Texte intégral
Le thème de notre table ronde est très large et je voudrais me limiter à quelques considérations forcément partielles sur l'avenir de l'Union lorsqu'elle se sera dotée, comme je l'espère, d'une Constitution. Ce faisant, ce n'est pas tant au fonctionnement stricto sensu de l'Union que je voudrais m'attacher, mais à la signification politique des changements que nous propose cette Constitution.
Vous savez qu'il y a en France, en ce moment, un débat intense et très vif sur l'Europe, qu'il s'agisse de la Constitution européenne ou de la Turquie. Certes ce débat mobilise surtout, pour l'heure, les partis politiques. Et ce sont trop souvent des motivations de politique intérieure qui l'animent, avec cette conséquence regrettable que les vrais enjeux européens sont parfois occultés, voire détournés à des fins partisanes. Mais je pense tout de même que la signification de ce qui se passe aujourd'hui en France va au-delà des habituelles querelles de partis. Et que cette évolution dépasse largement le cas de la France. On voit naître un vrai questionnement sur l'Europe, qui va jusqu'à la mise en cause de ce qui paraissait tenu pour acquis depuis longtemps. Les Français se demandent de plus en plus où va l'Europe, quel est le sens de l'aventure européenne, en d'autres termes, quel est le projet politique de cette construction de plus en plus complexe qu'est l'Union européenne. Comme si les Français peinaient aujourd'hui à se reconnaître dans ce qui a été pourtant, à l'origine, une idée française.
Il y a plusieurs explications à cela, mais j'en vois une, surtout, qui me paraît essentielle. Pendant longtemps, la construction de l'Europe a emprunté la voie modeste et discrète de la coopération économique et commerciale pour imposer progressivement entre ses membres une solidarité de fait. Il fallait créer entre les États et entre les peuples ces liens irréversibles et presque inconscients qui devaient rendre la guerre à jamais impensable. L'idée était belle et généreuse, et nous lui devons aujourd'hui notre plus belle réussite, celle que le monde entier nous envie : la paix entre les nations.
Forte de son succès, l'Europe a peu à peu gagné en profondeur et en ambition. Du partage de la prospérité, on est passé, dans des domaines toujours plus nombreux, à la souveraineté partagée, la création d'une monnaie commune constituant à cet égard un symbole spectaculaire. Mais alors que les compétences de l'Europe n'ont cessé de s'étendre à des domaines toujours plus politiques, la méthode communautaire est restée la même : une approche essentiellement technique des enjeux, aux mains de techniciens, pour créer de l'irréversible. Un processus silencieux, parce que le silence était la condition de son succès. En d'autres termes, un projet politique qui ne disait pas son nom.
Aujourd'hui, nous découvrons le coût de cette démarche, le revers de cette réussite : alors que la paix est devenue un fait acquis dans l'esprit de tous, nos concitoyens se désintéressent de l'Europe parce qu'ils ont le sentiment qu'elle se fait sans eux. Pire, ils ne la perçoivent plus comme projet politique parce qu'on leur a trop dit qu'elle était l'affaire des experts. Les politiques que nous sommes avons notre part de responsabilité, pour avoir trop souvent prétendu que nos choix nous étaient dictés par ces mêmes experts, que la politique n'avait plus voix au chapitre. Nous connaissons le résultat : des élections européennes aujourd'hui délaissées par plus de la moitié des Européens.
C'est dans cette perspective, me semble-t-il, qu'il faut regarder la Constitution européenne. Car je pense qu'au-delà des améliorations mécaniques qu'il apporte à la machine européenne, qu'il s'agisse de l'extension de la majorité qualifiée, des nouvelles règles de vote ou du resserrement de la Commission, le principal mérite du traité constitutionnel est précisément de dépasser la mécanique. Cette Constitution permet d'ouvrir à nos concitoyens un accès à l'Europe, pour qu'elle devienne peu à peu, non plus une machine interdite aux profanes, mais un forum, au sens que donnaient les Romains à cette place au coeur de la cité où l'on venait débattre des affaires publiques. Il s'agit de donner aux Européens les moyens de s'approprier enfin le projet qui a été conçu pour eux. Bien sûr, cette transformation indispensable, vitale pour l'Europe, la Constitution à elle seule ne suffira pas à l'opérer. Mais elle introduit des réformes qui permettront de franchir un pas important dans cette direction.
