Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je souhaiterais dire en préambule ma gratitude au Président DERMAGNE pour ses mots de bienvenue et le remercier de nous ouvrir les portes du Conseil Economique et Social pour ce colloque dont le thème est au cur de mes préoccupations et de mon engagement. Il me paraît se situer, de surcroît, au centre du débat public -et j'ajouterai du débat public européen- tant il nous renvoie vers une question fondamentale qui se pose à toutes nos Nations : comment concevons-nous notre " vivre ensemble " ?
La présence de Madame Jacqui SMITH, Secrétaire d'Etat pour le droit des femmes et la parité, et de Monsieur Bernhard JANSEN, Directeur général de l'emploi et des affaires sociales à la Commission européenne en apporte la démonstration. Nous sommes très sensibles à leur présence et je suis heureux, au nom du Gouvernement, de leur souhaiter la bienvenue à Paris.
Vous me permettrez de saluer également Bernard STASI dont je souhaiterais dire ici combien son engagement à lutter contre toutes les formes de discrimination et d'intolérance force le respect et l'admiration.
Notre rencontre de cet après-midi et de demain témoigne de la mobilisation qui doit être la nôtre dans la lutte contre les discriminations. Quelles que soient nos cultures et nos institutions respectives, les discriminations gangrènent la cohésion de nos Nations et mettent à mal le fondement même des droits reconnus aux femmes et aux hommes.
De manière paradoxale, alors même que nous sortons d'un siècle de fer et de sang, alors même que nous devrions être instruits par l'Histoire, voici que ressurgissent ici ou là certains des démons qui ravagèrent l'histoire des siècles derniers : le racisme, le fanatisme ou encore le réflexe identitaire...
A l'aube du 21e siècle, il revient plus que jamais au politique d'offrir un nouveau sens à la condition humaine qui ne peut résulter des seuls rapports de forces et des égoïsmes.
C'est à la construction d'une société plus fraternelle et solidaire qu'il faut s'atteler, au sein de laquelle la lutte contre les discriminations soit placée au rang des priorités politiques. Cet objectif est élevé et oblige à une mobilisation tant au niveau européen qu'au travers de nos politiques nationales.
Mesdames, Messieurs,
L'Europe est un projet politique !
Ce projet ne se résume pas au seul établissement d'un marché commun ou à la monnaie unique... Notre ambition est plus large et tend à bâtir une communauté de droit, respectueuse des prérogatives universelles reconnues à l'Homme.
Cette ambition tient autant de l'objectif politique que de notre responsabilité morale.
Par sa culture et ses valeurs, l'Europe a été le symbole d'une tolérance qui l'a conduit à être une référence pour nombre de femmes et d'hommes qui ont cherché ou qui cherchent encore les instruments de leur liberté. Dans chacune de nos actions, nous devons veiller à ne jamais oublier qu'une partie du monde, qui est aujourd'hui traversée par des déchirements, regarde avec de plus en plus d'acuité vers l'Europe dont l'héritage humaniste transcende la géographie et les frontières nationales.
Au terme d'une forte mobilisation, le Traité d'Amsterdam a fait de la lutte contre les discriminations un axe important de la politique communautaire, conforté par la Charte des droits fondamentaux et le projet de Constitution européenne.
Les lignes directrices pour l'emploi approuvées par le Conseil européen d'Helsinki des 10 et 11 décembre 1999 ont souligné la nécessité de promouvoir un marché du travail favorable à l'insertion sociale en formulant un ensemble cohérent de politiques destinées à lutter contre les discriminations.
La France y accorde une importance toute particulière. Est-il ici nécessaire de rappeler que le préambule de notre Constitution du 27 octobre 1946 proclame que " nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.
Les directives du " paquet anti-discrimination " pour reprendre la terminologie européenne, ont été codifiées à l'article L.122-45 du code français du travail. Ce travail de transposition des directives communautaires en matière de lutte contre les discriminations sera mené à bonne fin.
En témoigne, ici, la volonté du Président de la République de créer une autorité indépendante afin de lutter contre toutes les formes de discriminations qu'elles proviennent du racisme, de l'intolérance religieuse, du sexisme, de l'âge, du handicap ou encore de l'homophobie. Une mission a été confiée en ce sens à Bernard STASI...
