bien clair, Monsieur le Président, ce que je vais évoquer devant vous maintenant n'est pas le plan du Gouvernement mais les diverses pistes qui nous ont été présentées au cours des séances de concertation :
Plusieurs mesures concernent la responsabilisation du patient. Laisser au patient un reste à charge pourrait permettre, selon certains intervenants, de sortir de l'impression d'une gratuité totale des soins.
Certains de nos interlocuteurs ont évoqué des recettes pesant sur l'ensemble des français comme la CSG, la TVA sociale ou plus spécifiquement sur les revenus financiers.
D'autres ont envisagé des recettes pesant sur les entreprises, comme les cotisations sociale, une contribution sur la valeur ajoutée, ou un supplément d'impôt sur les bénéfices.
L'effort de redressement doit enfin porter d'abord sur la dette. Plusieurs voies sont possibles comme l'augmentation ou l'allongement de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).
En ce qui concerne le financement, le Gouvernement veillera tout particulièrement à ce que, si de nouveaux prélèvements étaient nécessaires, ils ne pénalisent ni la croissance ni l'emploi.
Le Gouvernement veut engager une réforme globale pour soigner mieux en dépensant mieux. La recherche de la qualité et la coordination des soins sont indispensables pour garantir à nos concitoyens les meilleures chances de vivre en bonne santé.
Le Gouvernement veut aussi garantir la pérennité de l'assurance maladie grâce au développement d'une véritable maîtrise médicalisée. Les dépenses devront évoluer un peu moins vite, à un rythme plus compatible avec l'évolution naturelle des recettes.
Nous sommes à l'écoute des propositions de tous. Les partenaires sociaux, les professionnels de santé, les représentants des caisses, des organismes complémentaires et des usagers ont déjà pris leurs responsabilités et font de nombreuses propositions. Nous attendons avec impatience les propositions que le Parlement pourra nous faire pour sauvegarder l'assurance maladie de tous les Français.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 24 mai 2004)
Mesdames et messieurs les députés
D'après les premières informations dont je dispose, le déficit de l'assurance maladie devrait atteindre cette année 12,9 milliards d'euros. L'assurance maladie représente la quasi totalité du déficit du régime général qui s'élèvera cette année à environ 14 Mds Euros. Plus de 3 millions d'euros de pertes seront réalisés au cours de cette audition. Je réunirai dans les meilleurs délais la Commission des comptes de la sécurité sociale, pour examiner avec l'ensemble de ses membres la situation des comptes sociaux.
Ce déficit important est le signe révélateur d'une situation qui est bien plus grave : c'est celle d'une absence de pilotage de notre système de santé et d'assurance maladie.
Notre système de santé a obtenu de brillants résultats. L'approche curative individuelle de notre pays est sûrement l'une des meilleures du monde. Quand nous examinons les indicateurs de performance, comme le taux de survie après un cancer par exemple, nous n'avons pas à en rougir. Les taux de performance français sont parmi les plus élevés.
Pourtant, par certains aspects, on peut considérer, que notre système de santé est devenu fou. Il n'y a pas de cohérence entre notre politique de santé publique et notre système de soins. Notre offre de soins reste très désorganisée. Et, nous laissons croître les dépenses remboursées par l'assurance maladie sans avoir la certitude qu'elles sont ou non justifiées.
1. C'est pourquoi, il est urgent de réformer en profondeur notre système de soins, dans le respect des principes fondamentaux de l'assurance maladie auxquels nos concitoyens sont résolument attachés.
Trois grands principes me paraissent devoir guider notre action.
- En premier lieu, il nous faut préserver une assurance maladie solidaire. Chacun doit y contribuer selon ses moyens et recevoir selon ses besoins. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a montré que la poursuite de la tendance actuelle à la croissance non maîtrisée des dépenses de santé mettrait en danger la sécurité sociale. Nous ne voulons pas que les plans de déremboursement se succèdent. Nous refusons un système de santé à deux vitesses.
