Texte intégral
Q- S. Paoli-. Et maintenant, comment faire ? Le gouvernement Raffarin III n'a pas de marge politique, pas plus que de marge financière. Les changements de postes des principaux ministres suffiront-ils à relancer la machine politique, face à de lourds dossiers en attente, à commencer par les 11 milliards d'euros de déficits de l'assurance maladie ? Invités de "Questions directes", le sang neuf de ce nouveau gouvernement : L Hénart, 35 ans, secrétaire d'Etat à l'Insertion professionnelle des jeunes, auprès du ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale ; et X. Bertrand, 39 ans, secrétaire d'Etat à l'Assurance maladie, auprès du ministre de la Santé et de la Protection sociale.
Première question : de qui suivrez-vous le panache blanc ? De J.-P. Raffarin ou de N. Sarkozy, désormais ministre d'Etat ?
R- X. Bertrand : "C'est bien vous qui vous posez ce genre question. Parce que je suis le panache blanc de J.-P. Raffarin, chef du Gouvernement. J.-P. Raffarin qui a la combativité, qui a l'énergie, qui a aussi le courage et la détermination de mener à bien ce travail de réformes. Et, au quotidien, je vais travailler avec P. Douste-Blazy, qui a en charge la Santé et la Protection sociale."
Q- Et vous, L. Hénart, même chose ? Ma question n'est pas illégitime, bien sûr : tout le monde a bien remarqué que le choc avait été violent pour le Premier ministre et que l'arrivée à un tel niveau de responsabilité de N. Sarkozy n'est pas une petite question politique. Son rôle devrait être important dans ce Gouvernement-là. Donc en effet, quel est l'homme qui va tirer les wagons ?
Q- L. Hénart : "Si je suis rentré au Gouvernement, ce n'est pas pour me ranger dans telle ou telle écurie. Je pense qu'on est au-delà de ce problème-là. Le choc électoral, il est réel, le message, il est profond. Les Français n'ont pas voulu dire qu'ils voulaient plutôt untel qu'untel. Je crois qu'ils ont voulu dire qu'ils souhaitaient que les choses ne soient pas seulement mieux expliquées, mais qu'aussi toutes les questions sociales soient encore plus prises en compte par la politique de la majorité. Donc je suis heureux d'être dans le ministère de J.-L. Borloo. Il y a un Premier ministre qui est J.-P. Raffarin, qui a pour charge d'animer l'équipe. Je suis donc dans l'équipe du Premier ministre, auprès de J.-L. Borloo, et j'essaie de faire en sorte que sur l'insertion professionnelle des jeunes, sur l'emploi des jeunes, les projets sociaux de la majorité soient mieux portés et qu'ils collent plus aux attentes du terrain."
Q- Alors avant de voir les dossiers qui concernent chacun d'entre vous et qui sont, en effet, extrêmement importants, juste quelque chose qui relève plus de votre perception des enjeux. Moins de 100 jours avant les prochaines européennes, une période politique courte, malheureusement pour tout le monde d'ailleurs peu d'argent dans les caisses donc une difficulté supplémentaire, des marges politiques qui sont franchement très réduites : il y a vraiment un défi à vos yeux, X. Bertrand ?
R- X. Bertrand : "Ecoutez, si c'était facile l'action publique, l'action politique, ça se saurait. Et je crois que nous sommes entrés, depuis maintenant quelques années, dans des périodes éminemment difficiles, éminemment compliquées, où les Français nous font valoir un certain nombre de messages. Aujourd'hui, je préfère me concentrer sur les priorités, priorités qui sont celles des Français et qui sont celles de ce Gouvernement. C'est l'emploi, c'est l'avenir de notre système de santé et c'est aussi la cohésion sociale. Et je n'enferme pas ces priorités dans un délai raccourci. Quand j'ai été élu député en juin 2002, j'ai été élu pour cinq ans - pas pour un an et demi, pas pour deux ans, pour cinq ans. Donc il y a des élections intermédiaires, il y a eu des élections régionales, cantonales, il y a aura des européennes, mais ce ne sont pas ces élections intermédiaires qui rythment l'action du Gouvernement."
Q- Tout de même, L. Hénart, moins de 100 jours, décidément, ce n'est pas beaucoup. Est-ce qu'on ne vous demande pas de faire des miracles ?