Cette autorité, préconisée par les directives du 29 juin 2000 et du 23 septembre 2002, devra jouer un rôle complémentaire des actions de politique publique, notamment en matière de prévention. Elle sera dotée des moyens nécessaires pour être en mesure, par ses interventions, de modifier les pratiques et faire évoluer les comportements voire de saisir la justice et le cas échéant de sanctionner.
La France, admettons le, a pris un certain retard en la matière, notamment au regard de ce qui se pratique en Grande-Bretagne. Depuis 1976, en effet, la Commission pour l'égalité raciale mène une action reconnue, notamment pour ce qui est de la prospective et du conseil en matière de législation... L'Autorité britannique est pour nous un modèle qui ne manquera pas, Chère Jacqui SMITH, de nous inspirer. Tel est d'ailleurs l'un des objectifs de ce colloque...
Par ailleurs, nous nous sommes attelés à la mise en uvre du programme d'initiative communautaire EQUAL qui tend à corriger les inégalités en matière d'emploi.
L'égalité des chances pour l'accès à l'emploi représente un enjeu essentiel pour la cohésion sociale de nos Nations. Nul ne doit se voir refuser un travail pour des raisons étrangères à sa compétence !
C'est particulièrement évident s'agissant de l'accès au travail des étrangers et des salariés français d'origine étrangère. Les statistiques démontrent que le taux de chômage des salariés étrangers hors ressortissant de l'Union est le triple de celui des salariés français. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le niveau de formation et la maîtrise de la langue n'expliquent pas ce phénomène qui est dû très souvent à l'existence de discrimination à l'embauche.
Aussi était-il urgent de réagir tant cette situation crée les conditions d'un repli identitaire propre à l'absence de reconnaissance sociale.
Le rôle des services publics, et plus particulièrement des institutions du service public de l'emploi, est dès lors essentiel et doit être réaffirmé. Intermédiaires sur le marché du travail et au cur de la vie professionnelle, celles-ci doivent faire respecter strictement la loi, assurer l'égalité entre tous, mais aussi garder la confiance des entreprises pour accomplir leur mission dans le domaine de l'accès à l'emploi ou à la formation.
En ce sens, l'action de sensibilisation et de formation de l'ensemble du service public de l'emploi à l'égalité des chances et à la lutte contre les discriminations portée par le projet ESPERE (Engagement du Service Public de l'Emploi pour Restaurer l'Egalité) est exemplaire !
L'objectif est de mutualiser les expériences y compris celles des organismes de la sphère économique ou de sociétés d'intérim, afin de concevoir des actions de formation, construire des outils pour sensibiliser les entreprises sur cette question, travailler ensemble sur des territoires d'expérimentation, et ainsi mieux appréhender ce sujet difficile et faire évoluer les représentations. Toutes ces politiques s'expérimentent et se développent depuis quelques années, et les résultats sont encourageants.
L'appui de l'Union européenne et la collaboration avec nos partenaires danois et Portugais devraient enrichir les travaux menés et permettre ainsi l'émergence d'une approche transnationale pour renforcer l'égalité des chances sur le marché du travail.
Ce programme démontre combien doit être totale la synergie entre les orientations européennes, leur déclinaison par les Etats membres, et les politiques nationales menées par ceux-ci, chacun suivant son histoire, sa culture et ses institutions...
C'est bien évidemment le cas de la France qui s'y attache au travers de ses valeurs républicaines.
Leur dimension dépasse de beaucoup le simple système institutionnel auquel on prétend trop souvent les réduire. Elles confèrent à la République française une dimension morale et forgent son projet politique et social.
La lutte contre les discriminations en constitue un élément essentiel. L'article 1er de notre Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen dispose, en effet, que " les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. " Par ailleurs, l'article 1er de la Constitution rappelle que " la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. "
Ces principes constituent nos références premières et confortent le principe d'égalité.
Cependant, au cours de ces dernières années, le principe d'égalité a perdu de son contenu, le transformant du même coup en un égalitarisme mou et nivelant... Que penser en effet de l'égalité face à la panne de l'ascenseur social ? Que penser de l'égalité des Français d'origine étrangère quand l'intégration est stoppée ? Que penser de l'égalité lorsque les portes du monde du travail se ferment à cause de l'âge, du handicap ou de l'orientation sexuelle ?
