Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers Elèves,
Je tiens tout d'abord à vous dire que je suis heureux d'ouvrir votre journée de réflexion. L'avenir du monde rural en France et dans une Europe élargie, est un sujet essentiel, un véritable enjeu pour nos sociétés modernes. Je tiens à vous dire que j'aborde ce thème avec confiance. Parce que nous agissons, que des démarches sont engagées, aux niveaux national et communautaire, pour encourager le dynamisme du monde rural.
A cet égard, votre projet est un bel exemple. Son objectif était essentiel : mieux faire connaître les nouveaux Etats membres à l'Europe des Quinze, et particulièrement à ceux qui, dans le monde rural, n'ont pas aisément accès aux médias. Le volet de ce Programme d'Information du Citoyen Européen (PRINCE) que vous avez animé, a contribué à faire connaître l'Europe de l'Est, du Nord-Est et de la Méditerranée.
Je souhaite en souligner deux éléments qui m'ont particulièrement frappé et qui ont, me semble-t-il, largement contribué à sa réussite : le partenariat et l'ouverture.
D'abord le partenariat. C'était l'une des conditions du soutien du programme communautaire PRINCE et vous avez fait de cette contrainte initiale une vraie richesse de votre projet. Il associe la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l'Estonie et la Pologne. En France, le projet repose sur le partenariat entre le monde associatif, le monde professionnel et le monde de la formation.
Je tiens à saluer ici le remarquable travail réalisé en synergie par l'association Sol et civilisation, le groupe monde rural animé par la FNSEA, les établissements d'enseignement agricole, publics et privés, la Direction générale de l'enseignement et de la recherche, les fédérations de l'enseignement privé (CNEAP et Maisons familiales), ainsi que des acteurs de la formation et de l'animation rurale, tels que l'IFOCAP et les Foyers ruraux. Le fait d'avoir permis à ces univers de se rencontrer et de travailler ensemble sur un projet fédérateur est, en soi, un succès. C'est de ces rencontres, des regards et des expériences croisés que naissent la créativité et la possibilité de construire l'avenir. Tout est plus simple lorsque l'on met ses forces en commun.
Je tiens aussi à souligner l'esprit d'ouverture que ce projet a suscité chez ses participants et ses bénéficiaires. Il a incité chacune et chacun à dépasser sa sphère professionnelle, son périmètre géographique, à voir plus grand, plus loin, à aller à la rencontre de l'autre, à se projeter dans l'avenir. Ainsi les organisations professionnelles agricoles sont allées au-delà de la production agricole pour réfléchir plus globalement au développement rural, les étudiants et les enseignants sont sortis du cadre scolaire, tous les partenaires du projet ont repoussé leurs frontières pour aller à la découverte des nouveaux Etats membres.
J'apprécie donc particulièrement d' ouvrir cette journée de réflexion car elle est au croisement de trois thématiques qui me tiennent à coeur :
La première est bien sûr l'avenir du monde rural. L'élargissement de l'Union constitue une chance pour tous les Etats membres, mais suscite naturellement des interrogations, des incertitudes, accentuées par l'accélération des évolutions que connaissent nos sociétés. L'avenir du monde rural est une de ces questions. La concurrence des productions des nouveaux adhérents sur le marché intérieur d'un côté, la perspective d'une modernisation rapide de l'agriculture de l'autre, peuvent faire craindre des ajustements, des mutations que l'on subirait au lieu de les anticiper.
C'est pourquoi je voudrais vous faire partager une conviction forte : la vitalité du monde rural est réelle ; il n'est pas en déshérence, il est en mouvement. Il évolue, il se développe, il attire de nouvelles populations. Qui sait en effet qu'il a gagné 500 000 habitants dans ces dix dernières années ? Mais il est vrai qu'il existe une contradiction entre ces faits, peu connus, et l'image des territoires ruraux, qui tient largement à leur diversité.
