Texte intégral
CFDT Magazine - Au terme d'une année de rencontres avec les militants de la CFDT, quelles sont les réactions du secrétaire général ?
François Chérèque - J'ai été impressionné par la volonté des militants CFDT et leur besoin de débattre, d'échanger sur des sujets très variés. Nous vivons dans une société complexe qui pose des questions pour lesquelles il n'existe pas de réponses simples. J'ai constaté que les militants CFDT avaient un fort appétit pour comprendre les enjeux et mieux participer aux décisions. C'est réconfortant.
Certains n'ont pas caché qu'ils n'osaient pas intervenir dans les débats ces dernières années en raison d'une opposition interne amplifiée par des tendances comme " Tous ensemble ". Ils avaient peur d'apparaître comme anti-confédéraux. Aujourd'hui, la parole a besoin de se libérer. Début septembre, un militant de Toulouse m'a dit : " Je veux pouvoir m'exprimer sans être catalogué pro ou anti-confédéral. Je suis tout simplement pro-CFDT ". Je suis d'accord avec ce militant, cette nouvelle attitude est positive. C'est un gage de réussite.
À l'origine, cette série de rencontres vient d'une incompréhension sur la réforme des retraites. Était-ce le seul sujet à l'ordre du jour ?
Loin de là. Nous avions souhaité organiser ces rencontres pour lever les incompréhensions, les malentendus. Les débats ont été riches de questions sur la démocratie interne, le contenu de la réforme, le type de syndicalisme CFDT ou encore nos relations avec les autres organisations syndicales. Si les retraites ont été le déclencheur, d'autres sujets ont alimenté le débat: l'Unedic, les intermittents du spectacle, l'assurance-maladie.
Est-ce la première fois que les membres de la CE, du Bureau national animent ainsi le débat avec les militants CFDT ?
Non. Après l'échec de la négociation sur la flexibilité en 1985, Edmond Maire avait présenté un rapport au Conseil national. Après le plan Juppé de 1995, Nicole Notat avait fait de même.
Il y a dans la CFDT une culture bien ancrée de confrontation, non pas pour se flageller, mais pour progresser collectivement. Il est légitime de se poser des questions sur notre réformisme face à l'évolution de la société, de se demander quel est le projet mis en uvre par notre syndicalisme. Celui-ci ne peut se confondre avec un projet politique mais il doit s'inscrire quotidiennement dans une volonté d'émancipation et d'autonomie.
Sur le fonctionnement démocratique, quels sont les enseignements de ces discussions ?
Les militants et les adhérents reconnaissent que nous avons des règles et qu'elles ne sont pas en cause. Le syndicalisme de délégation qui est dans notre culture, le refus de la démocratie directe qui peut faire pencher vers le corporatisme n'est pas remis en cause. Mais il faut redéfinir la participation et la place des adhérents et des militants. De la section syndicale d'entreprise à la Confédération, il s'agit d'évoluer ensemble pour que soient mieux pris en compte les apports des uns et des autres. Nous avons évidemment évoqué la rapidité de la prise de décision sur les retraites. Pour ma part, je retiens que ce sont plus les pratiques qu'il s'agit de faire évoluer que les règles du fonctionnement démocratique.
Certains militants se demandent ce qu'est le réformisme de la CFDT, s'il ne s'agit pas d'une perte de substance ?
Aujourd'hui, tout le monde ou presque se dit réformiste. La question qui nous est posée est : " Quelles sont les réformes et quel est l'objectif de transformation sociale poursuivi ". Nous parlons en qualité de syndicaliste. Il faut distinguer le réformisme de la CFDT avec le réformisme d'un parti politique ou d'une organisation patronale. Notre réformisme a besoin de sens. Prenons l'exemple du conflit des intermittents. Dans la CFDT, un large accord s'était dégagé pour soutenir cette réforme, mais nous aurions dû en expliquer le sens avant.
Vous avez été aussi interpellé sur les relations de la CFDT avec la CGT. Comment avez-vous perçu les militants CFDT sur ce sujet ?