R- L. Hénart : "J'ai bien envie d'en faire des miracles ! Je ne pense pas, je ne suis pas sûr qu'il faille s'arrêter à ce délai. C'est vrai que d'ici l'été, n'importe quel membre du Gouvernement doit prendre le pouls de son champ de compétences, il doit regarder les problèmes, il doit recenser les idées et puis proposer des projets clairs. C'est un délai qui n'est [lié aux] européennes, c'est le rythme normal. Surtout sur l'emploi comme l'a dit Xavier, c'est la priorité des Français. Le 28 mars, ils ont aussi signifié une impatience là-dessus. Donc on ne peut pas perdre notre temps. Mais je ne travaille pas pour les européennes, je travaille sans délai précis - je crois que c'est la règle du gouvernement -, avec la volonté de contribuer à ce que tous les projets sociaux soient mieux développés, mieux compris et portent plus."
Q- Soyons très concrets. Il y a 60.000 jeunes par an qui quittent le système éducatif sans qualification et qui, mécaniquement, se trouvent renvoyés aux marges de l'emploi. Comment allez-vous faire ?
R- L. Hénart : "Sur ce sujet-là, il y a deux niveaux qui nous interpellent avec J.-L. Borloo. Il y a un niveau général, celui que vous dites, qui est que la France en Europe a, finalement, deux fois plus de jeunes chômeurs que ses voisins. Donc il y a une particularité générale et c'est ce que vous dites sur le système éducatif, ces problèmes d'orientations, ces problèmes d'évaluation, de ce qu'on propose aux jeunes comme formation et des débouchés qu'il y a derrière. Vous savez que là-dessus, on se situe forcément dans une logique de partenariat avec les collectivités locales, ne serait-ce que pour connaître bien les débouchés, d'une agglomération à l'autre, d'un territoire à l'autre. Le volet professionnel de l'Education nationale, ce n'est pas que l'apprentissage d'un métier, c'est aussi la formation des citoyens. Mais le volet accueillir un métier, forcément, il se fait en fonction aussi des territoires. Et il y a un deuxième problème, qui est que dans les quartiers d'habitat social, où il y a quand même un Français sur dix qui vit - j'en ai dans ma circonscription un des plus importants de France, avec le Haut-du-Lièvre à Nancy, donc je vois très bien ce que c'est -, là, c'est presque un jeune sur deux qui est au chômage. Donc là, c'est la machine à intégrer..."
Q- C'est plus de 20 % de chômage chez les jeunes aujourd'hui ? Le Parti socialiste annonce 20,6 %. Ce sont aussi vos chiffres ?
R- L. Hénart : "Oui, c'est ça. Depuis 20 ans, d'ailleurs en France, depuis que le chômage est important, le taux de chômage des jeunes est toujours le double du taux de chômage de la population française. Quand c'était 12 % de taux de chômage, c'était 25 % des jeunes. Aujourd'hui, on a 9 %, un peu plus de 9,5 et effectivement, c'est 20 % de taux de chômage des jeunes."
Q- Votre priorité là, tout de suite, ce que vous auriez envie de faire, en arrivant à votre bureau tout à l'heure, qu'est-ce que ce serait ?
R- L. Hénart : "Ce que je voudrais faire ? Un tour de France pour voir toutes les initiatives locales qui existent, les recenser, les évaluer et faire en sorte que les meilleures circulent et soient généralisées par l'Etat."
Q- X. Bertrand, même chose pour vous. Vous avez tout de même une expérience important des dossiers difficiles, puisque vous avez préparé, notamment, le dossier des retraites pour le premier gouvernement Raffarin, vous avez beaucoup travaillé là-dessus. Maintenant, vous arrivez à la Santé. 11 milliards de déficit de l'assurance maladie et, tout le monde le sait, pas un sou dans les caisses. Comment fait-on ?
R- X. Bertrand : "Tout le monde le sait ? Je n'en suis pas aussi persuadé que vous. Cela fait des années qu'on nous parle du fameux trou de la Sécu. Il a toujours été en milliard, sauf que pendant longtemps on parlait en franc et pas encore en euro..."
Q- Il y a eu des moments où ça allait mieux, quand même, franchement ?
R- X. Bertrand : "Oui, mais c'est conjoncturel et vous savez aujourd'hui que même si la conjoncture s'améliore, même si on retrouve de la croissance, cela ne suffira pas. Donc aujourd'hui, l'objectif est double. Il est bien sûr de garantir l'avenir de notre système de santé, financièrement parlant. Mais il est aussi de continuer à améliorer la qualité des soins dans ce pays. Il y a bien deux objectifs dans la garantie de l'avenir de notre système de santé."