Car il n'y a pas un monde rural mais plusieurs. Ce sont désormais, comme l'a montré un récent rapport de la Datar, trois campagnes qui coexistent et appellent des réponses différentes : les campagnes des villes, qui s'urbanisent et gagnent des habitants ; les campagnes fragiles, plus à l'écart des grands axes de communication et qui continuent à connaître un vieillissement et le départ des jeunes ; et entre les deux, les nouvelles campagnes, structurées autour de petites villes dynamiques, qui sont attractives et offrent une qualité de services souvent égale à celles de grandes zones urbaines.
C'est pourquoi il faut encourager les politiques publiques qui cherchent à apporter des réponses adaptées, à des besoins différents. C'est ce que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a entrepris, depuis deux ans. Jamais en effet, depuis longtemps, autant d'outils n'ont été mis à la disposition des acteurs du monde rural, pour encourager leur dynamique de projets, pour libérer les énergies. C'est une réflexion de fond qui est engagée, et qui se concrétise au travers d'actions pragmatiques (qu'il s'agisse de la couverture du territoire en téléphonie mobile ou de l'accès à Internet haut débit, des grands projets d'infrastructures ou des futurs pôles de compétitivité, ou encore du Partenariat National pour le développement de l'industrie agroalimentaire que je suis en train de construire).
Il est en tout cas une constante dans la politique qui est menée : l'agriculture reste au coeur de la vitalité du monde rural. Elle doit donc être protégée quand elle est menacée par les conflits d'usages nés des demandes multiples, tourisme, urbanisme, protection de la nature, qui s'adressent aujourd'hui aux campagnes. Dans le rural isolé, ce sont toutes les activités économiques qui doivent être activement soutenues.
L'Union européenne propose aussi des instruments, pour un développement rural conçu comme le second pilier de la PAC. Mais vous l'avez constaté, ces outils communautaires laissent la place à des politiques nationales, adaptées aux priorités et aux spécificités locales.
La deuxième thématique qui s'exprime fortement dans votre projet concerne l'enseignement et la formation. Et j'y suis attaché. Le ministre de l'enseignement agricole que je suis est, en effet, fier de constater l'implication des établissements d'enseignement agricole dans le projet PRINCE. C'est bien naturel puisque les 1551 établissements d'enseignement agricole, publics et privés, techniques et supérieurs, fonctionnant à temps plein ou pratiquant l'alternance, formant des élèves ou des étudiants, des apprentis ou des adultes en formation continue, sont des lieux reconnus de diffusion du savoir et d'animation rurale. Leur présence sur tout le territoire national en faisaient des relais tout désignés pour ce programme d'information et de communication sur le monde rural dans une Europe élargie.
Une fois de plus, au travers de ce projet, les acteurs de l'enseignement et de la formation agricoles ont montré leur capacité de réaction. Notre dispositif de formation montre qu'il a toujours su répondre aux mutations du monde agricole et de son environnement, comme il s'engage résolument sur le chemin de l'Europe élargie. Il existe dans les établissements d'enseignement agricole une expérience très concrète de la mise en oeuvre de projets d'animation des territoires et également une connaissance fine des forces à l'oeuvre dans l'évolution du monde rural. Ce savoir-faire doit être partagé et enrichi à l'occasion d'échanges internationaux.
La troisième thématique sur laquelle nous travaillons est bien sûr l'ouverture internationale. Aujourd'hui, les marchés et les entreprises, comme leur financement, sont européens. Et les formations doivent évidemment s'inscrire aussi dans cette démarche européenne. L'enseignement agricole a ainsi commencé à adapter ses diplômes au schéma européen LMD (licence - master - doctorat) et à les traduire en crédits européens, afin que nos étudiants sachent de quel " capital " ils disposent pour poursuivre leurs études dans une université européenne.
J'ajoute que les entreprises, comme les établissements d'enseignement, notamment agricole, travailleront d'autant mieux à l'international que le dispositif d'appui qui leur est proposé en matière d'ingénierie de projets, pour bénéficier des programmes européens, sera plus performant.
Cela vaut pour les entreprises, en particulier du secteur agro-alimentaire, pour lesquelles nous mettons en place, dans le cadre du plan d'action que je suis en train d'élaborer en étroite concertation avec les professionnels eux-mêmes, des outils pratiques -des prestations complètes proposées " clés en main ", pour encourager et accompagner leurs démarches à l'exportation. La conquête des marchés extérieurs est un enjeu réel de compétitivité, et donc d'emploi, pour nos entreprises.