- En second lieu, nous devons accroître la qualité des soins. Nos professionnels sont d'ores et déjà de très bon niveau. Mais nous devons résolument développer dans le domaine de la santé la culture de la qualité. Depuis une quinzaine d'années, au fur et à mesure des progrès médicaux, les conférences de consensus permettent d'aborder différemment le traitement des mono pathologies, au moyen de protocoles. Ainsi, il est possible de privilégier aujourd'hui la qualité des soins à la quantité.
- Enfin, l'égalité d'accès aux soins doit être garantie à tous nos concitoyens, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire national et quels que soient leurs revenus. Elle est le premier pilier de notre pacte républicain. Elle suppose l'existence d'un système d'assurance maladie public et universel.
Il nous faut donc réformer profondément et globalement notre système d'assurance maladie. Nous devons réussir à soigner mieux et dépenser mieux.
2. Les grandes orientations de la réforme s'appuient sur le constat partagé réalisé par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.
Le travail réalisé par l'ensemble des partenaires sociaux et des acteurs du système de santé est, de l'avis de tous, remarquable. Les pistes de réforme qui sont esquissées par le rapport du Haut conseil vont dans le bon sens.
La première nécessité est de revoir l'organisation de notre système de soins, tant au niveau du pilotage général que de son fonctionnement. Pour atteindre cet objectif, il est indispensable que tous les acteurs, l'Etat, les gestionnaires de l'assurance maladie, les professionnels de santé et les patients soient mieux responsabilisés. Leurs compétences doivent donc être mieux définies.
Le Haut conseil concluait aussi à la nécessité de faire des choix en matière d'assurance maladie, sans remettre en cause l'universalité de la couverture. Il nous faut pouvoir garantir que ces choix seront basés sur de véritables critères scientifiques, dans l'intérêt de la qualité des soins et de la santé des patients.
Le Haut conseil nous rappelle enfin que la recherche d'une meilleure efficience et d'une plus grande qualité sont les principaux déterminants du développement durable de notre système d'assurance maladie. Il ne sera assuré que si nous le bâtissons autour de ces notions.
Le Gouvernement a disposé d'une excellente base pour engager la concertation avec l'ensemble des acteurs de l'assurance maladie. Cette concertation est loin d'être terminée mais de nombreuses propositions ont déjà été faites. Nous arrivons aujourd'hui à une nouvelle phase. A partir des propositions de l'ensemble de nos partenaires, il va nous falloir ensemble construire un projet.
3. A la suite des premières rencontres que nous avons eues avec tous les acteurs du monde de la santé, nous vous présentons les principales orientations que le Gouvernement va soumettre à la concertation sur l'organisation du système de soins.
3.1 Revoir la gouvernance de l'assurance maladie est nécessaire pour assurer une organisation efficace des soins. L'objectif du Gouvernement est de mettre en place un nouveau partenariat entre les acteurs du monde de la santé dans le respect des trois principes que j'ai précédemment évoqués.
Pour cela, il nous faut instaurer un pilotage responsable de l'assurance maladie.
La situation actuelle reste marquée par l'enchevêtrement des responsabilités des différents acteurs, Etat, partenaires sociaux, organismes de couverture complémentaire, professionnels de santé. Cette situation aboutit à une dilution des responsabilités.
Nous devons aujourd'hui penser un nouveau mode de gestion qui soit à la fois légitime et responsable.
L'Etat doit être le garant des principes fondamentaux de notre système de soins et d'assurance maladie. Il doit fixer les principales orientations :
* les grands objectifs de santé publique d'abord. C'est l'un des aspects de la loi de santé publique qui sera soumis à l'approbation du Parlement dans les prochaines semaines.
* les conditions de l'équilibre pluriannuel des régimes sociaux ensuite. Les lois de financement de la sécurité sociale doivent être modernisées.
* les conditions d'un égal accès de tous à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.