Q- Des soins pour tous ?
R- X. Bertrand : "Des soins pour tous, l'accès aux soins pour tous. Vous savez je suis élu d'une circonscription, l'Aisne, où il y a un milieu rural dans lequel l'accès aux soins n'est pas le même, bien évidemment, que dans les grandes villes et ces questions se posent avec d'autant plus d'acuité. Donc le problème n'est pas financier, n'est pas comptable uniquement. Il est aussi énormément qualitatif."
Q- Bien sûr qu'il n'est pas que financier et comptable, ce serait à la limite déjà pas simple, mais enfin on y trouverait des moyens de réponse. C'est aussi qu'il faut absolument que vous trouviez des réponses financières tout de même à cette situation-là. Comment allez-vous les trouver d'ailleurs ? Quand on dit que ce Gouvernement a un projet qui est social, allez-vous gouverner par ordonnance - la question s'est posée notamment sur la réforme du système de santé ? Ou est-ce que c'est plutôt la concertation que vous allez privilégier ?
R- X. Bertrand : "Ecoutez, une chose est certaine : jouer la carte de la négociation, du dialogue, de la concertation, c'est évident. C'est dans cet esprit que j'avais travaillé sur le dossier des retraites, je travaille aussi sous l'autorité de P. Douste-Blazy, qui à l'expérience de ce type de dossier et qui est aussi un homme de dialogue. Vous me permettrez d'attendre à la fois, ce soir, les propos du président de la République, demain notre premier Conseil des ministres, pour voir. Il y a aussi deux éléments qui sont importants : les travaux du Haut conseil de l'assurance maladie qui, sous la présidence de B. Fragonard, a fait un travail exceptionnel avec l'ensemble des acteurs et qui nous a permis, aujourd'hui, d'avoir une vraie base de départ qui représente bien les enjeux en terme de pilotage, en terme de dépenses, en terme de recettes. On ne part pas de rien. Et puis il y a aussi la concertation que J.-F. Mattei a menée - je tiens aussi à souligner le rôle qui était celui de J.-F. Mattei en la matière. Nous ne partons pas de rien, mais avec une véritable ambition : c'est garantir l'avenir de notre système de santé et jouer la carte du dialogue."
Q- L'un et l'autre, votre définition de ce qui, dans votre esprit, pourrait être la meilleure concertation sociale possible sur des dossiers complexes encore une fois le chômage et notamment, le chômage des jeunes, la réforme du système de santé français ? Quelle forme de concertation pour vous, L. Hénart ?
R- L. Hénart : "Dans ce champ de l'emploi des jeunes, qui n'est pas le même du tout que celui de Xavier, je pense qu'il faut croiser deux choses. On a évidemment besoin des partenaires sociaux. Vous l'avez dit, le problème est de faire en sorte qu'un système Education nationale, conçu avant tout pour une formation générale, fasse de la place à l'apprentissage d'un métier, à des vrais débouchés. Cela ne se fera pas sans les syndicats et les chefs d'entreprises. Mais j'ai envie de croiser ça avec les logiques de territoires. Je pense sincèrement qu'il y a besoin de faire remonter, là, beaucoup de choses du terrain. A Nancy, par exemple, il y a des choses qui se font, qui sont bien, d'autres qui méritent d'être améliorées et pas très loin de Nancy, à Epinal ou à Metz dans ma région, je sais qu'il y a d'autres initiatives que celles que j'ai pu conduire, qui ont aussi un intérêt réel. Donc j'ai envie que cette concertation croise les deux choses : évidemment les partenaires sociaux mais aussi tous les gens qui, dans les agglomérations et les territoires français, trouvent des idées nouvelles et font avancer de manière concertée des formules originales, d'insertion des jeunes, de formation, des passerelles vers l'entreprise."
Q- Et vous, X. Bertrand, dans la sphère de la Santé, où quand même les choses ont beaucoup bougé - le Medef est parti, la concertation sociale a pris des formes différentes ? Est-ce qu'il faut changer tout ça ? Est-ce qu'il faut revenir à une forme différente de concertation ?