Certaines de ces réformes s'inscrivent dans une continuité. Je pense en particulier au renforcement des pouvoirs du Parlement européen, qui est une constante de la construction européenne depuis l'élection de ce Parlement au suffrage universel. La Constitution parachève ce mouvement, en faisant du Parlement européen l'égal du Conseil en matière budgétaire, et, dans une moindre mesure, en matière législative. C'est un progrès essentiel, parce que les Européens sauront désormais que le Parlement qu'ils élisent et qui les représente est un véritable pouvoir au sein de l'Union, avec lequel il faut compter. Aujourd'hui, avant même que la Constitution n'ait été adoptée, cette montée en puissance du Parlement européen se fait déjà sentir : le fait que le président de la Commission européenne ait été désigné en conformité avec la nouvelle majorité politique au Parlement en est un signe fort. Le contrôle très étroit, et très politique, qu'exerce ce Parlement sur le choix des futurs Commissaires en est un autre. Il faut poursuivre dans cette voie.
En particulier, je pense que les élections européennes ne réussiront à mobiliser de nouveau le citoyen que si les parlementaires européens sont perçus par leurs électeurs comme de véritables mandataires, élus sur la base d'un programme connu de tous, et qui rendent compte de leur action. Faute de quoi, les élections européennes resteront, aux yeux de l'opinion, le prolongement des débats de politique intérieure, et une simple occasion de faire connaître son sentiment sur la politique du gouvernement en place. Des élections - sondage, en quelque sorte. A mon niveau, c'est pour favoriser cette évolution que je propose systématiquement aux députés européens français de m'accompagner lorsque je me déplace dans leurs circonscriptions en France : les Français doivent savoir qui les représente à Strasbourg, pourquoi et comment.
Mais le projet de Constitution ne se contente pas de parachever ce que les précédents traités avaient mis en place. Il introduit des réformes qui constituent un véritable saut qualitatif, dans le sens d'une Europe beaucoup plus participative.
Je pense d'abord à la nouvelle mission que se voient confier les Parlements nationaux : celle de veiller au respect du principe de subsidiarité, grâce au mécanisme dit "d'alerte précoce". C'est important parce que les Parlements nationaux seront dotés de véritables moyens pour accomplir cette tâche : sous certaines conditions, il leur sera possible d'obliger la Commission à réviser son projet s'ils estiment qu'il porte atteinte aux compétences des États membres.
Au-delà de la mécanique juridique, cette réforme a deux grands mérites. D'une part, elle répond de façon très concrète à la critique ancienne d'une Europe boulimique, dépouillant inexorablement les parlements nationaux de leurs compétences, au prix d'un déficit démocratique croissant. D'autre part, elle raccourcit la distance entre l'Union et les citoyens, en mettant au centre du dispositif leurs représentants les plus immédiats, que sont les députés nationaux.
Je pense également au droit "d'initiative citoyenne" prévu par le projet de Constitution. Ce nouveau droit, ouvert à un million de citoyens de l'Union, permet à chacun d'entre nous de participer directement au processus de décision, en soumettant à la Commission des propositions de loi. C'est une innovation importante parce qu'elle introduit pour la première fois une logique de démocratie directe dans le fonctionnement de l'Union. La société civile ne s'y est pas trompée : avant même la ratification de la Constitution, on voit déjà émerger des projets de pétition sur des sujets importants pour l'opinion, comme la dimension sociale.
Je suis persuadée que l'avenir de l'Union dépendra de sa capacité à établir avec les citoyens un dialogue direct, pour retremper une légitimité qui continue d'apparaître, à tort ou à raison, comme insuffisante. A terme, ce mouvement pourrait aller, pourquoi pas, jusqu'à l'institution d'un référendum européen : on voit bien, dans le cadre du débat actuel sur la ratification de la Constitution, tout le parti que l'on aurait pu tirer d'une telle possibilité.
Nous l'avons vu, le projet de Constitution européenne a pour principal mérite de faire avancer d'un grand pas l'Union européenne vers sa maturité politique. L'institution d'une présidence stable et à plein temps du Conseil européen ainsi que d'un ministre européen des Affaires étrangères vont dans le même sens, en renforçant l'identité politique européenne.