Pour faciliter la mise en oeuvre des objectifs de santé et éclairer les choix des gestionnaires, une Haute autorité de santé se verrait confier l'évaluation scientifique des produits de santé, des pratiques médicales et des processus diagnostiques et thérapeutiques. Cette Haute autorité devrait être constituée sous la forme d'une autorité administrative indépendante. Elle permettra d'objectiver, en accord avec les professionnels, les conditions de remboursement des soins par l'assurance maladie et les organismes de protection complémentaire.
Les avis de la Haute autorité guideront les gestionnaires de l'assurance maladie. Le Gouvernement souhaite leur donner les compétences et les outils leur permettant d'assumer leur responsabilité. Le cadre de gestion de l'assurance maladie doit être celui d'un paritarisme rénové qui permette à la fois de favoriser une véritable démocratie sociale et de clarifier le rôle et les responsabilités de chacun des acteurs.
Les relations entre l'Etat et l'assurance maladie devront reposer sur une base contractuelle pluriannuelle, permettant la définition d'un " cahier des charges " et les engagements réciproques des deux parties. C'est dans le cadre d'une délégation de gestion renforcée que la responsabilité de l'assurance maladie pourra mieux s'exprimer.
Pour cela, je souhaite que l'assurance maladie puisse être dotée d'instances de direction renouvelées, à la fois légitimes et responsables. Son organisation interne devra permettre une mise en oeuvre rapide, efficace et adaptée aux contextes locaux des grandes orientations fixées par l'Etat. Il paraît nécessaire, dans ce cadre, de se donner les moyens d'assurer une meilleure cohérence de l'action des différents organismes locaux afin de réduire les inégalités fortes de soins persistant sur le territoire.
Pour assurer cette délégation de gestion élargie, les régimes d'assurance maladie devront s'appuyer sur un partenariat tant avec les organismes de couverture complémentaire qu'avec les professionnels de santé. Les enjeux du partenariat sont majeurs : gestion cohérente des domaines remboursables, relation avec les professionnels de santé, partage des données de santé.
Une union nationale des caisses d'assurance maladie pourrait regrouper les instances dirigeantes des 3 principaux régimes (CNAMTS, MSA, CANAM). Elle aurait un rôle central dans le pilotage de l'assurance maladie : conclure, dans le cadre d'un vrai partenariat, les conventions fixant notamment les modalités d'exercice des professions médicales et paramédicales.
Elle aura aussi, en lien avec les professionnels de santé et les organismes complémentaires, un rôle important d'initiative et de proposition s'agissant de la gestion du domaine remboursable par l'assurance maladie. Elle s'appuiera pour cela sur les avis et recommandations formulées par la Haute autorité en santé.
Enfin, le partage d'informations doit être au coeur du partenariat entre caisses d'assurance maladie, organisme de couverture complémentaire et professionnels de santé. L'implication des partenaires dans un institut des données de santé doit y contribuer fortement. Cet institut sera en charge d'assurer le partage de l'ensemble des données disponibles sur les pathologies et les soins.
L'objectif de ce partenariat est de " soigner mieux en dépensant mieux ".
3.2. Ce ne sera possible qu'avec un changement profond de l'organisation du système de soins.
Les pistes de réforme sont assez consensuelles entre les acteurs.
En premier lieu, la prévention doit faire l'objet d'un investissement beaucoup plus important qu'aujourd'hui.
Il faut mieux associer les professionnels de santé aux actions de prévention au travers des contrats de santé publique. Le développement de consultations de prévention apparaît aussi une nécessité. Il serait d'ailleurs souhaitable que chacun bénéficie d'un dossier de prévention qui pourrait être une partie du dossier médical partagé.
Certains partenaires proposent même de conditionner une amélioration du remboursement en fonction de l'effort de prévention des patients. Ce serait un développement de ce qui se fait aujourd'hui pour les 12-18 ans dans le domaine bucco-dentaire.