R- X. Bertrand : "La concertation a déjà été entreprise, je l'ai dit tout à l'heure, par J.-F. Mattei. Il faut continuer, il faut aller au fond des choses. Aujourd'hui, il y a ce chantier, ce qu'on appelle la "gouvernance", le pilotage de l'assurance maladie, qui était essentiel. Et c'est là aussi où la concertation va nous permettre d'aboutir, assez rapidement. Nous avons aujourd'hui un système dont l'Etat est, en quelque sorte, le garant, mais où on n'a pas forcément de gérant de ce système. Et on sent aujourd'hui une vraie volonté de l'ensemble des acteurs de s'impliquer davantage. C'est une bonne nouvelle."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er avril 2004)
Première question : de qui suivrez-vous le panache blanc ? De J.-P. Raffarin ou de N. Sarkozy, désormais ministre d'Etat ?
R- X. Bertrand : "C'est bien vous qui vous posez ce genre question. Parce que je suis le panache blanc de J.-P. Raffarin, chef du Gouvernement. J.-P. Raffarin qui a la combativité, qui a l'énergie, qui a aussi le courage et la détermination de mener à bien ce travail de réformes. Et, au quotidien, je vais travailler avec P. Douste-Blazy, qui a en charge la Santé et la Protection sociale."
Q- Et vous, L. Hénart, même chose ? Ma question n'est pas illégitime, bien sûr : tout le monde a bien remarqué que le choc avait été violent pour le Premier ministre et que l'arrivée à un tel niveau de responsabilité de N. Sarkozy n'est pas une petite question politique. Son rôle devrait être important dans ce Gouvernement-là. Donc en effet, quel est l'homme qui va tirer les wagons ?
Q- L. Hénart : "Si je suis rentré au Gouvernement, ce n'est pas pour me ranger dans telle ou telle écurie. Je pense qu'on est au-delà de ce problème-là. Le choc électoral, il est réel, le message, il est profond. Les Français n'ont pas voulu dire qu'ils voulaient plutôt untel qu'untel. Je crois qu'ils ont voulu dire qu'ils souhaitaient que les choses ne soient pas seulement mieux expliquées, mais qu'aussi toutes les questions sociales soient encore plus prises en compte par la politique de la majorité. Donc je suis heureux d'être dans le ministère de J.-L. Borloo. Il y a un Premier ministre qui est J.-P. Raffarin, qui a pour charge d'animer l'équipe. Je suis donc dans l'équipe du Premier ministre, auprès de J.-L. Borloo, et j'essaie de faire en sorte que sur l'insertion professionnelle des jeunes, sur l'emploi des jeunes, les projets sociaux de la majorité soient mieux portés et qu'ils collent plus aux attentes du terrain."
Q- Alors avant de voir les dossiers qui concernent chacun d'entre vous et qui sont, en effet, extrêmement importants, juste quelque chose qui relève plus de votre perception des enjeux. Moins de 100 jours avant les prochaines européennes, une période politique courte, malheureusement pour tout le monde d'ailleurs peu d'argent dans les caisses donc une difficulté supplémentaire, des marges politiques qui sont franchement très réduites : il y a vraiment un défi à vos yeux, X. Bertrand ?
R- X. Bertrand : "Ecoutez, si c'était facile l'action publique, l'action politique, ça se saurait. Et je crois que nous sommes entrés, depuis maintenant quelques années, dans des périodes éminemment difficiles, éminemment compliquées, où les Français nous font valoir un certain nombre de messages. Aujourd'hui, je préfère me concentrer sur les priorités, priorités qui sont celles des Français et qui sont celles de ce Gouvernement. C'est l'emploi, c'est l'avenir de notre système de santé et c'est aussi la cohésion sociale. Et je n'enferme pas ces priorités dans un délai raccourci. Quand j'ai été élu député en juin 2002, j'ai été élu pour cinq ans - pas pour un an et demi, pas pour deux ans, pour cinq ans. Donc il y a des élections intermédiaires, il y a eu des élections régionales, cantonales, il y a aura des européennes, mais ce ne sont pas ces élections intermédiaires qui rythment l'action du Gouvernement."
Q- Tout de même, L. Hénart, moins de 100 jours, décidément, ce n'est pas beaucoup. Est-ce qu'on ne vous demande pas de faire des miracles ?
R- L. Hénart : "J'ai bien envie d'en faire des miracles ! Je ne pense pas, je ne suis pas sûr qu'il faille s'arrêter à ce délai. C'est vrai que d'ici l'été, n'importe quel membre du Gouvernement doit prendre le pouls de son champ de compétences, il doit regarder les problèmes, il doit recenser les idées et puis proposer des projets clairs. C'est un délai qui n'est [lié aux] européennes, c'est le rythme normal. Surtout sur l'emploi comme l'a dit Xavier, c'est la priorité des Français. Le 28 mars, ils ont aussi signifié une impatience là-dessus. Donc on ne peut pas perdre notre temps. Mais je ne travaille pas pour les européennes, je travaille sans délai précis - je crois que c'est la règle du gouvernement -, avec la volonté de contribuer à ce que tous les projets sociaux soient mieux développés, mieux compris et portent plus."