Parce que l'égalité républicaine refuse qu'une femme ou qu'un homme ne soit pas considéré comme l'égal de son prochain en raison d'une quelconque différence, le Gouvernement français s'est attelé à en rehausser la portée. C'est en martelant le principe d'égalité que nous pourrons, dans les faits, lutter efficacement contre les discriminations !
Cette ambition passe tout d'abord par la réaffirmation de l'égalité hommes/femmes.
L'objectif est ici d'appliquer concrètement les droits reconnus aux femmes dans tous les pans de la vie économique, politique et sociale. Avec passion et détermination, Nicole AMELINE veille à combler le fossé entre une égalité " textuelle ", où des progrès importants ont pu être constatés, et une égalité réelle, qui reste à réaliser.
Une attention est plus particulièrement portée sur les jeunes femmes issues de l'immigration. Elles constituent un enjeu central pour notre modèle d'intégration. Elles sont confrontées à des comportements incompatibles avec le respect des droits fondamentaux. Il faut changer la donne notamment en renforçant les actions d'information en ce qui concerne l'égalité homme/femme, et plus précisément la prévention des mariages forcés ou des mutilations sexuelles.
Il s'agit ensuite de veiller à ce que la différence ne devienne pas un facteur d'intolérance et d'exclusion. Aux difficultés physiques ou morales qui peuvent naître de la différence dont Saint-Exupéry écrit pourtant que " loin de nous gêner, [elle] nous enrichit ", il ne faut pas y ajouter des barrières sociales invisibles et pernicieuses.
La lutte contre les discriminations à l'égard du handicap est à ce titre exemplaire de la mobilisation qui doit être la nôtre.
Sous l'impulsion du Président de la République, la France a engagé une politique active en matière d'insertion des personnes handicapées et de lutte contre les discriminations dont elles sont encore beaucoup trop souvent les victimes. Le Président de la République a en ce sens demandé au Gouvernement de veiller à ce que l'Autorité indépendante, chargée de lutter contre les discriminations, puisse également défendre les droits des personnes handicapées et réduire ou supprimer les discriminations dont elles sont les victimes. Par ailleurs, une réforme de la loi de 1975 sur le handicap est préparée par ma collègue Marie-thérèse Boisseau...
Mais c'est en matière d'intégration que la lutte contre les discriminations prend une résonance toute particulière...
A l'instar de ses partenaires européens, la France a connu de profondes mutations économiques et sociales qui ont relégué les plus fragiles dans l'exclusion, au premier rang desquels les populations issues de l'immigration. Le doute s'est alors emparé du modèle français et a grippé, du même coup, le processus d'intégration.
Devant ce constat, le Gouvernement a décidé de refonder le cadre républicain d'intégration. Je parle de " refondation " parce que je n'inscris pas mon action dans la simple continuité de ces dernières années. Je souhaite, en effet, rompre avec la logique qui tend à faire de la lutte contre les discriminations le seul contenu de la politique d'intégration... Elle trouve sa place dans diverses politiques positives que nous menons dans les quartiers difficiles, au titre de la politique de la Ville, vers les femmes, pour les handicapés, pour la promotion sociale et professionnelle des personnes issues de l'immigration...
Vous le voyez, derrière cette ambition, les réalités sont multiples.
Dans le domaine de l'intégration qui m'est propre, il y a tout d'abord la nécessité de rehausser les exigences de l'accueil et de l'intégration afin de permettre aux étrangers arrivant en France de trouver leur place dans la vie sociale.
C'est ici toute l'idée du contrat d'accueil et d'intégration qui offrira aux 100.000 personnes qui s'installent chaque année de façon régulière dans notre pays, une formation civique et linguistique.
C'est l'institution d'un service public de l'accueil des migrants avec la création de plate-forme dans les régions.
C'est la création d'une grande Agence française chargée de l'Accueil qui sera créé début 2004 et qui mettra en commun l'essentiel des moyens mis en uvre dans ce domaine.
Mais l'intégration est aussi la capacité offerte à chacun de surmonter ce qui est vécu comme une fatalité sociale et culturelle, voire justement comme une discrimination. On touche là au problème de la promotion sociale.