Deuxième axe de progrès, le dossier médical partagé et la coordination des soins.
La liberté du patient comme du médecin constitue une des forces de notre système de santé. Toutefois, Nous sommes le seul pays au monde dans lequel un patient peut faire plusieurs électrocardiogrammes normaux en une journée sans que personne ne s'en étonne. Comment s'étonner des actes redondants, des interactions médicamenteuses dangereuses ? De plus, les malades sont aujourd'hui laissés seuls face à une offre de soins désorganisée alors que leur souci légitime est d'être pris en charge de la manière la plus adaptée à leur pathologie.
Tous les partenaires le reconnaissent : l'outil le plus efficace de cette coordination est le dossier médical partagé. Son développement est une nécessité absolue. Le dossier médical est la garantie d'un bon respect des protocoles de soins. Il permettra de suivre le cheminement du malade dans le système de soins. Il limitera les actes redondants et inutiles. Il garantira les échanges d'informations entre professionnels.
Ainsi, les médecins pourront mieux établir leur diagnostic. Ils pourront aussi adapter plus facilement les traitements prescrits aux autres traitements de leurs patients. Ils pourront aussi rappeler à leur patient qu'il ne sert à rien de répéter certains examens.
La technologie permet aujourd'hui la création de dossiers médicaux pour chaque français. L'ADSL permet des échanges rapides de données. Les capacités de stockage sont quasiment illimitées. Des expériences existent dans de nombreuses régions. J'ai pu moi-même le constater de visu.
Il faut donc maintenant favoriser le développement rapide du dossier médical partagé. Le Gouvernement et l'assurance maladie doivent s'engager. Nous devons inciter les entreprises compétentes à s'adapter aux besoins des professionnels et des patients. Les médecins sont maintenant prêts à en accepter le principe.
Le développement des réseaux de soins constitue un deuxième moyen de favoriser la coordination. Beaucoup d'initiatives se sont développées dans ce domaine depuis plus de vingt ans. Il faut aller plus loin. Faut-il comme le proposent certains rendre progressivement obligatoire une prise en charge par un réseau des pathologies chroniques et sévères ? Si l'on reste dans la logique actuelle, il faudra trouver le moyen de rendre leur existence plus systématique.
Troisième axe de progrès, la généralisation des démarches de qualité.
Le constat du Haut conseil sur ce sujet est sévère. Il souligne :
- l'absence d'une approche globale et indépendante sur la formation continue des professionnels
- les carences de l'évaluation
- la diversité des acteurs qui contribuent, sans coordination, à l'élaboration et à la diffusion des référentiels de bonnes pratiques.
S'agissant des référentiels, nous devons nous engager dans le sens de véritables protocoles de soins. Près de la moitié des soins en France sont couverts aujourd'hui par des référentiels. Ils ne sont pas toujours respectés. La Haute autorité en santé devra favoriser la mise en place rapide de protocoles, auxquels les professionnels de santé pourront se référer. L'assurance maladie doit mettre en oeuvre les moyens de contrôler leur bonne application.
La formation continue et l'évaluation des pratiques devraient permettre de propager ces protocoles et plus largement les bonnes pratiques auprès des professionnels. Il faudra aussi renforcer l'éducation à la santé afin que les malades en aient aussi connaissance.
Les référentiels doivent aussi permettre de favoriser le juste recours à l'assurance maladie.
La logique que nous cherchons à développer à travers ce processus autour des protocoles : c'est la responsabilisation des acteurs, qu'ils soient professionnels ou patients.
Il nous faudra avoir une approche spécifique pour les indemnités journalières qui croissent à un rythme rapide. Nous aurons l'occasion de faire des propositions aux partenaires sociaux dans les prochains jours.
Il convient aussi de s'interroger sur la politique d'achat tant en ville qu'à l'hôpital. Les dépenses de produits de santé notamment sont croissantes. Est on sûr de payer le juste prix ? Il faudra favoriser une véritable politique d'achat à travers par exemple le développement des médicaments génériques ou encore la mise en place de centrales d'achat à l'hôpital.