Rejeter ce projet au motif qu'il n'irait pas assez loin dans tel ou tel domaine, comme le proposent certains responsables politiques en France, ce serait s'interdire cette avancée vitale pour l'Union. Pire, ce serait revenir en arrière, car le message adressé à nos concitoyens serait celui d'une Europe bloquée sur ses vieilles méthodes, incapable de se réformer pour répondre aux défis de l'élargissement, incapable surtout de s'ouvrir à la participation des citoyens européens.
Les ministres des Affaires européennes auront, dans les mois qui viennent, cette lourde tâche de faire émerger un débat véritablement européen sur la Constitution. Non pas de dire ce qu'il faut voter, mais de donner simplement à nos concitoyens les moyens de se faire une opinion, en toute liberté et connaissance de cause. Je dis que c'est une lourde tâche parce que, précisément, la culture du débat sur l'Europe n'existe pas encore, du moins en France. Elle existe entre les spécialistes, mais elle demeure étrangère à la population. On dit souvent, pour expliquer cette situation, que l'Europe est trop complexe pour faire l'objet d'un large débat d'opinion. Je crois que c'est une mauvaise raison : nous avons, dans nos pays, des débats publics animés sur des sujets nationaux tout aussi complexes, je pense par exemple à la réforme des retraites ou de la sécurité sociale en France.
Mais pour que l'Europe puisse faire l'objet d'un tel débat, deux conditions sont nécessaires. D'abord, qu'un travail d'information rigoureux et objectif ait été mené, pour lever les malentendus et écarter les fausses vérités. C'est le rôle, au premier chef, des pouvoirs publics ; c'est mon rôle en tant que ministre des Affaires européennes. Ensuite, que le citoyen ait le sentiment que sa participation au débat importera, qu'elle pourra changer le cours des choses. La ratification de la Constitution européenne, par le vote des Parlements comme en Allemagne, ou par le vote des citoyens comme en Pologne ou en France, sera précisément cette occasion, pour tous, de se saisir de l'avenir de l'Europe. Mon souhait le plus cher est que ce vote ne soit pas un aboutissement, mais au contraire le début d'un dialogue permanent entre les Européens et l'Union.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 2004)
Vous savez qu'il y a en France, en ce moment, un débat intense et très vif sur l'Europe, qu'il s'agisse de la Constitution européenne ou de la Turquie. Certes ce débat mobilise surtout, pour l'heure, les partis politiques. Et ce sont trop souvent des motivations de politique intérieure qui l'animent, avec cette conséquence regrettable que les vrais enjeux européens sont parfois occultés, voire détournés à des fins partisanes. Mais je pense tout de même que la signification de ce qui se passe aujourd'hui en France va au-delà des habituelles querelles de partis. Et que cette évolution dépasse largement le cas de la France. On voit naître un vrai questionnement sur l'Europe, qui va jusqu'à la mise en cause de ce qui paraissait tenu pour acquis depuis longtemps. Les Français se demandent de plus en plus où va l'Europe, quel est le sens de l'aventure européenne, en d'autres termes, quel est le projet politique de cette construction de plus en plus complexe qu'est l'Union européenne. Comme si les Français peinaient aujourd'hui à se reconnaître dans ce qui a été pourtant, à l'origine, une idée française.
Il y a plusieurs explications à cela, mais j'en vois une, surtout, qui me paraît essentielle. Pendant longtemps, la construction de l'Europe a emprunté la voie modeste et discrète de la coopération économique et commerciale pour imposer progressivement entre ses membres une solidarité de fait. Il fallait créer entre les États et entre les peuples ces liens irréversibles et presque inconscients qui devaient rendre la guerre à jamais impensable. L'idée était belle et généreuse, et nous lui devons aujourd'hui notre plus belle réussite, celle que le monde entier nous envie : la paix entre les nations.
