Texte intégral
Chers amis,
Je suis tout particulièrement heureux de vous retrouver ici, au Sénat, pour ce colloque, et je voudrais sans plus tarder remercier mon ami Jacques GUERBER pour cette invitation.
C'est pour moi un grand plaisir de rencontrer tous ceux qui, jour après jour, vont mettre en uvre la grande réforme de décentralisation sur laquelle le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin travaille depuis maintenant plus de deux ans.
Votre journée aujourd'hui s'intéresse à l'Europe et à la décentralisation.
Je crois qu'à travers ces sujets, vous touchez du doigt une problématique passionnante : ce que j'appellerais " la France en trois dimensions ". Une France qui, à chaque niveau de responsabilité, cherche à donner le meilleur d'elle-même : au niveau de ses territoires, au niveau de l'Etat, et au niveau européen.
Depuis notre arrivée au Gouvernement, nous avons voulu précisément encourager cette France-là, et nous mobiliser pour qu'à chaque échelon, notre pays retrouve sa crédibilité et son dynamisme. Dans ce combat là, vous avez toute votre place.
1. A l'échelle nationale et européenne : retrouver notre crédibilité
Première priorité : il n'est plus question de laisser filer les déficits et la dette publique.
Notre endettement ne nous permet pas d'avoir une politique économique efficace, nous condamne à des prélèvements obligatoires élevés, nous enlève nos marges de manuvre.
S'endetter, c'est reporter nos problèmes sur nos enfants. Or qui peut imaginer qu'un Gouvernement responsable handicape l'avenir de notre pays, l'avenir de ses enfants ? Pour nous, c'est évidemment hors de question.
- Alors nous avons fixé des objectifs simples, mais indispensables :
- 2004 : on ne dépense pas un euro de plus que ce qui était prévu
- 2005 : on ramène les déficits sous la barre des 3%
- Grâce à cela, on se redonne des marges de manuvre :
d'abord, on donne un signal positif aux Français : on leur redonne confiance en l'avenir et ça, c'est bon à la fois pour la consommation et pour l'investissement.
ensuite, on donne un signal considérable à nos partenaires européens, en leur montrant que nous sommes crédibles, que nous sommes des gens sérieux, et que la parole de la France veut dire quelque chose.
Et ça, c'était absolument capital : c'était le préalable à toute autre action.
Autre préalable : les réformes de structure
Là encore, personne n'aurait compris que nous ne fassions pas les réformes de structure que nos prédécesseurs avaient sans cesse repoussées. Alors nous nous sommes mis au travail, en assumant la réforme des retraites, celle de l'assurance maladie, ou encore l'assouplissement des 35 heures.
Autant vous dire que cela n'a pas toujours été facile, et que nous en avons payé le prix fort (défaites aux régionales, manifestations). Mais nous avons voulu rester du côté de ceux qui réforment, de ceux qui innovent, car c'est cela aussi le message que nous voulons adresser à nos partenaires européens.
2. Se battre pour l'emploi, à l'échelle nationale et à l'échelle de nos territoires
Aujourd'hui, l'ensemble des moteurs de la croissance se sont allumés, avec une consommation plus dynamique, des investissements qui redémarrent, et des exportations qui se portent bien.
C'est ce cercle vertueux que nous avions cherché à enclencher : c'est ce qui nous permet aujourd'hui d'avoir une croissance sensiblement supérieure à la moyenne de la zone euro.
Alors aujourd'hui on est à la croisée des chemins : soit on rejoint le camp douillet des conservateurs, soit on reprend la cordée avec la même détermination. Moi, je vous le dis franchement, je crois que c'est cela que les Français attendent de nous.
J'ai la conviction qu'ils veulent un Gouvernement capable de répondre aux peurs multiples qu'ils ressentent, et notamment face au chômage et aux délocalisations. C'est le sujet n°1, le problème n°1 aujourd'hui.
A partir de là, on peut avoir deux attitudes :
- soit on prend des mines d'experts, et on explique que les délocalisations ici créent des emplois ailleurs, et que tout cela n'est pas bien grave. Et là, on refait aux Français le coup de l'insécurité il y a deux ans (non, il n'y a pas d'insécurité ; seulement un sentiment d'insécurité !).
- soit, on prend les choses à bras le corps. Moi je suis de ceux qui pensent qu'il faut agir et que le volontarisme paye toujours. Les délocalisations, ça existe et ça s'aggrave : il faut nous mobiliser.
Nous savons bien que les choix des chefs d'entreprise sont souvent faits à la marge. Nous devons tout faire, tout mettre en uvre pour les convaincre de rester en France.
- Et pour ça, il faut changer de stratégie : c'est toute la philosophie des pôles de compétitivité. De quoi s'agit-il en réalité ? Il s'agit de faire travailler ensemble des entreprises, des banques, des centres de recherche, des pôles d'enseignement, des collectivités locales, pour créer des partenariats actifs, des synergies.
=> L'idée, c'est de faire en sorte qu'un chef d'entreprise qui aura pris l'habitude de travailler sur place avec des chercheurs qui répondent à ses besoins, avec des banques qui soutiennent son travail, se demande s'il a réellement intérêt à partir Les exemples de réussite existent : le plateau de Saclay pour l'électronique, la construction ferroviaire à Valenciennes
Moi, je suis de ceux qui pensent que pour sauver les emplois, il faut agir au plus près du terrain, en menant des actions ciblées, en mouillant sa chemise : on l'a vu avec Alstom, où on a sauvé 100 000 emplois ; on est en train de le voir à nouveau pour Perrier : bref, ça vaut le coup de se donner du mal.