Q- Soyons très concrets. Il y a 60.000 jeunes par an qui quittent le système éducatif sans qualification et qui, mécaniquement, se trouvent renvoyés aux marges de l'emploi. Comment allez-vous faire ?
R- L. Hénart : "Sur ce sujet-là, il y a deux niveaux qui nous interpellent avec J.-L. Borloo. Il y a un niveau général, celui que vous dites, qui est que la France en Europe a, finalement, deux fois plus de jeunes chômeurs que ses voisins. Donc il y a une particularité générale et c'est ce que vous dites sur le système éducatif, ces problèmes d'orientations, ces problèmes d'évaluation, de ce qu'on propose aux jeunes comme formation et des débouchés qu'il y a derrière. Vous savez que là-dessus, on se situe forcément dans une logique de partenariat avec les collectivités locales, ne serait-ce que pour connaître bien les débouchés, d'une agglomération à l'autre, d'un territoire à l'autre. Le volet professionnel de l'Education nationale, ce n'est pas que l'apprentissage d'un métier, c'est aussi la formation des citoyens. Mais le volet accueillir un métier, forcément, il se fait en fonction aussi des territoires. Et il y a un deuxième problème, qui est que dans les quartiers d'habitat social, où il y a quand même un Français sur dix qui vit - j'en ai dans ma circonscription un des plus importants de France, avec le Haut-du-Lièvre à Nancy, donc je vois très bien ce que c'est -, là, c'est presque un jeune sur deux qui est au chômage. Donc là, c'est la machine à intégrer..."
Q- C'est plus de 20 % de chômage chez les jeunes aujourd'hui ? Le Parti socialiste annonce 20,6 %. Ce sont aussi vos chiffres ?
R- L. Hénart : "Oui, c'est ça. Depuis 20 ans, d'ailleurs en France, depuis que le chômage est important, le taux de chômage des jeunes est toujours le double du taux de chômage de la population française. Quand c'était 12 % de taux de chômage, c'était 25 % des jeunes. Aujourd'hui, on a 9 %, un peu plus de 9,5 et effectivement, c'est 20 % de taux de chômage des jeunes."
Q- Votre priorité là, tout de suite, ce que vous auriez envie de faire, en arrivant à votre bureau tout à l'heure, qu'est-ce que ce serait ?
R- L. Hénart : "Ce que je voudrais faire ? Un tour de France pour voir toutes les initiatives locales qui existent, les recenser, les évaluer et faire en sorte que les meilleures circulent et soient généralisées par l'Etat."
Q- X. Bertrand, même chose pour vous. Vous avez tout de même une expérience important des dossiers difficiles, puisque vous avez préparé, notamment, le dossier des retraites pour le premier gouvernement Raffarin, vous avez beaucoup travaillé là-dessus. Maintenant, vous arrivez à la Santé. 11 milliards de déficit de l'assurance maladie et, tout le monde le sait, pas un sou dans les caisses. Comment fait-on ?
R- X. Bertrand : "Tout le monde le sait ? Je n'en suis pas aussi persuadé que vous. Cela fait des années qu'on nous parle du fameux trou de la Sécu. Il a toujours été en milliard, sauf que pendant longtemps on parlait en franc et pas encore en euro..."
Q- Il y a eu des moments où ça allait mieux, quand même, franchement ?
R- X. Bertrand : "Oui, mais c'est conjoncturel et vous savez aujourd'hui que même si la conjoncture s'améliore, même si on retrouve de la croissance, cela ne suffira pas. Donc aujourd'hui, l'objectif est double. Il est bien sûr de garantir l'avenir de notre système de santé, financièrement parlant. Mais il est aussi de continuer à améliorer la qualité des soins dans ce pays. Il y a bien deux objectifs dans la garantie de l'avenir de notre système de santé."
Q- Des soins pour tous ?
R- X. Bertrand : "Des soins pour tous, l'accès aux soins pour tous. Vous savez je suis élu d'une circonscription, l'Aisne, où il y a un milieu rural dans lequel l'accès aux soins n'est pas le même, bien évidemment, que dans les grandes villes et ces questions se posent avec d'autant plus d'acuité. Donc le problème n'est pas financier, n'est pas comptable uniquement. Il est aussi énormément qualitatif."