Nous avons besoin de clarté. Les militants CFDT s'affirment comme tels et acceptent de se confronter aux autres organisations syndicales. Pour autant, il n'y a pas de refus ou de rejet d'une action commune, mais nous refusons d'être instrumentalisés. En substance, nous disons "oui" pour travailler avec la CGT, mais dans la confrontation et sur des objectifs clairement définis. Nous n'ignorons pas que nous avons des divergences sur le rapport à la loi et au contractuel, sur le rapport au politique, et sur les modes d'action.
Ici ou là, il arrive que des militants CFDT soient pris à partie, par exemple chez Bosch où l'équipe syndicale a eu le courage, avec l'immense majorité des salariés, de s'engager dans un accord essentiel pour l'emploi. Ces attitudes ne sont pas acceptables. Les militants CFDT n'en veulent plus. On peut agir avec d'autres en restant soi-même.
Rencontrer 15000 militants, cela crée des attentes. Quelles propositions allez-vous faire ?
Beaucoup de militants attendent le rapport au Conseil national d'octobre qui prendra en compte certaines de leurs préoccupations. Mais je le dis tout de suite, ce Conseil national n'est pas la fin du débat mais le début d'une longue réflexion dans l'Organisation sur notre vision de la société. Après ce premier diagnostic, nous allons proposer de mettre l'accent sur le travail, la vie au travail, son contenu, les conditions de travail, les identités professionnelles qui doivent être le cur de toute notre action syndicale.
Nous pourrons confronter nos positions sur les différents types de syndicalisme qui existent dans notre pays. Tout en respectant nos fondamentaux et nos valeurs, nous devons réfléchir à notre place, en tant que syndicalistes, sur le projet que nous voulons. Il ne s'agit pas d'un changement de stratégie, mais d'une mise à jour de nos pratiques qui alimentera nos échanges pour préparer les orientations que nous débattrons lors du congrès de Grenoble en juin 2006.
Nous sommes réformistes, pour un syndicalisme pragmatique, mais pas sans âme ni objectifs ambitieux de transformation.n
(Source http://www.cfdt.fr, le 12 octobre 2004)
François Chérèque - J'ai été impressionné par la volonté des militants CFDT et leur besoin de débattre, d'échanger sur des sujets très variés. Nous vivons dans une société complexe qui pose des questions pour lesquelles il n'existe pas de réponses simples. J'ai constaté que les militants CFDT avaient un fort appétit pour comprendre les enjeux et mieux participer aux décisions. C'est réconfortant.
Certains n'ont pas caché qu'ils n'osaient pas intervenir dans les débats ces dernières années en raison d'une opposition interne amplifiée par des tendances comme " Tous ensemble ". Ils avaient peur d'apparaître comme anti-confédéraux. Aujourd'hui, la parole a besoin de se libérer. Début septembre, un militant de Toulouse m'a dit : " Je veux pouvoir m'exprimer sans être catalogué pro ou anti-confédéral. Je suis tout simplement pro-CFDT ". Je suis d'accord avec ce militant, cette nouvelle attitude est positive. C'est un gage de réussite.
À l'origine, cette série de rencontres vient d'une incompréhension sur la réforme des retraites. Était-ce le seul sujet à l'ordre du jour ?
Loin de là. Nous avions souhaité organiser ces rencontres pour lever les incompréhensions, les malentendus. Les débats ont été riches de questions sur la démocratie interne, le contenu de la réforme, le type de syndicalisme CFDT ou encore nos relations avec les autres organisations syndicales. Si les retraites ont été le déclencheur, d'autres sujets ont alimenté le débat: l'Unedic, les intermittents du spectacle, l'assurance-maladie.
Est-ce la première fois que les membres de la CE, du Bureau national animent ainsi le débat avec les militants CFDT ?
Non. Après l'échec de la négociation sur la flexibilité en 1985, Edmond Maire avait présenté un rapport au Conseil national. Après le plan Juppé de 1995, Nicole Notat avait fait de même.