- C'est pour cela qu'on a conçu un budget 2005 qui nous donne vraiment les moyens d'agir :
- la lutte contre les délocalisations (1 milliard d'euros)
- l'emploi (1 milliard d'euros pour le plan de cohésion sociale)
- la recherche (1 milliard d'euros), parce qu'il s'agit là d'un enjeu d'avenir absolument capital.
Pourquoi ces priorités ? Parce que nous voulons utiliser l'argent public pour aider nos entreprises à innover, à créer de la richesse et de l'emploi.
C'est cela un pays moderne, un pays qui prépare son avenir et celui de ses enfants.
3. La décentralisation : pour plus d'efficacité au plus près du terrain
La décentralisation s'inscrit également totalement dans notre action au service du développement économique.
Là encore, il s'agissait d'être crédibles : les exemples du passé avaient fait tout de même beaucoup de mal à cette belle idée. Je rappelle simplement au passage celui de l'APA (allocation personnalisée d'autonomie), que nos prédécesseurs avaient transféré aux départements sans le financement correspondant !
Nous, notre décentralisation, il aura fallu batailler pour la faire. Mais croyez-moi, elle a quand même de sacrées vertus :
- elle est irréprochable sur le financement (avec un financement à l'euro près des transferts de compétence)
- elle est irréprochable sur l'autonomie financière, avec la possibilité donnée aux régions de moduler le taux de la TIPP à partir de 2006, sous réserve de l'accord de nos partenaires européens.
Permettez-moi à ce propos de vous raconter une anecdote, parce que je la trouve particulièrement révélatrice des rapports que nous entretenons avec l'Europe :
J'avais un problème : pour garantir l'autonomie financière, il fallait trouver un impôt d'Etat transférable aux régions, et dont elles puissent moduler les taux.
Je peux vous dire qu'il n'en existe pas 36 ! On en a trouvé un, la TIPP. Encore fallait-il obtenir l'autorisation de Bruxelles. Ce n'était pas simple, et je vous dois vous dire ici que la direction des affaires juridiques de la Commission européenne se montrait très réservée.
Alors je me suis rendu personnellement à Bruxelles il y a 15 jours rencontrer le commissaire européen en charge de ce dossier, Monsieur Frits Bolkenstein.
Et j'ai essayé de lui parler " l'européen ". Car je suis convaincu d'une chose : si c'est si compliqué entre la France et Bruxelles, c'est parce que nous ne parlons pas le même langage.
Si j'étais arrivé avec ma belle arrogance française en lui disant : " j'ai besoin de financer ma décentralisation, alors voici mon projet de modulation de la TIPP, merci de me le valider ", je peux vous dire que je ne serai pas allé bien loin.
Moi je crois que pour intéresser les commissaires européens, il faut leur dire deux choses :
- on conduit une vraie politique de modernisation
- on respecte le marché.
Alors là, on peut discuter : on leur parle un langage européen.
Croyez-moi, ce qui a intéressé les Européens dans notre projet de décentralisation, ce sont trois choses :
1. on va améliorer l'efficacité du service public : ce sera moins coûteux, de meilleure qualité, et mieux géré (exemple des TOS)
2. ce sera bon pour la croissance économique (ça favorise l'investissement local)
3. cela va inciter les régions à améliorer la qualité de leur gestion.
=> Voilà comment on a gagné cette bataille à Bruxelles, et pourquoi la Commission a rendu à l'unanimité un avis favorable à une régionalisation de la TIPP.
Alors je vais peut-être choquer nos élites françaises, bien persuadées de leur supériorité intellectuelle. Mais moi je peux vous dire que ce n'est pas en roulant des mécaniques, et en affichant haut et fort notre arrogance qu'on fera avancer nos projets.
C'est en faisant valoir nos arguments, mais en parlant le même langage qu'eux.
Voilà comment nous avons mené cette décentralisation : une haie après l'autre, nous sommes parvenus à franchir toutes les étapes.
Nous avons tenu toutes nos promesses :
- des lois votées dans les temps
- une décentralisation financée à l'euro près
- la garantie de l'autonomie financière
- de vrais transferts de compétences, avec une large place donnée à l'expérimentation.
Je suis déterminé à poursuivre aujourd'hui ce travail, en continuant à tenir mes engagements :
- des décrets votés dans les temps
- une réactivité ministérielle et préfectorale parfaite, face à tous les problèmes que pourraient rencontrer les élus
- enfin dernière étape : une réforme très péréquatrice des dotations, à la fois pour le milieu rural et pour le milieu urbain. C'est à cette réforme que je m'emploie à l'heure actuelle.
=> Pour tout cela, vous pourrez compter sur moi.
En retour, sachez que j'ai besoin de vous, pour faire de cette grande réforme une véritable réussite, au service du dynamisme de nos territoires.
Vous allez être au cur de toutes les initiatives, de toutes les expérimentations qui vont être menées. C'est vous qui, par votre travail au quotidien, allez être les moteurs de cette décentralisation.
Je compte sur votre mobilisation : notre vu le plus cher est de pouvoir nous appuyer sur une France modernisée, et sur tous ceux qui, comme vous, constituent une force d'action et de bonne volonté.
(Source : http://www.interieur.gouv.fr, le 21 octobre 2004)