Le constat notamment pour les jeunes français issus de l'immigration est, en effet, connu : le chômage les frappe trois fois plus que la moyenne. Cette situation touche des jeunes, d'origine étrangère, nés en France, la plupart de nationalité française, et qui ont suivi la totalité de leur cursus scolaire dans notre pays.
Dès lors, il n'est en rien étonnant que ces jeunes finissent par se convaincre que l'on ne leur donne pas la chance de se révéler et de libérer leur énergie au service de leur pays. La tentation est alors grande de se replier dans un réflexe communautaire pour palier l'absence de reconnaissance citoyenne.
Aussi, nous avons commencé à dynamiser l'accès à l'emploi en retenant un dispositif articulé autour de mesures aussi essentielles que :
·- Le parrainage qui vise à permettre aux jeunes d'accéder à un emploi stable grâce à un accompagnement personnalisé assuré par des bénévoles, en activité ou retraités.
·- La préparation aux concours administratifs des fonctions publiques dans des établissements situés dans les quartiers difficiles.
·- L'apprentissage du français qui est pour moi une priorité. Aujourd'hui près d'un million de personnes d'origine immigrée sont démunies face à notre langue. Aussi l'apprentissage du français fera explicitement partie des actions de formation professionnelle inscrites dans le code du travail.
Ces exemples en matière d'intégration témoignent de notre conviction que la lutte contre les discriminations ne se réduit pas à la sanction. Elle doit au contraire s'inscrire dans le cadre de politiques positives de soutien et de représentation.
Mesdames, Messieurs,
La lutte contre les discriminations est, je le disais à l'instant, l'affaire de tous : de l'Europe, des collectivités publiques, des partenaires sociaux ou encore des associations... Mais il revient à l'Etat de définir et de conduire les politiques à mener tant il est l'expression de l'intérêt général, et consubstantiel à l'idée même de République.
La France entend faire de la lutte contre les discriminations un exemple de politique sociale conduite avec détermination par l'Etat, et à réaffirmer ainsi son attachement aux principes républicains.
(source http://www.travail.gouv.fr, le 17 novembre 2003)
Je souhaiterais dire en préambule ma gratitude au Président DERMAGNE pour ses mots de bienvenue et le remercier de nous ouvrir les portes du Conseil Economique et Social pour ce colloque dont le thème est au cur de mes préoccupations et de mon engagement. Il me paraît se situer, de surcroît, au centre du débat public -et j'ajouterai du débat public européen- tant il nous renvoie vers une question fondamentale qui se pose à toutes nos Nations : comment concevons-nous notre " vivre ensemble " ?
La présence de Madame Jacqui SMITH, Secrétaire d'Etat pour le droit des femmes et la parité, et de Monsieur Bernhard JANSEN, Directeur général de l'emploi et des affaires sociales à la Commission européenne en apporte la démonstration. Nous sommes très sensibles à leur présence et je suis heureux, au nom du Gouvernement, de leur souhaiter la bienvenue à Paris.
Vous me permettrez de saluer également Bernard STASI dont je souhaiterais dire ici combien son engagement à lutter contre toutes les formes de discrimination et d'intolérance force le respect et l'admiration.
Notre rencontre de cet après-midi et de demain témoigne de la mobilisation qui doit être la nôtre dans la lutte contre les discriminations. Quelles que soient nos cultures et nos institutions respectives, les discriminations gangrènent la cohésion de nos Nations et mettent à mal le fondement même des droits reconnus aux femmes et aux hommes.
De manière paradoxale, alors même que nous sortons d'un siècle de fer et de sang, alors même que nous devrions être instruits par l'Histoire, voici que ressurgissent ici ou là certains des démons qui ravagèrent l'histoire des siècles derniers : le racisme, le fanatisme ou encore le réflexe identitaire...
A l'aube du 21e siècle, il revient plus que jamais au politique d'offrir un nouveau sens à la condition humaine qui ne peut résulter des seuls rapports de forces et des égoïsmes.
C'est à la construction d'une société plus fraternelle et solidaire qu'il faut s'atteler, au sein de laquelle la lutte contre les discriminations soit placée au rang des priorités politiques. Cet objectif est élevé et oblige à une mobilisation tant au niveau européen qu'au travers de nos politiques nationales.