4. Une meilleure organisation des soins, une plus grande responsabilisation des acteurs et un meilleur pilotage du système de santé permettront d'atténuer la croissance des dépenses de santé. C'est important pour éviter que les déficits se creusent à nouveau à l'avenir.
Nous avons en fait deux missions à accomplir :
- la première mission est la plus importante. Elle consiste à inventer un système d'organisation qui permettra de garantir la pérennité de notre assurance maladie.
- La deuxième mission est de redresser les comptes de l'assurance maladie.
L'accomplissement de cette deuxième mission nécessitera peut-être, comme par le passé, des mesures financières. Nous avons d'ailleurs entendu des propositions très diverses des partenaires sociaux. Nous sommes trop respectueux du dialogue social pour vous présenter des mesures définitives car il nous faut encore poursuivre notre concertation.
Plusieurs confédérations syndicales ont souligné l'importance que revêt la problématique des charges indues. C'est-à-dire les charges supportées par l'assurance maladie en lieu et place de l'Etat. C'est le cas notamment des exonérations de charges non compensées ou les pertes de recettes subies par la sécurité sociale à la suite de la création du FOREC par la majorité précédente.
Le Gouvernement examinera ce point au cours des prochaines semaines, dans le cadre du bouclage financier du plan de redressement.
D'autres mesures financières seront donc inévitables. Mais ne nous trompons pas : augmenter les prélèvements n'est pas en soi la seule réponse au déficit de l'assurance maladie. Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie l'a souligné. Les recettes ne pourront qu'accompagner la véritable remise à plat de notre système, sur la base des principes, que nous venons de vous présenter.
Nos différents interlocuteurs ont souligné la nécessité de recourir à des mesures solidaires et équitables. Il faut un partage équilibré de l'effort entre l'ensemble des acteurs concernés.
Soyons bien clair, Monsieur le Président, ce que je vais évoquer devant vous maintenant n'est pas le plan du Gouvernement mais les diverses pistes qui nous ont été présentées au cours des séances de concertation :
Plusieurs mesures concernent la responsabilisation du patient. Laisser au patient un reste à charge pourrait permettre, selon certains intervenants, de sortir de l'impression d'une gratuité totale des soins.
Certains de nos interlocuteurs ont évoqué des recettes pesant sur l'ensemble des français comme la CSG, la TVA sociale ou plus spécifiquement sur les revenus financiers.
D'autres ont envisagé des recettes pesant sur les entreprises, comme les cotisations sociale, une contribution sur la valeur ajoutée, ou un supplément d'impôt sur les bénéfices.
L'effort de redressement doit enfin porter d'abord sur la dette. Plusieurs voies sont possibles comme l'augmentation ou l'allongement de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).
En ce qui concerne le financement, le Gouvernement veillera tout particulièrement à ce que, si de nouveaux prélèvements étaient nécessaires, ils ne pénalisent ni la croissance ni l'emploi.
Le Gouvernement veut engager une réforme globale pour soigner mieux en dépensant mieux. La recherche de la qualité et la coordination des soins sont indispensables pour garantir à nos concitoyens les meilleures chances de vivre en bonne santé.
Le Gouvernement veut aussi garantir la pérennité de l'assurance maladie grâce au développement d'une véritable maîtrise médicalisée. Les dépenses devront évoluer un peu moins vite, à un rythme plus compatible avec l'évolution naturelle des recettes.
Nous sommes à l'écoute des propositions de tous. Les partenaires sociaux, les professionnels de santé, les représentants des caisses, des organismes complémentaires et des usagers ont déjà pris leurs responsabilités et font de nombreuses propositions. Nous attendons avec impatience les propositions que le Parlement pourra nous faire pour sauvegarder l'assurance maladie de tous les Français.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 24 mai 2004)