De même, pour les établissements d'enseignement agricole, les deux outils d'information réalisés dans le cadre du projet PRINCE, le livret pédagogique et le CD-ROM de présentation des nouveau entrants, sont de bons exemples de ce qui peut être initié pour mutualiser et rendre accessibles les connaissances.
Nous le constatons, l'ouverture internationale concerne l'ensemble du monde rural et de ses acteurs. C'est bien l'objet de cette journée. La généralisation d'Internet, la rapidité des transports, le caractère de plus en plus globalisé des échanges agricoles, la définition à Bruxelles des politiques agricoles et de développement rural, nous invitent à réfléchir à une autre échelle, celle de l'Europe à 25, celle du monde. Ceci tout en sachant s'appuyer sur les expériences locales ou nationales.
C'est pourquoi je salue à nouveau votre initiative, au travers de cette journée de réflexion qui va nous permettre d'approfondir quelques grandes questions
Je n'entends évidemment pas développer des thématiques qui vont faire l'objet de vos débats tout au long de cette journée. Je souhaiterai seulement esquisser avec vous quelques directions qui, je le crois, devront être abordées.
Quelle Europe ?
Le monde rural dans une Europe élargie à 25 membres, avec l'entrée de pays ayant gardé, pour certains, un caractère fortement agricole (en termes de poids de l'agriculture dans le PIB, d'importance de la population active agricole ou d'étendue des zones rurales), pose en réalité plus largement la question de l'Europe. La place que nous voulons affirmer pour un monde rural, actif, dans un rapport équilibré avec les zones urbaines, va dessiner l'Europe que nous souhaitons. Et le défi à relever dépasse donc largement le maintien des terroirs ou le développement raisonné des métropoles ; il intègre la recherche d'un équilibre harmonieux entre zones de forte et de moindre croissance économique mais aussi la définition de la société à laquelle nous aspirons en ce début de XXIème siècle.
Finalement, je crois que le monde rural en tant que tel, peut, et doit aussi, constituer un grand projet européen, fédérateur, porteur de vitalité et de créativité. C'est une ambition européenne qu'il faut avoir, pour un monde rural qui transcende les différences de l'histoire et resserre les liens entre les peuples. Nous devons garder à l'esprit cette mise en perspective politique lorsque nous réfléchissons, et que nous agissons, en faveur du monde rural et du monde agricole, au sein d'une Nation ou dans l'Europe élargie.
Quel monde rural ?
Un autre aspect qui me paraît intéressant est en effet celui de l'enrichissement mutuel, lié au développement du monde rural, des anciens et des nouveaux membres de l'Union européenne. Les mutations qui ont touché le monde rural des anciens Etats membres peuvent évidemment affecter les nouveaux adhérents, sans pour autant en conclure qu'elles produiront les mêmes effets. C'est pourquoi je crois qu'il y a là matière à échanger, débattre et mettre en commun les expériences de développement ou de soutien au monde rural, entre pays membres et nouveaux entrants.
Ces derniers, forts de notre expérience et des politiques déjà mises en place, pourront peut-être inventer leur propre modèle d'évolution, réussir là où nous nous n'avons pas toujours réussi, nous donner de nouvelles idées d'actions. La ruralité peut prendre plusieurs formes, mais partout, elle doit être vivante. Je vous invite bien sûr à en débattre.
En conclusion, je tiens à saluer de nouveau la qualité de votre projet. Et je formule un souhait, dont je sais qu'il peut être exaucé : qu'il soit la première étape d'un processus d'échanges et de coopération, plus vaste et à plus long terme. Un début et non une fin. Grâce à lui, vous avez tissé des relations plus étroites et appris à mieux connaître nos nouveaux partenaires européens. Cette journée pourra donc être l'occasion de se demander comment poursuivre la démarche engagée, comment utiliser au mieux les synergies qui apparaissent, comment agir ensemble pour le rayonnement du monde rural dans l'Europe élargie.
Je suis convaincu que vos échanges seront fructueux. Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 2 novembre 2004)