Mesdames, Messieurs,
L'Europe est un projet politique !
Ce projet ne se résume pas au seul établissement d'un marché commun ou à la monnaie unique... Notre ambition est plus large et tend à bâtir une communauté de droit, respectueuse des prérogatives universelles reconnues à l'Homme.
Cette ambition tient autant de l'objectif politique que de notre responsabilité morale.
Par sa culture et ses valeurs, l'Europe a été le symbole d'une tolérance qui l'a conduit à être une référence pour nombre de femmes et d'hommes qui ont cherché ou qui cherchent encore les instruments de leur liberté. Dans chacune de nos actions, nous devons veiller à ne jamais oublier qu'une partie du monde, qui est aujourd'hui traversée par des déchirements, regarde avec de plus en plus d'acuité vers l'Europe dont l'héritage humaniste transcende la géographie et les frontières nationales.
Au terme d'une forte mobilisation, le Traité d'Amsterdam a fait de la lutte contre les discriminations un axe important de la politique communautaire, conforté par la Charte des droits fondamentaux et le projet de Constitution européenne.
Les lignes directrices pour l'emploi approuvées par le Conseil européen d'Helsinki des 10 et 11 décembre 1999 ont souligné la nécessité de promouvoir un marché du travail favorable à l'insertion sociale en formulant un ensemble cohérent de politiques destinées à lutter contre les discriminations.
La France y accorde une importance toute particulière. Est-il ici nécessaire de rappeler que le préambule de notre Constitution du 27 octobre 1946 proclame que " nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.
Les directives du " paquet anti-discrimination " pour reprendre la terminologie européenne, ont été codifiées à l'article L.122-45 du code français du travail. Ce travail de transposition des directives communautaires en matière de lutte contre les discriminations sera mené à bonne fin.
En témoigne, ici, la volonté du Président de la République de créer une autorité indépendante afin de lutter contre toutes les formes de discriminations qu'elles proviennent du racisme, de l'intolérance religieuse, du sexisme, de l'âge, du handicap ou encore de l'homophobie. Une mission a été confiée en ce sens à Bernard STASI...
Cette autorité, préconisée par les directives du 29 juin 2000 et du 23 septembre 2002, devra jouer un rôle complémentaire des actions de politique publique, notamment en matière de prévention. Elle sera dotée des moyens nécessaires pour être en mesure, par ses interventions, de modifier les pratiques et faire évoluer les comportements voire de saisir la justice et le cas échéant de sanctionner.
La France, admettons le, a pris un certain retard en la matière, notamment au regard de ce qui se pratique en Grande-Bretagne. Depuis 1976, en effet, la Commission pour l'égalité raciale mène une action reconnue, notamment pour ce qui est de la prospective et du conseil en matière de législation... L'Autorité britannique est pour nous un modèle qui ne manquera pas, Chère Jacqui SMITH, de nous inspirer. Tel est d'ailleurs l'un des objectifs de ce colloque...
Par ailleurs, nous nous sommes attelés à la mise en uvre du programme d'initiative communautaire EQUAL qui tend à corriger les inégalités en matière d'emploi.
L'égalité des chances pour l'accès à l'emploi représente un enjeu essentiel pour la cohésion sociale de nos Nations. Nul ne doit se voir refuser un travail pour des raisons étrangères à sa compétence !
C'est particulièrement évident s'agissant de l'accès au travail des étrangers et des salariés français d'origine étrangère. Les statistiques démontrent que le taux de chômage des salariés étrangers hors ressortissant de l'Union est le triple de celui des salariés français. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le niveau de formation et la maîtrise de la langue n'expliquent pas ce phénomène qui est dû très souvent à l'existence de discrimination à l'embauche.
Aussi était-il urgent de réagir tant cette situation crée les conditions d'un repli identitaire propre à l'absence de reconnaissance sociale.
Le rôle des services publics, et plus particulièrement des institutions du service public de l'emploi, est dès lors essentiel et doit être réaffirmé. Intermédiaires sur le marché du travail et au cur de la vie professionnelle, celles-ci doivent faire respecter strictement la loi, assurer l'égalité entre tous, mais aussi garder la confiance des entreprises pour accomplir leur mission dans le domaine de l'accès à l'emploi ou à la formation.