Q- Bien sûr qu'il n'est pas que financier et comptable, ce serait à la limite déjà pas simple, mais enfin on y trouverait des moyens de réponse. C'est aussi qu'il faut absolument que vous trouviez des réponses financières tout de même à cette situation-là. Comment allez-vous les trouver d'ailleurs ? Quand on dit que ce Gouvernement a un projet qui est social, allez-vous gouverner par ordonnance - la question s'est posée notamment sur la réforme du système de santé ? Ou est-ce que c'est plutôt la concertation que vous allez privilégier ?
R- X. Bertrand : "Ecoutez, une chose est certaine : jouer la carte de la négociation, du dialogue, de la concertation, c'est évident. C'est dans cet esprit que j'avais travaillé sur le dossier des retraites, je travaille aussi sous l'autorité de P. Douste-Blazy, qui à l'expérience de ce type de dossier et qui est aussi un homme de dialogue. Vous me permettrez d'attendre à la fois, ce soir, les propos du président de la République, demain notre premier Conseil des ministres, pour voir. Il y a aussi deux éléments qui sont importants : les travaux du Haut conseil de l'assurance maladie qui, sous la présidence de B. Fragonard, a fait un travail exceptionnel avec l'ensemble des acteurs et qui nous a permis, aujourd'hui, d'avoir une vraie base de départ qui représente bien les enjeux en terme de pilotage, en terme de dépenses, en terme de recettes. On ne part pas de rien. Et puis il y a aussi la concertation que J.-F. Mattei a menée - je tiens aussi à souligner le rôle qui était celui de J.-F. Mattei en la matière. Nous ne partons pas de rien, mais avec une véritable ambition : c'est garantir l'avenir de notre système de santé et jouer la carte du dialogue."
Q- L'un et l'autre, votre définition de ce qui, dans votre esprit, pourrait être la meilleure concertation sociale possible sur des dossiers complexes encore une fois le chômage et notamment, le chômage des jeunes, la réforme du système de santé français ? Quelle forme de concertation pour vous, L. Hénart ?
R- L. Hénart : "Dans ce champ de l'emploi des jeunes, qui n'est pas le même du tout que celui de Xavier, je pense qu'il faut croiser deux choses. On a évidemment besoin des partenaires sociaux. Vous l'avez dit, le problème est de faire en sorte qu'un système Education nationale, conçu avant tout pour une formation générale, fasse de la place à l'apprentissage d'un métier, à des vrais débouchés. Cela ne se fera pas sans les syndicats et les chefs d'entreprises. Mais j'ai envie de croiser ça avec les logiques de territoires. Je pense sincèrement qu'il y a besoin de faire remonter, là, beaucoup de choses du terrain. A Nancy, par exemple, il y a des choses qui se font, qui sont bien, d'autres qui méritent d'être améliorées et pas très loin de Nancy, à Epinal ou à Metz dans ma région, je sais qu'il y a d'autres initiatives que celles que j'ai pu conduire, qui ont aussi un intérêt réel. Donc j'ai envie que cette concertation croise les deux choses : évidemment les partenaires sociaux mais aussi tous les gens qui, dans les agglomérations et les territoires français, trouvent des idées nouvelles et font avancer de manière concertée des formules originales, d'insertion des jeunes, de formation, des passerelles vers l'entreprise."
Q- Et vous, X. Bertrand, dans la sphère de la Santé, où quand même les choses ont beaucoup bougé - le Medef est parti, la concertation sociale a pris des formes différentes ? Est-ce qu'il faut changer tout ça ? Est-ce qu'il faut revenir à une forme différente de concertation ?
R- X. Bertrand : "La concertation a déjà été entreprise, je l'ai dit tout à l'heure, par J.-F. Mattei. Il faut continuer, il faut aller au fond des choses. Aujourd'hui, il y a ce chantier, ce qu'on appelle la "gouvernance", le pilotage de l'assurance maladie, qui était essentiel. Et c'est là aussi où la concertation va nous permettre d'aboutir, assez rapidement. Nous avons aujourd'hui un système dont l'Etat est, en quelque sorte, le garant, mais où on n'a pas forcément de gérant de ce système. Et on sent aujourd'hui une vraie volonté de l'ensemble des acteurs de s'impliquer davantage. C'est une bonne nouvelle."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er avril 2004)