Forte de son succès, l'Europe a peu à peu gagné en profondeur et en ambition. Du partage de la prospérité, on est passé, dans des domaines toujours plus nombreux, à la souveraineté partagée, la création d'une monnaie commune constituant à cet égard un symbole spectaculaire. Mais alors que les compétences de l'Europe n'ont cessé de s'étendre à des domaines toujours plus politiques, la méthode communautaire est restée la même : une approche essentiellement technique des enjeux, aux mains de techniciens, pour créer de l'irréversible. Un processus silencieux, parce que le silence était la condition de son succès. En d'autres termes, un projet politique qui ne disait pas son nom.
Aujourd'hui, nous découvrons le coût de cette démarche, le revers de cette réussite : alors que la paix est devenue un fait acquis dans l'esprit de tous, nos concitoyens se désintéressent de l'Europe parce qu'ils ont le sentiment qu'elle se fait sans eux. Pire, ils ne la perçoivent plus comme projet politique parce qu'on leur a trop dit qu'elle était l'affaire des experts. Les politiques que nous sommes avons notre part de responsabilité, pour avoir trop souvent prétendu que nos choix nous étaient dictés par ces mêmes experts, que la politique n'avait plus voix au chapitre. Nous connaissons le résultat : des élections européennes aujourd'hui délaissées par plus de la moitié des Européens.
C'est dans cette perspective, me semble-t-il, qu'il faut regarder la Constitution européenne. Car je pense qu'au-delà des améliorations mécaniques qu'il apporte à la machine européenne, qu'il s'agisse de l'extension de la majorité qualifiée, des nouvelles règles de vote ou du resserrement de la Commission, le principal mérite du traité constitutionnel est précisément de dépasser la mécanique. Cette Constitution permet d'ouvrir à nos concitoyens un accès à l'Europe, pour qu'elle devienne peu à peu, non plus une machine interdite aux profanes, mais un forum, au sens que donnaient les Romains à cette place au coeur de la cité où l'on venait débattre des affaires publiques. Il s'agit de donner aux Européens les moyens de s'approprier enfin le projet qui a été conçu pour eux. Bien sûr, cette transformation indispensable, vitale pour l'Europe, la Constitution à elle seule ne suffira pas à l'opérer. Mais elle introduit des réformes qui permettront de franchir un pas important dans cette direction.
Certaines de ces réformes s'inscrivent dans une continuité. Je pense en particulier au renforcement des pouvoirs du Parlement européen, qui est une constante de la construction européenne depuis l'élection de ce Parlement au suffrage universel. La Constitution parachève ce mouvement, en faisant du Parlement européen l'égal du Conseil en matière budgétaire, et, dans une moindre mesure, en matière législative. C'est un progrès essentiel, parce que les Européens sauront désormais que le Parlement qu'ils élisent et qui les représente est un véritable pouvoir au sein de l'Union, avec lequel il faut compter. Aujourd'hui, avant même que la Constitution n'ait été adoptée, cette montée en puissance du Parlement européen se fait déjà sentir : le fait que le président de la Commission européenne ait été désigné en conformité avec la nouvelle majorité politique au Parlement en est un signe fort. Le contrôle très étroit, et très politique, qu'exerce ce Parlement sur le choix des futurs Commissaires en est un autre. Il faut poursuivre dans cette voie.
En particulier, je pense que les élections européennes ne réussiront à mobiliser de nouveau le citoyen que si les parlementaires européens sont perçus par leurs électeurs comme de véritables mandataires, élus sur la base d'un programme connu de tous, et qui rendent compte de leur action. Faute de quoi, les élections européennes resteront, aux yeux de l'opinion, le prolongement des débats de politique intérieure, et une simple occasion de faire connaître son sentiment sur la politique du gouvernement en place. Des élections - sondage, en quelque sorte. A mon niveau, c'est pour favoriser cette évolution que je propose systématiquement aux députés européens français de m'accompagner lorsque je me déplace dans leurs circonscriptions en France : les Français doivent savoir qui les représente à Strasbourg, pourquoi et comment.
Mais le projet de Constitution ne se contente pas de parachever ce que les précédents traités avaient mis en place. Il introduit des réformes qui constituent un véritable saut qualitatif, dans le sens d'une Europe beaucoup plus participative.