En ce sens, l'action de sensibilisation et de formation de l'ensemble du service public de l'emploi à l'égalité des chances et à la lutte contre les discriminations portée par le projet ESPERE (Engagement du Service Public de l'Emploi pour Restaurer l'Egalité) est exemplaire !
L'objectif est de mutualiser les expériences y compris celles des organismes de la sphère économique ou de sociétés d'intérim, afin de concevoir des actions de formation, construire des outils pour sensibiliser les entreprises sur cette question, travailler ensemble sur des territoires d'expérimentation, et ainsi mieux appréhender ce sujet difficile et faire évoluer les représentations. Toutes ces politiques s'expérimentent et se développent depuis quelques années, et les résultats sont encourageants.
L'appui de l'Union européenne et la collaboration avec nos partenaires danois et Portugais devraient enrichir les travaux menés et permettre ainsi l'émergence d'une approche transnationale pour renforcer l'égalité des chances sur le marché du travail.
Ce programme démontre combien doit être totale la synergie entre les orientations européennes, leur déclinaison par les Etats membres, et les politiques nationales menées par ceux-ci, chacun suivant son histoire, sa culture et ses institutions...
C'est bien évidemment le cas de la France qui s'y attache au travers de ses valeurs républicaines.
Leur dimension dépasse de beaucoup le simple système institutionnel auquel on prétend trop souvent les réduire. Elles confèrent à la République française une dimension morale et forgent son projet politique et social.
La lutte contre les discriminations en constitue un élément essentiel. L'article 1er de notre Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen dispose, en effet, que " les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. " Par ailleurs, l'article 1er de la Constitution rappelle que " la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. "
Ces principes constituent nos références premières et confortent le principe d'égalité.
Cependant, au cours de ces dernières années, le principe d'égalité a perdu de son contenu, le transformant du même coup en un égalitarisme mou et nivelant... Que penser en effet de l'égalité face à la panne de l'ascenseur social ? Que penser de l'égalité des Français d'origine étrangère quand l'intégration est stoppée ? Que penser de l'égalité lorsque les portes du monde du travail se ferment à cause de l'âge, du handicap ou de l'orientation sexuelle ?
Parce que l'égalité républicaine refuse qu'une femme ou qu'un homme ne soit pas considéré comme l'égal de son prochain en raison d'une quelconque différence, le Gouvernement français s'est attelé à en rehausser la portée. C'est en martelant le principe d'égalité que nous pourrons, dans les faits, lutter efficacement contre les discriminations !
Cette ambition passe tout d'abord par la réaffirmation de l'égalité hommes/femmes.
L'objectif est ici d'appliquer concrètement les droits reconnus aux femmes dans tous les pans de la vie économique, politique et sociale. Avec passion et détermination, Nicole AMELINE veille à combler le fossé entre une égalité " textuelle ", où des progrès importants ont pu être constatés, et une égalité réelle, qui reste à réaliser.
Une attention est plus particulièrement portée sur les jeunes femmes issues de l'immigration. Elles constituent un enjeu central pour notre modèle d'intégration. Elles sont confrontées à des comportements incompatibles avec le respect des droits fondamentaux. Il faut changer la donne notamment en renforçant les actions d'information en ce qui concerne l'égalité homme/femme, et plus précisément la prévention des mariages forcés ou des mutilations sexuelles.
Il s'agit ensuite de veiller à ce que la différence ne devienne pas un facteur d'intolérance et d'exclusion. Aux difficultés physiques ou morales qui peuvent naître de la différence dont Saint-Exupéry écrit pourtant que " loin de nous gêner, [elle] nous enrichit ", il ne faut pas y ajouter des barrières sociales invisibles et pernicieuses.
La lutte contre les discriminations à l'égard du handicap est à ce titre exemplaire de la mobilisation qui doit être la nôtre.
Sous l'impulsion du Président de la République, la France a engagé une politique active en matière d'insertion des personnes handicapées et de lutte contre les discriminations dont elles sont encore beaucoup trop souvent les victimes. Le Président de la République a en ce sens demandé au Gouvernement de veiller à ce que l'Autorité indépendante, chargée de lutter contre les discriminations, puisse également défendre les droits des personnes handicapées et réduire ou supprimer les discriminations dont elles sont les victimes. Par ailleurs, une réforme de la loi de 1975 sur le handicap est préparée par ma collègue Marie-thérèse Boisseau...