Il y a dans la CFDT une culture bien ancrée de confrontation, non pas pour se flageller, mais pour progresser collectivement. Il est légitime de se poser des questions sur notre réformisme face à l'évolution de la société, de se demander quel est le projet mis en uvre par notre syndicalisme. Celui-ci ne peut se confondre avec un projet politique mais il doit s'inscrire quotidiennement dans une volonté d'émancipation et d'autonomie.
Sur le fonctionnement démocratique, quels sont les enseignements de ces discussions ?
Les militants et les adhérents reconnaissent que nous avons des règles et qu'elles ne sont pas en cause. Le syndicalisme de délégation qui est dans notre culture, le refus de la démocratie directe qui peut faire pencher vers le corporatisme n'est pas remis en cause. Mais il faut redéfinir la participation et la place des adhérents et des militants. De la section syndicale d'entreprise à la Confédération, il s'agit d'évoluer ensemble pour que soient mieux pris en compte les apports des uns et des autres. Nous avons évidemment évoqué la rapidité de la prise de décision sur les retraites. Pour ma part, je retiens que ce sont plus les pratiques qu'il s'agit de faire évoluer que les règles du fonctionnement démocratique.
Certains militants se demandent ce qu'est le réformisme de la CFDT, s'il ne s'agit pas d'une perte de substance ?
Aujourd'hui, tout le monde ou presque se dit réformiste. La question qui nous est posée est : " Quelles sont les réformes et quel est l'objectif de transformation sociale poursuivi ". Nous parlons en qualité de syndicaliste. Il faut distinguer le réformisme de la CFDT avec le réformisme d'un parti politique ou d'une organisation patronale. Notre réformisme a besoin de sens. Prenons l'exemple du conflit des intermittents. Dans la CFDT, un large accord s'était dégagé pour soutenir cette réforme, mais nous aurions dû en expliquer le sens avant.
Vous avez été aussi interpellé sur les relations de la CFDT avec la CGT. Comment avez-vous perçu les militants CFDT sur ce sujet ?
Nous avons besoin de clarté. Les militants CFDT s'affirment comme tels et acceptent de se confronter aux autres organisations syndicales. Pour autant, il n'y a pas de refus ou de rejet d'une action commune, mais nous refusons d'être instrumentalisés. En substance, nous disons "oui" pour travailler avec la CGT, mais dans la confrontation et sur des objectifs clairement définis. Nous n'ignorons pas que nous avons des divergences sur le rapport à la loi et au contractuel, sur le rapport au politique, et sur les modes d'action.
Ici ou là, il arrive que des militants CFDT soient pris à partie, par exemple chez Bosch où l'équipe syndicale a eu le courage, avec l'immense majorité des salariés, de s'engager dans un accord essentiel pour l'emploi. Ces attitudes ne sont pas acceptables. Les militants CFDT n'en veulent plus. On peut agir avec d'autres en restant soi-même.
Rencontrer 15000 militants, cela crée des attentes. Quelles propositions allez-vous faire ?
Beaucoup de militants attendent le rapport au Conseil national d'octobre qui prendra en compte certaines de leurs préoccupations. Mais je le dis tout de suite, ce Conseil national n'est pas la fin du débat mais le début d'une longue réflexion dans l'Organisation sur notre vision de la société. Après ce premier diagnostic, nous allons proposer de mettre l'accent sur le travail, la vie au travail, son contenu, les conditions de travail, les identités professionnelles qui doivent être le cur de toute notre action syndicale.
Nous pourrons confronter nos positions sur les différents types de syndicalisme qui existent dans notre pays. Tout en respectant nos fondamentaux et nos valeurs, nous devons réfléchir à notre place, en tant que syndicalistes, sur le projet que nous voulons. Il ne s'agit pas d'un changement de stratégie, mais d'une mise à jour de nos pratiques qui alimentera nos échanges pour préparer les orientations que nous débattrons lors du congrès de Grenoble en juin 2006.
Nous sommes réformistes, pour un syndicalisme pragmatique, mais pas sans âme ni objectifs ambitieux de transformation.n
(Source http://www.cfdt.fr, le 12 octobre 2004)