Je pense d'abord à la nouvelle mission que se voient confier les Parlements nationaux : celle de veiller au respect du principe de subsidiarité, grâce au mécanisme dit "d'alerte précoce". C'est important parce que les Parlements nationaux seront dotés de véritables moyens pour accomplir cette tâche : sous certaines conditions, il leur sera possible d'obliger la Commission à réviser son projet s'ils estiment qu'il porte atteinte aux compétences des États membres.
Au-delà de la mécanique juridique, cette réforme a deux grands mérites. D'une part, elle répond de façon très concrète à la critique ancienne d'une Europe boulimique, dépouillant inexorablement les parlements nationaux de leurs compétences, au prix d'un déficit démocratique croissant. D'autre part, elle raccourcit la distance entre l'Union et les citoyens, en mettant au centre du dispositif leurs représentants les plus immédiats, que sont les députés nationaux.
Je pense également au droit "d'initiative citoyenne" prévu par le projet de Constitution. Ce nouveau droit, ouvert à un million de citoyens de l'Union, permet à chacun d'entre nous de participer directement au processus de décision, en soumettant à la Commission des propositions de loi. C'est une innovation importante parce qu'elle introduit pour la première fois une logique de démocratie directe dans le fonctionnement de l'Union. La société civile ne s'y est pas trompée : avant même la ratification de la Constitution, on voit déjà émerger des projets de pétition sur des sujets importants pour l'opinion, comme la dimension sociale.
Je suis persuadée que l'avenir de l'Union dépendra de sa capacité à établir avec les citoyens un dialogue direct, pour retremper une légitimité qui continue d'apparaître, à tort ou à raison, comme insuffisante. A terme, ce mouvement pourrait aller, pourquoi pas, jusqu'à l'institution d'un référendum européen : on voit bien, dans le cadre du débat actuel sur la ratification de la Constitution, tout le parti que l'on aurait pu tirer d'une telle possibilité.
Nous l'avons vu, le projet de Constitution européenne a pour principal mérite de faire avancer d'un grand pas l'Union européenne vers sa maturité politique. L'institution d'une présidence stable et à plein temps du Conseil européen ainsi que d'un ministre européen des Affaires étrangères vont dans le même sens, en renforçant l'identité politique européenne.
Rejeter ce projet au motif qu'il n'irait pas assez loin dans tel ou tel domaine, comme le proposent certains responsables politiques en France, ce serait s'interdire cette avancée vitale pour l'Union. Pire, ce serait revenir en arrière, car le message adressé à nos concitoyens serait celui d'une Europe bloquée sur ses vieilles méthodes, incapable de se réformer pour répondre aux défis de l'élargissement, incapable surtout de s'ouvrir à la participation des citoyens européens.
Les ministres des Affaires européennes auront, dans les mois qui viennent, cette lourde tâche de faire émerger un débat véritablement européen sur la Constitution. Non pas de dire ce qu'il faut voter, mais de donner simplement à nos concitoyens les moyens de se faire une opinion, en toute liberté et connaissance de cause. Je dis que c'est une lourde tâche parce que, précisément, la culture du débat sur l'Europe n'existe pas encore, du moins en France. Elle existe entre les spécialistes, mais elle demeure étrangère à la population. On dit souvent, pour expliquer cette situation, que l'Europe est trop complexe pour faire l'objet d'un large débat d'opinion. Je crois que c'est une mauvaise raison : nous avons, dans nos pays, des débats publics animés sur des sujets nationaux tout aussi complexes, je pense par exemple à la réforme des retraites ou de la sécurité sociale en France.
Mais pour que l'Europe puisse faire l'objet d'un tel débat, deux conditions sont nécessaires. D'abord, qu'un travail d'information rigoureux et objectif ait été mené, pour lever les malentendus et écarter les fausses vérités. C'est le rôle, au premier chef, des pouvoirs publics ; c'est mon rôle en tant que ministre des Affaires européennes. Ensuite, que le citoyen ait le sentiment que sa participation au débat importera, qu'elle pourra changer le cours des choses. La ratification de la Constitution européenne, par le vote des Parlements comme en Allemagne, ou par le vote des citoyens comme en Pologne ou en France, sera précisément cette occasion, pour tous, de se saisir de l'avenir de l'Europe. Mon souhait le plus cher est que ce vote ne soit pas un aboutissement, mais au contraire le début d'un dialogue permanent entre les Européens et l'Union.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 2004)