Mais c'est en matière d'intégration que la lutte contre les discriminations prend une résonance toute particulière...
A l'instar de ses partenaires européens, la France a connu de profondes mutations économiques et sociales qui ont relégué les plus fragiles dans l'exclusion, au premier rang desquels les populations issues de l'immigration. Le doute s'est alors emparé du modèle français et a grippé, du même coup, le processus d'intégration.
Devant ce constat, le Gouvernement a décidé de refonder le cadre républicain d'intégration. Je parle de " refondation " parce que je n'inscris pas mon action dans la simple continuité de ces dernières années. Je souhaite, en effet, rompre avec la logique qui tend à faire de la lutte contre les discriminations le seul contenu de la politique d'intégration... Elle trouve sa place dans diverses politiques positives que nous menons dans les quartiers difficiles, au titre de la politique de la Ville, vers les femmes, pour les handicapés, pour la promotion sociale et professionnelle des personnes issues de l'immigration...
Vous le voyez, derrière cette ambition, les réalités sont multiples.
Dans le domaine de l'intégration qui m'est propre, il y a tout d'abord la nécessité de rehausser les exigences de l'accueil et de l'intégration afin de permettre aux étrangers arrivant en France de trouver leur place dans la vie sociale.
C'est ici toute l'idée du contrat d'accueil et d'intégration qui offrira aux 100.000 personnes qui s'installent chaque année de façon régulière dans notre pays, une formation civique et linguistique.
C'est l'institution d'un service public de l'accueil des migrants avec la création de plate-forme dans les régions.
C'est la création d'une grande Agence française chargée de l'Accueil qui sera créé début 2004 et qui mettra en commun l'essentiel des moyens mis en uvre dans ce domaine.
Mais l'intégration est aussi la capacité offerte à chacun de surmonter ce qui est vécu comme une fatalité sociale et culturelle, voire justement comme une discrimination. On touche là au problème de la promotion sociale.
Le constat notamment pour les jeunes français issus de l'immigration est, en effet, connu : le chômage les frappe trois fois plus que la moyenne. Cette situation touche des jeunes, d'origine étrangère, nés en France, la plupart de nationalité française, et qui ont suivi la totalité de leur cursus scolaire dans notre pays.
Dès lors, il n'est en rien étonnant que ces jeunes finissent par se convaincre que l'on ne leur donne pas la chance de se révéler et de libérer leur énergie au service de leur pays. La tentation est alors grande de se replier dans un réflexe communautaire pour palier l'absence de reconnaissance citoyenne.
Aussi, nous avons commencé à dynamiser l'accès à l'emploi en retenant un dispositif articulé autour de mesures aussi essentielles que :
·- Le parrainage qui vise à permettre aux jeunes d'accéder à un emploi stable grâce à un accompagnement personnalisé assuré par des bénévoles, en activité ou retraités.
·- La préparation aux concours administratifs des fonctions publiques dans des établissements situés dans les quartiers difficiles.
·- L'apprentissage du français qui est pour moi une priorité. Aujourd'hui près d'un million de personnes d'origine immigrée sont démunies face à notre langue. Aussi l'apprentissage du français fera explicitement partie des actions de formation professionnelle inscrites dans le code du travail.
Ces exemples en matière d'intégration témoignent de notre conviction que la lutte contre les discriminations ne se réduit pas à la sanction. Elle doit au contraire s'inscrire dans le cadre de politiques positives de soutien et de représentation.
Mesdames, Messieurs,
La lutte contre les discriminations est, je le disais à l'instant, l'affaire de tous : de l'Europe, des collectivités publiques, des partenaires sociaux ou encore des associations... Mais il revient à l'Etat de définir et de conduire les politiques à mener tant il est l'expression de l'intérêt général, et consubstantiel à l'idée même de République.
La France entend faire de la lutte contre les discriminations un exemple de politique sociale conduite avec détermination par l'Etat, et à réaffirmer ainsi son attachement aux principes républicains.
(source http://www.travail.gouv.fr, le 17 novembre 2003)